ESCHATOLOGIE / COURS 2023-2024
INTRODUCTION
Vers une théologie de l’espérance chrétienne
Avec la résurrection du Christ, « le principe espérance »[1] prend une dimension eschatologique et devient une réalité incontournable pour la vie chrétienne. Ce principe nous fait « penser » l’avenir (la promesse de la résurrection) en établissant le lien entre la ferme espérance de la vie future et la possibilité de répondre aux exigences de la vie baptismale aujourd’hui. Nous considérons ici que « penser signifie franchir »[2]. Si tel est le cas, « penser » notre avenir en Christ est déjà une réalité que nous vivons, une réalité que nous franchissons à petit pas puisque nous sommes encore pris dans le temps. Temps qui n’est que temps déjà devenu kaïros, temps du salut. La Pâque du Christ est déjà pour nous, cette réalisation inédite de notre avenir, mais nous la vivons de manière voilée. L’Apôtre Paul dit : « Nous avons été sauvés, mais en espérance » (Rm 8, 24). Cette espérance eschatologique est marquée par le souffle de l’Esprit Saint qui nous fait participer déjà à la résurrection du Christ. Ceci étant dit, nous comprenons combien, dans la vie chrétienne, la foi soutient l’espérance.
Le Christ dans son mystère pascal est l’avenir de l’homme et de l’humanité entière. Jésus, sorti vivant du tombeau est entré dans la gloire de son Père pour assurer éternellement notre avenir. Comme le souligne la première préface de l’Ascension, « il ne s’évade pas de notre condition humaine : mais en entrant le premier dans le Royaume, il donne aux membres de son corps l’espérance de le rejoindre un jour ». Le terme « espérance » a une profondeur pascale et eschatologique. Joseph Ratzinger souligne que dans la résurrection, un saut ontologique a été réalisé[3]. Par rapport à ce saut ontologique, il précise : « Ce saut ontologique concerne l’être en tant que tel et ainsi a été inaugurée une dimension qui nous intéresse tous et qui a créé pour nous tous un nouveau milieu de vie, de l’être avec Dieu »[4]. Le Christ ne se sépare pas de nous. Notre humanité est déjà présente au cœur de la Trinité. Ce nouveau milieu de vie dont parle Joseph Ratzinger est le Royaume. Tel est l’avenir de l’homme.
Dans la profession de foi pascale[5], le peuple de Dieu se trouve dans un « entre-deux », le monde présent et le monde à venir qui est l’accomplissement du don de l’amour de Dieu pour toute l’humanité qui se donne déjà à vivre dans ce monde présent (les bienfaits du mystère pascal du Christ dans la vie de l’Église, des baptisés et dans l’histoire). C’est un déjà là et un pas encore. Ce déjà là et ce pas encore, s’interpénètrent et en même temps se distancient. La foi pascale se situe dans ce mouvement. Il s’agit de rendre compte de la résurrection du Christ dans notre vie d’aujourd’hui tout en nous tendant vers l’avenir, vers le retour du Christ, vers l’accomplissement définitif du Royaume. C’est cela que le cours d’eschatologie nous aidera à appréhender avec rationalité.
L’eschatologie nous fait tourner vers l’amour infini de Dieu manifesté en Jésus Christ et que l’Esprit vivifie en nous. L’eschatologie nous fait tourner aussi vers la présence de l’Esprit. C’est par son activité dans notre vie, que nous sommes capables de nous tourner vers l’horizon de Dieu et de goûter sa promesse déjà réalisée dans notre aujourd’hui. Donc, notre foi pascale est une foi eschatologique. Joseph Ratzinger parle de l’eschatologie du présent[6]. Le Christ vient à nous tous les jours (dans les ministères de l’Église, dans sa Parole, dans les sacrements, dans notre vie personnelle etc.). La présence et l’action de l’Esprit Saint rendent présente la Pâque du Christ dans la Pâque des chrétiens. La Pâque du chrétien est une vie dans l’Esprit, selon l’Esprit. Voilà autant d’hypothèses que nous chercherons à vérifier à travers ce parcours destiné à l’eschatologie. Nous le ferons en quatre chapitres. Le premier chapitre sera une mise en lumière de la question eschatologique en mobilisant les ressources théologiques et bibliques nécessaires. Le deuxième chapitre prendra en compte, toujours en lien avec le chapitre précédent, les éléments de l’eschatologie. Dans le troisième chapitre qui sera comme un envol théologique de la question, l’eschatologie sera abordée comme un lieu originaire du « penser théologique ».
CHAPITRE I
Eschatologie, état de la question.
Notre vie chrétienne se place forcément dans un horizon eschatologique. Comme le souligne Michel Deneken, « la spécificité de l’eschatologie chrétienne consiste dans le fait qu’elle parle de "Christ et son avenir" ; l’eschatologie s’intéresse donc à l’avenir en tant qu’il est l’avenir du Christ et en lui. Dans l’événement de la résurrection du premier-né d’entre les morts, l’humanité peut apercevoir son propre avenir »[7]. Dans cette dynamique, dans ce premier chapitre, nous aborderons la question eschatologique comme étant une question qui nous préoccupe aujourd’hui.
Pour le faire, nous essayerons de nous mettre d’accord sur ce qu’est l’eschatologie en terme de notion théologique pour nous situer ; de l’analyser dans son « prisme » biblique et l’approfondir à partir des différentes écoles qui l’ont travaillée en tant que réalité théologique.
1. Qu’est-ce que l’eschatologie ?
La vie chrétienne est caractéristique du temps eschatologique de « l’entre-deux » : « un déjà là » et « un pas encore ». Et comme le précise Louis-Marie Chauvet, la notion d’eschatologie est assurément de celles qui expriment aux mieux la spécificité chrétienne[8]. Une relecture de notre vie de foi en Christ dans sa « peregrinatio » ne peut se faire qu’à la lumière de la mort et la résurrection du Christ. Parler de l’eschatologie (eschaton= littéralement : « doctrine de la chose dernière ») revient à prendre en considération le mystère pascal en travail. Car la vie chrétienne dans son « entre-deux » consiste à vivre quotidiennement les arrhes de la Pâque éternelle. C’est dans l’existence de chaque jour que la vie éternelle est déjà commencée sous la puissance de l’Esprit Saint[9]. L’eschatologie nous concerne aujourd’hui, ce n’est pas uniquement une réalité du futur. Elle est notre « avenir » tout en étant notre « aujourd’hui » mais sous mode d’espérance : « nous vivons dans l’espérance que s’accomplisse en nous le mystère de Pâques » comme le dit la 6e préface des dimanches du temps ordinaire. Avec la résurrection de Jésus, nous sommes déjà dans le « temps eschatologique », en Lui, avec Lui et par Lui, les promesses divines sont déjà réalisées. Mais ce « temps eschatologique » se vit dans un déploiement salvifique. L’eschatologie chrétienne, nous dit Michel Deneken, en tant qu’elle trouve son point de départ dans la résurrection de Jésus, son moteur dans l’espérance de la résurrection pour le chrétien et son achèvement dans la parousie, représente un changement de perspective, une sorte de révolution copernicienne dans la perception du temps[10]. Nous l’exprimons avec foi dans l’anamnèse de la Messe : « Nous proclamons ta mort, Seigneur Jésus, nous célébrons ta résurrection, nous attendons ta venue dans la gloire ».
Nous pouvons dire que l’eschatologie est l’accomplissement du mystère pascal du Christ en tension entre l’« aujourd’hui » et l’« avenir » de l’homme et de la création. Comme nous l’avons souligné dans la note introductive du cours, l’avenir de l’homme, c’est le Christ mort et ressuscité. Cet « avenir » ne se pense pas sans l’« aujourd’hui » de l’homme et de la création qui attendent le retour glorieux et salvifique du Christ dans son déploiement définitif. Le chrétien assume le présent comme un « futur » déjà présent dans sa vie de manière insaisissable mais combien réel s’il est accepté comme une action du Christ mort et ressuscité dans sa gratuité et son étrangeté. Car nous ne pouvons préciser ni le moment ni les modalités. Bref, nous n’avons pas la mainmise sur l’accomplissement du mystère pascal du Christ en nous. L’« aujourd’hui » et l’« avenir » de l’homme et de la création ne sont ni identiques ni opposés. C’est l’existence pascale et sacramentelle du Christ dans notre vie chrétienne qui détermine notre « avenir » en Lui. Cela nous permet d’éviter de discréditer l’eschatologie, de la penser comme une réalité utopique de notre vie chrétienne. Tandis que le Christ s’en va, le Royaume vient nous dit Hans Urs Von Balthasar[11]. C’est la catégorie d’absence/présence qu’il faut privilégier ici dans le sens pascal et sacramentel du thème « eschatologie ». Tandis que le Christ s’en va, sa Pâque travaille, s’établit en nous : « L’Esprit de vérité, lui que le monde ne peut recevoir, car il ne le voit pas et ne le connaît pas ; vous, vous le connaissez, car il demeure auprès de vous, et il sera en vous. Je ne vous laisserai pas orphelins, je reviens vers vous. D’ici peu de temps, le monde ne me verra plus, mais vous, vous me verrez vivant, et vous vivrez aussi » (Jn 14, 17-19). La vie chrétienne est une marche vers le Christ, notre véritable et unique Eschaton, c’est-à-dire notre fin sous la mouvance de l’Esprit. La mort et la résurrection du Christ ne constituent pas une barrière pour nous, mais une ouverture vers la manifestation de Dieu toujours plus grand dans notre vie quotidienne.
La résurrection de Jésus est déjà une réalité eschatologique pour les chrétiens. Cela étant dit, l’eschatologie concerne la venue finale de Dieu dans la création et son jugement : parousie et jugement. « Il reviendra dans la gloire, pour juger les vivants et les morts, et son règne n’aura pas de fin », voilà ce que la foi chrétienne confesse depuis toujours. En ce sens, l’eschatologie n’est autre que l’accomplissement du mystère pascal, car « la résurrection de Jésus s’effectue en disant son sens : en renvoyant au futur »[12]. Tout le sens de la vie chrétienne et du monde se trouve enfermé dans la résurrection et le retour du Christ, « dans un départ qui annonce l’imminence d’un retour, un retour qui fait l’urgence d’un départ »[13]. Le centre de l’eschatologie chrétienne est le Christ qui a déjà inauguré l’eschaton, c’est-à-dire la réalité nouvelle et définitive de l’histoire par sa résurrection glorieuse. La résurrection du Christ est donc l’avenir de l’homme et du monde.
Pour Karl Rahner l’eschatologie est la doctrine de l’homme en tant qu’être ouvert à l’avenir absolu, à Dieu lui-même[14]. La vie de l’homme c’est Dieu lui-même manifesté en Jésus Christ. De ce point de vue, nous pouvons y déceler deux type d’eschatologie : une eschatologie qui vise l’homme dans sa singularité et une eschatologie qui embrasse l’homme dans son aspect collectif. En ce sens, Karl Rahner précise :
Parce que l’eschatologie chrétienne énonce l’avenir de l’homme dans son unité et sa totalité, tel qu’il est, existe nécessairement une eschatologie qui propose des énoncés sur l’homme en tant que personne libre, en tant qu’être concret, à dimension spatio-temporellement corporelle, en tant qu’individu unique, irréductible, et il existe une eschatologie qui engage des énoncés sur ce même homme en tant que membre d’une communauté, moment d’une histoire collective, une eschatologie collective qui s’exprime sur l’avenir de l’humanité, du monde en général, dans la mesure où ce monde, pour le christianisme, est conçu d’emblée comme milieu d’un esprit transcendantal ; un esprit dont le milieu coïncide justement avec la réalité comme telle[15].
Ce qui va se produire à la fin des temps, au retour du Christ nous tend vers la dimension personnelle et collective de l’être humain pris dans sa réalité anthropologique et spirituelle[16]. Notre avenir nous pousse vers quelque chose de « définitif », vers l’éternité. Cela peut donner sens à notre vie et à tout ce que nous faisons puisque nous sommes déjà habités par le don de Dieu. Nous avons la ferme conviction que le « définitif » vers lequel nous cheminons et qui est l’objet de notre espérance, pour parler comme Bernard Sesboüé, est déjà présent, donné parmi nous[17]. Nous comprenons jusqu’ici que le chrétien ne vit ni dans une certaine séquestration du futur illusoire ni dans un présent plat, dépourvu d’éternité. Ce que nous vivons et faisons ici-bas dans la foi a valeur définitive et peut entrer dans ce grand mouvement de salut, dans cette réalité eschatologique.
2. L’eschatologie dans la Bible
2.1 Dans l’Ancien Testament
L’eschatologie vétéro-testamentaire est caractérisée tout d’abord par l’annonce du malheur et du jugement qui vont frapper le peuple d’Israël à cause des injustices sociales, des troubles et de la fausse piété liée à l’idolâtrie ou à l’infidélité : « Le Seigneur me dit : Même si Moïse et Samuel se tenaient devant moi, je n’aurais pas d’égard pour ce peuple. Renvoie-les loin de moi : qu’ils s’en aillent ! Et quand ils te diront : « Où irons-nous ? », tu leur répondras : Ainsi parle le Seigneur : Qui est pour la mort, qu’il aille à la mort ! Qui est pour l’épée, qu’il aille à l’épée ! Qui est pour la famine, à la famine ! Qui est pour la captivité, à la captivité ! » (Jr 15, 1-2). C’est le fameux jour de colère qui est exprimé ici à travers ce texte eschatologique vétéro-testamentaire[18]. Il y a une absence de la présence divine dans le Shéol, lieu où séjournent les morts: « Personne, dans la mort, n’invoque ton nom ; au séjour des morts, qui te rend grâce ? » (Ps 6, 6)[19]. Toutefois, l’idée de salut domine l’attente du peuple : « Comme ils sont beaux sur les montagnes, les pas du messager, celui qui annonce la paix, qui porte la bonne nouvelle, qui annonce le salut, et vient dire à Sion : "Il règne, ton Dieu !" » (Is 52, 7)[20]. De ce fait, l’annonce du jugement s’accompagne toujours d’un appel à la conversion. Et, la catastrophe annoncée peut avoir une fonction purificatrice.
Le peuple attend toujours une humanité nouvelle qui ne paralyse pas l’aujourd’hui de sa vie. Comme l’a fait remarquer Herbert Vorgrimler, la considération de l’action de Yhavé dans l’avenir est plutôt toujours critique à l’égard des injustices présentes et représente une incitation à l’adresse de l’homme en vue d’une action juste et libératrice, ici et maintenant[21]. Dans cette dynamique, « l’eschatologie de l’Ancien Testament est un élément constitutif et essentiel de la révélation de Dieu qui indique comme but définitif des visées de Dieu sur l’humanité l’établissement de "contre-sociétés" vraiment humaines »[22].
L’eschatologie de l’Ancien Testament se fonde sur la réalisation de la promesse salvifique de Dieu pour Israël, le peuple choisi. La question du « Jour de Yahvé » est centrale dans cette eschatologie. Par exemple, Amos et Osée annoncent déjà que le « Jour de Jahvé », c’est-à-dire l’époque où la victoire de Dieu sur les ennemis deviendra définitive sera tout d’abord un jour de jugement où Israël, aussi bien que les païens, devra répondre de ses crimes. Cependant, les prophètes n’ont jamais cessé de prêcher l’arrivée du bonheur final du peuple. L’eschatologie vétéro-testamentaire tend toujours vers une promesse de salut. Le Seigneur règnera sur son peuple pour toujours (Dn 7, 27) et les justes vivront éternellement (Sag 5, 15-16). Tout cela ne fait que mariner une eschatologie qui se fonde sur une « espérance messianique » puisque le « Messie » sur qui repose le salut d’Israël devient petit à petit une figure eschatologique, dans un sens temporel. Il y a le maintien de la fascination du futur. Dieu apportera et établira sa justice : jugement pour les impies, et libération pour ceux qui ont été injustement opprimés[23].
2.2 Dans le Nouveau Testament
L’eschatologie du Nouveau Testament est caractérisée par la Pâque de Jésus. Selon Jean-Hervé Nicolas, on peut retenir cette vue comme l’explication de ce qu’a d’essentiel l’eschatologie chrétienne dans ses sources néo-testamentaires[24]. Cullmann, interprétant les paroles de Jésus sur la parousie de manière imminente rapportées par les Évangiles soit de son vivant, soit aussitôt après sa mort, laisse croire que Jésus se serait trompé et donc n’aurait pas prévu le « temps de l’Église » ou du moins sa durée. La théologie catholique de l’eschatologie ne peut accepter cette hypothèse parce qu’elle mettrait en question la fondation de l’Église par le Christ et ferait d’elle une organisation bricolée pour remplir le vide laissé par l’élévation du Christ à la gloire de son Père.
Certains textes du Nouveau Testament présentent à coup sûr le Royaume de Dieu comme imminent, mais Jésus, par rapport à la curiosité des Apôtres sur l’heure et le jour, reste sobre. Jésus promet sa présence aux Apôtres sans en préciser la fin (cf. Mt 28, 20). Il confie son Église à l’Apôtre Pierre en lui donnant une véritable autorité de présider à sa communion sans limitation de temps (cf. Mt 16, 18-20 ; Jn 21, 15-19).
Il semble que les Apôtres et les premiers chrétiens aient pensé que le retour du Christ serait imminent à leurs yeux, mais cela n’est affirmé nulle part : on voit plutôt qu’ils ont envisagé un avenir indéterminé (cf. Jn 21, 23 ; 2 Co 5, 1-10 ; Ph 1, 19-26). La vraie conciliation, souligne Jean-Hervé Nicolas, est dans la tension, qui caractérise la vie de l’Église, entre le « déjà » et le « pas encore » : le Royaume de Dieu, dit-il, est déjà là, au milieu de nous (il était déjà là quand le Christ était sur la terre, et cette présence est continuée par l’Église, qui est son corps) ; mais simultanément il est à venir : le retour du Christ est annoncé pour un jour indéterminé, qui sera le jour du jugement, et aussi de la résurrection[25]. Les chrétiens, membres du corps du Christ de part leur baptême, se reconnaissent donc dans ce mot de Saint Jean : « Ce que nous serons n’a pas encore été manifesté » (1 Jn 3, 2). C’est aussi un mot pour l’Église comme sacrement du Royaume. Jésus n’a pas hésité à annoncer aux Apôtres qu’ils rencontreront des persécutions dans l’accomplissement de leurs activités missionnaires et leur a promis en même temps sa présence qui n’est autre que celle de l’Esprit Saint.
L’Apôtre Paul souligne avec acuité le paradoxe de l’existence eschatologique de la vie chrétienne : « Si donc, par le baptême qui nous unit à sa mort, nous avons été mis au tombeau avec lui, c’est pour que nous menions une vie nouvelle, nous aussi, comme le Christ qui, par la toute-puissance du Père, est ressuscité d’entre les morts. Car, si nous avons été unis à lui par une mort qui ressemble à la sienne, nous le serons aussi par une résurrection qui ressemblera à la sienne » (Rm 6, 4-6). La lettre au Romains est très eschatologique : Il y a la vie éternelle et la perdition éternelle (Rm 2, 5-13), les baptisés sont déjà ressuscités avec le Christ (Rm 6, 3-8), si l’Esprit habite en nous, nous recevrons la vie éternelle (Rm 8,11). Paul également dans l’épître aux Éphésiens parle du jour de la rédemption (Eph 4, 30), les fidèles qui sont mort avec le Christ, ressusciteront avec lui (Ep 2, 5-6 ; Col 3, 3). Il maintient que lorsque le Christ reviendra tout le monde apparaîtra avec lui dans la gloire (Col 3, 3). L’Apôtre Pierre quant à lui, insiste sur le retour du Christ qui viendra juger le vivants et les morts (1 P 4, 5 ; 2 P 3, 4.7-10). En revanche, l’eschatologie johannique est marquée davantage par une sorte de spiritualisation (Jn 3, 18 ; 1 Jn 3, 14 ; 3, 2). C’est le livre de l’apocalypse qui parle davantage de l’eschatologie, l’avènement du monde nouveau (Ap 21, 1-8). En bref, nous participons déjà mystérieusement à la vie que le Christ a reçu à la résurrection, à la gloire dont son Père l’a glorifié : « Moi, je t’ai glorifié sur la terre en accomplissant l’œuvre que tu m’avais donnée à faire. Et maintenant, glorifie-moi auprès de toi, Père, de la gloire que j’avais auprès de toi avant que le monde existe. Père, ceux que tu m’as donnés, je veux que là où je suis, ils soient eux aussi avec moi, et qu’ils contemplent ma gloire, celle que tu m’as donnée parce que tu m’as aimé avant la fondation du monde » (Jn 17, 5.24).
Résumons :
Le Jour du Seigneur annoncé par toute la Bible est bien essentiellement le Jour de la résurrection de Jésus, qui inaugure les temps messianiques, mais toute la gloire et le triomphe de ce jour, en ce qui concerne l’Église, demeurent occultés sous la réalité temporelle de la souffrance, des hésitations, des péchés et de tous les errements de ses membres, dans la foi. Ainsi, le Jour du Seigneur se décompose en deux séries d’événements séparés dans le temps, mais si intimement liés que les seconds sont déjà précontenus dans les premiers, et ne feront que rendre manifeste ce qui était caché en eux : les événements de la première venue du Christ (naissance, vie, passion, mort, résurrection), les derniers événements, ceux de la seconde venue du Christ en gloire[26].
De toute façon, la fin des temps est marquée par la Parousie où s’achèvera la rédemption par la résurrection des morts, le Jugement et la manifestation définitive du Royaume. Ce Royaume qui est déjà parmi nous.
1.3. Quelques écoles de l’eschatologie
Le Nouveau Testament contient des passages qui traitent de la fin de notre temps. Comment les comprendre et les interpréter ? La réponse à cette question a suscité plusieurs écoles de l’eschatologie que nous esquissons dans ce parcours.
1.3.1. L’eschatologie conséquente
Cette école est représentée par Albert Schweitzer et ses disciples. Cette école, considère que le cœur du message de Jésus consistait dans une annonce de la fin prochaine du monde et de l’avènement du Royaume des cieux. Il s’agit d’une remise en cause de la parousie. Pour les tenants de cette école, il y a un décentrement du message évangélique par les Apôtres qui ont inventé le mystère pascal en guise de compensation de la non réalisation imminente de l’annonce de la fin du monde et de l’avènement du Royaume dans le temps telle que décrite dans quelques logia de Jésus.
En fait, Jésus a pensé et parlé en mode apocalyptique qui ferait voir un caractère imminent du Royaume qu’il a prêché. Toutefois, selon l’école schweitzérienne, « Jésus s’est trompé dans son attente, et son Royaume devra être actuellement interprété en termes d’éthique et de spiritualité, plutôt que de surnaturel ; en tant que déjà réalisé, plutôt que comme événement à venir »[27]. On est, avec la vision de cette école, dans une eschatologie qu’on pourrait qualifier d’« eschatologie de temporelle ».
1.3.2. L’eschatologie réalisée
C’est la proposition de Charles H. Dodd, bibliste anglais célèbre qui a mené ses premiers travaux sur les paraboles. Il y traite de l’eschatologie, car selon sa thèse, Jésus a raconté les paraboles pour illustrer ce que Marc appelle « le mystère du Royaume de Dieu » (4, 11)[28]. Ensuite, dans ses études sur le développement de la prédication apostolique, l’eschatologie y est un des thèmes centraux[29].
Pour Dodd, « le Royaume s’est actualisé et peut être connu comme une expérience vécue dans la vie de Jésus et dans sa résurrection »[30] et que « la vie éternelle est une réalité actuelle pour la communauté de la foi qu’est l’Église »[31]. Ainsi donc, le présent et le futur sont des récurrences eschatologiques. La théorie de Dodd, s’appuyant sur des données bibliques du Nouveau Testament, soutient que la venue du Christ comme eschatologie est actualisée, réalisée (realised eschatology). Elle soutient également que « le Royaume n’oriente pas vers un temps, une ère future, lorsque le monde sera recréé, mais nous oriente vers la communion interne avec Dieu »[32]. Pour Dodd, avec l’enseignement et la prédication de Jésus, on est dans une ère nouvelle, le Royaume est déjà là. Dodd avance cinq arguments pour appuyer sa thèse :
« Premièrement, le Nouveau Testament parle de la venue de Jésus comme d’un accomplissement ; elle correspond exactement à ce que les prophéties avaient annoncé, et elle se produit à la plénitude des temps (Gal 4, 4 ; Mc 1, 14).
Deuxièmement, avec Jésus, le surnaturel fait son entrée dans l’histoire. L’âge du miracle commence ; ceux opérés par Jésus montre qu’on entre dans une ère nouvelle.
Troisièmement, Jésus renverse les puissances du mal : le prince de ce monde est jeté dehors, Satan tombe comme un éclair, les démons sont chassés, les principaux et les dominations sont vaincues ; ce qui résiste et s’oppose au règne de Dieu disparaît donc.
Quatrièmement, la venue de Jésus représente le jugement du monde. Ce jugement a eu lieu tout de suite, quand on rencontre Jésus maintenant (Jn 12, 30).
Cinquièmement, avec la résurrection, la vie éternelle entre dans le monde »[33].
A cette argumentation de Dodd, nous dit André Gounelle, on peut opposer deux objections. D’abord, que faire des textes qui nous parlent du Royaume au futur, comment les comprendre? Ensuite, il paraît tout de même évident que notre monde n’est pas le Royaume. À quoi Dodd répond en soulignant qu’il ne dit pas que le monde est devenu le Royaume, mais que le Royaume, avec Jésus, entre dans le monde, qu’il s’y trouve désormais présent. Nous vivons donc dans une tension. Cette tension se situe non pas, comme le pense Schweitzer, entre un passé et un futur, mais entre deux réalités qui coexistent et s’opposent dans le présent: celle de ce monde-ci et celle du monde nouveau Le Royaume ne se localise pas dans un ailleurs, dans un au-delà ou dans un futur. Il se manifeste et agit dans le temps et l’espace où nous vivons. La prédication chrétienne nous invite à rompre avec le monde-ci pour entrer dans le monde nouveau, ce qui se fait par la foi et par l’obéissance. Quant aux textes qui parlent du royaume au futur, il faut comprendre que ce futur porte non pas sur le Royaume lui-même, mais sur le moment où nous y entrerons; il ne se rapporte pas à la réalité du royaume qui est présente et actuelle, mais à notre mouvement vers ce royaume, à la conversion qui nous en rend citoyens[34].
L’approche eschatologique de Dodd est assez proche de celle de Schweitzer. Pour lui, l’eschatologie du Nouveau Testament ne signifie pas que la foi ait à attendre un événement historique, temporel qui se passerait dans le futur[35]. Elle doit être mystique et éthique. En ce sens, Dodd prône une existence eschatologique sacramentelle. C’est pourquoi il applique la catégorie d’eschatologie actualisée non seulement à la venue du Christ, mais aussi à l’Eucharistie comme le moment et le lieu où le Royaume nous rencontre.
1.3.3. L’eschatologie du « déjà là et du pas encore »[36]
Nous en arrivons à la troisième théorie (interprétation) de l’eschatologie. Cette théorie est élaborée et défendue par Oscar Cullmann dans son ouvrage intitulé Christ et le temps publié en 1947[37] et 1966 pour la version française. Cullmann se rattache profondément à l’histoire du salut. Pour lui, le salut est lié à une succession continue d’événement temporels, qui embrasse le passé, le présent et l’avenir[38].
1) Cullmann pense que les deux interprétations que nous venons de voir, celle de l’eschatologie conséquente et celle de l’eschatologie réalisée, contiennent chacune une part de vérité, mais qu’elles restent, l’une et l’autre, unilatérales. Elles ne voient et ne retiennent qu’un aspect de l'enseignement néotestamentaire. Le Nouveau Testament dit à la fois que le Royaume est déjà là, ce que Dodd souligne justement, et qu’il n’est pas encore là, ce que Schweitzer a bien compris. Il ne faut pas choisir entre ces deux affirmations, garder l’une et éliminer l’autre. Il faut les associer, les tenir ensemble. Le Royaume se caractérise par une tension entre un passé, un accomplissement avec la venue de Jésus, et un futur, une attente, avec le retour du Christ, sa parousia à la fin des temps. D’un côté, Jésus a réalisé les prophéties, il a tout accompli. De l'autre, nous attendons toujours la pleine réalisation des promesses de Dieu, l’avènement du Royaume n’a pas eu lieu[39].
Selon Cullmann, Schweitzer et Dodd n’ont pas réussi à maintenir ensemble les deux aspects ou les deux dimensions du Royaume parce qu’il n’ont pas fait assez attention à la conception biblique du temps, à la représentation de l’histoire que l’on trouve dans l’Ancien et le Nouveau Testament. Là se trouve la clef du message évangélique, ce qui permet d’en comprendre la logique profonde ou la structure[40].
2) Dans l’Ancien comme dans le Nouveau Testament, on pense le temps comme une ligne droite: elle a un commencement, une fin, et entre les deux s’opère un parcours, une progression qui a un sens, une orientation. On n’a pas de retour ni de répétition (comme dans les conceptions cycliques du temps). Sur ce point les deux Testament concordent et cette historicité linéaire fait l’unité de la pensée biblique.
Dans l’Ancien Testament, la ligne du temps se divise en deux périodes: l’ère présente, actuelle, qui commence avec la création, et l’ère future qu’inaugurera l’événement eschatologique, le "jour du seigneur"[41].
Dans l’Ancien Testament, la ligne du temps se divise en deux périodes: l’ère présente, actuelle, qui commence avec la création, et l’ère future qu’inaugurera l’événement eschatologique, le "jour du seigneur".
Le centre de l'histoire, le tournant décisif se situe donc en avant; le croyant de l’Ancien Testament vit dans l'attente, sa foi se caractérise par son orientation vers le futur, vers le Dieu qui vient, vers ce que Dieu fera un jour. On a, donc, dans le judaïsme, une eschatologie entièrement conséquente, à venir.
Pour le Nouveau Testament, la venue de Jésus introduit un nouveau découpage du temps. L'histoire ne comporte plus deux, mais trois périodes.
Le temps de l'attente va de la création jusqu'à la venue du Christ. L’évangile n’annule pas, ne rejette donc pas l’Ancien Testament, en qui il voit un temps de préparation. Ce temps se termine avec la venue de Jésus. Commence, ensuite, une période nouvelle, intermédiaire, celle que nous vivons actuellement; elle va de la Résurrection à la Parousie. L’événement eschatologique, que les juifs croyaient unique, se scinde en deux. Il se compose de deux moments distincts séparés par un intervalle dont nous ignorons l'exacte durée.
1.3.4. L’eschatologie verticale
Il y a une quatrième et dernière théorie de l’eschatologie, appelée « eschatologie verticale ». Les promoteurs de cette théorie sont Karl Barth et Rudolf Bultmann. Cette interprétation de l’eschatologie est dite « eschatologie verticale » parce que pour Barth et Bultmann, il ne faut pas chercher dans l’eschatologie ou l’eschaton, un événement qui appartient à la ligne horizontale du temps »[42]. Cela se produit de préférence, chaque fois que la verticalité de Dieu entre en relation avec l’horizontalité de la vie humaine[43].
Notons-le: « il s’agit donc d’une nouvelle dimension qui surgit ou jaillit dans notre existence par la foi. L’eschatologie ne désigne donc ni un futur, comme pour Schweitzer, ni un passé, comme pour Dodd, ni un mélange de passé et de futur comme pour Cullmann. Ce mot indique une qualité différente de la vie qui se manifeste à certains moments, ceux où nous rencontrons Dieu »[44]. Ainsi :
1) Barth, quant à lui, fonde sa thèse sur un « triple » retour du Christ : le premier lors de sa résurrection, donc retour déjà achevé, fondement de toute autre manifestation de Jésus Christ. Le second, lors de l’effusion de l’Esprit à la Pentecôte, qui fonde la réalité de l’Église présente. Le troisième lors de la parousie par laquelle le Christ révélera et confirmera à la face de la création tout entière ce qui a déjà été accompli à travers sa mort et sa résurrection, en vue du salut du monde[45].
Selon la théorie barthienne, le premier avènement de Jésus Christ s’appelle l’eschatologie réalisée ou inaugurée ; le second est qualifié d’eschatologie consommée. Il faut donc noter, pour la cette nouvelle et dernière interprétation de l’eschatologie, « tous les grands événements de la fin de l’histoire ont déjà eu lieu dans la résurrection et l’ascension du Christ, mais ils devront encore se réaliser au cours de l’histoire de la communauté de la foi »[46].
2) Bultmann semble être proche de C. H. Dodd. Il défend également l’idée d’une eschatologie réalisée. Pour lui, l’eschaton, le final du Nouveau Testament est donc réalisé dans la décision de la foi. Comme l’a fait remarquer Aaron Kayayan dans son article déjà cité dans cette présente note, en cherchant à démythologiser le cadre apocalyptique de la pensée de Jésus, il (Bultmann) parvient à une position où le Royaume signifie le pouvoir de la grâce et le pardon, et dont l’expérience vécue par l’homme s’apercevrait dans la décision de la foi et de l’engagement[47]. Pour Bultmann, le Royaume est au dedans de soi, il est la présence de l’éternité dans le temps. Il prône le caractère individuel de l’eschatologie et soutient qu’elle n’est ni communautaire, ni cosmique.
Tirons quelques conclusions de ces quatre interprétations de l’eschatologie :
1) Aucune d’entre elles n’épuisent l’eschatologie. En revanche, elles sont toutes importantes et peuvent être une ressource pour mener une existence eschatologique sous le prisme de la liturgie, en particulier la célébration de l’Eucharistie comme le véritable lieu d’interprétation de l’eschatologie.
2) L’eschatologie chrétienne, depuis la période contemporaine suscite de grands débats théologiques qui sont de grande importance.
3) L’eschatologie, puisqu’elle est la « présence/absence » et l’« avènement » d’une Personne, le Christ, est une réalité déjà à l’œuvre dans le monde et dans l’histoire humaine, car c’est maintenant le Christ est notre vie, notre avenir.
4) La foi chrétienne repose sur du solide, le Christ ressuscité par qui le monde nouveau est advenu et du coup, Dieu vient vers l’homme : une véritable destinée eschatologique de l’homme. Si Dieu vient l’homme, l’homme également va vers son destin, son but.
CHAPITRE II
Les éléments de l’eschatologie
2.1. Les derniers événements (« les eschata »)
2.1.1. La parousie
Selon Xavier Léon-Dufour[48], la Parousie vient d’un mot grec parousia (du participe de par-eimi : être-là), signifiant ordinairement « présence » ou « venue ». Utilisé dans le monde gréco-romain pour désigner les visites officielles des empereurs, il se rattache en outre à la tradition apocalyptique de l’AT sur la venue du Seigneur. Désigne essentiellement l’avènement du Seigneur, de son Jour. Attendu avec amour, elle amène à modifier la conduite chrétienne[49].
La Parousia est donc appliqué au Christ surtout dans les lettres pauliniennes pour caractériser l’avènement du Christ (cf. 1 Co 15, 23 ; 1 Th 2, 19). La Parousie est proche de l’Épiphanie et ne figure qu’en Mt 24. Elle est donc l’achèvement de l’histoire du salut et concerne la fin du monde (Mt 24, 3). La Parousie, dans la théologie paulinienne est liée à l’espérance chrétienne comme conséquence de la résurrection du Christ pour ceux qui sont devenus croyants (1 Co 1, 7 ; 11, 26 ; 16, 22). Elle est un élément eschatologique, c’est-à-dire qu’elle joue un rôle important dans l’eschatologie, marquant la fin de l’ère présente et la manifestation de l’ère future déjà commencée avec la résurrection du Christ (1 Co 15, 23 ; Rm 13, 11)[50]. La Parousie, dans le langage du N. T. signifie la « venue du Christ en gloire ». Le Credo le reprend à son compte : « Il reviendra dans la gloire pour juger les vivants et les morts, et son règne n’aura pas de fin ». La Parousie n’est pas une réalité fébrile ou effrayante. Elle réclame l’espérance et la foi active des chrétiens vivant « aujourd’hui avec confiance et vigilance, dans l’attente du Retour du Seigneur »[51].
Notre foi en Christ ressuscité ne s’arrête pas à la résurrection et à l’ascension de Jésus : nous proclamons son retour glorieux pour le jugement dernier. Ce sera l’accomplissement du « pro nobis » que la résurrection du Christ a déjà inauguré, c’est-à-dire l’incorporation de l’homme en Dieu et Dieu en l’homme. Nous ne sommes plus dans l’ordre du « voir », mais dans celui du « reconnaître ». Cette « reconnaissance » de la présence du Christ est d’ordre sacramentel. C’est une « reconnaissance » dans la foi considérée comme une anticipation de sa présence définitive qui se réalisera lors de sa « Parousie », de son Retour. Un jour, le Christ sera là et nous le verrons tel qu’il est. Un jour, « la Présence silencieusement accrue du Christ dans les choses se révélera brusquement »[52]. La Parousie sera le déversement totalement définitif de la verticalité de Dieu (le Christ ressuscité entré dans la gloire) dans l’horizontalité de l’homme, « descendant du ciel comme il y était monté » (Ac 1, 11) et ceux qui ont été pascalisés par Lui « allant à sa rencontre » (1 Th 4, 17). La Parousie sera la fin, c’est-à-dire l’achèvement définitif de l’œuvre rédemptrice[53]. Ce sera donc l’accomplissement définitif de l’histoire du salut. La Parousie n’apportera rien au Christ dans ce sens où « la gloire qu’il a reçue définitivement à son exaltation ne recevra aucune augmentation, mais elle sera manifestée à tous les hommes » pour reprendre J.-H. Nicolas[54]. La Parousie sera l’accomplissement définitif du « pro nobis » du salut et « la fin de l’histoire terrestre de l’Église »[55] qui la basculera dans son épanouissement définitif et permanent par les mérites de sa Tête, le Christ. Nous sommes dans le « temps dit intermédiaire » qui nous demande comme attitude fondamentale, la vigilance, c’est-à-dire ne pas nous enfermer dans le moment présent mais de nous ouvrir à l’avenir en Dieu, à la vérité[56]. Comme l’a fait remarquer J. Ratzinger, le temps intermédiaire n’est pas vide : en lui, précisément, il y a l’adventus medius, la venue intermédiaire[57]. Cependant, il faut toujours chercher à entrer dans l’intelligence de la Parousie par la perfection en la personne eschatologique de Jésus. Le critère de l’attente de la Parousie doit être le Christ, le crucifié, comme il était déjà le critère de l’apparition pascale[58]. L’attente de la Parousie n’est pas un fantasme des chrétiens. Mais il faut l’envisager dans son épaisseur christologique. Comme le souligne J. Moltmann, « seule la concentration christologique peut empêcher la prolifération des représentations fantastiques concernant l’attente de la parousie. Seule la foi en Christ peut purifier les thèmes apocalyptiques de l’espérance de la parousie »[59].
C’est la liturgie, dans tout son déploiement qui nous aide à entrer dans l’intelligence de la Parousie, si l’on peut dire ainsi. La Parousie « n’est pas une spéculation sur l’inconnu. C’est bien plutôt l’interprétation de l’intime connexion entre la liturgie et l’existence chrétienne »[60]. L’Eucharistie en elle-même est « Parousie » : « Nous attendons ta venue dans la gloire ; Viens, Seigneur Jésus, Maranatha ». Toute Eucharistie est véritablement désir ardent que le Christ manifeste sa splendeur cachée[61].
2.1.2. La résurrection des morts
C’est la résurrection du Christ qui donne sens à la mort du chrétien. Ressuscité d’entre les morts, le Christ, « prémices de ceux qui se sont endormis » (1 Co 15, 20), explique notre vie, notre mort et la possibilité d’une résurrection[62]. Il n’ y a pas de vie éternelle en dehors d’un expérientiel de la mort traversé par le Christ. Il a connu l’épreuve de la mort pour nous faire vivre en Lui. La résurrection du Christ change tout. Par sa mort et sa résurrection, il devient le Passeur de vie. « Je suis la résurrection » dit-il, - Egô eimi ê anastasis - Ἐγώ εἰμι ἡ ἀνάστασις (Jn 11, 25). Cette parole de Jésus traverse toute la vie du chrétien. C’est dans sa propre mort et sa propre résurrection qu’il fait passer les croyants de ce monde à son Père, en traversant le feu de la mort. Si « rien ne se produit en l’homme qui ne se produit d’abord en Dieu hormis le péché »[63], la résurrection des morts n’est autre que le fruit ou la conséquence causée de la résurrection du Christ. La résurrection du Christ cause (implique) la résurrection des morts[64]. La résurrection des morts est l’une des plus grandes preuves que le Christ a partagé notre humanité dès lors même de son incarnation.
La résurrection des morts est l’accomplissement du projet divin sur toute la création. Dans cette dynamique, Jürgen Moltmann a raison de dire que « la résurrection des morts désigne un agir créateur nouveau de Dieu, par lequel commence la création nouvelle de tous les êtres mortels et périssables »[65]. Nous osons même dire à propos de cette compréhension, si la résurrection du Christ ne cause pas la résurrection des morts, Jésus est considéré comme n’importe quel sage de l’histoire du monde et il laisse l’homme dans sa misère[66]. Le Christ rendra la vie à notre chair, c’est-à-dire notre personne prise dans sa globalité. Il ne s’agit pas de rendre au corps la vie qu’il avait avant la mort, mais une vie nouvelle, une vraie vie, différente de celle de la terre : « À la résurrection, en effet, on ne prend ni femme ni mari, mais on est comme les anges dans le ciel, - Ἐν γὰρ τῇ ἀναστάσει οὔτε γαμοῦσιν, οὔτε ἐκγαμίζονται, (N ἐκγαμίζονται → γαμίζονται) ἀλλ’ ὡς ἄγγελοι τοῦ (N τοῦ θεοῦ ἐν → ἐν τῷ) θεοῦ ἐν οὐρανῷ εἰσιν » (Mt 22, 30). Dans cette même logique, l’Apôtre Paul affirme :
« …Ce qui est semé périssable ressuscite impérissable ; ce qui est semé sans honneur ressuscite dans la gloire ; ce qui est semé faible ressuscite dans la puissance ; ce qui est semé corps physique ressuscite corps spirituel ; car s’il existe un corps physique, il existe aussi un corps spirituel. Le premier homme, Adam, devint un être vivant ; le dernier Adam – le Christ – est devenu l’être spirituel qui donne la vie. Ce qui vient d’abord, ce n’est pas le spirituel, mais le physique ; ensuite seulement vient le spirituel. Pétri d’argile, le premier homme vient de la terre ; le deuxième homme, lui, vient du ciel. Comme Adam est fait d’argile, ainsi les hommes sont faits d’argile ; comme le Christ est du ciel, ainsi les hommes seront du ciel » (1 Co 15, 42-48)[67].
Ces mots de saint Paul sont très difficiles à décortiquer et à accepter pour nous aujourd’hui en tenant compte de la rationalité et de la vérité des apports des sciences humaines et de la médecine postmoderne. Comme le souligne Jean-Hervé Nicolas, et avec raison,
prétendre que pour S. Paul le corps ressuscité est « pur esprit » serait méconnaître complètement la place qu’il reconnaît au corps comme constitutif de la personne, et la nouveauté de la résurrection par rapport à l’état où la personne a été mise par la mort. On peut dire que ce n’est pas un corps « biologique », dans le même sens que nous avons dit qu’il ne s’agit pas de réitérer la vie terrestre. « Corps spirituel », ou « corps céleste » ou encore corps de gloire[68] cela signifie : le corps tout transparent à l’esprit et à la gloire qui remplira la vie des justes. Corps « spiritualisé », pure manifestation et support ontologique de l’âme, ne l’alourdissant pas, ne l’enfermant plus dans son opacité, comme il fait dans la vie terrestre. Un corps entièrement soumis à l’esprit. On ne peut guère en dire davantage[69].
Bref, à la résurrection de la chair, le corps sera totalement pénétré et vivifié par l’Esprit Saint. Il le soustraira à la corruptibilité. Cette condition glorieuse qui est déjà celle de l’Église, Corps du Christ, se réalisera totalement à la résurrection pour le chrétien à la suite et en dépendance du Christ. La résurrection des morts, cet « avec-le-Christ », liée à la Parousie, nourrit l’espérance des chrétiens.
2.1.3. Le jugement universel
À la Parousie, le sort de tous les humains se manifestera solennellement. Le jugement universel doit être pensé dans le cadre de l’expérience pascale du Christ et de toute l’humanité qui sera totalement restaurée en Lui. Romano Guardini a raison de dire que « l’expérience pascale seulement a fait de lui le "Kyrios Christos", le Seigneur Christ, le Christ vivant dans l’esprit de ses fidèles, le Christ puissant par le Saint-Esprit, le Christ transfiguré de la foi, juge futur du monde »[70].
Le jour du jugement fait partie de la Parousie. Pour saint Matthieu, ce jour sera solennel : « Quand le Fils de l’homme viendra dans sa gloire, et tous les anges avec lui, alors il siégera sur son trône de gloire. Toutes les nations seront rassemblées devant lui ; il séparera les hommes les uns des autres, comme le berger sépare les brebis des boucs » (Mt 25, 21-22). Par rapport au jugement universel ou jugement dernier, Bernard Sesboüé nous aide à concilier la perspective du jugement, dont l’imagerie est menaçante, avec celle du salut. S’appuyant sur cette parole de Jésus : « Dieu n’a pas envoyé son Fils dans le monde pour juger le monde, mais pour que le monde soit sauvé par lui » (Jn 3, 17), il affirme : « Le jugement dernier ne sera pas la décision d’un juge impitoyable ayant le goût de punir toutes les faiblesses humaines »[71]. Ce jugement, poursuit-il, est fondé sur le jugement de condamnation du péché et de justification du pécheur, accompli par la croix du Christ[72]. Cela met en évidence la justice de Dieu comme une justice qui sauve, justifie et sanctifie[73].
Le jugement du monde est déjà en cours avec l’envoi du Fils de Dieu dans le monde. Le jugement dernier sera donc la pleine et ultime manifestation « de ce qui s’est joué dans les cœurs »[74]. Ce qu’il y a dans le cœur de l’homme sera mis à nu devant le Seigneur de gloire. Sa relation avec Dieu sera mise à nu devant le Christ qui est la Vérité (cf. CEC 1039). C’est par le Christ que le Père prononcera sa parole définitive sur toute l’histoire (cf. CEC 1040). C’est pour cela, le temps dit « intermédiaire » entre la première et la seconde venue du Seigneur est « le temps favorable, le temps du salut », le temps de la conversion pour que le Christ, dès son retour, puisse être glorifié dans ses saints. Ainsi donc, le Christ mènera l’histoire du salut à son terme. Un terme à ce qui a été commencé avec l’incarnation, la croix et la résurrection du Christ. Lui qui viendra juger les vivants et les morts, parce qu’il est « la référence originelle et définitive »[75]. Un jour, l’homme, traversé par le mystère de Dieu, devra l’embrasser totalement, pleinement. L’homme dans sa globalité, dans son intégralité, s’accomplira en Dieu. La finitude de l’homme se trouve donc transfigurer dans le Fils du Père qui la porte en Lui[76]. L’homme doit toujours accueillir la puissance transformante ou métamorphosante de la résurrection. En disant cela, nous affirmons que la résurrection, tout en étant pas un événement du monde, modifie le monde profondément. Le jugement dernier est de l’ordre de l’eschaton puisque le « Jour du Seigneur » n’est pas un dies irae, mais le jour où commence la paix[77]. Un jour, la vérité définitve sur Dieu et les hommes, personnifiée en Jésus Christ, deviendra manifeste. La justice triomphera pour de bon sur toutes les formes d’injustice que subit l’humanité.
2.1.4. La « rédemption de l’univers »
La création est, elle aussi, une réalité eschatologique. L’Apôtre Paul, dans sa lettre aux Romains aborde la question de l’attente de l’univers de manière saisissante et prégnante : « Il n’y a pas de commune mesure entre les souffrances du temps présent et la gloire qui va être révélée pour nous. […], la création tout entière gémit, elle passe par les douleurs d’un enfantement qui dure encore » (Rm 8, 18.22).
La création n’est pas appelée à disparaître, mais au contraire, avec la Parousie, elle connaitra le plein épanouissement et la libération totale. Le désordre introduit en elle par la liberté de l’homme disparaîtra. À la fin des temps, dit Jean-Hervé Nicolas, ce monde corruptible aura pris fin. Sans pouvoir le représenter, nous savons qu’un monde nouveau arrivera et la création recevra enfin en Dieu son achèvement. Comme le précise le Catéchisme de l’Église catholique, « l’univers visible est donc destiné, lui aussi, à être transformé, "afin que le monde lui-même, restauré dans son premier état, soit, sans plus aucun obstacle, au service des justes", participant à la glorification en Jésus Christ ressuscité » (CEC 1047).
2.1.5. La fin du monde
La fin du monde n’est pas un secret. Elle fait partie de la Parousie. Le Nouveau Testament en parle largement en utilisant des images apocalyptiques. Ce qui est important c’est que le Christ, par sa résurrection, a ouvert les derniers temps. Le Royaume de Dieu s’achemine vers son accomplissement définitif, vers sa plénitude. Avec la Parousie, un monde nouveau s’établira (cf. Ap 21, 1-8). Ce sera aussi l’accomplissement de l’Église comme sacrement du monde à venir. À la fin des temps, le Christ « remettra la royauté à Dieu le Père, après avoir détruit toute Principauté, Domination et Puissance » (cf. 1 Co 15, 25) et à ce moment Dieu sera tout en tous (cf. 1 Co 15, 28). Ce qui disparaîtra, c’est le monde du péché, du mal et de la perversité. Le désordre que la liberté de l’homme a créé dans le monde connaîtra son déclin, et, ceux qui se sont laissés pascaliser, sauver par le Christ, partageront à jamais le bonheur de la vie de Dieu. Ils seront christifiés à jamais. Car « à la fin des temps, le Royaume de Dieu arrivera à sa plénitude. Après le jugement universel, les justes règneront pour toujours avec le Christ, glorifiés en corps et en âme, et l’univers lui-même sera renouvelé » (CEC 1042).
La venue du Christ (Parousie) marquera la fin du temps puisque ce sera une mise en lumière, on peut même dire, une crise sur le monde qui préconise les forces du mal destructrices. La puissance de la Croix du Christ sera entièrement dévoilée et l’action de Dieu pour le monde ne se confrontera plus aux aléas du temps. La fin des temps est de l’ordre de l’eschaton, c’est-à-dire qu’elle est déjà arrivée sur terre avec la venue de Jésus qui est l’Eschaton : « Si donc quelqu’un est dans le Christ, c’est une créature nouvelle : l’être ancien a disparu, un être nouveau est là » (2 Co 5, 17). Le chrétien, par la vie sacramentelle, en particulier le baptême et l’eucharistie vit déjà dans ce monde nouveau et dernier[78].
2.2. L’eschatologie personnelle
2.2.1. La mort
Il s’agit pour notre propos, de voir la mort dans la perspective chrétienne. Cette mort dont nous parlons, ce n’est pas seulement la mort clinique et biologique, c’est-à-dire l’arrêt définitif des fonctions cardiaque et cérébrale[79]. La mort est inhérente à notre vie. Néanmoins, elle la caractérise comme finie et limitée ; entre naissance et la mort, la vie n’a qu’une courte durée. Le Psalmiste le dit : « Le nombre de nos années ? Soixante-dix, quatre-vingts pour les plus vigoureux ! Leur plus grand nombre n’est que peine et misère ; elles s’enfuient, nous nous envolons » (Ps 89, 10/hébr. 90).
Il n’est pas juste de rester à cet aspect de la mort. Elle ne rend pas seulement notre vie précaire ; elle lui donne aussi son importance et son prix[80]. Elle nous permet d’apprécier le temps qui nous est donné et de le mettre à profit. La mort caractérise et oriente notre vie dans une dynamique positive et définitive. Sans la mort, notre vie deviendrait ennuyeuse et monotone. Elle rythme notre vie. C’est pourquoi nous la considérons comme la fin du pèlerinage de l’homme. Nous mourrons en naissant. La vie et la mort s’interpellent. Saint François d’Assise l’appelle « Notre sœur la Mort ». Non seulement la mort conditionne notre vie, mais aussi, nous avons l’espérance de la vaincre. Comme le souligne Bernard Sesboüé, elle est à la fois le lieu d’une horreur, d’un refus et celui d’une espérance[81]. Nous pouvons nous poser cette question : d’où vient la mort ? Pourquoi Dieu l’a-t-il créée ? Le livre de la Sagesse nous répond formellement : « Dieu n’a pas fait la mort, il ne se réjouit pas de voir mourir les êtres vivants » (Sagesse 1, 13). Si la mort ne vient pas de Dieu, d’où vient-elle précisément ? Elle vient de notre propre liberté humaine. À ce sujet, Bernard Sesboüé donne un éclairage percutant :
La réponse est aussi claire et nous renvoie aux premières pages de la Genèse, quand Dieu dit à Adam : « De l’arbre de la science du bien et du mal tu ne mangeras pas : le jour où tu en mangerais, tu mourrais certainement » (Genèse 2, 17). Cet avertissement n’annonce pas à proprement parler une punition, mais la conséquence inévitable d’une décision qui chercherait à prendre par force ce qui ne saurait être qu’un don. La mort dont il est question ici est à la fois la mort spirituelle et la mort physique. Car l’homme séparé de Dieu et qui ne vit plus de son Esprit perd l’équilibre et la solidité de son être et contracte une fragilité qui aboutit à la mort. Cette dégradation se poursuit lors de la scène de la tentation au terme de laquelle Dieu dit à l’homme : « Tu es poussière et tu retourneras à la poussière » (Genèse 3, 19). Le livre de la Sagesse commente : « C’est par l’envie du diable que la mort est entrée dans le monde » (Sagesse 2, 24). Jugement prolongé par saint Paul : « Par un seul homme le péché est entré dans le monde et par le péché la mort, et, ainsi la mort a atteint tous les hommes du fait que tous ont péché » (Romains 5, 12).
Derrière le langage figuratif de la Bible, il nous faut donc comprendre que la mort, telle que nous en faisons l’expérience, avec tout son cortège d’angoisses et de souffrances, n’appartient pas à l’intention créatrice de Dieu. La mort est la conséquence de la tentation et du péché de l’homme. Sans le péché, l’homme aurait eu sans aucun doute à sortir de ce monde pour passer dans l’état définitif de bonheur avec Dieu[82].
Ce « passage », ce « transitus » dont parle Bernard Sesboüé est une mort également, mais une mort douce, sans souffrance et de manière paisible. Mais, en dépit de toute considération, s’unissant à la mort du Christ, le chrétien voit la mort comme un passage vers l’éternité bienheureuse. Le chrétien accomplit sa Pâque dans sa mort pour avoir part à la résurrection du Christ. Saint Jean déclare bienheureux ceux qui sont morts dans le Christ (Cf. Ap 14, 13). Cette mort n’est autre que le parachèvement, l’accomplissement de la vie baptismale. Dans sa mort, le chrétien se trouve donc tourner vers le Christ, en tant qu’Orientale lumen, la lumière sans déclin. La mort du chrétien est son transitus, son passage, de la mort à la vie. La mort est une plongée définitive dans le mystère pascal.
Bien entendu, Raniero Cantalamessa nous propose de considérer la mort de deux manières : sur le mode sapientiel qui considère la mort comme pédagogique ; sur le mode du mystère ou pascal qui considère la mort comme mystagogique, en ce sens qu’elle introduit dans le mystère et qu’elle fait elle-même partie du mystère chrétien[83]. La perception pascale de la mort éclaire la perception naturelle (sapientielle) de la mort. La perception sapientielle et celle christologique, pascale ou mystérique se complètent pour aborder le mystère de la mort comme une réalité qui nous appartient. Elle est donc l’« accomplissement ultime et la ratification suprême de notre baptême, achèvement de notre propre mort au péché, et entrée dans la résurrection du Christ »[84].
2.2.2. L’Enfer
La question de l’enfer est une question très controversée dans le monde d’aujourd’hui. Beaucoup pensent que la vie que nous vivons sur cette terre est déjà pour eux un enfer. La vie en société se considère comme un enfer. Jean-Paul Sartre disait que « l’enfer, c’est les autres ». Nous pouvons être nous-mêmes notre propre enfer. Autant dire. On parle de l’enfer de la politique, de la guerre, de la faim etc. Chez nous en Haïti, il y a des conditions de vie qui sont vraiment un véritable enfer. Nous en expérimentons tous les jours. Face à tout cela, on se demande comment Dieu qui est si bon puisse vouloir les peines éternelles de l’enfer ? On entend souvent des homélies ou des discours sur l’enfer qui font peur, qui créent de l’angoisse et qui font pression sur la conscience des gens. Mais aussi, nous entendons des messages joyeux et libérateurs de l’Évangile qui invitent à la conversion et à l’accueil de la miséricorde de Dieu. Comment les concilier ?
Aucune réponse à ces questions, aussi subtile, soit elle, ne peut dissimuler le fait que ce n’est pas seulement l’Ancien Testament qui parle de cette réalité. Jésus lui aussi et le Nouveau Testament en parlent même si c’est de manière énigmatique. Beaucoup de textes bibliques du Nouveau Testament pointent la possibilité de la damnation[85]. Dans l’Évangile, l’enfer est souvent décrit comme un feu éternel : « Il tient en sa main la pelle à vanner et va nettoyer son aire ; il recueillera son blé dans le grenier ; quant aux bales, il les consumera au feu qui ne s’éteint pas » (Mt 3, 12) ou « Alors il dira encore à ceux de gauche : "Allez loin de moi, maudits, dans le feu éternel qui a été préparé pour le diable et ses anges" » (Mt 25, 41) ; d’un châtiment éternel (Mt 25, 46), de ténèbres (Mt 8, 12 etc., de pleurs et de grincement de dents (Mt 13, 42.50)[86]. La réalité de l’enfer n’est pas une étape passagère, elle n’est pas un transitus, mais une réalité sans issue béatifique. Les peines de l’enfer sont donc éternelles. Cette doctrine, telle qu’elle est enseignée par l’Église, repose sur un fondement biblique solide et assuré[87]. Pour cela, « l’Église a condamné la doctrine attribuée à Origène (IIIe siècle) et souvent reprise par la suite, d’après laquelle, à la fin des temps, la création tout entière, y compris les pécheurs, les damnés et même les démons, serait rétablie – on parle en grec d’« apocatastase, ἀπόκατάστασις » - dans un état de béatitude parfaite (DS 76 ; 411 ; 801 ; 1002 ; FC 10 ; 951 ; 30 ; 965 ; LG 48). Si, à la fin des temps, Dieu faisait entrer tous les hommes dans son Royaume, - même ceux qui ont fait définitivement leur choix contre lui, - la liberté et la dignité de l’homme seraient-elles sauvegardées ? »[88]. En réalité, les textes bibliques qui parlent de l’enfer sont un appel à la conversion, ce sont des avertissements parce que le message de l’Évangile doit transformer notre vie en profondeur et nous mettre face à notre responsabilité historique. Toutefois, ni la Sainte Écriture, ni la position doctrinale de l’Église sur l’enfer ne peuvent affirmer véritablement qu’il y a des hommes et des femmes en enfer. Mais, on ne peut pas nier la possibilité réelle de l’enfer. En ce sens, l’enfer souligne le sérieux et la dignité de la liberté humaine, qui a à choisir entre la vie et la mort. Dieu respecte la liberté de l’homme ; il ne veut faire le bonheur d’aucun homme malgré lui, en lui imposant sa volonté »[89]. Selon les Écritures, il y a des péchés qui excluent du Royaume de Dieu[90]. Tout se joue ici bas. L’homme doit décider de son avenir éternel ici bas. Dieu ne prédestine personne à aller en enfer (CEC 1037). C’est donc l’homme lui-même qui, en pleine autonomie, s’exclut volontairement de la communion avec Dieu, si jusqu’au moment de sa mort il persiste dans le péché mortel, refusant l’amour miséricordieux de Dieu.
Le point de départ de toute réflexion sur la réalité de l’enfer est que Dieu est amour. C’est la certitude la plus centrale et la plus inébranlable de notre foi[91]. La réalité de l’enfer ne peut pas être pensée en dehors de cette lumière[92]. Nous comprenons que l’enfer n’est pas le projet de Dieu pour nous, ce projet qui pousse à rejeter définitivement l’amour de Dieu. Mais l’homme est libre d’aimer ou de ne pas aimer. S’il y a la possibilité de l’enfer, c’est parce que l’homme est un être de liberté et que « l’Amour qui est Dieu ne peut, par définition, s’imposer à nos libertés : il se propose pour être reconnu et accueilli. Qu’il puisse ne pas être accueilli par le fait d’un choix pleinement libre et responsable, qu’il puisse au contraire être totalement et définitivement refusé, voilà qui fonde la possibilité de l’enfer »[93].
2.2.3. Le Purgatoire
La doctrine du purgatoire est déjà esquissée dans le judaïsme[94]. Dans le Nouveau Testament, elle s’y insinue très discrètement. L’Église s’appuie sur ces paroles de Jésus pour parler de la réalité du Purgatoire : « Quiconque aura dit une parole contre le Fils de l’homme, cela lui sera remis ; mais quiconque aura parlé contre l’Esprit Saint, cela ne lui sera remis ni en cet âge ni en l’autre » (Mt 12, 32) ou « Hâte-toi de t’accorder avec ton adversaire , tant que tu es encore avec lui sur le chemin, de peur que l’adversaire ne te livre au juge, et le juge au garde, et qu’on ne te jette en prison » (Mt 5, 25). Ces paroles indiquent la possibilité du pardon dans le monde futur. L’Église s’appuie également sur cette parole de l’Apôtre Paul pour étayer la doctrine du Purgatoire : « Si son œuvre est consumée, il en subira la perte ; quant à lui, il sera sauvé, mais comme à travers le feu » (1 Co 3, 15). Pour l’Apôtre Paul, il y a possibilité d’être sauvé « comme à travers le feu ». Le véritable fondement de cette doctrine réside dans la lex orandi (la vie de prière, la liturgie) de l’Église, dans la façon dont elle prie et fait pénitence. La prière de l’Église pour les défunts précède le dogme du Purgatoire. Comme le soulignait François Varillon, l’Église a toujours prié pour les morts ; c’est en réfléchissant sur cet usage qu’elle a conclu qu’il y a un purgatoire[95]. La doctrine du Purgatoire est une manière concrète de comprendre et de vivre la réalité mystérique de ce que nous pouvons appeler la « solidarité spirituelle »[96]. Tous les chrétiens partagent dans la foi l’amour de Dieu qui les solidarise et les met ensemble. Les chrétiens reconnaissent que Dieu lui-même est capable de purifier et de sanctifier ses enfants pécheurs qui ont mis leur foi en Lui. C’est donc le sens ultime de la doctrine du Purgatoire.
Parlant de cette « solidarité spirituelle », les âmes qui sont retenues au Purgatoire sont aidées par l’intercession des fidèles et surtout par le sacrifice eucharistique du Seigneur célébrée en leur intention. Pour l’Église, le Purgatoire est la purification finale des élus qui est tout à fait distinct du châtiment des damnés (cf. CEC 1031). C’est l’état de ceux qui meurent dans l’amitié divine, mais qui, tout en étant assurés de leur salut éternel, ont encore besoin de purification pour entrer dans la béatitude du ciel. Car il n’y a pas de pardon sans purification[97]. La liturgie, en particulier celle de l’Eucharistie prend en compte la « solidarité spirituelle » de l’Église envers ceux qui sont morts et pour qui elle prie sans cesse : « Souviens-toi de tes serviteurs qui nous ont précédés, marqués du signe de la foi, et qui dorment dans la paix. Pour eux et pour tous ceux qui reposent dans le Christ, nous implorons ta bonté : qu’ils entrent dans la joie, la paix et la lumière » (Prière eucharistique « PE » I, dite le Canon romain)[98]. La liturgie du 2 novembre l’exprime encore davantage avec ses formulaires et textes bibliques propres rappelant le sens de la mort et de la résurrection du Christ qui éclairent et donnent sens à la mort du chrétien[99].
Les chrétiens qui pérégrinent encore sur la terre savent que les âmes du Purgatoire ne sont pas tout à fait pauvres, car elles éprouvent déjà toute la richesse de la miséricorde de Dieu ; leur espérance est en phase de réalisation et elles sont déjà plus proche de Dieu qu’eux. La souffrance du Purgatoire est une souffrance purificatrice, car elles ne sont pas encore assez pures pour être comblées pleinement par l’amour de Dieu. Elle est un véritable enfantement à la vie éternelle.
2.2.4. Le Ciel
Dans la Bible et dans la tradition doctrinale de l’Église, beaucoup d’images sont utilisées pour décrire la vie éternelle dans la communion avec Dieu : festin nuptial, vie, lumière, paix etc. Le ciel était une façon particulière pour les anciens de se représenter le monde. Pour les anciens, le monde était vu comme un disque, surmonté de la coupole du firmament ; le ciel était l’espace situé au-dessus du firmament. « Monter au ciel » était une image évoquant l’accomplissement de l’homme et l’état de béatitude parfaite[100]. Le ciel, nous dit Bernard Sesboüé, exprime ce qui dépasse toute limite, et l’« en haut » veut dire non seulement ce qui nous domine, mais aussi ce qui est bon et bien[101]. Le ciel est pour nous la vie béatifique définitive et parfaite en Dieu, la communion totale, éternelle avec Lui. Saint Jean nous parle de la réalité du ciel avec un langage imagé d’une grande beauté inspiré de l’Ancien Testament :
C’est pourquoi ils sont devant le trône de Dieu, le servant jour et nuit dans son temple ; et Celui qui siège sur le trône étendra sur eux sa tente. Jamais plus ils ne souffriront de la faim ni de la soif ; jamais plus ils ne seront accablés ni par le soleil, ni par aucun vent brûlant. Car l’Agneau qui se tient au milieu du trône sera leur pasteur et les conduira aux sources des eaux de la vie. Et Dieu essuiera toute larme de leurs yeux (Ap 7, 15-17).
La béatitude du ciel consiste également dans la vision de Dieu, dans le face à face avec Lui (cf. 1 Co 13, 12). Alors on peut dire que le ciel est une « métaphore qui désigne la plénitude du salut de l’homme, définitivement ressuscité et passé en Dieu »[102]. À ce moment, on ne peut plus parler de « lieu » mais de préférence « d’état ». Le ciel n’est pas un « lieu » mais un « état » de l’homme avec Dieu, l’homme métamorphosé par la résurrection du Christ. Cependant, en le disant, nous ne pouvons pas négliger ou oublier la dimension cosmique du salut, donc de la « matière » elle-même, même si nous ne pouvons absolument pas nous représenter le statut du monde ressuscité comme l’a fait remarquer Bernard Sesboüé[103].
Le ciel est donc une communauté de personnes puisqu’il est communion avec Dieu. Une multitude de « frères et sœurs » vivent de la communion trinitaire. C’est pourquoi l’Église honore les saints, ces témoins de l’Évangile qui par leur exemple et leur enseignement nous aident à marcher vers le Royaume[104]. En même temps, nous ne pouvons pas nier que le monde nouveau que nous espérons est déjà en gestation : il grandit discrètement au milieu de nous jusqu’à la pleine révélation et transfiguration de toutes choses en Dieu[105]. Le ciel, affirme le Catéchisme de l’Église catholique, est la fin et la réalisation des apparitions les plus profondes de l’homme, l’état de bonheur suprême et définitif (CEC 1024)[106]. Le Christ nous a ouvert le ciel par sa mort et sa résurrection.
2.2.5. Le jugement particulier
Le Catéchisme de l’Église catholique aborde cette réalité eschatologique en ces termes :
La mort met fin à la vie de l’homme comme temps ouvert à l’accueil ou au rejet de la grâce divine manifestée dans le Christ. Le Nouveau Testament parle du jugement principalement dans la perspective de la rencontre finale avec le Christ dans son second avènement, mais il affirme aussi à plusieurs reprises la rétribution immédiate après la mort de chacun en fonction de ses œuvres et de sa foi (CEC 1021).
L’entretien de Jésus avec Nicodème est la meilleure représentation du jugement dernier dans l’Évangile : « Car Dieu n’a pas envoyé son fils dans le monde pour juger le monde mais pour que le monde soit sauvé par lui. Qui croit en lui n’est pas jugé ; qui ne croit pas en lui est déjà jugé. Et le jugement le voici. La lumière est venue dans le monde et les hommes ont préféré l’obscurité à la lumière parce que leurs œuvres étaient mauvaises. Quiconque fait le mal hait la lumière et ne vient pas à la lumière. » (Jn 3, 16-17). Le jugement est un dévoilement de la vérité. Le jugement, c’est la lumière à laquelle on ne peut plus échapper, juste après la mort[107]. Ainsi, le jugement particulier inaugure l’état définitif et irréversible de chacun.
CHAPITRE III
Appréhension de l’eschatologie
comme un lieu originaire du « penser théologique ».
L’eschatologie chrétienne ne saurait être réduite à un simple « objet » de pensée théologique. Face à une telle réduction, Joseph Moingt, dans sa « nouvelle approche » de la christologie met en exergue le chapitre sur l’eschatologie suivi du chapitre sur la résurrection[108]. L’eschatologie chrétienne est un « lieu théologique », un lieu originaire du « penser théologique ». Cependant, une telle visée théologique demande d’éviter une sorte d’« eschatologisme », c’est-à-dire une tendance dualiste et négative à l’égard de l’histoire soulignant théologiquement la discontinuité entre le Royaume qui vient et l’histoire humaine.
3.1. La réserve eschatologique
Même si nous sommes dans « le déjà là » du Royaume, notre « allégresse ne peut pas prendre l’allure d’une joie débridée »[109]. Comme le dit Saint Augustin, en régime chrétien, la delectatio requiert moderatio[110]. Les chrétiens ne sont pas de tout repos dans ce monde bouleversé et difficile. Ils peuvent être pris de dégoût devant l’excès du mal auquel confrontent les crises sanitaires causées par des virus, la guerre, la mort violente des uns et des autres, la crise politique et économique sans issue, jusqu’à peut-être même demander si ce monde est sauvable comme l’a si bien dit Louis-Marie Chauvet. Il nous faut vivre la joie chrétienne avec pudeur. Car « nous avons été sauvés, mais c’est en espérance » nous dit l’Apôtre Paul (Rm 8, 24). C’est ce que nous entendons ici par « réserve eschatologique »[111]. Pour cela, il faut penser l’eschatologie sur ce que la théologie appelle la cogitatio fidei, la foi comme recherche et comme investigation, à partir de ses ressources propres et bien sûr des déploiements de la liturgie, en particulier de l’Eucharistie[112].
3.1.1 Le présent et le futur
Il y a des textes, dans le Nouveau Testament où le Règne de Dieu est présenté comme une réalité présente au milieu de nous : « Heureux les yeux qui voient ce que vous voyez ! Car je vous dis que beaucoup de prophètes et de rois ont voulu voir ce que vous voyez et ne l’ont pas vu, entendre ce que vous entendez et ne l’ont pas entendu » (Lc 10, 23-24). Le délai entre la mort et la résurrection du Christ et sa Parousie ne constitue pas un temps mort pour les chrétiens : c’est le temps de l’Église et des sacrements, notamment l’Eucharistie[113].
L’eschatologie nous permet de vivre le présent en regardant le futur. Ce n’est pas le règne présent qui est futur, mais c’est le règne à venir qui est anticipé dans le présent. Le présent, nous dit Aaron Kayayan, n’a de sens que par le futur. Le « déjà là » du Royaume, comme anticipation du « pas encore » donne au présent sa densité et dynamise la pérégrination chrétienne. Une telle vision théologique nous empêche de tomber dans une sorte d’objectivation de l’accomplissement du Royaume qui déboucherait sur une approche millénariste et apocalyptique de la Parousie.
3.1.2 Entre l’alpha et l’oméga
La liturgie nous redit à chaque instant que, pour l’humain, il y a toujours une première fois, et toujours une dernière fois. L’eschatologie doit être pensée et vécue sous les motifs du premier et du dernier. Ces deux grands motifs nous placent véritablement devant Dieu et « nous plongent dans le mystère de son insaisissable altérité ». Nous n’avons pas la mainmise sur Dieu et sur les réalités du Royaume à venir dont nous goûtons déjà les délices. Sur ce point, nous pouvons ajouter avec Joseph Caillot :
L’eschatologie, grâce à liturgie, apprend alors son propre secret : elle ne vit que de s’alimenter à la mémoire de ce qui, un jour, fut posé pour toujours, de ce qui, effectué par un Autre de façon ineffaçable, put s’inscrire pour la première fois dans notre histoire et qui peut, depuis, revenir sans cesse, être sans cesse réactivé de façon inlassable. Et elle ne vit que d’attendre le dernier jour, le dernier souffle, le dernier moment où il s’agira de franchir un seuil irréversible, en confiant à un Autre, là encore, le soin de récapituler une dernière fois le sens de notre aventure humaine. L’eschatologie ne va donc pas sans la mémoire de la naissance, ni sans l’attente de la mort, de sa traversée, de ce qui, en cette mort et par elle, s’éternise enfin[114].
Cela nous fait vivre le présent, le « déjà là » avec une certaine pudeur et nous ouvrir davantage au mystère de Dieu, prendre conscience aussi que « nous ne sommes nous-mêmes ni l’alpha, ni l’oméga du monde »[115]. L’eschatologie chrétienne ne va pas sans la traversée pascale de chaque chrétien, pour enfin, s’éterniser avec le Christ dans la gloire.
3.1.3 Avec ou sans réserve
La liturgie, même avec de pauvres moyens, est toujours célébration d’une présence pleine, d’une présence réelle[116] : « Que deux ou trois, en effet, soient réunis en mon nom, je suis là au milieu d’eux » (Mt 18, 20). Dieu habite et agrée les louanges de son peuple : « Tu n’as pas besoin de notre louange, et pourtant c’est toi qui nous inspires de te rendre grâce : nos chants n’ajoutent rien à ce que tu es, mais ils nous rapprochent de toi, par le Christ notre Seigneur » (4e préface commune).
La liturgie est une épiphanie de Dieu au milieu de son peuple. Comme le précise Joseph Caillot, chaque célébration, sous les espèces du sacrement, est un acte du Dieu vivant[117]. Elle nous fait éprouver notre finitude et notre péché : nous sommes encore loin de ce Dieu qui vient à nous, qui se rend présent parmi nous[118]. La liturgie nous situe dans l’entre-deux : « le présent de Dieu et l’attente de Dieu sous mode de ce présent même, présent paradoxal de l’absence »[119]. Joseph Caillot nous aide à mieux saisir cela avec l’implication d’une double conséquence : « au nom du présent de Dieu, va d’abord surgir l’exigence eschatologique de nous donner sans réserve à ce que nous devons faire et vivre ; au nom de l’attente de Dieu, va se maintenir ensuite l’exigence eschatologique de remettre de plein droit à Dieu le dernier mot, celui qui lui est, précisément "réservé" »[120]. Du premier côté, il s’agit de notre existence eschatologique et de la dimension éthique de notre vie baptismale. L’eschatologie nous fait tourner vers l’amour infini de Dieu manifesté en Jésus Christ et que l’Esprit vivifie en nous. L’eschatologie nous fait tourner aussi vers la présence de l’Esprit. C’est par son activité dans notre vie, que nous sommes capables de nous tourner vers l’horizon de Dieu et de goûter sa promesse déjà réalisée dans notre aujourd’hui. Dans cette dynamique,
la liturgie, qui agit à la manière d’un ferment eschatologique, n’a de sens que si elle devient vraie dans la réponse à l’appel du "frère démuni ou opprimé". Elle implique la reconnaissance, à transformer en impératif constant de conversion et de réalisation, qu’il y a bel et bien, dans la vie des hommes, du décisif, de l’irréversible, de l’ultime, dont il faut pouvoir hâter la venue, au cœur d’une histoire déjà mûre à tout moment pour le jugement[121].
Du deuxième côté, il s’agit de ce qu’on peut appeler l’application du « principe espérance » dans sa profonde dimension spirituelle en lien avec la liturgie. Toute la liturgie nous situe dans cette expérience spirituelle au quotidien qui nous oriente vers l’avenir en Dieu sans pour autant être capables de le saisir. Dans pareil cas, nous devons nous laisser saisir par ce qui nous saisit. Même si nous nous engageons dans le monde pour faire advenir le Royaume, nous laissons donc le dernier mot à Dieu seul à qui le Christ remettra toute chose. Ainsi donc, « tendue entre alpha et oméga, l’existence chrétienne, vivant à la fois avec et sans réserve sa destinée devant Dieu, a ainsi de quoi inventer sa manière de répondre au Oui sans repentance de Dieu qui fonde et traverse notre histoire »[122].
3.2. L’Eschatologie et l’existence chrétienne
3.2.1 La dimension eschatologique de l’existence chrétienne
Le danger de notre discours théologique sur l’eschatologie, serait de le séparer de notre existence chrétienne vivifiée par le mystère pascal. Hélène Bricout dans sa relecture de Sacrosanctum concilium 8 souligne que « l’eschatologie appartient à la fois aux ²réalités dernières² qui demeurent ici-bas en espérance, même si elles sont déjà à l’œuvre dans l’existence humaine »[123]. Notre existence chrétienne est une existence pascale et donc foncièrement eschatologique. Le mystère pascal qui la sous-tend, est un mystère d’engendrement. Il nous relie à la vie du Christ puisque « par sa résurrection d’entre les morts, il nous a donné la vie qui n’aura pas de fin », précise la deuxième préface des dimanches.
Si nous pouvons envisager l’eschatologie au cœur même de notre existence chrétienne, c’est grâce au versant « résurrection » du mystère pascal du Christ. La résurrection de Jésus, souligne Joseph Moingt, s’effectue en disant son sens : en renvoyant au futur[124]. Ce futur nous concerne car c’est pour nous aussi qu’il est mort et ressuscité, c’est pour nous aussi qu’il est glorifié et c’est pour nous aussi qu’il reviendra dans la gloire. C’est donc la liturgie, en particulier les sacrements, pour reprendre Louis-Marie Chauvet à notre manière, qui évitent aux chrétiens de séparer le mystère pascal de l’eschatologie[125]. De même que nous ne pouvons pas séparer le mystère pascal de l’eschatologie, de même aussi, nous ne pouvons pas séparer notre existence chrétienne de l’eschatologie ou de l’eschatologie de notre existence chrétienne parce que notre vie chrétienne est déjà toute imprégnée des arrhes de la Pâque éternelle : « Dans cette existence de chaque jour que nous recevons de ta grâce, la vie éternelle est déjà commencée : nous avons reçu les premiers dons de l’Esprit par qui tu as ressuscité Jésus d’entre les morts, et nous vivons dans l’espérance que s’accomplisse en nous le mystère de Pâques » (6e préface des dimanches ordinaires). Voilà ce qui sous-tend la dimension eschatologique de notre existence chrétienne. Les « fins eschatologiques » constituent notre avenir qui nous exigent deux choses : 1) vivre dans le temps sans rien négliger des objectifs temporels, par exemple l’organisation de la cité, l’amélioration des conditions de vie, de l’environnement, de tout ce dont nous avons besoin pour vivre etc. ; 2) vivre dans l’espérance d’un avenir situé hors et au-delà du temps[126]. Il s’agit bien d’une tension en laquelle consiste la dimension eschatologique de notre existence chrétienne.
L’Église, dans sa sacramentalité, nous permet de mieux mettre en relief sa dimension eschatologique et éclaire cette tension qui ponctue aussi notre existence chrétienne : l’Église, pour reprendre Jean-Hervé Nicolas, est une société (dans ce monde, donc en relation avec les autres institutions de ce monde), mais une société eschatologique : c’est-à-dire que la Fin qui lui donne spécification, être, unité, n’est pas une fin historique, située dans le temps, mais la fin eschatologique, au-delà du temps[127].
3.2.2 La dimension temporelle de l’existence chrétienne
La dimension eschatologique de notre existence chrétienne « serait faussée et gauchie, si elle n’était pas équilibrée par une autre dimension, la dimension temporelle »[128]. Il s’agit donc d’une narrativité en acte de ce que nous espérons. Nous ne sommes pas des « hors sol », nous sommes dans le temps, notre avenir en Dieu se raconte, se met en intrigue dans le poids du temps. Nous vivons donc notre espérance en Dieu, notre avenir en Lui, en racontant. Il y a une phénoménalité de notre avenir eschatologique qui fonctionne donc en racontant, à la manière du jeu théâtral. Notre attente du Royaume à venir se vit dans le temps. Ce temps compris comme « un passer toujours présent et à venir, donc toujours là, en moi et hors de moi, comme durée et rythme. Il est le responsable de la dégradation et de la dégénération, mais aussi de l’évolution et du progrès, deux phénomènes contraires s’il en est ! Il est énigme car difficile à comprendre et mystère car nous y sommes compris en lui »[129].
Notre existence chrétienne toute tendue vers l’Eschaton, ne sort pas de notre temporalité, elle contraste avec elle, elle est donc spéciale. Elle n’est pas hors de notre temps. Notre vie chrétienne se trouve donc rythmer dans et par le temps. La temporalité de notre existence chrétienne est puissance et promesse de nouveauté aujourd’hui : « Dans cette existence de chaque jour que nous recevons de ta grâce, la vie éternelle est déjà commencée » avons-nous déjà souligné. Dans le temps qui nous est donné comme temps, se joue la mimésis (la mise en scène) eschatologique de notre existence chrétienne. Nous prenons ici mimésis, dans son sens ricoeurien, c’est-à-dire comme une opération et non pas comme une structure selon Paul Ricoeur. C’est dans le temps que nous vivons, ce temps qui passe bien sûr, que nous goûtons déjà les biens du monde à venir dans notre existence chrétienne. La dimension temporelle de notre existence chrétienne nous situe bien dans ce que nous appelons la « réserve eschatologique ». Ce que nous vivons dans le monde dans lequel nous vivons ne peut pas nous détourner du projet de Dieu, de notre avenir en Lui. Au contraire, cela doit renforcer notre acquis, notre espérance sans perdre l’équilibre de notre vie chrétienne.
3.2.3 Espérance eschatologique et espoirs terrestres
Édouard Schillebeeckx, tentant de répondre à la question cruciale de l’avenir de l’Église dit ceci : « La venue du Royaume est une grâce mais une grâce qui n’est efficace que dans et par l’agir des hommes et non en dehors, au-dessus ou par-derrière ». L’Église, poursuit-il, « n’a d’avenir que dans la mesure où elle se débarrasse de tout surnaturalisme et de tout dualisme, et ne réduit donc pas le salut à un Royaume purement spirituel ou à un avenir dans un au-delà uniquement "céleste". Elle n’a d’avenir que si elle ne se replie pas de manière introvertie sur elle-même en tant qu’Église instituée, mais qu’elle se tourne vers l’extérieur, s’oriente vers l’autre, vers tout l’humain de tout l’humain partout dans le monde. Qu’elle cesse donc de se soucier de sa perpétuation historique, de sa propre position de puissance spirituelle en ce monde »[130]. Cette approche nous permet de penser l’espérance eschatologique et les espoirs terrestres en lien avec la venue du Royaume dans sa dimension politique et cosmique.
Le chrétien ne doit pas perdre de vue sa présence dans le monde pour partager les joies, les espoirs, les soucis, la tristesse et les craintes des hommes d’aujourd’hui. L’espérance eschatologique n’est pas une fuite de la dimension temporelle. Le Royaume de Dieu est en gestation dans le monde non pas sans l’engagement temporel du chrétien. Disant cela, il ne faut pas penser que la dimension temporelle puisse faire nombre avec l’espérance eschatologique. Dire autrement, l’engagement temporel du chrétien n’est pas l’accomplissement définitif du Royaume. L’espérance eschatologique est distincte de la dimension temporelle, mais non séparée d’elle. L’espérance eschatologique peut être médiatisée par la dimension temporelle. Le Royaume ne se réduit pas au seul engagement du chrétien (dimension temporelle), mais advient aussi par cet engagement. En ce sens, « l’espérance s’appuie sur la promesse divine. La promesse divine porte d’abord et directement sur les biens eschatologiques : sur la vie éternelle avec Dieu, non sur le bonheur terrestre ; sur la résurrection, non sur la préservation de la mort »[131].
Les biens célestes ou eschatologiques peuvent être médiatisés par les biens terrestres en termes d’avant-goût. Dieu a voulu que les hommes trouvent dans les biens terrestres « les nourritures de cette vie et le sacrement d’une vie nouvelle »[132]. Cela demande que la dimension temporelle soit portée, animée, soutenue par l’espérance eschatologique, que les espoirs terrestres soient alimentés, animés par l’espérance théologale. D’une part, de manière équilibrée, à la lumière du mystère pascal, « l’espoir terrestre peut préparer subjectivement à l’espérance théologale (mais il peut aussi en détourner) ; d’autre part l’espérance théologale peut animer l’espoir terrestre »[133].
3.2.4 Le témoignage de la liturgie
La liturgie est foncièrement eschatologique : « Dans la liturgie terrestre nous participons par un avant-goût à cette liturgie céleste qui se célèbre dans la sainte cité de Jérusalem, à laquelle nous tendons comme des voyageurs » (SC 8). Les « messalisants » l’expérimentent à chaque Eucharistie : « nous attendons ta venue dans la gloire » ou cette ancienne prière araméenne : « viens Seigneur Jésus (marana tha). Des prières constitutives de l’anamnèse qui appellent la Parousie du Christ. Comme le souligne Louis-Marie Chauvet, en régime chrétien, la mémoire du passé est porteuse d’avenir[134]. Si avec l’incarnation du Verbe de Dieu, les « derniers temps » sont donc déjà inaugurés, l’Église, quant à elle, attend le retour glorieux de son Époux comme elle l’a toujours professé : « J’attends la résurrection des morts et la vie du monde à venir ».
La liturgie est le lieu privilégié où l’Église manifeste son espérance eschatologique. Toute célébration liturgique, sacramentelle ou non, est la célébration des œuvres salvifiques de Dieu qui s’accompliront définitivement à la Parousie. La vie sacramentelle a un lien étroit avec la vie éternelle, donc avec l’eschatologie ou la Parousie. L’Eucharistie en témoigne. En ce sens, Louis-Marie Chauvet a fait cette remarque théologique judicieuse : « Toute prière eucharistique se termine par une supplication eschatologique pour que Dieu achève dans "la vie éternelle" ce qu’il a autrefois inauguré dans la Pâque du Christ et qu’il nous communique aujourd’hui dans l’eucharistie »[135].
Encore plus, il faut considérer le dimanche chrétien comme le jour de l’espérance chrétienne, le jour eschatologique[136]. La participation à l’Eucharistie est une anticipation du banquet eschatologique qui sera célébré pour les « noces de l’Agneau » (Ap 19, 9), (Dies Domini 38)[137]. Le jour dominical nous rappelle donc « le désir et l’attente de la venue du Seigneur dans la gloire »[138]. Le dimanche chrétien est l’anticipation du « jour nouveau ». L’embolisme qui suit le Notre Père, situe la communauté chrétienne dans cette dimension eschatologique en espérant le bonheur et l’avènement de Jésus Christ, son Sauveur. Toute la liturgie campe le chrétien dans une attente active et vigilante dans la prière de la Parousie. Il s’agit toujours d’une préfiguration du banquet céleste qui annonce l’avenir comme une fête, un festin : « Heureux les invités au festin des noces de l’Agneau ». La plus modeste eucharistie nous met dans une situation eschatologique. Ainsi, avec la liturgie, sommes-nous déjà dans l’eschatologie que le Christ, par sa résurrection, a fait exploser les limites du temps et de l’espace[139].
CONCLUSION GÉNÉRALE
Notre identité eschatologique est en même temps christologique
Depuis la résurrection du Christ, nous sommes dans le temps de la décision, c’est-à-dire notre avenir est donc possible et se conjugue non seulement au futur, mais également au présent. Notre identité eschatologique est en même temps christologique, car elle trouve son fondement et sa raison d’être dans la personne de Jésus comme la réalisation du Royaume.
Ce parcours effectué sur l’eschatologie chrétienne nous amène à dire que la vie du monde à venir que nous attendons ne dévalue pas le temps dans lequel nous vivons présentement. Le temps que nous vivons est kairos, un temps déjà habité par la grâce du Christ, notre avenir. La résurrection du Christ donne déjà de l’expérimenter, de le vivre : Christ est vivant, Christ est là, Christ reviendra. Tout en le vivant aujourd’hui, l’avenir reste ouvert devant nous. La dimension eschatologique de la résurrection du Seigneur trouve donc son explication, sa révélation plénière, son développement dans la Parousie. L’eschatologie chrétienne est fondée sur le mystère du Christ lui-même. Elle est grosse d’une christologie puisque le mystère pascal du Christ conditionne et détermine notre avenir eschatologique.
Avec la résurrection du Christ, le temps humain devient un temps « dramatique » de manière inédite. Le « drame eschatologique », le « drame de la Parousie » intensifie notre présent et nous plonge d’emblée dans une existence eschatologique. Avec la résurrection du Christ, nous vivons déjà une « eschatologie imminente » qui constitue le « déjà là » du Royaume en nous tendant vers celle du « pas encore » qui s’accomplira comme « événement définitif » du Royaume lors de la Parousie du Christ. Ces deux eschatologies sont inséparables.
[1] Nous empruntons ce vocabulaire à Ernst Bloch, Le principe espérance, France, Gallimard, 1976, p. 9-29.
[2] Ibid. p. 12.
[3] J. Ratzinger, Jésus de Nazareth, la figure et le message, Paris, Parole et Silence, « Oeuvres complètes » 6/1, 2014, p. 586.
[4] Id.
[5] Pour cette appellation, voir Michel Deneken, La foi pascale, Paris, Cerf, 2002.
[6] J. Ratzinger, Jésus de Nazareth, la figure et le message, p. 597. L’auteur citant un commentaire de saint Bernard de Clairveaux montre que le temps intermédiaire (le temps que nous vivons) n’est pas un temps vide. Le Christ vient à nous à tous les instants de notre vie même si nous attendons sa venue définitive.
[7] Michel Deneken, La foi pascale, p. 592.
[8] L.-M. Chauvet, « Eschatologie et sacrement », LMD, 220, 1999/4, p. 53 ; Id., Le corps, chemin de Dieu. Les sacrements, Bayard, 2010, p. 173.
[9] Cf. La préface des dimanches du temps ordinaire VI.
[10] Michel Deneken, La foi pascale, op. cit., p. 592.
[11] Cf. H.-U.- V.- Balthasar, La foi du Christ, Paris, Cerf, 1994, p. 181.
[12] Joseph Moingt, L’homme qui venait de Dieu, Paris, Cerf, 1993, p. 297.
[13] Ibid., p. 298.
[14] Karl Rahner, Traité fondamental de la foi, études sur le concept du christianisme, Paris, Cerf, « Oeuvres » 26, 2011, p. 477.
[15] Karl Rahner, Traité fondamental de la foi, études sur le concept du christianisme, p. 478.
[16] Pour mieux approfondir la question anthropologique spirituelle ou sacramentelle, voir Marie Dominique Chenu, « Pour une anthropologie sacramentelle », LMD 300, 2020/2, 175-189 ; « Anthropologie et liturgie », LMD 12, 1947, 53-65 ; « Les sacrements dans l’économie chrétienne », LMD 30, 1952, 7-18 ; « Foi et sacrement », LMD 71, 1962, 69-77 ; « Anthropologie de la liturgie » Jean-Paul Jossua et Yves Congar (dir.), La liturgie après Vatican II. Bilans, études, prospective, Paris, Cerf, « Unam Sanctam » 66, 1967, p. 159-177.
[17] B. Sesboüé, La résurrection et la vie, Paris, Desclée de Brouwer, 2004/2008, p. 20.
[18] Voir aussi Is 2, 11-19 ; So 1, 15-19 ; Jr 4, 23-26 ; Is 13, 10-13 ; Is 24, 5-6.18-20; Sg 4, 20-5, 23.
[19] Voir aussi Ps 9, 18-19; 16, 20; Dt 32, 22.
[20] Cf. Is 30, 26; Is 25, 6-8; Ps 73, 23-28.
[21] H. Vorgrimler, « Eschatologie/Jugement », Dictionnaire de théologie, Paris, Cerf, 1988, p. 171.
[22] Id.
[23] Cf. H.- U.- V.- Balthasar, La foi du Christ, p. 213.
[24] J.-H. Nicolas, Synthèse dogmatique de la Trinité à la Trinité, Paris, Beauchesne, 1985, p. 559.
[25] Jean-Hervé Nicolas, Synthèse dogmatique de la Trinité à la Trinité, p. 560.
[26] Ibid., p. 561.
[27] Aaron Kayayan, Les interprétations modernes de l’eschatologie, www.ressourceschretiennes.com, consulté le 9 mai 2021.
[28] C. H. Dodd, The Parables of the Kingdom, Welwyn, Herts, James Nisbet and Company Ltd, 1961 & 1965 ; trad. franc. par H. Perret et S. de Bussy, Les Paraboles du Royaume de Dieu. Déjà là et pas encore ?, Paris, Éd. du Seuil, coll. « Parole de Dieu », n° 14, 1977, cité par Enrico Mazza, « La dimension eschatologique des prières eucharistiques actuelles » LMD, 220, 1999/4, p. 90.
[29] Cf. Enrico Mazza, « La dimension eschatologique des prières eucharistiques actuelles », op. cit., p. 90.
[30] Aaron Kayayan, Les interprétations modernes de l’eschatologie, op. cit.
[31] Id.
[32] Id.
[33] Cf. André Gounelle, Eschatologie, http://andregounelle.fr, consulté le 11/12/2020.
[34] Id.
[35] Id.
[36] Cette partie du cours est tirée de l’article de André Gounelle déjà cité dans cette contribution. Son article sur l’eschatologie est disponible sur le site donné en note précédente.
[37] Toutefois, la première édition de l’ouvrage remonte à 1946.
[38] Cf. Oscar Cullmann, Christ et le temps, Neuchâtel (Ssuisse), Delachaux et Niestlé, 1966, p. 22.
[39] André Gounelle, Eschatologie, op. cit.
[40] Id.
[41] Id.
[42] André Gounelle, Eschatologie, op. cit.
[43] Cf. Id.
[44] Id.
[45] Cf. Aaron Kayayan, Les interprétations modernes de l’eschatologie, op. cit.
[46] Id.
[47] Id.
[48] X. Léon-Dufour, Dictionnaire du Nouveau Testament, Paris, Seuil, 1975, p. 411.
[49] Id.
[50] Cf. Maurice Carrez, Dictionnaire de culture biblique, Paris, Desclée de Brouwer, 1993, p. 215.
[51] Cf. Guido Gatti et Jacques Lefur, « Parousie », Dictionnaire de théologie chrétienne, Paris, Desclée, 1979, 330-333.
[52] Cf. Pierre Teilhard de Chardin, Le milieu divin, Éditions du Seuil, col. « Livre de vie » 113, 1957, p. 180.
[53] Cf. Jean-Hervé Nicolas, Synthèse dogmatique de la Trinité à la Trinité, p. 566.
[54] Id.
[55] Jean-Hervé Nicolas, Synthèse dogmatique de la Trinité à la Trinité, p. 566.
[56] Pour mieux approfondir cet aspect, voir Joseph Ratzinger, Jésus de Nazareth, la figure et le message, Parole et Silence, 2014, p. 589-599.
[57] Joseph Ratzinger, Jésus de Nazareth, la figure et le message, p. 597.
[58] Cf. Jürgen Moltmann, Jésus, le messie de Dieu, Paris, Cerf, 1993, p. 428.
[59] Ibid., p. 428-429.
[60] Aidan Nichols, La pensée de Benoît XVI. Introduction à la théologie de Joseph Ratzinger, Ad Solem, 2008, p. 221.
[61] Cf. Ibid., p. 222.
[62] Guido Davanzo, « Mort/Résurrection », Dictionnaire de la vie spirituelle, Paris, Cerf, 2012, p. 274.
[63] Emmanuel Falque, Triduum philosophique. Le Passeur de Gethsémani, métamorphose de la finitude, les noces de l’Agneau, Paris, Cerf, Nouvelle édition (revue, augmentée et corrigée), 2015, p. 14.
[64] Pour mieux creuser cet aspect, voir Jean Daniélou, La résurrection, Paris, Seuil, 1969, p. 81-98 ; Marie-Joseph Nicolas, Théologie de la résurrection, Paris, Desclée, 1982, p. 356-359 ; Jean-Hervé Nicolas, Synthèse dogmatique, op. cit., p. 567-569 ; Bernard Sesboüé, La résurrection et la vie, Paris, Desclée De Brouwer, 2004/2008, p. 53-66 ; Joseph Ratzinger, Dieu nous est proche. L’Eucharistie au cœur de l’Église, Éditions Parole et Silence, 2003.
[65] Jürgen Moltmann, Jésus, le messie de Dieu, p. 309.
[66] Nous nous sommes inspirés de Jean Daniélou, La résurrection, p. 84.
[67]Οὕτως καὶ ἡ ἀνάστασις τῶν νεκρῶν. σπείρεται ἐν φθορᾷ, ἐγείρεται ἐν ἀφθαρσίᾳ ; σπείρεται ἐν ἀτιμίᾳ, ἐγείρεται ἐν δόξῃ· σπείρεται ἐν ἀσθενείᾳ, ἐγείρεται ἐν δυνάμει ; σπείρεται σῶμα ψυχικόν, ἐγείρεται σῶμα πνευματικόν. Εἰ ἔστιν σῶμα ψυχικόν, ἔστιν καὶ πνευματικόν. Oὕτως καὶ γέγραπται· Ἐγένετο ὁ πρῶτος ἄνθρωπος Ἀδὰμ εἰς ψυχὴν ζῶσαν· ὁ ἔσχατος Ἀδὰμ εἰς πνεῦμα ζῳοποιοῦν ; ἀλλ’ οὐ πρῶτον τὸ πνευματικὸν ἀλλὰ τὸ ψυχικόν, ἔπειτα τὸ πνευματικόν. ὁ πρῶτος ἄνθρωπος ἐκ γῆς χοϊκός, ὁ δεύτερος ἄνθρωπος ἐξ οὐρανοῦ. Oἷος ὁ χοϊκός, τοιοῦτοι καὶ οἱ χοϊκοί, καὶ οἷος ὁ ἐπουράνιος, τοιοῦτοι καὶ οἱ ἐπουράνιοι·
[68] Ph 3, 21.
[69] Jean-Hervé Nicolas, Synthèse dogmatique, p. 569.
[70] R. Guardini, Le Seigneur, t. II, Paris, Alsatia, 1945, p. 117.
[71] Bernard Sesboüé, La résurrection et la vie, p. 76.
[72] Ibid., p. 76-78.
[73] Cf. Id.
[74] Ibid., p. 78.
[75] Conférence épiscopale allemande, La foi de l’Église, catéchisme pour adultes, Pour la traduction française : Brepols – Cerf – Le Centurion, 1987, p. 401.
[76] Cf. Emmanuel Falque, Triduum philosophique. Le Passeur de Gethsémani, métamorphose de la finitude, les noces de l’Agneau, Paris, Cerf, Nouvelle édition (revue, augmentée et corrigée), 2015, p. 293.
[77] Cf. Jürgen Moltmann, Jésus, le messie de Dieu, p. 456.
[78] Cf. Le nouveau théo, L’Encyclopédie catholique pour tous, Paris, Mame, 2009, p. 955.
[79] Conférence épiscopale allemande, La foi de l’Église, catéchisme pour adultes, Pour la traduction française : Brepols – Cerf – Le Centurion, 1987, p. 388.
[80] Cf. Id.
[81] B. Sesboüé, La résurrection et la vie, p. 93.
[82] Ibid., p. 94-95.
[83] Cf. R. Cantalamessa, Notre sœur la mort, Éditions Saint-Paul, 1996, p. 7.
[84] B. Sesboüé, La résurrection et la vie, p. 100.
[85] Cf. Mt 5, 29-30 ; 10, 28 ; 23, 15.33 etc.
[86] Cf. Conférence épiscopale allemande, La foi de l’Église, catéchisme pour adultes, p. 408.
[87] Id.
[88] Id.
[89] Idid., p. 499.
[90] Cf. 1 Co 6, 9-10 ; Ga 5, 20-21 ; Ep 5, 5 ; Ap 21, 8.
[91]Cf. Bernard Sesboüé, La résurrection et la vie, p. 149.
[92] Cf. Id.
[93] Ibid., p. 153.
[94] Conférence épiscopale allemande, La foi de l’Église, catéchisme pour adultes, p. 409.
[95] F. Varillon, Vivre le christianisme, l’humanité de Dieu, la souffrance de Dieu, Paris, Bayard, 2002, p. 616.
[96] Cf. Achiel Peelmann, La communion des saints, approche chrétienne et amérindienne, Canada, Médiaspaul, 2016.
[97] F. Varillon, Vivre le christianisme, l’humanité de Dieu, la souffrance de Dieu, p. 617.
[98]« Souviens-toi aussi de nos frères qui se sont endormis dans l’espérance de la résurrection, et de tous les hommes qui ont quitté cette vie : reçois-les dans ta lumière, auprès de toi » (PE II) ; « Pour nos frères défunts, pour les hommes qui ont quitté ce monde, et dont tu connais la droiture, nous te prions : reçois les dans ton Royaume… » (PE III) ; « Souviens-toi aussi de nos frères qui sont morts dans la paix du Christ, et de tous les morts dont toi seul connais la foi » (PE IV).
[99] En réalité, c’est toute la liturgie des funérailles, des messes des défunts et les expressions de la piété populaire encadrées par liturgie envers les défunts qu’il faut prendre en considération et qui traduisent ce lien d’amour et de solidarité avec ceux qui sont morts.
[100] Cf. Conférence épiscopale allemande, La foi de l’Église, catéchisme pour adultes, p. 406.
[101] Bernard Sesboüé, La résurrection et la vie, p. 117.
[102] Ibid., p. 119.
[103] Id.
[104] Ibid., p. 127.
[105] Ibid., 131.
[106] Voir également CEC nos1025-1029.
[107] Père Jean-Marc Bot, « Le jugement particulier, quand le rideau se déchirera, un dévoilement », https://emmanuel.info, consulté le 31 mai 2021.
[108] Joseph Moingt, L’homme qui venait de Dieu, op. cit., chap. IV et V.
[109] Cf. Louis-Marie Chauvet, Le corps, chemin de Dieu, les sacrements, Paris, Bayard, 2010, p. 180 ; La Maison-Dieu (LMD), 220, 1999/4, 53-71.
[110] Cf. Jean-Yves Hameline, Une poétique du rituel, Paris, Cerf, 1997, (chap. VIII) ; cité aussi par Louis-Marie Chauvet, Le corps, chemin de Dieu, les sacrements, op. cit., p. 180.
[111] Id.,
[112] Nous nous sommes inspirés de J.Y. Hameline dans le VIIIe chapitre de son ouvrage Une poétique du rituel, p. 155.
[113] Cf. Enrico Mazza, « La dimension eschatologique des prières eucharistiques actuelles », LMD, 220, 1999/4, 89-104, p. 91.
[114] Joseph Caillot, « Eschatologie et liturgie : les résonnances de l’espérance », LMD, 220, 1999/4, p. 17.
[115] Id.
[116] Id.
[117] Id.
[118] Id.
[119] Ibid., p. 18.
[120] Joseph Caillot, « Eschatologie et liturgie : les résonnances de l’espérance », p. 18.
[121] Id.
[122] Ibid., p. 19.
[123] H. Bricout, « La liturgie terrestre, participation à la liturgie céleste », p. 19.
[124] J. Moingt, L’homme qui venait de Dieu, p. 297.
[125] Voir L.-M. Chauvet, « Eschatologie et sacrement », LMD 220, 1999/4, 53-71, p. 57.
[126] Cf. Jean-Hervé Nicolas, Synthèse dogmatique, p. 580.
[127] Ibid., p. 581.
[128] Id.
[129] Elbratrina Clauteaux, « Rite et récit, une narrativité en acte », LMD, 287, 2017/1, p. 95-96.
[130] Édouard Schillebeeckx, L’histoire des hommes, récit de Dieu, Paris, Cerf, « Cogitatio Fidei » 166, 1992, p. 352.
[131] Jean-Hervé Nicolas, Synthèse dogmatique, p. 583.
[132] Cf. Prière sur les offrandes du 11e dimanche du temps ordinaire B.
[133] Cf. Jean-Hervé Nicolas, Synthèse dogmatique, p. 583.
[134] L.-M. Chauvet, « Eschatologie et sacrement », LMD, 220, 1999/4, p. 55.
[135] Id.
[136] Cf. Serge Kerrien, « Le dimanche, jour eschatologique », https://liturgie.catholique.fr, consulté le 13 juin 2021.
[137] Cité aussi par Serge Kerrien dans son article que nous avons déjà mentionné.
[138] Serge Kerrien, « Le dimanche, jour eschatologique », op., cit.
[139]Cf Gérard Leclerc, « Une liturgie eschatologique », Chronique lue sur Radio Notre-Dame le 28 avril 2014, https://www.france-catholique.fr, consulté le 13 juin 2021.
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