Les sacrements de l'initiation chrétienne/ Notes de cours à l'usage des étudiants.

GRAND SÉMINAIRE NOTRE-DAME

 

Les sacrements de l'initiation chrétienne

(Théologie sacramentaire et liturgie)

 

 

 

 

 

 

 

 


 

« On ne naît pas chrétien, on le devient » (Cyprien)

 

NOTES DE COURS

 

 

 

 

 

 

Diesel PHAT, professeur

Contact : dieselphaiti@yahoo.com/ p.diesel.haiti@gmail.com

 

 

2018-2019

Les sacrements de l'initiation chrétienne

(Théologie sacramentaire)

 

 

Fiche  pédagogique

Problématique du cours :

À partir des sources patristiques et des pratiques liturgiques anciennes (IIe-VIIe s.), ainsi que des Rituels issus de la réforme liturgique de Vatican II, le cours s’évertuera à mettre en exergue les axes fondamentaux de l’initiation dans son site cérémoniel et à dégager la richesse  théologique et pastorale des sacrements de Baptême, de Confirmation et de l’Eucharistie, formant les sacrements de l’initiation chrétienne dans une logique d’unité sacramentelle. 

Compétences à acquérir :

·      Être capable de réfléchir à l’ensemble du parcours initiatique, à la lumière de la Tradition de l’Église et être en mesure de les appréhender comme un lieu théologique.

·      Analyser et comprendre la progression théologique des sacrements de l’initiation chrétienne comme un itinéraire spirituel dans les temps ou périodes qui les ponctuent.

·      Chercher à entrer dans l’intelligence et la compréhension théologico-liturgique et pastorale des Rituels de Baptême et de Confirmation issus de la réforme liturgique de Vatican II.

·      Exercer un discernement théologique sur les pratiques liturgiques et pastorales haïtiennes autour des sacrements de l’initiation chrétienne. 

Pédagogie et méthodologie :

Par des présentations magistrales, le cours offrira aux étudiants la possibilité de cerner la genèse, la structuration et l’évolution des rites d’initiation chrétienne, de les approfondir au moyen des textes bibliques, patristiques, d’études des Rituels, d’analyse de célébration et, globalement, d’un travail d’interprétation théologique des données auquel participera tous les étudiants.

Mode d’évaluation :

Une diversité de mode est proposée : rédaction d’une fiche de lecture, d’un ouvrage ou d’un document (il faut présenter l’ouvrage et le plan au professeur avant de commencer à rédiger : 2 pages maximum : interligne 1.5, police taille 12) ; note de synthèse écrite de l’ensemble du parcours (avec preuve de créativité, relecture critique : 2 pages maximum : ) interligne 1.5, police taille 12 ; analyse d’un thème choisi par l’étudiant (par oral/15 minutes ; par écrit/ interligne 1.5, police taille 12: présentation du thème et du plan avant de rédiger). La participation au cours : 4% ; travail final : 6%.

 

 

 

 

 

 

 

INTRODUCTION GÉNÉRALE

 

Jalons pour une théologie de l’initiation chrétienne 

 

Ce parcours nous propose de découvrir progressivement les richesses des sacrements que l’Église nous donne pour vivre une existence sacramentelle. Mais, qu’est-ce qu’un sacrement ? Un sacrement, c’est la Parole de Dieu qui se rend visible à travers les gestes rituels de l’Église pour parler comme Louis-Marie Chauvet. En fait, les sacrements nous plongent dans les caresses de Dieu.  Cela dit, nous voulons affirmer que l’Église n’invente pas les sacrements, mais les reçoit du Christ qui veut continuer à être présent dans la vie des siens de manière sacramentelle et réelle. Les sacrements sont un lieu théologique majeur puisqu’à travers eux, Dieu communique gratuitement sa grâce aux croyants. Nous allons chercher à comprendre à travers ce parcours comment les sacrements de l’initiation chrétienne font vivre une existence sacramentelle en tant qu’ils sont des actions du Dieu vivant de Jésus Christ et celles de l’Église[1]

Nous serons guidés par des textes bibliques, des documents magistériels, des travaux de théologiens et des sciences humaines telles que l’anthropologie et la philosophie analytique pour étayer notre propos sur les sacrements de l’initiation chrétienne. Nous diviserons le cours en deux grandes parties. Dans la première partie, nous revisiterons la théologie sacramentaire pour mieux comprendre les sacrements de l’initiation dans leur dimension historique et théologique à travers la progression de la vie de l’Église. La deuxième partie portera sur l’étude théologique et pastorale des sacrements de l’initiation : Baptême, Confirmation et Première communion.

 

PREMIÈRE PARTIE

 

 

Une réflexion sacramentaire pour une existence sacramentelle du chrétien

 

Un tel langage théologique et liturgique n’a d’autre fondement que Jésus lui-même, en prenant en compte « ses gestes et ses paroles tout au long de son itinéraire terrestre »[2]. Cela ne veut pas dire que nous devons chercher la ritualisation des sacrements dans l’agir de Jésus. Il suffit de chercher à comprendre le sens et la portée théologique et liturgique des sacrements de l’Église dans l’attitude de Jésus qui, partout où il passait, faisait le bien. La vie sacramentelle du chrétien prend son sens et son fondement dans « la portée sacramentelle de l’existence de Jésus »[3]. L’existence sacramentelle du chrétien est un don du Christ, le Verbe incarné, mort et ressuscité qui donne son Esprit pour la vie des croyants. 

Dans notre mentalité théologico-liturgique actuelle, dès que nous parlons de sacrement, nous voyons immédiatement les sept sacrements qui sont ordonnés à la croissance de la foi des chrétiens. Pourtant, la notion de sacrement a une signification large. Par exemple, Vatican II l’utilise pour parler de l’Église[4]. Et même avant, dans la pratique ancienne de l’Église, on appliquait à cette notion un sens et un contenu plus large que ce que nous connaissons aujourd’hui. Nous comprenons dès lors que « la notion de "sacrement" est à comprendre par analogie avec les sacrements proprement dits : elle a des points communs avec ces derniers, mais elle comporte aussi d’importantes différences (l’absence de rites par exemple) »[5]

Ainsi, parler de l’existence sacramentelle revient à dire que chaque baptisé est appelé à faire de sa vie un signe porteur de salut dans une union intime avec le Christ et l’Église. Le chrétien est appelé à faire, à agir comme le Christ : « ipse Christus », à mener une existence sacramentelle dans le monde. En réalité, « la liturgie et les sacrements n’ont d’autre but que de faire de notre existence même, une sorte de "sacrement" du Christ »[6]. Ce que l’Écriture dit, se manifeste symboliquement dans les actes sacramentels de l’Église (d’où l’importance de la liturgie de la Parole qui précède la liturgie des sacrements). Ce que l’Écriture annonce comme Parole vivante vient s’inscrire sur le corps humain (Je te baptise au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit ; l’onction du saint Chrême pour le Baptême et la Confirmation etc.). Cette Parole vivante s’inscrit même aussi dans le corps humain (l’Eucharistie : le Corps et le Sang du Christ. Amen. Il y  a manducation). Finalement cela renvoie à une éthique de la vie chrétienne. Il faut porter du fruit dans le monde. Le baptisé est appelé à devenir ce qu’il a reçu. Entre autre, l’existence sacramentelle que nous cherchons à esquisser est très prégnante dans toute la liturgie de l’Église comme lieu théologique. La préface des dimanches du temps ordinaire VI nous le confirme : « Dans cette existence de chaque jour que nous tenons de ta grâce, la vie éternelle est déjà commencée : nous avons reçu les premiers dons de l’Esprit [...], et nous vivons dans l’espérance que s’accomplisse en nous le mystère de Pâques ». Ainsi, c’est toute l’existence chrétienne qui doit devenir « sacrement » du Christ pour le monde selon les Écritures et par les sacrements de l’Église[7].

C’est pourquoi notre réflexion, dans cette première partie, consistera à vérifier cette existence sacramentelle à travers l’histoire, le fondement, l’évolution et la pratique des sacrements dans la longue Tradition de l’Église.

 

 

CHAPITRE I

 

Vers une approche historique de la théologie sacramentaire

pour mieux comprendre les sacrements de l’initiation chrétienne

 

Le concile Vatican II, dans sa Constitution sur la liturgie Sacrosanctum Concilium[8] donne une orientation toute particulière sur la nature des sacrements qu’il faut bien assimiler avant d’entreprendre toute autre étude sur la théologie sacramentaire. Au numéro 59 de SC, il précise : 

Les sacrements ont pour fin de sanctifier les hommes, d’édifier le Corps du Christ, enfin de rendre le culte à Dieu ; mais, à titre de signes, ils ont aussi un rôle d’enseignement. Non seulement ils supposent la foi, mais encore, par les paroles et les choses, ils la nourrissent, ils la fortifient, ils l’expriment ; c’est pourquoi ils sont dits sacrements de la foi. Certes, ils confèrent la grâce, mais, en outre, leur célébration dispose au mieux les fidèles à recevoir fructueusement cette grâce, à rendre à Dieu le juste culte, et à exercer la charité. Il est donc de la plus grande importance que les fidèles comprennent facilement les signes des sacrements et fréquentent de la façon la plus assidue les sacrements qui nourrissent la vie chrétienne. 

 

Ce texte nous sert de tremplin pour entrer dans l’étude et la compréhension des sacrements, en particulier ceux de l’initiation chrétienne qui font entrer dans le Corps ecclésial et vivre une existence sacramentelle. Pour cela, il est très utile et très méthodologique de commencer par leur approche historique et leur évolution à travers les âges de la théologie et de la vie liturgique de l’Église. 

 

 

11. Approche historique des sacrements

 

En lien avec la Constitution sur la liturgie[9], document clé de la réforme liturgique, les sacrements ont fait l’objet d’une véritable étude afin de restaurer leur véracité[10]. Parce que certains pensent que les sacrements ont été tout de suite mis en place par les Apôtres après la résurrection de Jésus (tout comme les dogmes et les autres réalités de la foi de l’Église). Cela ne s’était pas passé ainsi. En fait, les sacrements « ont en effet existé et ont été pratiqués par les chrétiens avant de porter un nom »[11]. En réalité, la notion de sacrement, dans le sens où nous l’utilisons aujourd’hui, n’a été définie qu’au XIIIe siècle. Autrefois, pour parler du baptême ou de l’onction des malades, on utilisait le terme latin sacramenta qui n’avait pas exactement le même sens. On trouve ce vocabulaire dans la bouche d’Augustin pour le mariage, l’imposition des mains, l’onction des malades et la réconciliation des pénitents[12].

Dans cette démarche qui est la nôtre, deux notions sont à prendre en compte pour retrouver la véracité et le sens du mot « sacrement » dans son aspect originaire : sacramentum et mustērion (μυστήριον) dans ses multiples sens, spécialement dans la mentalité biblique. Le mot « sacramentum » dans son sens étymologique exprime une chose religieuse, c’est-à-dire quelque chose qui est sacré. Mais aussi, ce même mot a une nuance juridique. Du coup, l’aspect sacré et juridique se retrouve dans le même mot « sacramentum » qui « signifie alors "une initiation confirmée par un serment" »[13]

Le terme « sacramentum », selon Adalbert, « désigne surtout l’initiation au service militaire et le service militaire lui-même »[14]. Alors, « employé dans le contexte baptismal, ce mot exprime à la fois l’enrôlement au service du Christ, le serment d’initiation qui scelle l’engagement pris et finalement le rite initiatique lui-même »[15]. Un tel éclairage permet de comprendre que le mot « sacramentum » retrouve celui de « mustērion » qui signifie mystère, vérité cachée et révélée, économie du salut, et dans un sens typologique, les fêtes du Christ et les fêtes liturgiques, le signe sacré ou qui consacre, et finalement le rite sacramentel, principalement les rites d’initiation (Bapt., Conf., Euch.)[16].

Ce rapprochement des deux termes nous permettra, sans fausser leur sens, de mieux cerner et de mieux comprendre les sacrements dans leur forme ou leur structure  originaire (leur gestalt) jusqu’à leur développement théologique et liturgique pendant la longue Tradition et les diverses pratiques liturgiques de l’Église

 

 

11.1 Le témoignage discret du Nouveau Testament

 

Au début de l’Église, il n’était jamais question de définir ou de démontrer logiquement ce que sont les sacrements. Les Pères ont utilisé le mot « mustērion » qu’on trouve dans le Nouveau Testament mais pas dans le sens que nous donnons aujourd’hui au mot « sacrement ». Et même si « mustērion » est typiquement néotestamentaire, cela ne veut pas dire qu’il s’agit ici d’une définition du terme de sacrement. Bref, « mustērion » ne signifie pas automatiquement « sacrement ». 

Le Nouveau Testament nous renvoie de préférence à une lecture typologique des sacrements de l’Église. Car il « est habité par l’idée que le Christ et son Esprit agissent dans l’Église »[17]. Par exemple, face à la division qui régnait dans la communauté de Corinthe, saint Paul fustige : « Serait-ce Paul qui a été crucifié pour vous ? Ou bien serait-ce au nom de Paul que vous avez été baptisés ? » (1 Co 1, 13). Cela nous fait comprendre que le baptême est reçu au nom de Jésus et non pas au nom de Paul ou de quiconque. Le Christ est en effet l’auteur du baptême. La grâce que le baptisé reçoit, ce n’est pas la grâce de Paul ou de Pierre, mais la grâce du Christ dans son Esprit. Nous pouvons étendre les exemples. Bien plus, l’expérience des disciples d’Emmaüs avec le Ressuscité (Lc 24, 13-35) est une très belle image de la compréhension biblique des sacrements sous un mode typologique. Il y a reconnaissance du Ressuscité après avoir écouté la Parole, et vu dans les signes et les gestes qu’il a opérés. La foi en Jésus ressuscité est à vivre par la reconnaissance des signes de sa présence. Dans les deux exemples (Paul à Corinthe et la rencontre de Jésus avec les disciples d’Emmaüs), c’est toujours le Christ qui est l’acteur principal. Néanmoins, « C’est lui qui agit dans les sacrements, même si c’est l’Église qui en accomplit les gestes »[18]. Saint Paul, toujours dans sa première lettre aux Corinthiens, donne au mot « mustērion » une signification hautement théologique quand il dit que : « Je ne veux pas que vous l’ignoriez, frères ; nos pères ont tous été sous la nuée, tous ont passé à travers la mer, tous on été baptisés en Moïse dans la nuée et dans la mer, tous ont mangé le même aliment spirituel et tous ont bu le même breuvage spirituel – ils  buvaient en effet à un rocher spirituel qui les accompagnait, et ce rocher c’était le Christ » (1 Co 10, 1-4). C’est un texte fondamental pour comprendre le fondement des sacrements dans la mentalité biblique. Et dans l’Ancien et dans le Nouveau Testament, l’histoire du salut est du côté de l’œuvre du Christ. C’est le Christ qui est à l’œuvre dans l’histoire des hommes avec Dieu. Les sacrements viennent de là. C’est pourquoi les Pères n’ont pas fait autre chose que de chercher à comprendre la véracité des « mystères » (mustēria) à la lumière de la typologie biblique. 

 

11.2 L’approche patristique (IIe – VIe siècles)

 

Les premiers siècles de l’Église ont été marqués par une grande richesse du développement de la pratique des sacrements. Au niveau culturel et linguistique, la réflexion autour de la question des sacrements a pris une ampleur considérable sans toutefois arriver à une compréhension des sacrements tels que nous les connaissons aujourd’hui. Une influence de trois pôles culturels et linguistiques a modifié le vocabulaire utilisé. Le mot « mustērion » utilisé dans le Nouveau Testament a gardé sa valeur et son importance dans la pratique des chrétiens du monde grec. Ce mot « mustērion » qui donne le mot « mystère » en français, « orientera la théologie vers les réalités indicibles auxquels les sacrements renvoient, de même que vers leur aspect rituel »[19].

Les chrétiens de la langue syriaque, (situés à l’est de la Chrétienté), ont utilisé le mot « raza » évoquant ce qui est « caché » et « secret ». Ce mot « oriente la pensée vers le dessein caché de Dieu et vers le sens eschatologique des sacrements »[20]. Dans le monde latin, on a traduit le mot « mustērion » par le mot « sacramentum » qui signifie « serment » ou « engagement » dans le jargon militaire. Cela « va donner à la théologie latine des sacrements une orientation plus morale, accentuant la part de l’homme dans l’action sacramentelle »[21].

En dépit de cette diversité et de cette richesse des termes utilisés pour appréhender la notion de sacrement, les Pères les ont pensés à partir des catégories bibliques. Pour eux, toute l’Écriture nous révèle le projet et les hauts faits de Dieu. Ils cherchaient à comprendre les écrits de l’Ancien Testament à la lumière de ceux du Nouveau. Ils ont fait une lecture typologique de l’Écriture. Ils cherchaient à comprendre comment tout ce qui est dit dans l’A.T (le τύπος= similitude, figure, type, ébauche, image) trouve son accomplissement, sa réalisation (ἀντίτυπος = copie, réplique, antitype) dans le N.T. C’est à partir de cette base que les Pères ont essayé d’élaborer leur propre conception théologique des « mustēria/sacramenta= mystères/sacrements ». Dans cette dynamique, les Pères ont perçu les sacrements dans une dimension eschatologique. En fin de compte, le mot sacrement tel que nous le connaissons aujourd’hui vient du mot « mustērion » traduit dans la version latine par le mot « sacramentum » ou « mysterium ». 

Toutefois, il faut souligner que le mot mustērion « n’est jamais employé dans le N.T. en un sens cultuel » comme l’a souligné Louis-Marie Chauvet[22]. Il est toujours en lien essentiel avec le Christ, le « Mustērion/Sacramentum » de la rencontre de Dieu. Dans ce sens, les Pères ont toujours cherché à lire « les grands moments de la geste divine racontée par les Écritures (création, déluge, sacrifice d’Abraham, histoire de Joseph, exode…) comme autant de "mystères" ou de "sacrements" ; et tous le font dans le sillage de 1 Co 6, 11, qui fait office de principe fondamental d’une herméneutique chrétienne : tout cela était "figure" de la réalisation à venir en Christ »[23]. Néanmoins, le mot « mustērion » va lentement s’appliquer aux activités cultuelles de l’Église, de manière prudente, au début du IIIe siècle, en particulier avec Clément d’Alexandrie[24]. Mais c’est Tertullien qui a donné au mot « sacramentum » ses lettres de noblesse chrétienne comme traduction du mot « mustērion »[25].

En réalité, les Pères ont donné très tôt une place de choix au catéchuménat et aux sacrements de l’initiation chrétienne. Déjà au cours des IIe et IIIsiècles, le catéchuménat est mis progressivement en place en vue de former les personnes désirant embrasser la foi chrétienne. Cet enseignement ou cette formation porte beaucoup plus sur le sens fondamental de la vie chrétienne expliquée à partir de l’Écriture (la typologie biblique) que sur le baptême et l’Eucharistie. L’enseignement appelé « catéchèses baptismales ou mystagogiques » se fait habituellement après la célébration des sacrements à la sainte Nuit de Pâques. 

 

11.3 Le haut Moyen Âge (VIe-IXe siècles)

 

L’Église du haut Moyen Âge connaît de grands changements au niveau des comportements. Les chrétiens deviennent de plus en plus nombreux et cela opère des changements dans l’organisation des communautés ecclésiales et dans la pratique des sacrements. La pastorale n’est plus centralisée sur la seule personne de l’évêque comme autrefois. À la place des communautés dites épiscopales, on a des communautés dites presbytérales. 

Un tel déplacement ecclésial a des conséquences majeures sur la célébration des sacrements de l’initiation chrétienne. Dans les villes cela se passe, plus ou moins comme auparavant : les catéchumènes sont baptisés, confirmés et eucharistiés au cours de la Veillée pascale. Dans les campagnes, cela se passe autrement. Ce sont les prêtres qui baptisent les petits enfants parfois dès leur naissance (pas nécessairement à Pâques) et les font communier au saint calice (en humectant de vin consacré les lèvres du nouveau baptisé)[26]. Les rites qui achèvent le baptême sont donc reportés à plus tard au passage de l’évêque. C’est de là, probablement que le terme de confirmation a pris naissance vers le milieu du Ve siècle pour désigner les rites post-baptismaux[27]

 

 

11.4 L’institution des sacrements

 

C’est au XIIe siècle que la théologie sacramentaire commence à connaître une grande effervescence avec les scolastiques. Les théologiens de l’époque vont faire évoluer le terme sacramenta qu’ils trouvent insatisfaisant (le grand Abélard, Hugues de Saint-Victor, Pierre Lombard). À l’époque, cette notion avait une large utilisation et signification (utilisée en même temps pour parler de l’Eucharistie, pour les Cendres de l’entrée en Carême, etc…). Du coup, « les théologiens vont donc chercher à clarifier cette notion, à mettre de l’ordre dans l’ensemble des réalités désignées par le terme sacramenta »[28].

Ces théologiens d’alors ont cherché à déceler les sacramenta les plus importants c’est-à-dire « ceux qui sont en rapport le plus étroit avec le salut en Jésus-Christ »[29]. Dans cette dynamique, ils privilégient « les sacramenta communs à tous les chrétiens »[30] et considèrent finalement comme « sacramenta », le Baptême, la Confirmation, l’Eucharistie, la Pénitence et l’Onction des malades. Ils n’excluent pas pour autant l’Ordre et le Mariage considérés comme deux sacramenta. Ils arrivent donc à sept « sacramenta » principaux. Pierre Lombard est le pionnier dans cette classification sacramentaire dans son IVe Livre des Sentences, écrit en 1150[31].

Les théologiens de cette époque ne cherchent pas à fouiller dans les écrits néotestamentaires pour pointer les sacrements que le Christ aurait institués, mais ils font ce travail à partir de la pratique de l’Église, telle qu’elle s’est développée en Occident[32]. À partir de cette délimitation naissent deux catégories de « sacramenta » : les plus importants prennent le nom de « sacrements », et les autres « sacramentaux », c’est-à-dire tous ceux qui ne figurent pas parmi les sept « sacramenta » que nous venons de nommer. Par exemple, les bénédictions font partie des « sacramentaux ». Les « sacramenta » primordiaux sont de l’ordre de la grâce tandis que les « sacramentaux » comme les bénédictions préparent les croyants « à recevoir l’effet principal des sacrements »[33].

Mais, ce n’est qu’au XIIIe siècle que la question de l’institution des sacrements va être forgée soit plus de cent ans après l’apparition du septénaire. C’est saint Thomas d’Aquin qui va principalement aborder cette question et la travailler en profondeur dans la IIIe partie, question 64, article 2 de la Somme théologique qu’il a écrite. Pour saint Thomas, la caractéristique des sacrements est de transmettre la grâce qui ne peut venir que de Dieu ; il en résulte que Dieu seul a institué les sacrements[34]. Ainsi donc, « Le glissement vers une compréhension historique de l’institution des sacrements se fera cependant rapidement ; on cherchera des versets bibliques pour prouver leur institution »[35]. Toutefois, il ne faut pas perdre de vue que de manière historique « la question de l’institution des sacrements est celle de leur rapport au Christ ressuscité, hier et aujourd’hui »[36]. En dépit de cette soigneuse et louable délimitation apportée à l’organisme sacramentaire, il est aussi vrai de dire que la grâce de Dieu ne se confine pas dans les seuls sept sacramenta retenus par l’Église. De plus, ces sept sacramenta ne sont pas d’égale importance. Le concile de Trente l’a bien montré : « Si quelqu’un dit que ces sept sacrements sont si égaux entre eux qu’à aucun point de vue l’un n’est pas plus digne que l’autre, qu’il soit anathème »[37]. Le concile Vatican II apporte un éclairage particulier sans démolir l’édifice sacramentaire ancien. Ainsi, dans le Catéchisme de l’Église Catholique, on précise : 

Les sacrements de la Loi Nouvelle sont institués par le Christ et ils sont au nombre de sept, à savoir le Baptême, la Confirmation, l’Eucharistie, la Pénitence, l’Onction des malades, l’Ordre et le Mariage. Les sept sacrements touchent toutes les étapes et tous les moments importants de la vie du chrétien : ils donnent naissance et croissance, guérison et mission à la vie de foi des chrétiens. En cela il existe une certaine ressemblance entre les étapes de la vie naturelle et les étapes de la vie spirituelle (CEC, n° 1210).

 

 

11.5 L’organisme sacramentel

 

Le bref parcours historique que nous venons de faire à propos des sacrements nous montre que ceux-ci s’imbriquent et s’appellent mutuellement dans un dynamisme cohérent selon les différentes époques de la vie ecclésiale et les expériences des chrétiens. 

Leur classement a connu beaucoup de variations. À une époque donnée, on parlait de deux catégories de sacrements : ceux des morts (à la vie divine : le Baptême et la Pénitence) et ceux des vivants (les autres sacrements). À une autre époque, on envisageait les sept sacrements à partir des sept péchés capitaux, et cela faisait comprendre les sacrements comme des antidotes et des remèdes aux péchés. Mais dans le Catéchisme de l’Église Catholique, les sacrements sont classés en trois catégories : les sacrements de l’initiation chrétienne (Baptême, Confirmation, Eucharistie), les sacrements de guérison (Pénitence et l’Onction des malades), les sacrements qui sont au service de la communion et de la mission du peuple de Dieu (Ordre, Mariage)[38]

Toutes ces catégorisations sacramentaires à travers l’histoire nous montrent que les sacrements forment un ensemble cohérent où chacun est relié aux autres. Leur noyau central est le Mystère pascal, point culminant de l’histoire du salut. Il n’y a pas d’existence sacramentelle sans le Mystère pascal. À l’intérieur de cet ensemble cohérent, on trouve les sacrements de l’initiation chrétienne, appelés sacrements constitutifs dans le sens où ils font de ceux qui les reçoivent dans la foi, des chrétiens. 

 

 

***

Dans ce premier chapitre, nous avons esquissé la dimension historique des sacrements et leur développement dans la Tradition de l’Église et à travers les différentes pratiques liturgiques de l’Église ancienne jusqu’à Vatican II. Ainsi, concluons-nous en disant qu’ils « constituent cependant un organisme unifié et progressif, par lequel la vie humaine est peu à peu évangélisée, devient développement et croissance dans le Christ »[39] à travers les différentes périodes de l’histoire de l’Église et de la liturgie.

 

 

CHAPITRE II

 

L’apport des sacrements pour une existence sacramentelle

 

Il n’y a pas d’existence chrétienne véritable sans les sacrements. Leur force booste et rend solide l’existence humaine. Le croyant reçoit donc les sacrements dans l’« Amen » de la foi qui engage toute sa personne. Par les sacrements, Dieu communique ses dons et sa grâce aux croyants. Dans une telle dynamique, il y a une double action qu’il faut prendre en compte : l’action de Dieu vivant en Jésus Christ et celle, humaine de l’Église[40].

Ce deuxième chapitre cherchera à étudier les sacrements sous cet angle pour déboucher sur une particularité de ceux de l’initiation chrétienne. En lien avec le premier, ce second chapitre constituera la porte d’entrée dans l’édifice des sacrements de l’initiation chrétienne qui donnent aux chrétiens leur identité. Sanctifiée par les sacrements de l’initiation chrétienne (pas eux seulement), la vie des chrétiens devient « liturgie » ou « offrande spirituelle » à la gloire de Dieu[41].

 

 

 

 

 

21. Les sacrements de l’Église : une vision globale

 

Quand nous parlons des sacrements de l’Église, il y a une judicieuse précision à faire. Il convient de souligner que l’Église n’a pas le monopole de la grâce de Dieu. La grâce de Dieu dépasse largement l’Église et agit dans le cœur des hommes de manière invisible puisque l’Esprit Saint offre à tous, d’une façon que Dieu connaît, la possibilité d’être associés au Mystère pascal[42].

En réalité, les sacrements sont porteurs de « grâce » en ce sens qu’ils aident les croyants à vivre dans l’immensité de l’amour gratuit de Dieu. Par la célébration des sacrements, l’Église célèbre pour toujours l’incommensurable don de Dieu qui agit dans le cœur des croyants de manière parfaitement libre. Ainsi, les sacrements ne sont-ils pas une pure invention de l’Église, mais des signes de la geste de Dieu pour les hommes dans l’Église. L’Église n’invente pas les sacrements, elle les reçoit pour les donner aux croyants en jouant son rôle de médiatrice. Comme le fait remarquer avec justesse, Jean-Hervé Nicolas, « elle réalise la rencontre personnelle du croyant et du Christ, pour autant que le croyant le veuille, c’est-à-dire pour autant qu’il se comporte en croyant »[43].

 

21.1 Le rôle et l’importance des sacrements pour une existence sacramentelle

 

Les sacrements sont faits pour les croyants. Même si la grâce de Dieu précède les célébrations liturgiques de l’Église, les sacrements procurent la « grâce », dans le sens où la grâce divine devient palpable et touche le cœur du croyant de manière sacramentelle. Les sacrements sont la célébration de « l’Alliance qui prend corps dans l’humanité »[44]. Par la vie sacramentelle, le croyant pérégrine ainsi « de la foi à la foi » (Rm 1, 17).

Cela revient à dire que les sacrements ne sont pas des actes magiques. Ils ne sont pas une sorte de « talisman » pour les chrétiens. Les sacrements nécessitent de la foi. Ils sont des sacrements de la foi. On ne reçoit pas les sacrements pour s’emparer de la force de Dieu, ni maîtriser ses actions salvatrices. On reçoit les sacrements pour se laisser porter par la grâce. On reçoit les sacrements pour devenir semblables au Christ, pour vivre la « solidarité spirituelle » de l’Église. Ils permettent de devenir alter Christus. Ainsi, « les sacrements sont la source de l’annonce de l’Évangile et le sommet de sa réception »[45]. L’existence sacramentelle ne se vit pas sans la métanoia, la conversion. En préparant et en célébrant les sacrements, l’Église le rappelle sans cesse. Car l’existence sacramentelle est une vie dans l’Esprit Saint qui est donné pour la sanctification des membres du Corps du Christ. L’existence sacramentelle du croyant est une vie épicleptique

 

 

21.2 Les sacrements comme actions du Christ en Église et par l’Église

 

  Nous l’avons maintes fois souligné : l’Église n’est pas l’auteure des sacrements. Ils viennent des gestes de Jésus qui est leur fondement. C’est ce que la liturgie et la Tradition ont toujours montré. Le grand sacrement de Dieu c’est le Christ, capable de fonder l’Église-sacrement, qui, pour le coup, devient le lieu où émergent les sacrements du salut[46]. Dans la célébration des sacrements, la liturgie de la Parole nous fait faire « mémoire » de Jésus (il faut prendre le mot « mémoire » dans le sens où le Christ l’a dit lors de la dernière cène). C’est la Parole du Christ qui vient se déposer sur le corps humain pour le soulever. Car, en réalité, les sacrements sont des actions rituelles faites de gestes symboliques et de paroles dans lesquels le Christ lui-même agit et rejoint les croyants dans leur propre vie quotidienne. Le concile Vatican II ne cesse de le souligner : « Il est présent, par sa puissance, dans les sacrements au point que lorsque quelqu’un baptise, c’est le Christ lui-même qui baptise » (SC n° 7). 

C’est à ce titre, que nous pouvons comprendre les sacrements comme une présence symbolique de Jésus parmi les croyants. Sa présence symbolique dans l’Église. Cette dimension ecclésiale des sacrements est une réalité incontournable pour éviter de ne pas trop les individualiser, ni les décaler par rapport à la relation – Christ – Église – croyants. L’Église, dans la délimitation des sacrements, a exercé son discernement à partir des actes salvifiques du Christ. Et, « dans ce discernement deux facteurs ont joué un rôle essentiel : d’une part rendre compte de la diversité des gestes par lesquels Jésus exprime le don irréversible qu’il fait de lui-même à l’Église ; d’autre part, prendre en compte les grands moments de l’existence humaine de chaque croyant dans son rapport à l’Église »[47]. Dans les sacrements, l’Église célèbre et donne aux croyants qui les reçoivent dans la foi, ce que le Christ a réalisé dans ses actes de salut, en particulier dans son Mystère pascal. Les sacrements sont des actions du Christ en Église et par l’Église. Ils font exister l’Église pour que celle-ci, vivifiée par eux, puisse les célébrer. La vie de l’Église est dans la célébration des sacrements issus du côté du Christ mourant sur la croix. Néanmoins, « l’Église fait les sacrements : c’est elle qui les célèbre et les donne. Les sacrements font l’Église : ils lui communiquent la vie du Ressuscité et son Esprit grâce auxquels l’Église existe et grandit »[48].

 

22. La dimension anthropologique et symbolique des sacrements

 

La grâce de Dieu, avons-nous déjà dit, vient se déposer sur le corps par la célébration et la réception, dans la foi, des sacrements de l’Église. Inscrits sur le corps ou dans le corps, les sacrements ne sont pas de l’ordre d’un « koupe gad » - (couper garde)[49]. C’est le Christ qui, par des gestes symboliques et des paroles sacramentelles de l’Église-sacrement, vient habiter le corps du croyant dans la puissance de son Esprit. Le corps du croyant devient un corps habité par l’Esprit Saint. Puisque, « la matière est bien chemin vers Dieu. Elle n’est pas seulement le théâtre de l’action de Dieu, elle en est la médiation même »[50]. Alors, d’un point de vue anthropologique, comme l’a fait remarquer Louis-Marie Chauvet, « les sacrements sont des expressions verbo-rituelles propres au groupe religieux particulier que constituent les chrétiens »[51]. Cette prise de possession du corps dont nous venons de parler se fait dans un déploiement rituel et liturgique marquant la célébration des sacrements comme lieu théologique et comme épiphanie de l’Église, sacrement du Royaume. 

 

 

22.1 Un déploiement rituel

 

La vie sacramentelle du chrétien doit être ritualisée, elle suppose un itinéraire qui déploie sa dimension anthropologique et symbolique (le rituel de l’initiation des adultes en est un bel exemple). La préparation aux sacrements d’initiation se fait au rythme du temps et sur une scène rituelle qui mobilise le corps, les gestes et le langage de manière symbolique. 

Le déploiement rituel des sacrements est un acte opératoire. Il concerne l’« action », le « faire » dans son ordre symbolique par lequel les croyants reçoivent la grâce de Dieu dans leur humanité pour que le plus corporel puisse devenir le plus spirituel[52]. Toutefois, cela demande de la « distance » puisque le déploiement rituel met les croyants en présence de Dieu. La scène rituelle des sacrements est différente de la scène rituelle observable dans les rites de passage ordinaire (le déploiement rituel de la célébration du baptême d’un ami à la paroisse n’est pas celui de son anniversaire au restaurant x). Ce déploiement rituel fait accueillir la présence de Dieu par mode d’action symbolique dans un espace de gratuité[53]. C’est pourquoi ce déploiement rituel est toujours à évangéliser, c’est-à-dire toujours à être habité par la Parole de Dieu et par l’Esprit Saint qui sanctifie toute chose[54].

 

 

22.2 Un ancrage liturgique

 

Cette ritualisation s’inscrit dans une réalité liturgique. Elle nécessite un déploiement rituel dans l’espace et le temps, mobilisant des gestes qui parlent à l’être chrétien par le langage de la foi. Du coup, on ne peut pas parler de sacrement sans parler de la liturgie comme son point d’ancrage. Car c’est dans la liturgie comme Opus Dei que la grâce divine se fait « événement », se fait « don ». On ne s’étonne pas que la célébration des sacrements commence toujours par le signe de croix et la salutation liturgique : « Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit ; Le Seigneur soit avec vous ou La grâce de notre Seigneur Jésus Christ, l’amour de Dieu le Père et la communion de l’Esprit soient toujours avec vous ». Car « la liturgie est donc un "lieu théologique" de première importance. Elle nous montre, non pas par mode de raisonnement, mais par mode d’agir symbolique, que chacun ne devient chrétien que pris en quelque sorte dans la "matrice" communautaire de l’Église »[55].

L’action liturgique des sacrements permet de recevoir et de savourer la vie en Jésus Christ qui se rend présent hic et nunc dans l’acte sacramentel de l’Église dans son épaisseur symbolique. Car les sacrements sont toujours de l’ordre symbolique au sens qu’ils engagent la relation, la communication, la reconnaissance. Comme réalité symbolique, ils font entrer dans l’ordre du « don » et du « contre-don ». De plus, les sacrements comme actes liturgiques de l’Église ne sont pas des actes privés, mais des célébrations de l’Église. Les sacrements appartiennent donc au Corps tout entier de l’Église. C’est pourquoi le concile Vatican II ne cesse de réitérer que les sacrements se célèbrent avec la participation de l’assemblée, du peuple de Dieu. C’est par la liturgie de l’Église que le Christ communique son œuvre de salut « jusqu’à ce qu’il vienne » (1 Co 11, 26)[56]. L’ancrage liturgique des sacrements se vérifie par cet adage : « un seul préside, tous célèbrent ». Mais aussi, cet ancrage liturgique demande qu’on accorde une importance égale à la Parole et aux sacrements. Car, comme le souligne avec raison Dei Verbum, c’est aussi bien sur la table de la Parole de Dieu et sur celle du Corps du Christ que l’Église prend le « pain de vie » pour l’offrir aux fidèles (DV n° 21). Il n’y a pas de vie sacramentelle authentique si l’on ne vit pas la sacramentalité de la Parole de Dieu qui se donne à rencontrer dans la liturgie. Dans cette dynamique, parler de l’ancrage liturgique des sacrements revient à les situer dans la lex orandi et la lex credendi de l’Église : d’où le sens de leur dimension spirituelle et théologique. 

 

               

***

 

Notre démarche, dans ce chapitre, était de vérifier comment les sacrements font vivre une existence sacramentelle. Nous venons d’y découvrir que c’est en fonction du Christ lui-même qui a accompli la promesse du Père dans sa mort et sa résurrection. Et dans la jonction de cet accomplissement et de son déploiement dans la vie du monde, il y a l’Église. Il n’y a pas véritablement de vie chrétienne sans le Christ, sans les sacrements de l’Église comme dons de Dieu faits aux croyants. 

C’est pourquoi les sacrements sont la célébration de l’Alliance à travers la ritualité et l’ancrage liturgique qui les caractérisent. Ceci pour dire qu’on n’est pas chrétien sans la médiation de l’Église Corps du Christ, « symbole visible de son Royaume »[57].

 

 

Conclusion de la première partie

Ce parcours nous a permis de regarder les sacrements dans leur aspect historique et théologique, pour finalement nous approcher de ceux qui font entrer dans la vie chrétienne : les sacrements de l’initiation chrétienne

Un tel parcours nous aide à comprendre que les sacrements ne tombent pas du ciel. S’inscrivant dans une réalité biblique et humaine, ils sont « des rites fondamentaux de l’Alliance avec Dieu »[58] dans leur épaisseur symbolique. Avec l’éclairage que nous donne l’étude déjà menée, nous pouvons chercher à appréhender les sacrements de l’initiation chrétienne dans leur déploiement dans le temps et en lien avec tous les autres comme « organisme sacramentel unifié ». Voilà ce que nous visons dans la deuxième partie de notre parcours. 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

DEUXIÈME PARTIE

 

 

Les sacrements de l’initiation chrétienne : 

entrée dans la vie christique et ecclésiale

pour une existence baptismale et eschatologique

 

 

Les sacrements de l’initiation chrétienne font des hommes et des femmes qui les reçoivent dans la foi, des chrétiens et des chrétiennes avec une conscience d’appartenance ecclésiale bien trempée. C’est une plongée dans la vie du Christ et dans celle de l’Église son sacrement. Cette deuxième partie de l’ensemble du parcours nous permettra, nous l’espérons, de vérifier notre hypothèse. 

Nous le ferons en analysant le concept d’initiation dans son sens originaire et en étudiant son appropriation et son évolution dans le champ de la sacramentaire ainsi que son expansion dans la mentalité liturgique qui l’ont fait devenir un concept clé pour la théologie de l’initiation chrétienne. Pour le dire autrement, nous voulons vérifier comment arriver à formuler une théologie de l’initiation chrétienne à partir de la pratique antique et actuelle de la préparation et de la célébration des sacrements du Baptême, de la Confirmation et de l’Eucharistie. 

Un tel parcours théologique doit aussi avoir pour visée la pastorale et mettre l’accent sur l’unité des trois sacrements et la manière dont ceux qui s’en approchent deviennent chrétiens car Jésus l’a bien dit : « Personne ne peut venir à moi, si le Père qui m’a envoyé ne l’attire » (Jn 6, 44). Ceux qui en manifestent le désir et s’y préparent ne le deviennent que par l’initiative de Dieu. C’est Lui qui appelle au mystère d’illumination. La vie dans le Christ par la médiation de l’Église est un appel de Dieu qui vient de son propre dessein de salut. Une telle théologie de l’initiation doit être située dans cet écrin. Car toute initiation au mystère de Dieu est une élection divine. De ce point de vue, il semble qu’il faut percevoir l’initiation chrétienne comme une initiation par Dieu avant même d’être un acte attesté et célébré communautairement par l’ecclesia.  

 

 

CHAPITRE III

 

L’initiation chrétienne comme processus d’initiation

 

La notion d’initiation chrétienne a pris une place importante dans la théologie des sacrements à partir du début du XXe siècle[59]. Mais elle a évolué dans le temps en se focalisant sur le rapport entre les sacrements chrétiens et les musteria des religions païennes. De cette tranche d’âge, on cherche d’abord surtout à savoir « si les sacrements sont quelque chose d’extérieur au noyau essentiel du message évangélique, et un rapport des religions à mystères (dans lesquelles on accède par initiation) »[60]. Mais, à partir des années 50 jusqu’à Vatican II, on redécouvre l’importance de cette notion, grâce à un déplacement de l’attention des historiens et des théologiens de la liturgie « vers les origines juives du culte chrétien »[61]. En plus, la réalité contextuelle de la pratique des sacrements fait émerger aussi un déplacement pastoral sans oublier les grands travaux issus du mouvement liturgique[62]. Ces deux réalités changent la donne. La notion d’initiation, pour le coup, va apporter une aide précieuse à une revalorisation de l’initiation chrétienne en tenant compte de son contenu et de sa valeur dans la tradition sacramentaire[63]

Notre étude ici consiste à mettre en exergue les ressources pour penser la théologie de l’initiation chrétienne à partir de ce retour à la tradition sacramentaire. Il s’agit de questionner les ressources et les pratiques anciennes de l’édifice sacramentaire pour une existence sacramentelle du chrétien à partir de la dimension pascale des sacrements de l’initiation chrétienne et de dépasser les schémas sacramentaires qui nous habitent. On n’est pas sans savoir que, de toutes les familles liturgiques, c’est celle de l’Occident qui sépare les trois sacrements d’initiation chrétienne. Les autres familles liturgiques les ont toujours considérés comme un organisme sacramentel unifié qui fait entrer les chrétiens dans la réalité du Mystère pascal du Christ. 

 

 

 

31. Origine et développement historique de l’initiation chrétienne

 

 

Sans même connaître et utiliser le terme d’initiation chrétienne, tel que nous le connaissons aujourd’hui, les Pères n’ont jamais séparé le Baptême, la Confirmation et l’Eucharistie qui font entrer le croyant dans la communauté des fidèles du Christ. C’était la voie normale pour être membre de ce Corps. Ces trois sacrements formant un seul« mustērion » étaient inévitablement célébrés à Pâques après un temps de préparation sur une compréhension de la vie dans le Christ. On cherchait de préférence à savoir pourquoi on veut devenir chrétien et comment le devenir. 

L’initiation chrétienne vient de la pratique ancienne de l’Église de toujours unifier les sacrements du Baptême, de la Confirmation et de l’Eucharistie dans une seule célébration. Même s’il y avait des différences dans la façon d’accomplir les rites selon les régions, l’unité de l’organisme sacramentel était toujours respectée. D’entrée de jeu, on peut se demander comment comprendre l’origine et le développement de l’initiation chrétienne ? Il semble que l’application et l’évolution de cette notion et de cette pratique ont fait sauter des verrous à travers l’histoire de la vie liturgique de l’Église dans sa grande diversité et catholicité.  

 

 

 

31.1  Le témoignage de l’époque apostolique (du Ier au Ve siècle)

 

 

À l’époque apostolique, il est difficile d’affirmer clairement qu’il y a eu une « organisation nette d’une préparation aux trois sacrements »[64]. Par contre, la foi et le baptême constituent le point central de la prédication des Apôtres (Mt 28, 19-20). Dans les écrits du Nouveau Testament, il y a de nombreux textes référant au baptême comme fil rouge de leur enseignement. En fait le baptême est conféré soit de manière collective (Ac 2, 14-41), soit de manière individuelle (le cas de l’Eunuque éthiopien : Ac 8, 20-39). 

L’Eucharistie, nous le savons, occupe une place de choix tout au début de l’Église. Quant à la Confirmation, nous ne pouvons pas l’appréhender avec notre mentalité d’aujourd’hui. Le témoignage biblique du Nouveau Testament nous montre que les nouveaux baptisés reçoivent l’Esprit Saint de manière directe (Ac 10, 44) ou par l’imposition des mains accompagnée d’une prière (Ac 8, 17). Il semble qu’au Ier siècle, le baptême est conféré par le bain rituel avec la profession chrétienne. D’ailleurs, cette période est beaucoup plus caractérisée par une typologie baptismale très dense focalisée sur le Christ comme modèle des baptisés. Il faut attendre le IIsiècle pour qu’on commence à parler d’initiation pour « désigner les sacrements qui déterminent l’identité chrétienne »[65]

 

 

31.2 Les pratiques du IIe au Ve siècle

 

La préparation et la célébration du baptême commencent à s’organiser vers le IIe siècle. Saint Justin est le premier à nous en donner le témoignage. Il s’agit de la première forme d’organisation du catéchuménat puisque la moitié du IIe siècle de la vie de l’Église est déjà fortement marquée par les persécutions et l’apparition des sectes qui occasionnent beaucoup de risques d’apostasie et d’hérésies. 

L’étape catéchuménale porte alors sur les trois grands moments qui marquent profondément les catéchumènes dans leur cheminement vers la vie chrétienne:

 

·      une catéchèse les préparant aux sacrements de l’initiation. Cette catéchèse vise leur formation sur l’histoire du salut accomplie en Jésus Christ. Ils sont admis en présence d’un parrain ou d’une marraine qui les accompagne pendant tout le temps du catéchuménat et ils participent à liturgie de la Parole de la communauté dominicale.

 

·      une dernière préparation consiste à intensifier les rencontres incluant la prière et le jeûne (fondement de notre fameux temps de Carême actuel). C’est à ce moment qu’on présente les catéchumènes à l’évêque qui les choisit au nom du Seigneur en inscrivant leur nom. Ils forment ce qu’on appelle les φωτιξόμενoι, « ceux qui entrent dans la lumière »[66]. Éthérie[67], dans son journal de voyage décrit ces rites en ces termes : 

 

Celui qui donne son nom le donne la veille du carême et un prêtre note tous les noms. […], le lendemain, […], on place pour l’évêque un siège au milieu de l’église majeure, c’est-à-dire le Martyrium ; des deux côtés sont les prêtres, assis sur des sièges et, debout, tous les clercs. Puis on amène un à un les candidats ; si ce sont des hommes, ils viennent avec leur parrain ; si ce sont des femmes, avec leur marraine. Alors, pour chacun, l’évêque interroge les voisins de celui qui est entré, en disant : « Mène-t-il une vie honnête ? Respecte-il ses parents ? N’est-il pas adonné à l’ivresse et au mensonge ? » […]. Si le candidat est reconnu sans reproche par tous ceux qu’on a interrogés en présence des témoins, l’évêque note lui-même de sa main son nom. Mais s’il est accusé sur quelque point, l’évêque le fait sortir en disant : « Qu’il s’amende, et quand il sera amendé, alors il accèdera au baptême »[68].

 

Après cette inscription, le processus catéchuménal se poursuit pendant tout le temps de Carême avec des « catéchèses sur l’Écriture et le Credo faites par l’évêque »[69].

·      Une ultime préparation se fait dans les heures qui précèdent la Veillée pascale. C’est la dernière étape au cours de laquelle :

-       on fait la redditio, c’est-à-dire la remise du Credo et du Pater ;

-       l’Efféta ;

-       la renonciation à Satan ; 

-       l’onction d’huile des catéchumènes. Puis, dans la nuit pascale, l’évêque bénit l’eau baptismale puis les catéchumènes descendent dans la piscine baptismale où ils sont plongés trois fois dans l’eau selon la formule trinitaire. Après, ils remontent de la piscine baptismale et la célébration se poursuit avec les rites complémentaires :

o  ils reçoivent l’onction avec l’huile parfumée en signe de consécration (la chrismation) ;

o  l’évêque leur impose les mains pour leur communiquer le don de l’Esprit Saint ;

o  on leur remet le vêtement blanc qu’ils porteront toute la semaine que nous appelons aujourd’hui l’octave de Pâques. Mais en réalité, c’était la semaine réservée pour la catéchèse mystagogique ;

o  et tous participent à l’Eucharistie : ils (les fidèles, les néophytes, les prêtres, l’évêque) partent du baptistère à la cathédrale pour célébrer l’Eucharistie de la sainte Nuit de Pâques pendant laquelle ceux qui viennent d’être baptisés achèvent leur initiation en communiant au Corps et au Sang du Christ pour la première fois. 

 

Saint Justin au IIe siècle décrit la même pratique:

 

« Tous ceux qui veulent bien se laisser convaincre et accorder foi à la vérité de nos enseignements et de notre discours, et qui assurent être capables d’y conformer leur vie, apprennent à prier et à demander à Dieu, dans le jeûne, la rémission de leurs fautes antérieures ; et nous-mêmes, nous prions et jeûnons avec eux. Ils sont ensuite conduits par nous dans un endroit où il y a de l’eau, et selon le mode régénération dont nous avons nous-mêmes été régénérés, ils sont à leur tour régénérés »[70].

 

Ce texte de Justin nous présente deux éléments essentiels caractérisant l’administration du baptême au IIesiècle : une catéchèse qui initie les catéchumènes à la foi et à la vie morale chrétienne et à l’approche du baptême (bien sûr à Pâques), la prière et le jeûne comme une sorte de retraite pour préparer les catéchumènes à recevoir les sacrements de l’initiation chrétienne.

La Didachè décrit, dans cette même dynamique, le temps de l’enseignement et du jeûne :

 

Pour ce qui est du baptême, donnez-le de la façon suivante : après avoir enseigné tout ce qui précède, « baptisez au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit » (Mt 28, 19) dans de l’eau vive […]. Qu’avant le baptême jeûnent le baptisant, le baptisé et d’autres personnes qui le pourraient, du moins ordonne au baptisé de jeûner un jour ou deux auparavant[71]

 

Le déploiement de la catéchèse catéchuménale que nous venons d’esquisser ci-dessus semble se développer et s’appliquer avec envergure au IIIe siècle considéré comme le commencement de l’âge d’or de l’initiation chrétienne. Dès cette époque, on peut même parler de la vraie mise en place d’une ritualisation des rites complémentaires du baptême dits actes post-baptismaux. 

Le temps de la préparation à l’initiation chrétienne est d’une grande importance. Les catéchumènes participent à la liturgie de la Parole, écoutent l’enseignement des Pères pour apprendre à penser et vivre en chrétiens en attendant de comprendre ce qu’ils entendent. Ce sera le rôle de la catéchèse mystagogique et la pratique de la vie chrétienne. 

 

 

31.3 Les pratiques à partir du VIe siècle jusqu’au Xe

 

La paix constantinienne (vers 313) permet à l’Église de se développer. Les communautés chrétiennes grandissent. On passe d’une communauté épiscopale à une communauté presbytérale. Ce changement de structure ecclésiale modifie l’approche des sacrements de l’initiation chrétienne. De plus en plus on procède au baptême des petits enfants en grand nombre. Ce qui oblige déjà une modification dans le Rituel du baptême et dans l’ensemble des sacrements de l’initiation chrétienne. 

Toutefois, on ne peut pas dire que l’ancienne pratique est tombée en désuétude. Du VIe au Xe siècle, deux formes de célébration baptismale cohabitent : la forme catéchuménale qui implique la longue préparation des adultes à la célébration des sacrements de l’initiation chrétienne et la forme pédobaptismale (forme adaptée) qui prépare les parents à la célébration du baptême des petits enfants. Dans les deux cas, la célébration du baptême se fait par triple immersion et s’achève par la communion eucharistique. Malgré tout, la pratique de cette longue époque ne sépare pas les trois sacrements de l’initiation chrétienne : le Baptême, la Confirmation, la Première communion. 

Dans les villes, les sacrements de l’initiation chrétienne sont toujours administrés par l’évêque dans la sainte Nuit de Pâques. Mais, dans les campagnes, ils sont administrés par les prêtres. En tout cas, tous, enfants et adultes reçoivent les sacrements de l’initiation chrétienne dans la Nuit pascale ou à un autre moment en particulier vers le IXesiècle. À ce moment commencent à émerger des Rituels sacramentaires faits pour le baptême des petits enfants (par exemple : le Sacramentaire gélasien). 

 

 

31.4 Les pratiques à partir du Xe siècle et jusqu’à Vatican II

 

À partir du Xe siècle, la pratique de l’initiation chrétienne dans l’Église latine devient de plus en plus compliquée. Le Rituel de l’initiation a beaucoup d’ajouts qui le rendent assez complexe et disparate[72]. On y trouve des répétitions de rites et des éléments empruntés à d’autres Ordines. La liturgie de l’initiation de cette époque se trouve donc morcelée. La pratique du baptême par immersion a quasiment disparu pour laisser la place à celui de l’infusion. 

En grande partie, la Confirmation s’est séparée de l’ensemble du rite pour être donnée plus tard (quand l’évêque sera de passage dans les paroisses). Mais, les enfants baptisés sont eucharistiés. Jusqu’à Vatican II, l’on peut dire que la pratique de l’initiation chrétienne n’était pas si heureuse. Une restauration du Rituel était nécessaire et pour le baptême des adultes et pour celui des enfants et pour la Confirmation qui avait perdu son importance à cause de sa séparation d’avec le baptême[73]. La pratique de cette époque dans ses grandes diversités ne permettait pas de voir les sacrements de l’initiation chrétienne comme un organisme sacramentel unifié. L’Eucharistie ne paraissait plus comme le couronnement de l’initiation. Ces déplacements dans la célébration des sacrements de l’initiation ont existé jusqu’à Vatican II. 

C’est pourquoi la Constitution liturgique de la réforme de Vatican II va demander  la restauration du catéchuménat[74]  et « la préparation d’un rite pour le baptême des enfants qui soit "adapté aux tout-petits" »[75].

 

 

32. L'initiation, rite de passage et d'intégration à un groupe particulier.

 

Il n’y a pas de vie en société sans rite de passage et d’intégration.  Pour être reconnu socialement, il faut passer le seuil, c’est-à-dire être initié aux modes de vie, à la culture et aux principes de la société dans laquelle on vit Les rites d’initiation sont des ponts symboliques qui créent la reconnaissance mutuelle, la relation, l’acceptation et l’intégration dans le corps social ou religieux (par exemple : la cérémonie d’accueil des nouveaux arrivants au séminaire : avec des petites brimades amusantes etc.). Ils permettent de franchir des étapes dans la vie et ritualisent les temps forts de l’existence humaine. Ils déterminent les statuts de chacun des membres de la société et donnent sens à la vie, à la mort, aux différentes étapes de la vie humaine. Du point de vue sociologique, on peut définir les rites de passage comme des séquences rituelles qui font passer d’une étape à une autre dans le cadre de la réalisation humano sociale. Cela mobilise des attitudes et des comportements symboliques. 

Ainsi, suivant Arnold Van Gennep, les rites de passage comportent obligatoirement  trois moments : séparation ou préliminaire, marge ou liminaire, agrégation. 

a. La séparation ou préliminaire : l’initiation commence par cette étape de séparation. Il faut séparer l’individu de son milieu habituel. Cela facilite un certain détachement.

b. La marge ou liminaire : pendant ce temps on passe celui qui veut être initié à l’épreuve dans un lieu sacré ou secret. C’est le temps de la maturation avant de valoriser son identité.

c. L’agrégation à la société : cela permet à l’individu de ne pas rester en marge de la société. C’est à ce moment qu’on peut vraiment parler d’initiation. L’initié est en rapport avec un ensemble de connaissances qui construit son unité humaine. Les rites de passage font entrer l’initié dans le corps institué sans exclusion pour donner sens à sa vie ou à sa mort, à son monde. 

 

32.1. Trois types d'initiation, selon les ethnologues 

 

L’ampleur de l’emploi du terme d’« initiation » a suscité des études plus poussées par les ethnologues qui ont distingué trois types d’initiations : tribale, religieuse, magique ou chamanique.

 

a. L’initiation tribale : elle fait entrer les jeunes dans le monde des adultes par des rites de passage. Le jeune change de statut socialement reconnu par les adultes. Cette initiation mobilise les trois moments que nous venons d’évoquer ci-dessus. 

 

b. L’initiation religieuse : même si dans l’initiation tribale on trouve quelques aspects religieux, il existe des sociétés spécialisées ou secrètes qui nécessitent une initiation particulière pour s’y intégrer. On passe de la réalité profane à la réalité sacrée. En revanche, elle réclame les mêmes séquences rituelles (rites de séparation, de marge et d’intégration). Dans le cas de l’initiation religieuse, la séparation d’avec le milieu profane se fait par un bain rituel, la marge par l’apprentissage de certains aspects liturgiques ou autre. Le corps y est très présent. 

 

c. L’initiation magique ou chamanique : elle permet à l’individu de modifier son état de conscience pour ne pas se soumettre à sa condition humaine afin d’entrer en contact avec les esprits qui lui obtiennent des pouvoirs surnaturels. Une telle initiation provoque chez l’individu des actes aberrants. Il y a toujours l’idée de la mort de l’homme ancien et l’émergence d’un homme nouveau. Cet homme nouveau est porteur d’un pouvoir magique que les esprits lui ont insufflé.  

 

 

32.2. Définition générale de l'initiation

 

Le terme d’initiation vient du verbe initiarer en latin qui signifie « commencer ». Il s’agit donc d’un processus dans lequel on passe d’un état qu’on considère inférieur à un état supérieur de l’être humain. L’initiation est un passage par la mort qui opère chez l’individu un changement d’être, une transformation. 

 

 

 

 

 

CHAPITRE IV

 

Sacrements de l'initiation chrétienne : qu’est-ce à dire ?

 

On ne devient pas chrétien comme on devient membre d’un « club de foot » ou d’une « association littéraire » ou autre. On devient chrétien par les sacrements du Baptême, de la Confirmation et de l’Eucharistie. Ce « devenir chrétien » implique «  une formation à la vie chrétienne intégrale et un apprentissage par lesquels les disciples sont unis au Christ leur Maître »[76]. En effet, par les sacrements de l’initiation chrétienne reçus dans la foi, les hommes et les femmes sont délivrés de la puissance des ténèbres, morts avec le Christ, ensevelis avec lui et ressuscités avec lui, ils reçoivent l’Esprit d’adoption filiale et célèbrent avec tout le saint peuple de Dieu le mémorial de la mort et de la résurrection du Seigneur[77]

Dans le parcours suivant, nous chercherons à approfondir la théologie de l’initiation chrétienne à partir des ressources bibliques, patristiques et magistérielles. Nous essayerons de montrer comment les sacrements de l’initiation chrétienne construisent « le caractère sacré et organique de la communauté sacerdotale »[78], comment ils font de ceux qui les reçoivent, des chrétiens, des autres « Christs ». 

 

 

41. La riche signification de la notion de « l’initiation chrétienne »

 

La notion de « l’initiation chrétienne », née probablement à partir du IIe siècle et développée dans la pratique sacramentelle de l’Église ancienne entre  le IIIe et le Ve siècle est riche de significations. Elle est donc utilisée pour désigner les trois sacrements inséparables qui incorporent au Christ et font devenir membre à part entière de son Église. 

Nous l’avons vu, cette notion a perdu un peu de sa valeur au Moyen Âge quand la grande majorité des populations occidentales sont christianisées et que les adultes ont presque tous reçu le baptême. À ce moment, le baptême des petits enfants a pris le dessus. Jusqu’au XIXe siècle, cette notion n’est plus utilisée et c’est Louis Duchesne qui va la remettre en valeur. Le mouvement liturgique va la porter et lui donner sa place dans les réflexions théologiques et liturgiques jusqu’à sa reconnaissance et son adoption par le concile Vatican II. 

À partir de ce moment, la notion d’initiation chrétienne retrouve sa place dans les documents conciliaires et dans la théologie sacramentaire et liturgique et ce, jusqu’à aujourd’hui[79]. En fait, la notion d’initiation ne doit pas être comprise uniquement comme une étape préparant les catéchumènes à recevoir les sacrements de Baptême, Confirmation, Eucharistie, mais « davantage au sens où l’utilisent les ethnologues quand ils décrivent les rites d’initiation des civilisations traditionnelles, rites par lesquels passent les jeunes pour devenir adultes et appartenir véritablement à la société »[80]. Dans le régime sacramentaire, l’initiation chrétienne est la première participation sacramentelle des croyants à la mort et à la résurrection du Christ[81]. Ce qui fait voir que l’initiation chrétienne n’est pas la simple préparation d’un événement, mais qu’elle est celle d’un devenir chrétien par la participation au mystère pascal du Christ. Ce ne sont pas les points finals d’un beau moment dans le rite de la croissance humaine, mais une entrée dans le mystère pascal qui édifie l’identité chrétienne toujours en chemin. Par les sacrements de l’initiation chrétienne, l’homme naît à la vie nouvelle dans le Christ. Ils lient les croyants à la Personne du Christ, Sacrement du Père. Être initié, c’est passer de la mort à la vie avec le Christ dans sa mort et sa résurrection. L’initiation chrétienne n’est pas trois étapes de la vie sacramentelle, mais une seule et unique réalité sacramentelle : on est initié par le Baptême, la Confirmation et la Première communion (l’Eucharistie). L’initiation chrétienne vise l’unité des trois sacrements et montre que l’on « devient chrétien par l’initiative de Dieu plus que par la volonté personnelle »[82]

 

 

42. L’approche de Vatican II sur les sacrements de l’initiation chrétienne

 

La notion d’initiation chrétienne, revalorisée par Louis Duchesne et portée par le mouvement liturgique trouve une place importante  dans l’enseignement conciliaire de Vatican II. Cette prise en compte exprime « la portée de l’initiation pour l’adaptation liturgique dans les pays de mission »[83]. Le concile affirme clairement que les sacrements de l’initiation chrétienne sont le Baptême, la Confirmation et l’Eucharistie. Dans ses différentes approches, Vatican II ne cesse de souligner l’importance de la préparation des catéchumènes à la célébration du mystère pascal, pendant les solennités au cours desquelles ils sont régénérés par le baptême dans le Christ[84]. Cette régénération ne concerne pas seulement le Baptême pris isolément, mais le Baptême en lien avec la Confirmation et l’Eucharistie, Puisque Vatican II ne fait que prôner l’unité de l’initiation chrétienne. 

Le concile tient compte aussi de l’importance du catéchuménat destiné à la formation des catéchumènes qui doit être sanctifié par des rites liturgiques échelonnés dans le temps[85]. Ce processus catéchuménal « est une initiation à la fois doctrinale, morale et rituelle »[86]. Ainsi, « Le catéchuménat n’est point un simple exposé des dogmes et des préceptes, mais une formation à la vie chrétienne intégrale […]. Les catéchumènes doivent donc être initiés, de façon appropriée, au mystère du salut et à la pratique des mœurs évangéliques, et introduits, par des rites sacrés, à célébrer à des époques successives, dans la vie de foi, de la liturgie et de la charité du peuple de Dieu »[87]. Le concile va jusqu’à demander qu’on intègre les éléments d’initiation non chrétiens à l’initiation chrétienne en les adaptant : « Dans les pays de mission, outre les éléments d’initiation qui appartiennent à la tradition chrétienne, il sera permis d’admettre ces autres éléments d’initiation dont on constate la pratique dans chaque peuple, pour autant qu’on peut les adapter au rite chrétien »[88]. Une ouverture qui peut concerner toutes les Églises locales pourvu que les Conférences épiscopales voient le besoin d’insérer dans l’initiation chrétienne des rites d’initiation non chrétiens utilisés par les gens et qui ont une grande signification anthropologique et spirituelle pour eux. 

On peut tout de suite comprendre l’intérêt de Vatican II pour une vraie réforme des rites sacramentels qu’on constate dans les Rituels du Baptême et de la Confirmation. Cette réforme  se généralise dans le Rituel de l’initiation chrétienne des adultes dans laquelle on fait ressortir de manière plus explicite et plus concrète le lien qui existe entre les trois sacrements de l’initiation qui font entrer dans une vie pascalisée

 

 

43. L’initiation chrétienne et l’unité du mystère pascal

 

Les sacrements de l’initiation chrétienne font entrer le croyant dans le Mystère pascal du Christ. Il n’y a pas que le Baptême qui fait plonger dans la mort et la résurrection du Christ. On le fait aussi dans l’accueil et la célébration du don de l’Esprit, et d’une manière éminente, dans l’Eucharistie qui est le couronnement de l’initiation chrétienne et le « fondement de la communauté chrétienne »[89]. Cette unité, malheureusement, est difficile à cerner parce que, pour un autre but qui est lui aussi légitime, la pédagogie de l’année liturgique fait étaler les célébrations du Mystère pascal qui est un tout, dans le déploiement du temps : Résurrection  – Pentecôte que saint Jean prend le soin de présenter en un seul moment (le jour de Pâques) : « Le soir venu, en ce premier jour de la semaine, alors que les portes du lieu où se trouvaient les disciples étaient verrouillées par crainte des Juifs, Jésus vint, et il était là au milieu d’eux. Il leur dit : "La paix soit avec vous !". Après cette parole, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie en voyant le Seigneur. Jésus leur dit de nouveau : "La paix soit avec vous ! De même que le Père m’a envoyé, moi aussi, je vous envoie". Ayant ainsi parlé, il souffla sur eux et il leur dit : "Recevez l’Esprit Saint" » (Jn 20, 19-22). La pédagogie de l’initiation chrétienne permet d’y remédier dans son agencement même. Les deux premiers (Baptême et Confirmation) sont irréitérables. Ils marquent un caractère spécial indélébile nous branchant sur le Mystère pascal pour une existence baptismale et diaconale dans le monde. Mais l’Eucharistie, qui elle, est réitérable, plonge le chrétien dans la durée pour signifier que « ce qui a été réalisé une fois pour toutes, à la racine de nous-mêmes, doit prendre corps tout au long de notre existence, dans les divers circonstances qu’elle va nous faire vivre »[90].

Les sacrements d’initiation, dans leur unité, permettent de mieux comprendre que « L’événement pascal est le don du Christ présent à son corps »[91] et que « c’est l’Esprit Saint, qui, dans l’ordre ecclésial, actualise la Pâque du Seigneur »[92].  D’entrée de jeu, les sacrements de l’initiation chrétienne pris dans leur unité avec le Mystère pascal évitent de les gommer une réalité magique qui peut donner l’impression que par eux le croyant (à plus forte raison l’Église) a la mainmise sur le Christ ressuscité. Mais, au contraire, ils permettent de reconnaître le Christ dans sa radicale altérité pour le dire à la manière de Louis-Marie Chauvet[93]. La dimension pascale des sacrements de l’initiation les sauve de la magie et de l’instrumentalisation de la liberté du Christ qui rejoind son Corps, l’Ecclesia, par sa présence sacramentelle. Elle permet de situer ces sacrements dans une relation sponsale. Ce qui crée une certaine dynamique des sacrements. On ne les reçoit pas pour boucler un processus catéchuménal, mais on les reçoit pour une croissance, un cheminement dans la vie chrétienne puisque les arrhes du Mystère pascal sont toujours au travail et en travail dans la vie des croyants. Ainsi, l’épicentre des sacrements de l’initiation est la sainte de Nuit de Pâques. 

 

 

 

44. L’unité des trois sacrements de l’initiation chrétienne

 

On ne peut pas affirmer clairement que dès le début de l’Église la célébration des sacrements de l’initiation chrétienne était pareille partout. On l’a vu, le Ier siècle n’a pas connu une forme particulière pour la Confirmation. On ne le percevait même pas. Le baptême et la communication du don de l’Esprit formaient un seul rite baptismal. Mais, au fil des siècles, la trilogie Baptême – Confirmation – Eucharistie a fini par s’imposer à toute l’Église et est devenue le modèle pratiquement normatif de l’initiation chrétienne[94]. Les sacrements de l’initiation sont indissociables. Ainsi, le confirme le RICA : 

 

Les sacrements du baptême, de la confirmation et de l’eucharistie constituent la dernière étape de l’initiation chrétienne. Recevant le pardon de leurs péchés, les catéchumènes sont incorporés au peuple de Dieu, adoptés comme le fils de Dieu, introduits par l’Esprit Saint dans le temps de l’accomplissement des promesses, et ils goûtent déjà au festin du Royaume de Dieu par le sacrifice et le repas eucharistiques[95]

 

Ce texte ne parle pas explicitement de l’unité du Baptême, de la Confirmation et de l’Eucharistie, mais sa cohérence permet de la déceler. L’initiation chrétienne est un tout. Le schéma ci-dessous illustre bien cette unité. Cependant, l’Eucharistie baptismale est le point culminant de l’initiation chrétienne. Elle y joue un rôle central car, le Baptême et la confirmation conduisent à l’Eucharistie comme « sacrement des sacrements »[96]

                          

Le Baptême et la Confirmation, dans la dynamique de l’initiation chrétienne, ont un lien direct. On comprend tout de suite la difficulté que peut poser cela, le fait de les séparer. Heureusement le Rituel de l’initiation chrétienne des adultes et celui des enfants en âge de scolarité permettent de célébrer et de vivre les sacrements de l’initiation en une seule célébration en faisant ressortir leur profonde unité. Mais, il faut dire que dans cette unité, « chaque sacrement particulier a sa place vitale »[97]. L’originalité de cette unité vient du fait que les sacrements « jaillissent du Mystère pascal du Christ »[98]. Bref, cette unité permet de les percevoir comme la « clé de voûte du devenir chrétien »[99].  

 

 

***

L’initiation chrétienne est une réalité christique et ecclésiale. On est devenu chrétien par les sacrements du Baptême, de la Confirmation et de l’Eucharistie : on est pleinement incorporé au Christ et on vit la dimension ecclésiale de son Corps, c’est-à-dire l’Église. D’où l’importance de la centralité des sacrements de l’initiation dans la vie des chrétiens et de l’Église. 

Cela sous-entend qu’être initié chrétiennement, c’est être « initié par Dieu lui-même qui nous donne part à sa vie »[100]. Dans cette optique, l’initiation chrétienne n’est autre qu’une entrée dans le Mystère pascal du Christ qui en montre sa cohérence et son fondement. Par les sacrements de l’initiation, les chrétiens reçoivent leur identité chrétienne et deviennent des christophores, c’est-à-dire des porteurs du Christ. C’est en fait leur mystère d’illumination qui se concrétise dans les sacrements de l’initiation chrétienne.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

CHAPITRE V

 

Devenir chrétien par les trois sacrements de l’initiation chrétienne :

Prise en compte des pratiques anciennes et des rituels de Vatican II

 

L’homme pour vivre normalement, a besoin de bien respirer, de s’hydrater (boire) et de se nourrir. Le croyant lui aussi, pour être en bonne santé spirituellement, (pour vivre sacramentellement), a besoin de sacrements, en particulier de ceux de l’initiation chrétienne. Pour être pleinement chrétien, l’homme a besoin d’être régénéré par le bain du Baptême, fortifié par le don de l’Esprit et nourri sacramentellement par le pain eucharistique. Ce chapitre a pour objectif de montrer comment les Rituels de Vatican II prennent en compte les sacrements de l’initiation dans leur mode de préparation et de célébration. Du coup, deux grands moments sont à étudier dans ce parcours : le processus catéchuménal et le don des sacrements de l’initiation en mode de célébration. Pour le dire autrement, nous chercherons à vérifier dans ce cinquième chapitre comment l’initiation chrétienne est un « cheminement qui conduit à poser un acte de foi intégral qui est tout ensemble acte de confession, acte de conversion et acte de communication qui ouvre à la communion ecclésiale »[101].

 

 

51. La célébration de l’initiation chrétienne, trois manières de procéder

 

Le point culminant de l’initiation est la célébration des sacrements du Baptême, de la Confirmation et de l’Eucharistie. Elle est un lieu théologique majeur dans lequel jaillit l’éclat du Mystère pascal du Christ dans la vie des croyants. Ce jaillissement ne se comprend pas sans la portée formative de l’étape catéchuménale. Parce que, c’est le processus du catéchuménat qui est initiation chrétienne puisque l’initiation chrétienne « honore le contenu de la foi et ouvre à son intelligence »[102]. Du coup, ce qui semble être visé ici, c’est la dimension ecclésiale de l’initiation chrétienne comme « célébration du mystère dans la liturgie »[103]. Car l’initiation chrétienne met les croyants en relation avec la liturgie de l’Église qui célèbre le Mystère pascal du Christ. Et, puisque « "L’Église prie comme elle croit", la liturgie est le lieu où l’Église expérimente pour elle-même dans toute sa richesse la foi dans laquelle elle est établie »[104]. Aussi, « La liturgie est un lieu vivant de l’initiation : dans le langage de la beauté, les attitudes, les déplacements, les gestes et paroles qu’elle fait vivre, elle aide à découvrir comment chaque acte et parole du Christ ont été posés pour "notre salut" »[105].

L’initiation chrétienne dans sa préparation et sa célébration suit ce mouvement. L’étape catéchuménale ne rate pas ce que la liturgie offre pour la croissance de la foi chrétienne. D’ailleurs, le catéchuménat est jalonné de parcours liturgiques intenses qui font grandir la foi et ouvrent les yeux des catéchumènes aux merveilles de l’amour de Dieu réalisées en Jésus Christ. Le parcours catéchuménal prépare à célébrer une actualisation du Mystère pascal du Christ dans le don des sacrements de l’initiation. C’est pour cela même que nous disons que la célébration de l’initiation est un lieu théologique majeur. De toute évidence, pour « actualiser son Mystère pascal, le Christ est toujours là présent à son Église, surtout dans les actions liturgiques »[106].

 

 

51.1 L’initiation chrétienne des adultes

 

Nous avons longuement réfléchi sur la notion de « l’initiation chrétienne » dans son ampleur historique, théologique et pastorale. Comme indiqué au début du chapitre, nous nous intéressons ici à sa célébration qui ne va pas sans sa préparation. Même si on est beaucoup plus habitué à la pratique du baptême des petits enfants, on ne doit pas oublier que le modèle type pour l’initiation chrétienne est le baptême des adultes impliquant les autres sacrements complémentaires. Cela « met en relief l’ensemble des dimensions de la venue à la foi »[107] et « manifeste mieux que le baptême est un choix libre et conscient, et qu’en lui-même il n’est pas lié à la venue au monde, mais à la venue à la foi »[108]. Le temps de la préparation de l’initiation chrétienne a une portée ecclésiale à ne pas négliger. C’est toute la communauté chrétienne qui accompagne ceux qui désirent devenir chrétiens. Cette dimension ecclésiale du cheminement et d’accompagnement arrive à son sommet dans la sainte Nuit de Pâques dans laquelle naissent ces nouveaux enfants dans la foi de l’Église[109].

 

 

51.1.1 Le catéchuménat

 

Des hommes et des femmes, éclairés par l’Esprit Saint et ayant entendu l’annonce du mystère du Christ, cherchent consciemment et librement le Dieu vivant, et entreprennent un itinéraire de foi et de conversion[110]. C’est ce que propose le catéchuménat des adultes, des jeunes et des enfants en âge de scolarité. Car cette démarche nécessite de la préparation pour que les catéchumènes puissent être « fortifiés spirituellement et conduits en temps opportun à recevoir avec fruit les sacrements de l’Église »[111]. Cela laisse voir clairement que le catéchuménat est un temps de maturation dans l’apprentissage de la vie chrétienne. Le catéchumène apprend à devenir chrétien, découvre Dieu et le Christ en se laissant imprégner par l’Esprit Saint. Le catéchumène apprend aussi à mieux connaître l’Église dans laquelle il va grandir en disciple missionnaire. Le catéchuménat est composé de trois étapes importantes : l’entrée en catéchuménat, l’appel décisif et la célébration des sacrements de l’initiation. Ces trois étapes se déroulent sur une période de trois ans et elles sont ponctuées par quatre temps. Ces  quatre temps se composent de : 

·      la première évangélisation (I): ce temps est incontournable dans la vie des candidats. C’est le temps de la rencontre avec le Christ et l’Église pendant laquelle se fait le déclic et que les gens demandent à faire un pas dans la vie de foi. La première évangélisation favorise la demande d’entrée en catéchuménat (la première étape) qui se fait habituellement au cours d’une célébration dans laquelle les candidats sont marqués par la croix du Christ (la signation, la sphragis=σφραγις=le sceau). Par ce geste très significatif, les candidats sont reçus comme catéchumènes. 

·      du temps du catéchuménat (II): c’est le temps de la préparation plus ou moins longue « pendant lequel les candidats reçoivent de l’Église une formation adaptée de manière que leur conversion et leur foi parviennent à la maturité »[112]. Le RICA donne quatre piliers qui soutiennent et orientent ce temps de préparation pour qu’il soit efficace : une catéchèse appropriée, progressive et intégrale en lien avec l’année liturgique et soutenue par des célébrations de la Parole de Dieu en vue d’aider les candidats à avoir une bonne connaissance des dogmes, des commandements et à découvrir personnellement le mystère du salut ; une familiarisation avec la pratique de la vie chrétienne, est celle des rites liturgiques qui les purifient peu à peu pour que leur vie devienne une bénédiction ; enfin le témoignage qui est un signe de croissance dans la vie de foi et de disciple[113].

·      l’appel décisif : c’est la deuxième étape dans le processus catéchuménal. C’est un moment important dans la vie de foi des candidats et dans leur cheminement. Le premier dimanche de Carême, « ils sont appelés par l’évêque, à une préparation plus intense aux sacrements »[114]. À partir de cette étape, les catéchumènes commencent le temps de la purification et de l’illumination qui les conduira à la réception des sacrements d’initiation dans la sainte Nuit de Pâques[115].

·      la célébration des sacrements de l’initiation : au cours de la Veillée pascale, la boucle est bouclée, les catéchumènes sont arrivés au terme de leur préparation spirituelle et ils vont recevoir les sacrements qui feront d’eux des chrétiens, des initiés à la vie christique et ecclésiale. Après cette étape essentielle, suit le temps de la mystagogie qui leur permet d’entrer dans le mystère du Christ à partir des sacrements qu’ils ont reçu pour que leur initiation ait un caractère pascal[116].

 

Ces réflexions nous poussent à tirer trois conclusions importantes en suivant Louis-Marie Chauvet dans son article La théologie sacramentaire aujourd’hui : quelques axes de recherches à promouvoir[117] : a) il n’y a pas de sacrement au-dessus de l’initiation chrétienne ; b) du point de vue sacramentel, aucun sacrement ne peut dépasser les sacrements de l’initiation lesquels font participer au Mystère pascal du Christ ; b) il ne peut pas y avoir de vie chrétienne possible sans la médiation sacramentelle.

On n’est initié que par cette valeur sélective sacramentelle au mystère du Christ et de l’Église. Cette valeur sélective sacramentelle fait faire le « passage ». Mais, ce « passage » implique la « transmission ». Il y a dans cette initiation la transmission d’une vie nouvelle. Le croyant passe d’une simple existence humaine à une existence humano sacramentelle ou humano divine. Ceci dit, l’initiation chrétienne n’est pas l’acte final de la vie sacramentelle du croyant. L’étymologie même de l’initiation, « initiare » qui signifie « commencer » renvoie à une meilleure compréhension: l’initiation chrétienne célébrée à Pâques n’est que le début, le commencement d’une plongée dans la vie pascale, dans la vie chrétienne. La mystagogie selon la pratique ancienne placée après la célébration des mystères à Pâques illustre bien ce que nous venons d’affirmer. Mais, faut-il ajouter que ce n’est pas seulement un nouveau départ dans la vie chrétienne, mais c’est surtout un passage de la mort à la vie, la vie dans le Christ pascal. D’où le sens de la dimension pascale de l’initiation. Il y a un véritable franchissement de la mort pour acquérir la sacramentalité réelle de l’existence humaine par le Mystère pascal du Christ en s’avançant dedans (in ire). Véritable chemin que font faire les sacrements de l’initiation chrétienne. 

 

 

51.1.2 Signification du Baptême des adultes

 

L’initiation chrétienne des adultes est le modèle du baptême. Elle a une richesse théologique et liturgique qui se déploie dans les rites qui ponctuent sa célébration au cours de la Veillée pascale. Comme l’a fait remarquer Paul De Clerck, « c’est à partir d’elle que l’on peut comprendre la particularité du baptême des petits enfants »[118]. Elle fait voir également que le baptême n’est pas lié à une question d’âge, mais « constitue le fondement de l’identité personnelle du chrétien »[119].

Ainsi, le baptême, malgré l’importance de son aspect communautaire, garde toujours en premier plan, la foi au Dieu trinitaire. Le renoncement au Mal et la profession de foi des candidats font référence à cela avant même de recevoir le bain baptismal. Ce qui veut dire que la valeur sacramentelle de ce qui se déroule dans la liturgie baptismale, comme acte de Dieu accompli, dans et par son Église, ne peut pas être réduite à un simple rite d’appartenance à la communauté ecclésiale. Elle est don de Dieu que les croyants reçoivent dans la foi de l’Église et de leur foi. C’est pourquoi ils sont appelés à vivre dans leur propre existence, une foi agissante. Selon Paul De Clerck, cette logique sacramentelle, permet de considérer deux relations complémentaires établies par le Baptême : d’abord, les relations ecclésiales et ensuite, les relations trinitaires, en lesquelles réside la grâce baptismale[120].

 

·      Le Baptême, instauration de relations ecclésiales

Le Baptême fait agréger le baptisé à l’Église universelle. C’est l’Église, Mère et Éducatrice de la foi, par un de ses ministres (évêques, prêtres, diacres) qui accomplit le Baptême. La dimension ecclésiale du Baptême a une teneur théologique considérable qu’il ne faut pas sous-estimer. Cyprien souligna avec raison que « nul ne peut avoir Dieu pour Père s’il n’a pas l’Église pour Mère »[121]. C’est l’Église seule qui a l’eau vivifiante et le pouvoir de baptiser et de purifier[122]. On est donc baptisé pour être membre de l’Église Corps du Christ. On ne peut pas être incorporé au Christ sacramentellement sans la médiation de l’Église. 

 

·      Le Baptême, instauration de relations trinitaires

Le Baptême est un acte trinitaire. On est baptisé au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Dans le Baptême, les chrétiens reçoivent la vie du Dieu trinitaire. Outre le bain baptismal avec l’invocation trinitaire, la prière de la bénédiction de l’eau a une structure trinitaire : « Nous t’en prions Seigneur notre Dieu : par la grâce de ton Fils, que vienne sur cette eau la puissance de l’Esprit Saint, afin que tout homme qui sera baptisé, enseveli dans la mort avec le Christ, ressuscite avec le Christ pour la vie, car il est vivant pour les siècles des siècles »[123]. Le Baptême comme nouvelle naissance est une réalité verticale, une réalité « d’en haut », c’est-à-dire une nouvelle naissance dans la vie trinitaire. Par le Baptême, on est passé de la mort à la vie avec le Christ, on accueille « le don de Dieu qu’est l’Esprit Saint »[124].

 

 

51.2. L’initiation chrétienne des enfants

 

La réforme liturgique de Vatican II tout en revalorisant l’initiation chrétienne des adultes, ne néglige pas celle des enfants. C’est un travail louable que fît le concile. Depuis le Ve siècle, on a eu coutume de baptiser un grand nombre d’enfants mais sans avoir élaboré un rituel adapté pour eux. Ce manque permet de dire que le baptême des adultes est la norme principale de la célébration de l’initiation chrétienne. 

On peut dire aussi que l’initiation chrétienne comporte trois niveaux de célébration : un premier niveau qui concerne les adultes avec une étape de préparation plus ou moins longue appelée « catéchuménat » ; un deuxième niveau qui prend en compte les enfants en âge de scolarité avec un temps de catéchuménat adapté et le dernier niveau qui concerne les petits enfants. Dans les études précédentes, nous avons largement mis l’accent sur l’initiation chrétienne des adultes. Dans les réflexions qui vont suivre, nous envisagerons d’approfondir celle des enfants en âge de scolarité et celle des petits enfants en lien avec celle des adultes et en nous appuyant sur la richesse théologique et doctrinale des rituels. 

 

 

51.3. L’initiation chrétienne des enfants en âge de scolarité

 

Le cas des enfants en âge de scolarité a été pris en compte par la réforme pour permettre qu’il y ait un processus catéchuménal et des rites adaptés à l’âge des candidats[125].

L’Église n’appelle pas seulement les adultes au baptême, mais elle appelle aussi les enfants en âge de scolarité (entre 7 à 12 ans). Ces enfants suivent un parcours catéchuménal qui les prépare à recevoir les sacrements de l’initiation chrétienne à la sainte Vigile de Pâques. Il est de même pour les enfants qui viennent au catéchisme sans avoir été baptisés. Leur préparation à l’initiation chrétienne doit être aussi de type catéchuménal et s’échelonner sur deux à trois ans. L’Église, avant de procéder à l’entrée en catéchuménat, accueille la demande des enfants. Elle leur manifeste son amour et sa sollicitude pastorale pour les accompagner dans ce cheminement. Le temps de l’inscription est un bon moment pour vivre cet accueil. Normalement, la préparation se fait en trois étapes qui sont rythmées par des célébrations liturgiques.

 

·      L’entrée en catéchuménat : après un temps de formation (par exemple, une année de catéchisme) durant lequel les enfants commencent à découvrir le contenu de la foi et la vie chrétienne, ils s’engagent comme les adultes à suivre le Christ avec un plus grand désir. Ils font leur entrée en catéchuménat en se faisant marquer solennellement du signe de la croix du Christ par le prêtre, leurs catéchistes et leurs camarades et leurs parents, s’ils sont baptisés. 

·      Contrairement aux adultes, il n’y a pas d’appel décisif. À l’approche de la célébration des sacrements de l’initiation, ils sont convoqués pour une célébration pénitentiellecelle du rite de l’exorcisme. Ils sont appelés à prendre conscience de la difficulté d’être fidèles dans leur relation avec le Seigneur et qu’ils auront à lutter contre les forces du mal en fixant leurs yeux sur le Christ.

·      Finalement, à la sainte Nuit de Pâques, les enfants reçoivent les sacrements de l’initiation chrétienne : Baptême, Confirmation, Eucharistie. Ces rites, comme lors de l’initiation des adultes ne doivent pas être séparés. 

 

 

51.4. Le baptême des petits enfants

 

Le baptême des petits enfants montre une fois de plus la gratuité de la grâce de Dieu qui veut que tous les hommes soient sauvés (1 Tm 2,3). En fait, dès le début de l’Église, le Baptême des petits enfants était déjà pratiqué. Cette pratique concernait les familles entières qui se convertissaient au christianisme. Toutefois, l’Église ancienne n’a jamais organisé de célébration baptismale dans laquelle on baptisait uniquement des enfants. Hippolyte de Rome (IIIesiècle) nous en donne un précieux témoignage : 

 

On baptisera en premier lieu les petits enfants. Tous ceux qui peuvent parler pour eux-mêmes parleront. Quant à ceux qui ne le peuvent pas, leurs parents parleront pour eux, ou quelqu’un de leur famille. On baptisera ensuite les hommes et enfin les femmes après qu’elles auront dénoué leurs cheveux et après avoir déposé les bijoux d’or qu’elles ont sur elles[126].

 

Il est donc évident qu’on baptisait des petits enfants. Dans la pratique actuelle, selon les rituels, le Baptême des petits enfants se base sur la foi de l’Église exprimée dans la demande des parents. On le voit tout de suite dans le déroulement de la célébration baptismale : le célébrant en s’adressant aux parents dit : « Que demandez-vous pour N., à l’Église de Dieu ? » s’adresse le célébrant aux parents. En fait, « ce sont les parents qui sont en première ligne ; ce sont eux qui demandent le baptême et qui professent la foi »[127]. Si pour le cas des adultes, des jeunes et des enfants en âge de scolarité, il s’agit d’une demande de baptême volontaire, libre et animée d’un désir de conversion, celui des petits enfants est strictement lié à la responsabilité des parents et de la communauté chrétienne. Dans cette dynamique, les parents ont la noble mission d’éduquer chrétiennement leurs enfants. Le ministre du baptême souligne l’importance de la démarche des parents en ces termes : « Vous demandez le baptême pour vos enfants. Vous devrez les éduquer dans la foi, et leur apprendre à garder les commandements, pour qu’ils aiment Dieu et leur prochain comme le Christ nous l’a bien enseigné »[128]. Le baptême fait entrer les petits enfants dans la grande famille chrétienne, l’Église corps du Christ : « le baptême des petits enfants montre bien que la foi ne peut se vivre qu’avec d’autres ; il met en relief la dimension nécessairement ecclésiale de tout baptême »[129].

Toutefois, c’est à partir de l’initiation chrétienne des adultes que nous devons chercher à comprendre les particularités du baptême des petits enfants. Parce qu’elle « constitue le modèle du baptême, elle déploie au mieux la réalisation rituelle et offre la meilleure base de réflexion théologique »[130]. Ainsi, par rapport au baptême des petits enfants, la question fondamentale est celle-ci : le baptême est le sacrement de la foi, or les petits enfants ne peuvent pas la montrer, ni la confesser ; comment est-il possible de leur administrer un tel sacrement ? Quel est le sens d’une telle pratique ? Que fait l’Église dans cette pratique ? Sur quoi se base-t-elle pour le faire ? Comment justifier cette pratique ? Il faut dire que tout sacrement est célébré dans la foi de l’Église. Même si le candidat doit donner son assentiment (l’aspect subjectif), la célébration du baptême a aussi un aspect objectif, c’est-à-dire en le célébrant, l’Église « dresse la figure sacramentelle de sa foi dans le salut de Dieu »[131]. Ce qui paraît fondamental dans le baptême des petits enfants, c’est l’Église comme sujet de la foi. Cela apparaît clairement lorsqu’à la fin de la profession de foi des parents, parrains et marraines, et qui est un moment décisif dans la célébration, le ministre conclut en affirmant : « Telle est notre foi. Telle est la foi de l’Église que nous sommes fiers de proclamer dans le Christ Jésus notre Seigneur »[132]. Dans cette réflexion, il est important de prendre en compte la centralité du Mystère pascal du Christ. Car tout baptême est de « nature pascale ». Le baptême des petits, tout comme celui des adultes, des jeunes et des enfants en âge de scolarité se fonde sur cette « matrice pascale » - fondement de la foi chrétienne. C’est pourquoi le jour primordial de la célébration du baptême est la Veillée pascale ou le dimanche. On est baptisé dans la foi de l’Église. Dans le cas des petits enfants, comme on vient de le voir, les parents ont la noble mission de veiller sur la croissance de leur foi chrétienne. Aujourd’hui, on insiste beaucoup sur la transmission de la foi[133] qui est très importante pour les parents qui désirent demander le baptême pour leurs petits enfants. Ils ont une mission d’accompagnement et de transmission pour aider leurs enfants qui deviendront grands à s’intégrer davantage dans l’Église. Le baptême est une confession de foi trinitaire dans tout son déploiement rituel. De manière symbolique, celui qui est baptisé est appelé à devenir ce qu’il a prononcé lors de sa descente dans l’eau baptismale. C’est là tout l’enjeu théologique et pastoral du baptême des petits enfants dans la société actuelle. 

Pour le baptême des petits enfants, il faut mettre au premier plan « la volonté de salut universelle de Dieu »[134] qui les concerne aussi. Puis, il est important de reconnaître que le péché blesse l’homme et que celui-ci a besoin d’être sauvé par Dieu lui-même. Cela ne veut pas dire que les enfants sont responsables du péché actuel, mais ils ont besoin eux aussi de devenir une créature nouvelle en Jésus Christ, Sauveur de l’humanité. Le salut est gratuit et s’adresse à toute personne (adultes et enfants). Célébrer le baptême des enfants, c’est célébrer la gratuité de l’amour de Dieu qui sauve avant même que l’homme ne le désire. C’est Dieu lui-même qui prend l’initiative de sauver. Cela fait prendre conscience que l’homme n’est pas l’auteur de sa vie. C’est un don de Dieu. Le baptême met en évidence cette reconnaissance dans une dynamique de solidarité ecclésiale. 

 

 

51.4.1 Signification particulière du Baptême des petits enfants

 

Dieu veut que tous les hommes soient sauvés. Par le Baptême, nécessaire au salut des hommes, Dieu manifeste son amour et sa miséricorde et fait participer les hommes à sa vie divine. Ainsi, le Baptême concerne tout être humain qu’il soit adulte ou enfant. Ce qui compte, c’est la réception du don de cet amour que Dieu offre à tout être humain dans la foi de l’Église. La réception de ce don nécessite une éducation de la foi et de la vie chrétienne. 

 

51.4.2 Justification du Baptême des petits enfants

Tout être humain est né dans l’état de péché qui le dégrade et le sépare de Dieu. Or la mort et la résurrection du Christ sont des actes libérateurs qu’il a accomplis pour la réconciliation de l’homme avec Dieu. C’est par le Christ, dans son Mystère pascal que l’homme est illuminé, purifié et consacré pour une vie nouvelle. L’Église ne peut pas oublier les petits enfants. Eux aussi, ont besoin de vivre cette vie nouvelle donnée par l’action liturgique de l’Église qui les fait passer dans le mystère de la mort et de la résurrection du Christ. 

Mais comment parler du Baptême des petits enfants puisque ce sacrement est communément appelé sacrement de la foi ? Or on sait bien que le petit enfant ne peut pas donner une réponse de foi personnelle. Alors comment faire ? Quels sont les arguments théologiques pour comprendre et valoriser le Baptême des petits enfants ? La réponse fait référence à la « nécessité d’une suppléance »[135]. Le Baptême est donc célébré dans la foi de l’Église. On peut parler de l’aspect objectif du Baptême. Par l’acte de baptiser, « l’Église dresse la figure sacramentelle de sa foi dans le salut de Dieu »[136]. Le sujet de la foi est d’abord le peuple de Dieu, l’Église, Corpus mysticum même si l’individu doit toujours en être partie prenante. Il est important de souligner que le Baptême des petits enfants met en évidence les dimensions de la foi (dimension communautaire et personnelle. Mais, il ne faut pas négliger la dimension subjective de la foi. La foi ecclésiale a besoin de celle d’autrui pour être relayée concrètement. D’où l’importance que la demande du Baptême des petits enfants soit faite par des croyants. 

 

 

51.4.3 Les motifs de la pratique du baptême des petits enfants

 

Le premier motif théologique du Baptême des petits enfants est l’amour de Dieu qui veut le salut de tous les hommes. Et cet amour universel du salut de Dieu s’adresse aussi aux petits enfants. Ils ont du prix aux yeux de Dieu. Le deuxième motif c’est que le péché cherche à entraver l’homme dans ce qu’il est. Les petits enfants ne commettent pas le péché, mais ils sont nés dans un monde qui est marqué par le péché et du coup, qui a besoin d’être sauvé par Dieu. Cela manifeste la gratuité du salut de Dieu offert à tous les hommes. L’initiative de Dieu qui veut le bonheur de tous les hommes précède la réponse qu’on peut lui donner dans la foi. La vie de l’homme est dans la main de Dieu. C’est pourquoi dès la naissance même, l’homme doit s’ouvrir à la grâce baptismale puisque, par le Baptême, l’homme est devenu un (σύμφυτος) avec le Christ dans sa mort et sa résurrection. Un tel bienfait concerne et les adultes et les petits enfants. Et, le Baptême des petits enfants met en relief « le paradigme de la solidarité ecclésiale »[137]. Il est une expression de la foi en un Dieu qui sauve sans même poser de conditions préalables. Le Baptême comme sacrement de la foi fait de celui qui le reçoit le « fidèle » du Christ et de l’Église[138]. Les petits enfants sont baptisés dans la foi de l’Église. Ainsi saint Augustin précise-t-il : « Quant d’autres répondent pour eux (les petits enfants) afin que s’accomplisse à leur sujet la célébration du Baptême, cela vaut assurément pour leur consécration, car ils ne peuvent répondre eux-mêmes »[139]. Il faut reconnaître que même si les petits enfants sont présentés au Baptême par la volonté de leurs parents, c’est toujours par l’entremise de l’Esprit, qui est le principe de la génération, qu’ils sont devenus enfants de Dieu. Augustin souligne dans sa lettre à l’évêque Boniface : 

 

Que celui qui est présenté au baptême puisse renaître par l’entremise de la volonté d’autrui, c’est le fait de l’unique Esprit qui est principe de cette génération. Car l’Écriture ne dit pas : Si l’on ne renaît de la volonté des parents ou de la foi de ceux qui présentent au baptême ou qui l’administrent, mais, « si l’on ne renaît de l’eau et de l’Esprit » [Jn 3, 5]. C’est donc l’eau, manifestant extérieurement le mystère de la grâce, et l’Esprit conférant intérieurement le bienfait de la grâce, déliant le lien du péché, réconciliant ce que la nature a de bon, qui régénèrent dans le seul Christ, l’homme né du seul Adam. Par conséquent, l’Esprit qui régénère est commun aux adultes qui présentent l’enfant et à l’enfant qui est présenté et re-né ; aussi la volonté de ceux qui le présentent est-elle utile à l’enfant présenté par cette communauté du même et unique Christ[140].

 

Dans le devenir chrétien, c’est l’Esprit Saint qui est central. C’est par Lui que l’homme est incorporé au Christ et est devenu membre de l’Église. Le baptême des petits enfants repose sur l’acte de l’Esprit Saint et sur la foi de l’Église. Et celui-ci est un signe de l’amour du Christ pour les enfants : « Laissez les enfants venir à moi, ne les empêchez pas, car le royaume de Dieu est à ceux qui leur ressemblent » (Mc 10, 14). L’Église prend en compte cette demande de Jésus quand elle assume la charge d’initier à la vie nouvelle les petits enfants pour lesquels les parents demandent le Baptême : expression de la foi en l’Église chargée de conduire les croyants vers une foi authentique et décisive. Dans cette logique, voici ce que dit saint Augustin :

C’est pourquoi l’enfant devient fidèle sinon par le fait de cette foi qui se trouve dans la volonté des croyants, du moins par le sacrement de cette foi elle-même. Car on répond qu’il croit et de même on l’appelle fidèle, non qu’il acquiesce à cette réalité par un acte personnel, mais parce qu’il reçoit le sacrement de cette réalité même. Quand la raison humaine s’éveillera en lui, il ne recevra pas à nouveau ce sacrement mais il en aura l’intelligence et il s’y conformera en plein accord de volonté avec ce qu’il est en vérité[141]

 

51.4.4 Les objections contre la pratique du baptême des petits enfants

 

Certains rejettent le baptême des petits enfants en prétextant qu’ils ne peuvent pas exprimer leur foi personnellement. Ils mettent aussi en cause la liberté des enfants. Tout sacrement demande la liberté de celui qui le reçoit. Or les petits enfants sont incapables de manifester leur liberté. Comment s’y prendre ? 

Le Rituel actuel ne s’adresse pas aux petits enfants mais aux parents qui demandent le baptême pour leur enfant. La profession de foi et la liberté requises par le sacrement concernent les parents. C’est l’enfant qui est baptisé bien sûr, mais ce sont les parents qui s’engagent à la transmission de cette foi et à l’éducation chrétienne de l’enfant. 

 

 

 

52. Le Baptême, première étape de l’initiation chrétienne : la porte des sacrements

 

C’est par le Baptême que le croyant entre dans la vie sacramentelle. Il est la porte des sacrements. C’est l’entrée du croyant dans le Mystère pascal du Christ pour une vie nouvelle. Saint Paul l’exprime ainsi : 

 

Ne le savez-vous pas ? Nous tous qui par le baptême avons été unis au Christ Jésus, c’est à sa mort que nous avons été unis par le baptême. Si donc, par le baptême qui nous unit à sa mort, nous avons été mis au tombeau avec lui, c’est pour que nous menions une vie nouvelle, nous aussi, comme le Christ qui, par la toute-puissance du Père, est ressuscité d’entre les morts (Rm 6, 3-4). 

L’expérience baptismale n’est autre qu’une entrée, une plongée par la foi dans la mort et la résurrection du Christ. Le bain baptismal est hautement symbolique : dans l’eau, il n’y a pas de souffle (pneuma) et justement « baptiser » signifie « plonger » dans l’eau. Ceci est tellement vrai, que l’on ne baptise pas n’importe quel jour, mais le dimanche, et donc, à plus forte raison à Pâques. Ainsi, cette première étape de l’initiation chrétienne qu’est le Baptême, « est bien le sacrement de la foi, c’est-à-dire, "l’événement" de la foi dans une vie humaine »[142]. C’est par le Baptême que le croyant s’ouvre à l’intimité de Dieu qui en fait son enfant bien-aimé. Cette adoption filiale se fait dans, par et avec le Christ, mort et ressuscité. Déjà, par le Baptême, le « corps » devient le lieu où pour chacun, viennent  se suturer le plus « intérieur » et le « plus extérieur » ou encore, il devient le lieu « extérieur » où vient se structurer l’« intérieur »[143]. Avec le Baptême, l’être humain tout entier s’ouvre à la grâce de Dieu et la grâce de Dieu prend possession de l’être humain. 

 

 

52.1. Origine et développement du vocabulaire baptismal

 

L’Église des premiers siècles n’a jamais séparé les sacrements de l’initiation accomplis au cours d’une même célébration liturgique. Elle n’a pas connu de terme technique pour désigner les rites post baptismaux tels que nous les connaissons aujourd’hui[144]. Tout était célébré dans le rite baptismal. De plus, c’est dans les Écritures que les Pères ont cherché à découvrir les mystères de Dieu et le sens profond des réalités sacramentelles qui font des chrétiens, c’est-à-dire les sacrements de l’initiation chrétienne. 

 

 

52.1.1 Les fondements scripturaires du baptême et son sens typologique

 

Les Écritures constituent le déploiement de la confession de foi de l’Église apostolique[145]. Nous y trouvons « tout ce qui relève de la connaissance du mystère de Dieu révélé en Jésus Christ »[146]. Il est tout à fait normal de chercher le fondement du sacrement du Baptême dans les Écritures dans sa dimension typologique. Comme première étape de l’initiation chrétienne, le Baptême fait naître à la vie nouvelle. Dans le Nouveau Testament, il est le bain qui purifie (λουτρόν) – (Ep 5, 26). Il est également la communication de l’Esprit, qui rend à l’homme la filiation adoptive (ύιοθεσια) et il fait du baptisé une nouvelle créature dans l’Esprit Saint (παλιγγενεσια) – (Tt 3, 5)[147]

Normalement, le mot « βάπτω » ou « βάπτιξω » signifie « immerger », « plonger ». Dans le Nouveau Testament, le mot  « βάπτω » signifie « tremper » (cf. Lc 16, 24 ; Jn 13, 26, Ap 19, 13). Quant au mot « βάπτιξω », il a un sens cultuel (cf. Mc 7, 4 ; Lc 11, 38). Toutefois, il convient de faire remarquer que ce mot n’est pas une invention du christianisme. Les religions hellénistiques pratiquaient des ablutions soit dans un sens technique, soit dans un sens sacral. Dans l’Ancien Testament, on trouve des pratiques de bains rituels dans le Jourdain qui, typologiquement, expriment le bain baptismal dans le régime chrétien. Par exemple, les sept bains de Naaman dans le Jourdain (2 R 5, 14) ont été repris par les Pères comme une figure du baptême chrétien. Regardons quelques témoignages du Nouveau Testament :

 

a.     Le baptême donné par Jean

Le baptême que Jean administrait au bord du Jourdain se révélait d’une grande importance. Il semble être donné en vue de la venue du Messie. Bref, c’est un baptême à caractère messianique se référant aux annonces prophétiques de l’Ancien Testament[148]. Il est donné pour la conversion du cœur : « Pour moi, je vous baptise dans l’eau en vue du repentir ; mais celui qui vient derrière moi est plus fort que moi, dont je ne suis pas digne d’enlever les sandales ; lui vous baptisera dans l’Esprit Saint et le feu » (Mt 3, 11)[149]. C’est un baptême pour le pardon des péchés mais qui annonce un autre baptême à venir : le baptême dans l’Esprit Saint et le feu. Le baptême de Jean a une haute signification eschatologique. 

Il faut préciser que « le baptême de Jean n’est ni le baptême juif ou païen, ni le baptême chrétien : le baptême chrétien ne pourra exister qu’après la résurrection »[150]. Le baptême de Jean se distingue des autres formes de baptême sur bien des manières : il est donné par quelqu’un. C’est le baptême de Jean, prophète reconnu de son temps. Il a la notoriété pour le donner. Ce baptême a une dimension communautaire. Jean avait des disciples autour de lui. Le baptême qu’il administre dans le Jourdain vise les derniers temps où s’accomplira la prophétie d’Ézéchiel : 

 

Je répandrai sur vous une eau pure et vous serez purifiés, de toutes vos souillures et de toutes vos idoles, je vous purifierai. Et je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau, j’ôterai de votre chair le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai en vous mon esprit, je ferai que vous marchiez selon mes lois, que vous gardiez mes préceptes et leur soyez fidèles. Vous habiterez le pays que j’ai donné à vos pères : vous, vous serez mon peuple, et moi, je serai votre Dieu (Ez 36, 25-28). 

 

Le baptême de Jean prépare la venue imminente de Dieu au milieu de son peuple. En fait, ce baptême concerne toutes les catégories : juifs et non juifs. Ce baptême prépare le baptême chrétien qui doit arriver avec la Pâque du Christ et la venue de l’Esprit pour que naisse le monde nouveau. Le baptême de Jean est le plus proche du baptême chrétien. À la seule différence, le baptême chrétien est un baptême « dans l’Esprit Saint » (Mc 1, 8), et dans une dynamique post pascale, c’est un baptême qui fait « naître de l’eau et de l’Esprit » (Jn 3, 5).

b.     Le baptême de Jésus

Le baptême de Jésus est théophanique et inaugure les temps nouveaux annoncés par les prophètes et en particulier par Jean-Baptiste lui-même. Jésus n’a pas péché et donc, il n’avait pas besoin de se faire baptiser par Jean. Mais, il l’a fait pour se solidariser avec l’homme pécheur qu’il est venu sauver. Sur Lui, l’Esprit est descendu sous la forme d’une colombe et la voix du Père a retenti : « Tu es mon Fils bien-aimé ». Voilà donc la révélation de l’identité de Jésus. 

Comme l’a bien montré Marie-Jeanne Bernasseau, le récit du baptême de Jésus « n’est donc pas un récit de vocation au sens où Jésus serait confirmé dans sa mission par le don de l’Esprit, encore moins au sens où Jésus deviendrait Fils au moment de son baptême. De ceux qui ont reçu une vocation, on dira qu’ils ont reçu l’Esprit. De Jésus, on dira qu’au baptême, la présence de l’Esprit, qui unit Père et Fils, est manifestée (révélée) aux êtres humains »[151]. C’est ce même Esprit qui « atteste à notre esprit que nous sommes enfants de Dieu ; héritiers de Dieu, héritiers avec le Christ » (Rm 8, 16-17) pour que, unis avec le Christ dans sa mort, nous vivions par Lui (cf. Rm 6, 3-4). 

 

c.     Jésus et le baptême

Jésus n’a jamais administré le baptême chrétien si l’on se fie au silence des récits évangéliques. Pourtant, ses disciples ont baptisé dans la même perspective que Jean (Jn 4, 1-3). En revanche, après la résurrection, il a confié aux Apôtres la mission d’évangéliser et de baptiser au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit (Mt 28, 19). Il y a là un changement de paradigme. On est de plein pied dans le régime du baptême chrétien. 

Le silence des Évangiles sur les débuts baptistes de Jésus semble avoir deux motifs théologiques majeurs qu’il faut considérer : tout d’abord, c’est l’Esprit Saint qui fait couler le fleuve de la grâce baptismale jaillissant du côté ouvert du Christ, or Jean précise qu’il ne pouvait y avoir l’Esprit, puisque Jésus n’avait pas été encore glorifié (Jn 7, 38) ; ensuite, le salut est beaucoup plus lié à la personne de Jésus qu’à un geste rituel[152]. Le baptême chrétien ne peut être que la résultante de son Mystère pascal. 

d.     Le baptême dans les actes des Apôtres

Le baptême dont il est question dans les Actes des Apôtres, est différent de celui de Jean : « Alors que Jean a baptisé avec l’eau, vous, c’est dans l’Esprit Saint que vous serez baptisés d’ici peu de jours » (Ac 1, 5). Dans les Actes des Apôtres, le baptême est lié à la venue de l’Esprit. Il n’est pas un autobaptême. Il est donné par quelqu’un qui baptise « dans le nom de Jésus » ou « au nom de Jésus » (Ac 2, 38 ; 8, 16 ; 10, 48 ; 19, 5). On comprend tout de suite que le baptême au nom de Jésus est en même temps le baptême par l’Esprit Saint. Celui qui reçoit le baptême, reçoit en même temps le don de l’Esprit. 

Il faut souligner aussi que dans les Actes des Apôtres, baptême et foi vont ensemble. On se fait baptiser quand sa foi rencontre la prédication évangélique (cf. Ac 2, 38-42). Le baptême est le « précipité » de la foi rencontrant la prédication. Le baptême apparaît très tôt dans les premiers temps de l’Église comme la porte d’entrée dans la vie chrétienne. Le baptême est une pratique reconnue et attestée dans les Actes des Apôtres. D’un bout à l’autre, il est question du baptême (cf. Ac 8, 12ss ; 10, 48 ; 16, 15 ; 16, 33 ; 18, 8 ; 9, 18 ; 22, 16). Le baptême vient après le kérygme  (l’annonce de la Parole de Dieu) et la profession de foi. 

e.     Le baptême dans les lettres pauliniennes

Le baptême trouve toute son assise théologique dans les écrits pauliniens. Pour Paul, l’Esprit Saint « est donné aussi bien par le baptême que par l’imposition des mains »[153]. Toutefois, la théologie baptismale de Paul n’a pas une dimension liturgique qui saute aux yeux. Sa théologie ne présente pas une liturgie baptismale, mais insiste sur trois manières de voir le baptême : le baptême dans le Christ Jésus ; le baptême dans l’Esprit Saint ; le baptême qui édifie le Corps du Christ dans lequel est intégré le baptisé[154].

- Le baptême dans le Christ Jésus : pour Paul, le baptême est une participation  réelle du chrétien à la mort et à la résurrection du Christ. C’est une immersion dans la mort du Christ pour recevoir la vie nouvelle en Lui. Tout comme le Christ est plongé dans la mort, est enseveli et est remonté pour vivre d’une vie nouvelle de ressuscité, de même aussi, le baptisé est plongé dans le Mystère de la mort et de la résurrection du Christ pour mener une vie nouvelle (Rm 6, 4-10). 

- Le baptême dans l’Esprit Saint : le baptême apparaît comme don de l’Esprit. Pour Paul, la vie baptismale est une vie dans l’Esprit, selon l’Esprit. Par le baptême, l’Esprit Saint travaille dans la vie du chrétien (Rm 8, 4). Le baptisé n’est pas sous l’emprise de la chair, mais sous celle de l’Esprit, puisque l’Esprit de Dieu habite en lui (cf. Rm 8, 9). 

- Le baptême qui édifie le Corps du Christ dans lequel est intégré le baptisé : cette plongée dans la mort et la résurrection du Christ non seulement incorpore le baptisé au Christ, mais l’incorpore aussi à l’Église. Pour Paul, le baptême est le sceau qui marque l’intervention de l’Esprit dans la vie du baptisé et l’agrège au Corps du Christ, à l’Église, à la communauté chrétienne : « C’est dans un unique Esprit, en effet, que nous avons été baptisés pour former un seul corps. Tous, nous avons été désaltérés par un unique Esprit » (1 Co 12, 13). 

 

f.      Le baptême dans saint Jean

Saint Jean utilise le langage typologique pour parler du baptême. Sauf pour l’eau baptismale. Pour lui, le baptême est une immersion dans l’Esprit. Du coup, « il rattache le baptême d’eau au baptême dans l’Esprit »[155]

Selon l’approche johannique, ce n’est pas le baptême donné par Jean qui est le prototype du baptême chrétien, mais c’est plutôt le don de l’Esprit Saint comme fruit de la mort et de la résurrection du Christ fait aux croyants (cf. Jn 7, 39)[156].

La rencontre de Jésus avec Nicodème (Jn 3, 1-21) est le noyau central de la théologie de saint Jean sur le baptême. Ainsi, la teneur du discours entre Jésus et Nicodème porte-t-elle sur la foi en la parole du Fils de l’homme et en sa puissance de renouveau[157]. Du coup, la foi et l’accueil de la parole du Christ précèdent le baptême. Et la foi pour saint Jean est une action de l’Esprit. La vie nouvelle que procure le baptême est un acte de l’Esprit. Néanmoins, il n’y a pas de baptême sans la foi. Comme le souligne Adrien Nocent, « Le baptême fait entrer pleinement dans la foi mais il suppose la foi »[158]. Le baptême, dans la perspective johannique, évoque l’eau et l’Esprit pour devenir une créature nouvelle. Le baptême chez saint Jean est un « ré-engendrement », une « renaissance divine ». 

 

 

 

 

52.1.2 La typologie baptismale de l’Église apostolique 

et la première lettre de Pierre                                                   

La typologie joue un rôle important dans l’étude des sacrements, en particulier dans celle du baptême. En effet, « elle montre comment le sacrement institué par le Christ, a été préparé au cours des siècles et s’est constitué en donnant à une forme ancienne un contenu nouveau »[159]. La bénédiction de l’eau baptismale s’appuie sur une typologie du Nouveau Testament que nous ne détaillerons pas dans cette étude. 

Il s’agit d’une catéchèse adressée à des initiés pour les encourager et les aider dans leurs premiers pas dans la vie chrétienne[160]. Cela semble se dérouler dans le cadre d’une liturgie. Les ressources typologiques y sont très présentes et très significatives. En fait, la première lettre de Pierre contient des figures fondamentales du baptême telles que la descente de Jésus aux enfers et l’arche avec les huit personnes sauvées à travers l’eau, qui représentent l’ensemble des chrétiens. Le chiffre huit dont il est question ici, symbolise le jour pascal. 

Pour Pierre, l’eau baptismale est l’« antitype » du déluge. Pour lui également, ceux qui ont été immergés dans l’eau baptismale sont sauvés par la résurrection de Jésus et ils pérégrinent vers le salut définitif qui s’accomplira lors du jour de la « parousie », lors du jour eschatologique. Bref, ce qui caractérise la catéchèse baptismale de Pierre, c’est « la renaissance divine du baptisé, avec la promesse de l’héritage incorruptible, et la manifestation du salut aux derniers temps »[161].

 

 

52.1.3 L’expérience baptismale du Ier au IIIe siècle

 

Notre démarche ici consiste à répertorier les témoignages qui présentent des éléments essentiels pour la théologie et la liturgie baptismales. 

 

ALa Didakè  – le Pasteur d’Hermas

 

Ces textes n’ont pas pour but de nous fournir un rituel, mais certaines indications nous permettront de mieux cerner la vie baptismale de l’Église pendant les trois premiers siècles avec précision. 

 

a) La Didakè, dans sa partie rituelle et liturgique parle d’abord de la question du baptême. Le baptême est donné, après un temps d’enseignement, au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, dans de l’eau vive. Par contre, on trouve dans ce texte quelques considérations qui semblent être postérieures (relevant de la casuistique) : « S’il n’y a pas d’eau vive, qu’on baptise dans une autre eau ; et à défaut d’eau froide, dans de l’eau chaude. S’il n’y a ni l’une, ni l’autre, on verse de l’eau sur la tête trois fois " au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit" »[162]. Il s’agit donc du baptême par immersion ou par infusion. Selon Adrien Nocent, « Quant à la formule baptismale, il serait imprudent de voir dans les paroles mentionnées, comme en Mt 28, 19, la formule trinitaire, qui ne sera employée que bien plus tard »[163]. L’ensemble du texte, souligne-t-il encore, montre qu’il s’agit de la rémission du péché et de l’entrée dans une communauté qui veut choisir l’une des deux voies : celle du bien. Mais les éléments doctrinaux sont bien pauvres[164]. Au niveau de l’expérience baptismale, la Didakè nous montre qu’il y avait déjà une adaptation réelle à des pratiques ou situations diverses. Il y apparaît moins le contenu théologique que la pratique liturgique. 

 

 

b) Le Pasteur d’Hermas dans la troisième vision décrit les rites baptismaux : il s’agit de rites de purification qui ouvrent au salut. Il présente l’Église comme « une grande tour qu’on bâtit sur les eaux avec des pierres carrées étincelantes »[165].  Cela fait « allusion au baptême qui forme le Corps du Christ »[166]. Pour y entrer, il faut recevoir le vêtement blanc, le signe et le sceau. La vie chrétienne est née à partir du bain baptismal. 

 

 

 b. JUSTIN – TERTULLIEN – HIPPOLYTE DE ROME

 

Ces trois auteurs décrivent le baptême avec des précisions théologiques très développées. Déjà, Tertullien, dans le De baptismo développe une théologie complète du baptême. 

 

a) Justin, dans son Apologie I, sans vouloir exposer en détail une théologie sacramentaire, explique ce qu’est le baptême. Pour Justin, il faut croire à ce qui est enseigné, y conformer sa vie, apprendre à prier et demander la rémission des péchés commis antérieurement. La préparation des candidats à l’initiation est l’affaire de toute la communauté chrétienne qui prie et jeûne avec eux. Ensuite, ils sont conduits dans un endroit où il y a de l’eau et régénérés au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit[167]. Le baptême est un bain de régénération, un bain purificateur. Le baptême est aussi une « illumination » parce que les nouveaux baptisés sont illuminés par le Christ mort et ressuscité. Le baptême a des effets négatifs et positifs. Les effets négatifs : la rémission des péchés ; les effets positifs : l’illumination. Par la foi en Jésus Christ et le baptême, les nouveaux baptisés ont l’esprit illuminé[168]. Toutefois, le baptême n’est pas un acte magique, il requiert la foi et fait entrer dans la communauté des « illuminés » pour y partager l’Eucharistie. Justin utilise un langage typologique pour parler du baptême : il compare le baptême à la circoncision[169] et le néophyte à Noé[170].

 

b) Tertullien dans le De baptismo (Traité sur le baptême) présente une véritable liturgie baptismale. Tout au début de son Traité, il commente le rituel du baptême. Il part du rite baptismal pour donner son enseignement doctrinal: « Heureux sacrement que celui de notre baptême! Quel effet ne produit-il pas? Il efface la tache de nos péchés passés, il nous rend enfants de Dieu, et nous ouvre l'entrée à la vie éternelle »[171]. Le rite du baptême comporte la renonciation, l’immersion (bain salutaire) avec la triple interrogation trinitaire, la chrismation et l’imposition des mains. Tertullien décrit et explique la liturgie baptismale ainsi :

 

Au sortir du bain salutaire on fait sur nous une onction sainte, suivant l'ancienne cérémonie où l'on avait coutume de prendre de l'huile renfermée dans une fiole pour en oindre ceux que l'on consacrait au sacerdoce. C'est ainsi qu'Aaron fut sacré par son frère Moïse5. C'est de même aussi que Jésus est appelé Christ, du mot chrême, qui marque l'onction par laquelle Dieu le Père l'a rempli de son esprit saint ; suivant ce qui est rapporté dans les Actes : "Ils se sont véritablement assemblés en cette ville contre votre saint Fils, que vous avez oint6." Ainsi l'onction que nous recevons se fait à la vérité sur la chair ; mais son effet se répand dans l'âme. De même l'action du baptême est extérieure, puisqu'il n'y a que le corps qui soit plongé dans l'eau : mais l'effet en est tout spirituel, puisque nous sommes purifiés de nos péchés.

Après cela on nous impose les mains en invoquant et attirant sur nous le Saint-Esprit par la prière qui accompagne cette sainte cérémonie. Nous avons une figure authentique de ceci dans l'Ancien Testament. Le patriarche Jacob ayant fait venir deux de ses petits-fils, Ephrem et Manassès, tous deux enfants de Joseph, les bénit en mettant et croisant ses mains sur leurs têtes7. On peut dire qu'en croisant ainsi ses mains, il représenta par avance la forme de Jésus-Christ en croix : ce fut comme un présage de la bénédiction que nous devons recevoir ensuite par Jésus-Christ[172].

 

La façon dont Tertullien décrit et explique le rite baptismal suppose qu’il y a eu une bénédiction d’eau qui précède le bain salutaire et les rites post baptismaux. Car il met beaucoup d’emphase sur l’eau à laquelle Dieu et son Fils accordent une estime spéciale[173]. Pour Tertullien, le jour primordial pour le baptême est le jour de Pâques et de la Pentecôte. Mais on peut baptiser n’importe jour, puisque tous les jours sont le jour du Seigneur[174]. Selon Tertullien, le baptême est précédé d’un temps de préparation fait de prières, de jeûnes et de confessions des péchés. Le baptême donne la vie nouvelle et fait vivre l’unité ecclésiale. 

 

 

c) Hippolyte de Rome présente le rite du baptême ainsi :

 

Au moment où le coq chante, on priera tout d’abord sur l’eau. Que ce soit de l’eau qui coule dans la fontaine ou qui coule d’en haut. Il en sera ainsi à moins qu’il n’y ait une nécessité. Mais s’il y a une nécessité permanente et urgente, on se servira de l’eau qu’on trouve. Ils se déshabilleront, et on baptisera en premier lieu les enfants. Tous ceux qui peuvent parler pour eux-mêmes parleront. Quant à ceux qui ne le peuvent pas, leurs parents parleront pour eux, ou quelqu’un de leur famille. On baptisera ensuite les hommes et enfin les femmes après qu’elles auront dénoué leurs cheveux et après avoir déposé les bijoux d’or qu’elles ont sur elles. Que personne ne prenne avec soi d’objet étranger (pour descendre) dans l’eau. 

Au moment fixé pour le baptême, l’évêque rendra grâce sur de l’huile qu’il mettra dans un vase : on l’appelle huile d’action de grâce. Il prendra aussi une autre huile qu’il exorcisera : on l’appelle huile d’exorcisme. Un diacre prend l’huile d’exorcisme et se place à gauche du prêtre. Le prêtre, prenant chacun de ceux qui reçoivent le baptême, lui ordonnera de renoncer en disant : Je renonce à toi, Satan, et à toute ta pompe et à toutes tes œuvres. Après que chacun a renoncé, il (le prêtre) l’oint avec l’huile en disant : Que tout esprit mauvais s’éloigne de toi. De cette manière, il le confiera nu à l’évêque ou au prêtre qui se trouve près de l’eau pour baptiser. 

Un diacre descendra avec lui de cette manière. Lorsque celui qui est baptisé sera descendu dans l’eau, celui qui baptise lui dira, en lui imposant la main : Crois-tu en Dieu, le Père tout- puissant ? Et celui qui est baptisé dira à son tour : Je crois. Et aussitôt (celui qui baptise), tenant la main posée sur sa tête, le baptisera une fois. Et ensuite il dira : Crois-tu en le Christ Jésus, Fils de Dieu, qui est né par le Saint Esprit de la vierge Marie, a été crucifié sous Ponce Pilate, est mort, est ressuscité le troisième jour vivant d’entre les morts, est monté aux cieux et est assis à la droite du Père ; qui viendra juger les vivants et les morts ? Et quand il aura dit : Je crois, il sera baptisé une deuxième fois. De nouveau, il (celui qui baptise) dira : Crois-tu en l’Esprit Saint dans la Sainte Église ? Celui qui est baptisé dira : Je crois, et ainsi il sera baptisé une troisième fois. 

Ensuite, quand il sera remonté, il sera oint par le prêtre de l’huile d’action de grâce avec ces mots : Je t’oins d’huile sainte au nom de Jésus Christ. Et ainsi chacun après s’être essuyé se rhabillera et ensuite ils entreront dans l’église. 

L’évêque en leur imposant la main dira l’invocation : Seigneur Dieu qui les as rendus dignes d’obtenir la rémission des péchés par le bain de la régénération, rends les dignes d’être remplis de l’Esprit Saint et envoie sur eux ta grâce, afin qu’ils te servent suivant ta volonté ; car à toi est la gloire, Père et Fils avec l’Esprit Saint, dans la sainte Église, maintenant et dans les siècles des siècles. Amen. 

Ensuite, en répandant de l’huile d’action de grâce de sa main et en posant (celle-ci) sur la tête, il dira : Je t’oins d’huile sainte en Dieu le Père tout-puissant et dans le Christ Jésus et dans l’Esprit Saint. 

Et après l’avoir signé au front, il lui donnera le baiser et dira : Le Seigneur (soit) avec toi. Et celui qui a été signé dira : Et avec ton esprit. Il (l’évêque) fera ainsi pour chacun. 

 

Et ensuite ils prieront désormais ensemble avec tout le peuple ; car ils ne prient pas avec les fidèles avant d’avoir obtenu tout cela. Et quand ils auront prié, ils donneront le baiser de paix. 

Alors l’oblation sera présentée par les diacres à l’évêque et il rendra grâces sur le pain pour (qu’il soit) le symbole du corps du Christ, sur le calice de vin mélangé, pour (qu’il soit) l’image du sang qui a été répandu pour tous ceux qui croient en lui ; sur le lait et le miel mélangés, pour (indiquer) l’accomplissement de la promesse faite à (nos) pères, dans laquelle il a parlé de la terre où coulent le lait et le miel, dans laquelle aussi le Christ a donné sa chair, dont, comme de petits enfants, se nourrissent les croyants, lui qui, par la douceur de la parole, rend douce l'amertume du cœur ; sur l’eau (présentée) en offrande pour signifier le bain, afin que l'homme intérieur, c'est-à-dire l'âme obtienne les mêmes effets que le corps. 

De toutes ces choses l'évêque rendra compte à ceux qui reçoivent la (communion). Quand il a rompu le pain, en présentant chaque morceau, il dira : Le pain du ciel dans le Christ Jésus. Celui qui reçoit répondra : Amen. Si les prêtres ne suffisent pas, des diacres aussi tiendront les calices, et ils se tiendront en bon ordre : le premier celui qui tient l'eau, le deuxième celui qui (tient) le lait, le troisième celui qui (tient) le vin. 

Ceux qui reçoivent (la communion) goûteront de chacun (des calices) tandis que, (à chacune des) trois fois, celui qui donne dira : En Dieu le Père tout-puissant. Et celui qui reçoit dira : Amen. - Et en le Seigneur Jésus Christ. (Et il dira : Amen) – Et en l’Esprit Saint et la sainte Église. Et il dira : Amen. On fera ainsi pour chacun (des communiants). Quand ce sera terminé, chacun s'appliquera à faire des bonnes œuvres, à plaire à Dieu et à se bien conduire, à être zélé pour l'Église, faisant ce qu'il a appris et progressant dans la piété. 

Nous vous avons transmis ces choses brièvement sur le saint baptême et la sainte oblation, car vous avez déjà été instruits de la résurrection de la chair et des autres (enseignements) selon ce qui est écrit. Mais s'il convient de rappeler quelque autre chose, l'évêque le dira sous le (sceau du) secret à ceux qui ont reçu (l'eucharistie). Que les infidèles n'en aient pas connaissance si ce n'est quand ils auront reçu (l'eucharistie). C'est le caillou blanc dont Jean a dit : Un nom nouveau y est écrits, que personne ne connaît sinon celui qui recevra le caillou (Apoc. 2, 7)[175].

 

Ce texte nous décrit une liturgie baptismale réelle. Il s’agit d’une célébration des sacrements de l’initiation chrétienne au IVe siècle. Les enfants et les adultes (hommes et femmes) reçoivent le Baptême, la Confirmation et l’Eucharistie[176]

 

 

52.2 La liturgie du baptême dans les Rituels de Vatican II

 

Les rituels du baptême de Vatican II fait remarquer inéluctablement l’évidence de la liturgie. Et, dès que nous parlons de liturgie, nous voyons immédiatement rite ou rituel. La vérité de la célébration du baptême dépend de cette évidence liturgique. Il y a dans la liturgie du baptême un « jeu de langage »  au sein duquel les paroles et les gestes trouvent leur significations. Car l’« urgie » rituelle est action (l’« ergon » en grec)[177]. La célébration du baptême (tous les sacrements), c’est la liturgie au travail ou en travail. Parfois on s’époumone à expliquer les réalités sacramentelles privées de tout support. La liturgie est bel et bien le lieu privilégié pour le faire sans l’instrumentaliser. Nous pouvons, en revisitant les trois manières de célébrer le Baptême, poser cette question : qui est le ministre du sacrement du Baptême ? Les notes doctrinales et pastorales du RICA[178] nous donnent clairement la réponse : « Les ministres ordinaires du baptême sont l’évêque, le prêtre et le diacre » (n° 11) et « tout fidèle et même toute personne animée d’intention requise pour un tel acte » (n° 16) en cas de danger de mort imminent. L’intention requise consiste à faire ce que fait l’Église en baptisant et prononcer la formule baptismale trinitaire avec le geste de l’eau qui l’accompagne. Toutefois, la célébration des sacrements, c’est la liturgie en/au travail. Vérifions cela à travers la célébration du baptême des adultes, des enfants en âge de scolarité et des petits enfants dans les Rituels de Vatican II. 

 

52.2.1. La célébration du Baptême  des adultes

Il est préférable de parler de la célébration des sacrements de l’initiation chrétienne pour ce qui concerne les adultes. Comme on l’a vu précédemment, après l’ultime préparation, vient l’étape la plus importante : la célébration des sacrements du Baptême, de la Confirmation et de l’Eucharistie. Pour ce qui regarde notre démarche, nous suivrons ce que dit le Rituel de l’initiation chrétienne des adultes. Normalement, l’initiation chrétienne des adultes est célébrée au cours de la Veillée Pascale[179]. Ainsi, « la célébration du baptême a son point culminant dans le bain d’eau accompagné de l’invocation de la sainte Trinité ; elle est préparée par la bénédiction de l’eau et la profession de foi intimement liées au rite de l’eau »[180]. Bref, le Baptême des adultes comprend : la bénédiction de l’eau, la renonciation à Satan et la profession de foi, le bain d’eau au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit. Après le rite de l’eau, les nouveaux baptisés sont revêtus d’un vêtement blanc pour montrer qu’ils sont devenus « une créature nouvelle » (2 Co 5, 17) dans le Christ. Ils reçoivent également un cierge allumé au cierge pascal pour signifier qu’ils sont désormais « lumière dans le Christ » et qu’ils doivent toujours marcher comme des « enfants de lumière ». 

Le Baptême des adultes est le modèle pour toutes les autres formes baptismales. Sitôt baptisé, le néophyte reçoit le sacrement de la Confirmation et participe à l’Eucharistie dans laquelle il communie pour la première fois. 

 

 

52.2.2. La célébration du Baptême des enfants en âge de scolarité

 

Après les étapes catéchuménales adaptées à l’âge des enfants, vient le moment de la célébration des sacrements de l’initiation chrétienne qui peut se faire soit à la Veillée pascale (le plus recommandé), soit au cours de la messe dominicale. Le rituel prévu pour cet âge donne des orientations pour la célébration des sacrements de l’initiation.  On procède de la même manière que pour l’initiation chrétienne des adultes. Si pour une raison pastorale, ils ne peuvent pas recevoir la Confirmation au cours de la même célébration, ils doivent au moins y faire leur Première communion. Les enfants en âge de scolarité sont en mesure de professer leur foi baptismale et de recevoir le baptême en ayant conscience de leur démarche. 

Par la réception des sacrements de l’initiation, les enfants deviennent participants du Mystère pascal du Christ qu’ils ont désormais à vivre dans le quotidien de leur vie chrétienne. Ainsi, le Baptême culmine dans la profession de foi et dans le rite de l’eau, symbole de la mort et de la résurrection. En résumé, la célébration comprend : 

1°) La bénédiction de l’eau baptismale commence par une prière adressée à Dieu : « on le bénit pour les actes de salut qu’il a accomplis au moyen de l’eau ; on le supplie de continuer aujourd’hui, par l’eau du baptême, son œuvre de salut »[181] ;

2°) La renonciation par laquelle les futurs baptisés manifestent leur adhésion à Dieu en rejetant les œuvres ténébreuses du Malin ;

3°) La profession de foi ;

4°) Le rite de l’eau ou le baptême proprement dit par lequel les enfants vont passer de la mort à la vie avec le Christ ;

5°) L’onction avec le saint-chrême lorsque la Confirmation doit être reportée pour une raison pastorale. Cette onction avec de l’huile parfumée est une annonce de la Confirmation et met en exergue l’entrée de ces nouveaux baptisés dans le peuple de Dieu ;

6°) La remise du vêtement blanc symbolisant leur nouvelle naissance dans le Christ et la joie de la Résurrection ;

7°) La remise de la lumière symbolisant leur pleine participation au Mystère pascal du Christ et leur engagement chrétien et eschatologique dans le monde puisque le Baptême est « illuminatio » dans le Christ en attendant son jour glorieux. Par le Baptême, ils sont devenus lumière dans le Christ. 

 

 

52.2.3. La célébration du Baptême des petits enfants

La célébration du Baptême des petits enfants commence à l’entrée de l’Église. Le 22 février 2013 sur la demande du Pape Benoît XVI, la Congrégation pour la discipline des sacrements et de la liturgie a introduit une modification dans le Rituel du baptême des petits enfants. Dans la liturgie de l’accueil du ou des enfants qui vont être baptisés, la parole qui précède la signation de la croix : « La communauté chrétienne vous accueille (ou t’accueille) avec grande joie» est remplacée par « L’Église de Dieu vous accueille (ou t’accueille) avec grande joie ». 

Cette modification a une riche signification ecclésiologique. À travers la communauté chrétienne rassemblée pour entourer celui ou ceux qui vont recevoir le baptême, c’est l’Église de Dieu dans sa totalité (l’Église de la terre et celle du ciel) qui accueille ces enfants en son sein pour les engendrer à la vie divine. D’où le sens de la litanie des saints dans la liturgie baptismale. La célébration du Baptême des petits enfants comprend des gestes qui se répartissent ainsi :

1°) L’accueil dans l’Église : le futur baptisé est marqué par le signe de la croix, le signe des chrétiens manifestant l’entrée de celui-ci dans la grande famille des chrétiens qui est l’Église ;

2°) Le signe de l’eau : elle est le symbole de la mort et de la vie. Juste après l’homélie, vient la prière commune de l’assemblée (la litanie des saints) et l’exorcisme introduisant la liturgie baptismale qui comprend : la bénédiction de l’eau, la renonciation à Satan et la profession de foi (moment décisif du baptême) et la plongée baptismale ou le bain baptismal pour ressusciter vivant avec le Christ ;

3°) Le signe de l’huile parfumée : le nouveau baptisé est imbibé d’huile parfumée par laquelle il reçoit une marque indélébile. Il reçoit le sceau de l’Esprit Saint qui l’incorpore au Christ et à l’Église. Le geste de l’huile parfumée signifie le don de l’Esprit Saint au nouveau baptisé et annonce sa Confirmation[182] ;

4°) Le vêtement blanc : le nouveau baptisé revêt un vêtement blanc pour montrer que, par son baptême, il a revêtu le Christ ; par cette plongée dans la mort et la résurrection du Seigneur, il est devenu un homme nouveau. Voilà ce que signifie symboliquement le port du vêtement blanc : « En effet, vous tous que le baptême a unis au Christ, vous avez revêtu le Christ » (Gal 3, 27)[183].

5°) La lumière : le petit enfant baptisé est la lumière du Christ et cette lumière doit briller autour de lui. C’est pourquoi cette lumière est remise aux parents et aux parrains et marraines de chacun des nouveaux baptisés pour qu’ils l’entretiennent  et pour qu’ils les aident à demeurer fidèles à la foi du baptême reçu dans la communion de l’Église. Cela marque aussi le passage qu’ils ont fait : le passage des ténèbres à la lumière pour vivre en enfants de lumière dans le monde grâce à l’accompagnement des parents et de la communauté chrétienne[184].

6°) La prière du Seigneur ou l’oraison dominicale : du baptistère à l’autel, les nouveaux baptisés et ceux qui les accompagnent processionnent : une marche joyeuse et eschatologique. Comme le dit Paul de Clerck, « … on n’est pas baptisé tout seul, mais constitué membre du peuple de Dieu, avec des frères et des sœurs »[185]. Devant l’autel, tous disent la prière du Seigneur et cela a une portée théologique inouïe qui doit se développer au jour le jour dans la « conscience ecclésiale » des parents et des nouveaux baptisés. Dans le Christ, les nouveaux baptisés sont devenus enfants de Dieu. Mais leur initiation chrétienne n’est pas achevée. Un jour ils auront à recevoir la plénitude de l’Esprit (la Confirmation) et  à communier au Corps et Sang du Seigneur (l’Eucharistie). Ils auront à prendre part à la liturgie de l’Église pour appeler Dieu : « Père » avec toute la communauté chrétienne. D’où le sens de l’oratio Domini devant l’autel. C’est également la mission confiée aux parents d’apprendre aux enfants à dire la prière du Seigneur. 

 

 

 

52.3 Dimension eschatologique du baptême

 

Tous les sacrements de l’Église nous situent dans une réalité eschatologique[186]. Malheureusement, la notion d’eschatologie n’est pas assez utilisée comme ressource théologique pour exprimer plus clairement la spécificité chrétienne[187]. C’est pourquoi, certains théologiens de la liturgie essayent de réhabiliter cette notion en insistant sur la dimension eschatologique de l’Eucharistie. En réalité, cette recherche et cette réhabilitation doivent viser tous les sacrements puisque le fondement de l’eschatologie chrétienne est le Mystère pascal du Christ. Or, tous les sacrements sont la célébration du Mystère pascal. D’où une grande difficulté pour l’Église en Haïti de travailler plus intensément cette dimension théologique puisque la notion de Mystère pascal ne trouve pas encore toute sa place dans notre « arène théologique ». 

Le Baptême, lui aussi, nous renvoie dans « le temps de l’entre-deux »[188]. Par le baptême, le chrétien reçoit la grâce du Christ pour entrer dans « l’ère future », « l’ère eschatologique ». Cette « ère » inaugurée par le Mystère pascal du Christ met le baptisé en tension, tension entre le « déjà là » et « le pas encore » du salut. Le Baptême fait entrer dans une vie nouvelle, certes, mais une vie nouvelle qui est de l’ordre d’un cheminement, d’un devenir chrétien. C’est bien le sens de l’adage de Cyprien au IIIe siècle : « On ne naît pas chrétien, on le devient ». Le Baptême comme « porche et porte d’entrée dans la vie chrétienne »[189] est une plongée mystérique dans la « parousia ». Cela paraît plus évidente dans le Rituel de l’initiation chrétienne des adultes avec les différentes étapes qui ponctuent le temps de la préparation. Toutes ces étapes « marquent une progression, un avancement, en invitant les catéchumènes à une décision de foi ultérieure dans le chemin de conversion »[190].

En filigrane, les étapes catéchuménales décrivent le Baptême comme une réalité eschatologique. Tout n’est pas achevé avec le baptême. C’est un commencement dans l’itinéraire de la vie nouvelle. En général, « tous les rites qui jalonnent le processus d’initiation ont une dimension eschatologique puisqu’ils sont illuminés et vivifiés, de manière proleptique, par la grâce du baptême »[191].

Les gestes posés par l’Église et qui marquent la célébration du Baptême des adultes au cours de la sainte nuit de Pâques ne font que renforcer et expliciter notre approche. Selon le Rituel, les futurs baptisés, avec leurs parrains et marraines s’approchent des fonts baptismaux pendant le chant de la litanie des saints[192]. Ce geste, symboliquement, est riche de sens : c’est un avancement dans la réalité mystérique du bain baptismal dans sa plus grande signification eschatologique. Mais le geste qui corrobore cette approche eschatologique du Baptême est la remise du vêtement blanc au néophyte avec la parole qui l’accompagne : « N. et N., vous êtes une création nouvelle dans le Christ : recevez ce vêtement blanc, puissiez-vous garder intact votre dignité de fils de Dieu jusqu’au jour où vous paraîtrez devant Jésus, Christ et Seigneur, afin d’avoir la vie éternelle »[193].

Toute création nouvelle qu’il soit, le baptisé doit garder intact sa dignité de fils de Dieu non de manière passive, mais d’une manière active dans la sequela Christi, jusqu’à ce que tout s’accomplisse définitivement. Entre la réception du don de la grâce baptismale et la vision béatifique du chrétien, la vie nouvelle reçue au jour du Baptême est en « travail » et/ou « au travail ». D’où l’importance et la signification théologico-liturgique de la remise de la lumière et la parole qui l’accompagne : « Vous êtes devenus lumière dans le Christ : marchez toujours comme des enfants de lumière ; demeurez fidèles à la foi de votre baptême. Alors, quand le Seigneur viendra, vous pourrez aller à sa rencontre dans son Royaume »[194]. Le Rituel souligne que la lumière doit provenir du cierge pascal. Cela sous entend que la grâce baptismale du chrétien n’est autre que le fruit du Mystère pascal du Christ. La dimension eschatologique du Baptême se réalise par une vie pascale du baptisé au quotidien.  

 

 

53. La Confirmation, deuxième étape de l'initiation chrétienne 

 

La Confirmation est donnée en lien avec le Baptême. Elle fait la jonction entre le Baptême et l’Eucharistie. Par sa réception, « les fidèles sont rendus plus parfaitement semblables au Christ, et ils sont fortifiés de la force de l’Esprit pour rendre témoignage au Christ afin que le corps du Christ s’édifie dans la foi et la charité »[195]. Les baptisés reçoivent la Confirmation pour être totalement envoyés dans le monde, annoncer l’Évangile du salut. C’est pour la mission qu’ils reçoivent cette force. Car ils savent que « L’Esprit Saint vient au secours de notre faiblesse » (Rm 8, 26). Pourtant, ce sacrement est le plus mal connu de tous les sacrements. À tel point que nous pouvons poser un certain nombre de questions théologiques et pastorales : dans nos paroisses, comment est célébrée la Confirmation ? Comment la liturgie de la Confirmation met-elle en exergue sa portée théologique, pneumatologique et ecclésiologique ? La Confirmation telle qu’elle est donnée aujourd’hui montre-t-elle son lien avec l’ensemble de l’initiation chrétienne ? Les pages qui suivent nous aideront à répondre à certaines de nos questions théologiques et pastorales sur le sacrement de la Confirmation. 

 

 

53.1  La Confirmation dans la Tradition ecclésiale

 

Les sacrements ne sont pas de l’ordre de la dévotion privée. Ils sont des actes de l’Église dans sa catholicité. La Confirmation est « un geste du Christ, dans son Église, pour le monde »[196]. La Confirmation donne à l’Église de faire mémoire de la Pentecôte. Car l’Église est née de la Pentecôte et est par conséquent, l’Église de l’Esprit. Donc, pas de vie chrétienne authentique sans l’Esprit Saint : « La confirmation est essentielle comme sacrement de la croissance du Royaume »[197]. Alors, comment la comprendre à travers la Tradition ecclésiale ? Les enjeux sont d’ordre théologique, pastoral et liturgique (la pratique du rite). 

 

53.1.1 Dans l’Église du N.T. 

Dans le Nouveau Testament, le Baptême constitue le moment fondamental et complet de la vie nouvelle du chrétien[198]. Le Baptême est un bain d’eau et d’Esprit (Mc 1, 8). Il est caractérisé par le pardon des péchés et le don de l’Esprit. La Pentecôte est vue comme un baptême, et non comme une confirmation[199]. Cela dit, l’initiation chrétienne est un organisme sacramentel unique qu’on ne peut pas dissocier : « la théologie de la chrismation se fonde sur la théologie baptismale »[200]. C’est comme une pièce de monnaie à double face. Une approche lucanienne semble porter à dire qu’il y a une seconde séquence rituelle de l’initiation par le don de l’Esprit : cette seconde séquence rituelle comprend l’imposition des mains et la prière selon Ac 8, 14-17 ; 19, 1-7. Il est difficile de fonder l’origine du sacrement de la Confirmation dans cette seconde séquence rituelle que nous décrivent les écrits lucaniens. Selon la position des exégètes les plus pointus, il s’agit pour Luc de montrer l’unité de la communauté ecclésiale. On appartient à une seule Église fortifiée par le don de l’Esprit Saint : c’est l’Église de la Pentecôte. On y appartient par le don de l’Esprit communiqué par les Apôtres. Il s’agit dans ces deux textes de Luc de l’affirmation de l’apostolicité de l’Église et non la tradition d’une séquence rituelle de la Confirmation. 

Il faut souligner aussi que cette pratique n’est pas répétitive dans le Nouveau Testament. Il s’agit de deux épisodes occasionnels. Cependant, « le développement postérieur de l’initiation se référera à ces deux épisodes pour trouver un fondement biblique au rite sacramentel de la confirmation »[201]. Alors, peu importe, ce qui est clair, c’est que l’Esprit Saint comme don caractérisant la nouvelle communauté ecclésiale est communiqué à chaque baptisé pour la vie en plénitude et pour la mission. 

Toutefois, on ne peut pas nier la critique des réformateurs sur la Confirmation à cause de son manque de fondement biblique. Pour eux, la Confirmation n’a pas une valeur sacramentelle, ils la considèrent seulement comme une cérémonie ecclésiastique. Pour les protestants réformés, la Confirmation n’est pas un sacrement, mais elle confirme le Baptême et fait entrer le baptisé dans la vie de foi. 

 

 

53.1.2 Entre l’âge apostolique et le IIIe siècle

Nous n’avons pas trop de précision sur le processus rituel de la Confirmation. Mais les pratiques baptismales des premiers siècles chrétiens attestent d’un rite post baptismal fait d’imposition des mains et/ou d’onction d’huile parfumée ; rite auquel est attaché la communication du don de l’Esprit Saint aux baptisés. Il est clair que tardivement, l’initiation chrétienne des adultes est devenue le foyer de la Confirmation sans pour autant se constituer en un rite particulier, séparé de l’ensemble des rites de l’initiation célébrés à la Veillée pascale par l’évêque. 

Il faut souligner également la grande diversité de rites qui se pratiquaient dans les premiers siècles chrétiens. Il n’y avait pas d’uniformisation des rites de l’initiation chrétienne, mais cependant, ils formaient un tout organique avec la célébration baptismale et trouvaient leur référence au don de l’Esprit conféré par l’évêque[202]. Ce qu’il faut retenir, en dépit des diversités des rites, c’est que la Confirmation ne constituait pas un acte séparé du Baptême. Sans la communication de l’Esprit par l’évêque en conclusion du Baptême, celui-ci était donc inachevé. C’est par cet acte sacramentel que l’évêque introduisait les nouveaux baptisés dans l’assemblée eucharistique. 

Au fil des temps, les rites post baptismaux vont connaître des changements et des déplacements théologiques et pastoraux. Le développement d’une théologie de l’Esprit Saint et la prise en compte des tendances hérétiques et schismatiques mettant en péril l’unité de la foi, ont focalisé l’attention sur les rites post baptismaux[203]. La Confirmation est devenue le don de l’Esprit conféré par la véritable Église : une, sainte, catholique et apostolique nécessitant la présence de l’évêque comme successeur des Apôtres et chef de chaque communauté chrétienne. Du coup, la présence de l’évêque devient déterminante pour la célébration du sacrement de la Confirmation. C’est lui qui confère le sacrement de la Confirmation et fait entrer les nouveaux baptisés dans la communauté eucharistique. Cette référence à l’évêque se base sur la réconciliation des hérétiques dont on exigeait une profession de foi[204]. L’évêque est considéré comme le garant de la pleine communion et de la foi authentique de l’Église. Cette vision a cédé la place à une autre, celle du rite de conclusion de la célébration baptismale comme moment sacramentel précis. D’où apparaît le mot « confirmatio » qui peut bien signifier « raffermissement » ou « achèvement ». 

 

 

53.1.3 Entre le Ve et le XIIe siècle

Entre le Ve et le XIIe siècle, dans le cadre de la célébration des sacrements de l’initiation à la Sainte Nuit de Pâques, deux possibilités émergeaient: dans l’Église d’Orient, le prêtre accomplissait le rite de l’onction (la chrismation) avec le Myron bénit par l’évêque le Jeudi Saint ; dans l’Église latine, cette faculté, n’étant pas accordé au simple prêtre, les nouveaux baptisés devaient se rendre à l’église-cathédrale pour recevoir la Confirmation (confirmatio) des mains de l’évêque. De cette pratique, la Confirmation s’est séparée petit à petit du sacrement du Baptême pour devenir un rite sacramentel particulier. La séparation s’est effectuée de manière claire et nette avec la prolifération du Baptême des bébés (le baptême quam primum) au Ve siècle. Cela a entrainé une considération moindre de ce rite. On a basculé vers un déplacement théologique pas très heureux du rite. Par exemple, Fauste de Riez († 490) a perçu la confirmatio « comme l’entrainement et l’équipement du chrétien, faisant de lui un soldat armé pour les luttes de la vie »[205]. Pour lui, « si le baptême est un pur don de Dieu, le don de Dieu dans la confirmatio assure à celui qui la reçoit la force nécessaire pour la lutte morale et l’engagement personnel »[206]. Une telle compréhension théologique fait du sacrement de la Confirmation une réalité purement personnelle et non ecclésiale. 

 

 

53.1.4 Une tendance à séparer la Confirmation des autres sacrements de l’initiation chrétienne (XIIe-XIIIsiècle)

À partir des XIIe-XIIIsiècles, la réception de la Confirmation et de l’Eucharistie est renvoyée à l’âge de la raison. On assiste à une succession des trois sacrements de l’initiation chrétienne en favorisant la formation des enfants à la foi chrétienne (le catéchisme). Le fait de pratiquer la première Eucharistie des enfants à l’âge de la raison (selon les dispositions du IVe concile du Latran), a causé le déplacement du sacrement de la Confirmation. 

Au Moyen Âge, la société était déjà en grande partie christianisée. Mais, l’après Trente a suscité une autre façon de voir la société et de proposer la foi chrétienne. La société est devenue de moins en moins chrétienne. Ce changement de société a obligé l’Église à organiser davantage le temps de préparation des candidats à l’Eucharistie et à plus forte raison à la Confirmation. On recevait l’Eucharistie entre 7 à 12 ans et la Confirmation était toujours liée à celle-ci. Petit à petit, à cause de la négligence des parents et les visites moins fréquentes des évêques dans les paroisses (en particulier en France)[207], la Confirmation est donnée après l’Eucharistie parfois plusieurs années après. Cependant, même quand Pie X a fixé à 8 ans environ l’âge pour recevoir la Première communion, dans certains pays, la Confirmation précédait toujours l’Eucharistie. Le problème de l’âge pour la Confirmation ne se posait pas. C’est après Vatican II qu’il se posera vraiment. On mettra en place tout un organisme catéchétique pour l’éducation à la foi des enfants. L’initiation à la doctrine chrétienne deviendra une réalité formelle que l’Église assume de manière très pédagogique. En résumé, nous pouvons dire : 

a) Au début des premiers siècles de l’Église, malgré la multiplicité des rites, les sacrements de l’initiation chrétienne étaient toujours unifiés avec leur succession chronologique.

b) La séparation tardive du Baptême avec la Confirmation est propre à l’Église occidentale pour des raisons diverses, pragmatiques et occasionnelles, mais non toutefois généralisée.

c) La réflexion théologique sur l’axe sacramentel de la Confirmation s’est donc construite à partir de cette séparation et dans une orientation personnaliste et moraliste ou éthique. Comme conséquence, la Confirmation se trouve donc instrumentalisée.

d) La question de l’âge est beaucoup plus tardive ; on l’a posée d’abord pour le Baptême, puis l’Eucharistie, enfin la Confirmation. Dans notre pratique actuelle, la question de l’âge est donc posée pour tous les sacrements de l’initiation chrétienne. 

 

 

53.2 La célébration de la Confirmation selon la liturgie actuelle

 

Le concile Vatican II a rénové la célébration de la Confirmation. Plusieurs facteurs sont à considérer : la question de la participation active des fidèles, la sacramentalité de la Parole de Dieu et le retour aux sources patristiques. La Constitution sur la liturgie, Sacrosanctum concilium (SC) donne les grandes lignes du rite sacramentel de la Confirmation : « manifester plus clairement le lien intime de ce sacrement avec toute l’initiation chrétienne » (n° 71). Dans le Rituel, il y a une prise en compte réelle du lien entre la Confirmation et le Baptême avec le renouvellement des promesses baptismales. La célébration de la Confirmation donnée à l’intérieur de la Messe montre aussi le lien qui l’unit à l’Eucharistie. En matière de liturgie, le renouveau de la théologie de la Confirmation est « la notion de "Mystère pascal", qui détermine l’ensemble de la foi de l’Église et de son activité »[208]. La foi et les activités de l’Église se réfèrent à cette vitalité pascale. Les sacrements sont la célébration du Mystère pascal du Christ. C’est de celui-ci qu’ils tirent leur vertu (SC 61). 

Il faut également prendre en compte la nouvelle définition de la liturgie de Vatican II héritée de Pie XII dans Mediator Dei (publiée en 1947) : œuvre du Christ et de l’Église, à la fois divine et humaine afin d’ordonner et de soumettre ce qui est humain au divin (SC 2) car par elle (la liturgie) le Christ agit pour le salut des hommes. Le Christ lui-même est présent dans la liturgie : dans les sacrements (au plus haut niveau dans les espèces eucharistiques) ; dans la personne du ministre ordonné ; dans sa Parole proclamée, reçue, écoutée, expliquée et commentée pour l’édification du peuple de Dieu convoqué et rassemblé par Lui ; dans la communauté liturgique en tant que telle (SC 7). C’est dans ce sens qu’on peut dire que « la liturgie est le sommet vers lequel tend l’action de l’Église, et en même temps la source d’où découle sa vertu » (SC 10 ; LG 11). Célébrer la Confirmation est une œuvre de l’Église tout entière qui ne vit que de l’Esprit. Outre ces aspects théologiques, nous devons souligner le caractère ecclésial de toutes les célébrations liturgiques la Confirmation comprise car, « Les actions liturgiques ne sont pas des actions privées, mais des célébrations de l’Église. […], elles appartiennent au Corps tout entier de l’Église, elles les manifestent et elles l’affectent » (SC 26).  C’est de ce point de vue théologico-liturgique, pneumatologique et ecclésiologique que nous envisagerons la célébration du sacrement de la Confirmation proposée par le Rituel dans ses trois formes.

Pour les adultes et les enfants en âge de scolarité, la Confirmation est donnée au cours de l’Eucharistie baptismale avec la profession de foi déjà intégrée. La troisième forme de célébration est donc réservée pour les enfants qui ont été baptisés bébés. Dans ce dernier cas, la Confirmation est conférée au cours d’une Eucharistie ou d’une liturgie de la Parole avec des jeunes ou même des adultes. Celle-ci se déroule ainsi :

° Après l’homélie, l’évêque invite les candidats qui vont être confirmés à marquer d’un geste leur désir de recevoir le sacrement[209], accompagnés de leur parrain ou de leur marraine[210]. C’est le moment de l’appel.

° Puis, comme on le fait au cours de la Veillée pascale, les confirmands professent leur foi baptismale ainsi que l’assemblée. 

° L’évêque et les prêtres qui concélèbrent avec lui imposent les mains sur les confirmands, mais seul l’évêque prononce la prière épicleptique qui accompagne le geste de l’imposition des mains par lequel se répand sur eux l’Esprit qui reposait sur Jésus : esprit de sagesse et d’intelligence, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et d’affection filiale, esprit d’adoration[211].

° Accompagné de son parrain ou  de sa marraine, chacun des confirmands s’approche de l’évêque (ou des prêtres mandatés pour l’aider à donner le sacrement) et celui-ci marque son front avec l’huile parfumée (le saint-chrême) en disant : « N. Accipe signaculum Doni Spiritus Sancti » (N. Sois marqué de l’Esprit Saint, le Don de Dieu).

Après la chrismation, vient la prière universelle et l’Eucharistie se poursuit comme à l’ordinaire. 

Il faut voir le sacrement de la Confirmation dans le déploiement des rites divers qui caractérisent l’initiation chrétienne. Voir la Confirmation de manière isolée du Baptême et de l’Eucharistie est une erreur théologique. La célébration de la Confirmation est fortement ecclésiale. C’est toute la communauté chrétienne rassemblée pour la célébration de la Confirmation qui célèbre sa nouvelle Pentecôte. De la même manière qu’elle est joyeuse d’accueillir de nouveaux membres par le bain du Baptême, de la même manière elle est joyeuse d’accueillir l’Esprit qui les incorpore plus pleinement au Christ et les remplit pour qu’ils soient capables de rendre témoignage devant les hommes et de participer à l’Eucharistie pour avoir la vie éternelle et manifester l’unité de l’Église.

 

 

53.3 La théologie de la Confirmation

 

La Confirmation suscite beaucoup de questions théologiques au niveau des Églises et même au sein d’une même Église. Comme nous l’avons vu précédemment, les Orthodoxes administrent le baptême et la chrismation(confirmation) aux enfants dans une même célébration qui s’achève avec la première Eucharistie. Les Protestants critiquent l’aspect sacramentel de la Confirmation en insistant sur la valeur sacramentelle du Baptême et de l’Eucharistie même s’ils promeuvent un rite qui clôt l’initiation catéchétique et fait entrer les enfants dans l’âge adulte. Dans l’Église catholique latine, la Confirmation fait partie de l’ensemble des sacrements de l’initiation chrétienne, mais avec des pratiques diverses et des opinions différentes. Nous venons de voir que le parcours est différent pour chaque catégorie : et souvent les trois rites sont étalés dans le temps, parfois avec des écarts énormes. Cela apparaît avec la réalité pastorale qui se greffe sur une certaine « indifférence religieuse » et une nouvelle compréhension de la pneumatologie et de l’ecclésiologie. On redécouvre la place de la Confirmation dans l’ensemble des sacrements de l’initiation chrétienne sans la faire basculer dans une sorte de « sacrement de l’Esprit Saint ». L’Esprit Saint n’est pas confiné uniquement dans un rite sacramentel. Car la Confirmation n’est pas le sacrement de l’Esprit Saint, mais elle est le sacrement qui confirme l’action de l’Esprit Saint dans la vie de chaque baptisé. 

C’est pourquoi il faut chercher à comprendre l’initiation chrétienne dans son unité : « du baptême à l’eucharistie il s’agit de vivre pleinement l’Évangile dans le monde au sein d’une Église qui doit toujours accueillir la miséricorde de Dieu et sa promesse de salut »[212]. Même si pédagogiquement, le Baptême et la Confirmation sont célébrés à des moments différents, ils ne perdent jamais leur relation intime et leur unité de manière théologique. Ils constituent deux étapes d’un unique musterion. L’onction avec le saint-chrême pour le baptême des petits enfants nous montre ce lien. Par la Confirmation, le baptisé ne devient pas un autre chrétien, mais il est oint pour s’incorporer intégralement à l’Église de Dieu et accomplir sa mission prophétique dans le monde. Tout cela se justifie dans un même mystère : mystère du Christ et de l’Esprit, celui de l’Église[213].

L’unité du Baptême et de la Confirmation s’éclaire à travers Pâques et la Pentecôte. C’est à travers Pâques et la Pentecôte qu’il faut trouver ce qui fait l’essentiel des rites sacramentels du Baptême et de la Confirmation : le bain baptismal, plongée dans la mort et la résurrection du Christ pour une vie nouvelle selon l’Esprit d’une part ; l’imposition des mains et l’onction qui expriment le don de l’Esprit et la consécration pour une vie ecclésiale pleine et entière pour la mission, d’autre part. Selon le Catéchisme de l’Église Catholique (CEC), la Confirmation fait croître et approfondir la grâce baptismale : par l’effusion spéciale de l’Esprit, elle enracine les baptisés dans la filiation divine plus profondément ; les unit plus solidement au Christ ; augmente en eux les dons de l’Esprit Saint et consolide parfaitement leur lien avec l’Église[214]. La célébration de la Confirmation en elle-même manifeste une note théologique vérifiable dans la structure des rites et dans la présence de l’évêque au milieu de la communauté chrétienne rassemblée pour une nouvelle Pentecôte. On comprend tout de suite pourquoi l’évêque est, selon l’appellation de Vatican II, le ministre originaire de la Confirmation (LG 26). En vue de mieux comprendre le rôle de l’évêque dans la célébration de la Confirmation, le Rituel précise :

 

Le ministre ordinaire de la Confirmation est l’évêque. C’est lui qui, habituellement, donne le sacrement. Ainsi la Confirmation est plus clairement reliée à la première effusion de l’Esprit Saint au jour de la Pentecôte. En effet, les Apôtres, après avoir été remplis de l’Esprit Saint, le transmirent eux-mêmes par l’imposition des mains à ceux qui crurent. Ainsi, le fait de recevoir l’Esprit Saint par le ministère de l’évêque met davantage en valeur le lien qui rattache les confirmés à toute l’Église, et le commandement reçu du Christ de rendre témoignage au milieu des hommes[215].

 

Nous comprenons que c’est l’évêque qui fait le lien de communion dans la communauté ecclésiale, organise les ministères au service du bien commun, assure à la mission son unité[216]. Le rôle de l’évêque est donc central et montre le caractère ecclésial de la Confirmation. On est confirmé pour le bien de la communauté ecclésiale à laquelle on appartient. Et c’est le rôle de l’évêque d’attester cela et d’envoyer le « baptisé-confirmé » en mission. Les confirmés deviennent disciples missionnaires du Christ. Devant l’évêque qui confirme, les confirmés s’engagent à une nouvelle responsabilité dans l’Église, à témoigner de l’Évangile du salut dans la dynamique de la mission prophétique de Jésus et l’apostolicité de l’Église en laquelle ils sont tous re-nés. 

La Confirmation est à la base d’une vraie théologie du peuple[217]. Une théologie qui prend en compte la maturité spirituelle du peuple chrétien lui permettant d’être capable d’exercer son sacerdoce baptismal sous la puissance de l’Esprit à travers la matrice pascale de sa vie, de son engagement ecclésial et social. Le sacrement de la Confirmation est le lieu théologique d’une « mystique populaire », d’un « prophétisme populaire » qui engage le croyant dans tout ce qui constitue la trame de sa vie, de sa culture, de son peuple, de son Église, de sa famille et de son environnement. Par la Confirmation, l’être du baptisé est ouvert non seulement à la dimension de l’Église, mais aussi à la dimension du monde. Il devient donc un chrétien « en sortie ». Le chrétien est fait pour être « témoin », témoin d’un Autre, d’une Personne bien vivante au cœur du monde : le Christ total, Tête et Corps. 

 

53.4 La Confirmation en lien avec le bain baptismal

 

L’initiation chrétienne ne s’achève pas avec le rite de l’eau accompagné de la formule trinitaire. Comme l’a souligné Louis-Marie Chauvet, « Le rite d’eau n’exprime pas toutes les dimensions du devenir chrétien »[218]. C’est en naissant de l’eau et de l’Esprit Saint que l’homme devient une créature nouvelle[219]. Du coup, on comprend bien que le Baptême et la Confirmation sont complémentaires pour que les baptisés soient pleinement configurés au Christ et deviennent plus missionnaires. Ainsi précise le Rituel de la Confirmation : « Accomplis ensuite, dans la Confirmation, par le don de ce même Esprit, ils sont alors plus pleinement configurés au Seigneur et remplis de l’Esprit Saint à cette fin que, grâce au témoignage qu’ils rendront devant tous, "ils amènent le plus vite possible le Corps du Christ à sa plénitude" »[220]. Viser ce lien permet de ne pas chercher à instrumentaliser la Confirmation (car c’est peut-être le cas aujourd’hui dans bien des paroisses en Haïti) — mais de la situer dans la poursuite de l’initiation. Il est important que ceux « qui ont reçu le Baptême poursuivent donc leur initiation chrétienne par le sacrement de la Confirmation où ils reçoivent l’effusion du Saint-Esprit qui, le jour de la Pentecôte, fût envoyé sur les Apôtres par le Seigneur »[221].  En lien avec le Baptême, la Confirmation est donnée « pour la vie et la mission »[222]. Une telle approche nous permet de comprendre la confirmation comme « une participation réelle à la grâce du Christ, par une imitation sacramentelle de sa vie »[223]. Si le Baptême, dans cette dynamique, configure au Christ mort et ressuscité, la Confirmation en lien avec le bain d’eau baptismale configure au Christ oint par l’Esprit Saint[224]. Du coup, la participation réelle à la vie et à la mission du Christ que nous évoquons ici se fait par « le double sacrement de l’eau et de l’onction »[225]. Par le bain du Baptême et l’onction d’huile parfumée (μύρον) de la Confirmation, le néophyte est habité par l’Esprit Saint pour qu’il soit solide (βεβαια=ferme, solide, durable, sûr) grâce à la bonne odeur du Christ qui demeure en lui. 

Bref, nous disons que la Confirmation achève le Baptême et incorpore pleinement le nouveau baptisé à la mission du Christ et à celle de l’Église par le ministère de l’évêque[226]. Cela nous porte à souligner trois choses : a) l’incorporation du baptisé à la mission du Christ et de l’Église est l’initiative du Christ qui sauve ; b) elle permet de reconnaître la médiation de l’Église comme signe de la présence du Christ ; c) elle renvoie à « une vie d’engagement avec le Christ dans le monde »[227]. Le lien entre le Baptême et la Confirmation montre bien que « le Mystère pascal est un mystère d’engendrement et nous relie à la vie du Christ »[228].  Mais, dire que la Confirmation est l’achèvement du Baptême ne veut pas dire qu’elle vient combler un vide que laisserait l’acte sacramentel du baptême. Cependant, en y déployant sa richesse symbolique, la Confirmation, dans son objectivité christologique et pneumatologique laisse voir que « Pâques et Pentecôte ne forment qu’un même mystère »[229]. Nous comprenons la Confirmation non pas comme une sorte de ratification baptismale dans laquelle le baptisé inaugure ses engagements dans le monde, mais comme « un acte véritablement sacramentel dans lequel est engagé le don de Dieu »[230]. Ce don gratuit de Dieu, c’est l’Esprit Saint. Il n’y a pas de vie chrétienne dynamique et authentique sans l’Esprit Saint. Bien sûr, on ne peut pas dire que l’Esprit Saint n’a pas été donné au Baptême. Par contre, dans la Confirmation, « l’Esprit est donné comme achèvement, plénitude, développement du don initial et fondamental »[231]. De ce point de vue, rappelons-nous deux choses qui nous paraissent importantes pour mieux comprendre l’unicité du Baptême et de la Confirmation : a) la symbolique baptismale embrasse le présent et l’avenir de la vie chrétienne : le chrétien, par le bain du Baptême, est désormais devenu un être nouveau, mais cette nouveauté sera totale quand le Christ viendra dans sa gloire. Là, on peut déjà envisager une dimension eschatologique de la vie baptismale ; b) la Confirmation, comme l’a fait remarquer Pierre Moreau, « développe un registre symbolique complémentaire qui porte moins sur l’origine et la fin, et davantage sur "l’entre-deux" »[232]. Dans les eaux baptismales, l’Esprit nous fait renaître à la vie nouvelle avec/et dans le Christ mort et ressuscité. Dans la Confirmation, ce même Esprit nous est donné par l’imposition des mains et par la chrismation(μύρον) « pour le temps présent »[233]. L’Esprit Saint nous est donné pour mener une existence chrétienne dans le monde et nous conduire à la plénitude de la vie nouvelle inaugurée par le bain baptismal. En ce sens, « La Confirmation fait de nous des témoins et des chercheurs de Dieu »[234]. Une telle approche nous donne à penser l’unicité du Baptême et la Confirmation dans leur rapport avec l’Eucharistie comme sacrement de l’achèvement de l’initiation chrétienne. Paul de Clerck pense la Confirmation comme un sacrement de l’initiation chrétienne, comme la finale du Baptême, même si elle est célébrée tardivement après celui-ci pour les enfants[235].

Toutefois, on n’oublie pas que le modèle de l’initiation chrétienne est celle des adultes qui se célèbre à la Vigile pascale au cours de laquelle les trois sacrements sont donnés successivement en une seule célébration. Dans le cas où, la Confirmation est donnée séparément du Baptême, le Rituel souhaite que cela se déroule au cours d’une célébration eucharistique en vue de mettre « en lumière le lien fondamental de ce sacrement avec toute l’initiation chrétienne, qui atteint son sommet dans la communion au Corps et au Sang du Christ. Les confirmés participent à l’Eucharistie en laquelle leur initiation chrétienne trouve son achèvement »[236]. En fait, la Confirmation est l’acte sacramentel par lequel Dieu ouvre les richesses de son Esprit Saint aux nouveaux baptisés pour qu’ils vivent d’une vie nouvelle et régénérée et se comportent en chrétiens dans le monde. 

 

 

54.  Le sacrement de l’Eucharistie,

sceau et achèvement de l’initiation chrétienne

 

Une troisième étape qui clôt l'initiation et fait de l'Église un lieu permanent d'initiation.

 

Dans cette partie, il n’est pas question d’entrer de manière systématique dans la théologie de l’Eucharistie/théologie eucharistique (il y a un traité sur l’Eucharistie), mais il s’agit de l’aborder comme étant une troisième étape qui clôt l’initiation chrétienne et fait de l’Église un lieu permanent d’initiation. Notre cours se focalisera sur la première participation des nouveaux baptisés à l’Eucharistie comme sceau et achèvement de l’initiation chrétienne en nous appuyant sur la Tradition et les Rituels issus de Vatican II.

 

54.1 Ce que disent la Tradition et les Rituels issus de Vatican II

La pratique liturgico-sacramentelle des premiers siècles a toujours donné les trois sacrements de l’initiation chrétienne dans une même célébration dans la sainte Nuit de Pâques. Dans une dynamique liturgique et rituelle, les sacrements se succèdent immédiatement l’un l’autre. Ce qui sera expliqué lors de la catéchèse mystagogique pour permettre aux néophytes d’entrer dans l’intelligence du mystère et de l’initiation chrétienne. Sitôt reçu le Baptême et la Confirmation, le néophyte est conduit à l’Église pour participer à l’Eucharistie et faire sa première communion qui constitue l’achèvement de l’initiation chrétienne. En ce sens, le Rituel de l’initiation chrétienne des adultes (RICA) précise : 

 

Enfin, en participant à l’assemblée eucharistique, ils (les néophytes) mangent la chair et boivent le sang du Fils de l’homme pour avoir en eux la vie éternelle et manifester l’unité du peuple de Dieu ; en s’offrant eux-mêmes avec le Christ, ils prennent part au sacrifice universel, qui est l’offrande à Dieu par le Christ, souverain prêtre, de toute l’humanité rachetée ; et ils obtiennent que, par une effusion plus abondante du Saint-Esprit, tout le genre humain parvienne à l’unité de la famille de Dieu[237].

 

Cette participation active qui est le sommet de l’initiation chrétienne paraît plus clairement au numéro 213:

 

Ensuite, les nouveaux baptisés participent pour la première fois, et de plein droit, à la célébration de l’Eucharistie qui achève leur initiation. Élevés à la dignité du sacerdoce royal, ils prennent une part active à la prière universelle et, si possible, à la procession des offrandes vers l’autel. Avec toute la communauté, ils participent à l’action sacrificielle du Christ et de l’Église, et ils disent l’Oraison dominicale qui leur a été transmise lors de la tradition ; ils manifestent ainsi l’Esprit des enfants d’adoption qu’ils ont reçu au Baptême. Enfin, par le baiser de paix et la communion au corps livré et au sang versé, ils confirment les dons reçus et goûtent déjà aux biens éternels.

 

Ces textes montrent clairement qu’on ne peut pas séparer l’Eucharistie du Baptême et de la Confirmation. Car elle est le sceau et le sommet de l’initiation chrétienne. Cela paraît beaucoup plus évident pour l’initiation chrétienne des adultes, des jeunes et des enfants en âge de scolarité avons-nous déjà souligné dans les notes précédentes. Par contre, le Baptême des petits enfants dans sa séquence rituelle, ne dissimule pas l’unicité des trois sacrements qui font d’eux des chrétiens. Ainsi, dans les rites complémentaires au bain baptismal des petits enfants, il y a toujours une orientation vers la première communion eucharistique qui est très manifeste. Le ministre pour introduire l’Oraison dominicale dit : « Un jour, ils approcheront de la table du Seigneur pour prendre part au repas de l’Eucharistie : ils donneront eux-mêmes à Dieu le nom de Père au milieu de leurs frères chrétiens ». Cela se dit devant l’autel, un geste fortement symbolique puisque l’autel est le lieu central de l’Eucharistie. Il n’y a pas de communauté chrétienne vivante et missionnaire sans l’Eucharistie. C’est elle qui métamorphose la vie chrétienne et la rend fructueuse : « Moi, je suis le pain vivant, qui est descendu du ciel : si quelqu’un mange de ce pain, il vivra éternellement. Le pain que je donnerai, c’est ma chair, donnée pour la vie du monde » (Jn 6, 51). Il n’y a pas de « devenir corps métamorphosé » sans l’Eucharistie dans laquelle et par laquelle on reçoit l’incorporation en Dieu par la résurrection comme achèvement total de la vie baptismale[238]. L’Eucharistie est fondamentale dans l’acte sacramentel de l’initiation chrétienne pour la « plérômisation » des croyants : « Celui qui mange ma chair et boit mon sang a la vie éternelle ; et moi, je le ressusciterai au dernier jour. Celui qui mange ma chair et boit mon sang demeure en moi, et moi, je demeure en lui » (Jn 6, 54.56). On peut toutefois ajouter que cette « plérômisation » est au travail (ou en travail) dans la vie des chrétiens par leur initiation chrétienne puisque, déjà, par celle-ci, ils ont eu part à la plénitude du Christ, ils ont reçu grâce après grâce (cf. Jn 1, 16).  C’est à cela même que l’Eucharistie renvoie. Nous rendons grâce à Dieu parce que le Mystère pascal du Christ s’accomplit en nous aujourd’hui, dans tout ce qui constitue la trame de notre vie. Nous rendons grâce à Dieu parce que c’est en son Fils, le Kurios qu’habite toute plénitude (cf. Col 1, 19). Mais, la « plérômisation » des chrétiens est une participation au « Plérôme » du Christ. Comme Chef de son Corps mystique, il communique sa grâce aux baptisés, membres de ce Corps[239]. En même temps, le Christ reçoit des baptisés formant l’Église comme une cellule vivante. En ce sens, on peut dire que « L’Eucharistie fait l’Église et l’Église fait l’Eucharistie ». 

Dans une telle perspective, cette prière sur les offrandes proposée pour la célébration de l’initiation chrétienne des enfants en âge de scolarité est d’un éclairage théologique très percutant : « Seigneur, accueille, avec le sacrifice que te présente l’Église, ceux que tu as fait entrer dans ton peuple sacerdotal et qui sont devenus, par le Baptême (et la Confirmation), l’image de ton Fils : dans leur offrande, regarde celle de Jésus Christ »[240]. Cette prière laisse entendre, de manière implicite, une incorporation au Christ dans son Mystère pascal. Ainsi, la première communion eucharistique « est le trésor qu’est le grand mystère de l’Eucharistie, sommet de l’initiation chrétienne et centre de toute la vie chrétienne »[241]. On est baptisé, confirmé et eucharistié pour être pleinement membre du Corps du Christ. Mais, ce « Corps du Christ » auquel on est attaché, l’Eucharistie le construit dans le temps. Elle est la célébration du Mystère pascal la plus prégnante. 

 

54.2 La première communion, entrée dans la communion au Corps du Seigneur

Le Baptême et la Confirmation conduisent à l’Eucharistie. C’est l’Eucharistie qui fait le corps ecclésial. C’est l’Eucharistie qui fait entrer dans la communion au Corps du Seigneur. Mais, c’est l’Esprit Saint qui est l’acteur principal de cette communion : communion avec Dieu et communion avec les hommes. Ainsi, la première Eucharistie que reçoivent les Baptisés-Confirmés montre « comment baptême, onction et repas du Seigneur s’inscrivent dans un unique dynamisme dont le but est la rencontre réaliste (quoique sacramentelle) du croyant et du Seigneur dans la communion eucharistique »[242].

Pour Max Thurian, l’Eucharistie est le signe visible et le sacrement efficace de la présence réelle et de l’œuvre sanctificatrice du Christ dans son Église : il nourrit les membres de son Corps par sa personne même, réellement présente[243]. Ce qui est visé ici dans cette approche de Thurian, c’est l’actualisation du Mystère pascal dans la vie de l’Église pour les croyants. C’est en ce sens qu’on peut comprendre l’ordonnancement du Baptême et de la Confirmation à l’Eucharistie. Elle est centrale dans l’organisme sacramentel de l’initiation chrétienne. On n’est pleinement initié qu’en participant pleinement à l’Eucharistie qui cimente la communion des baptisés au Christ et à son Église. C’est pourquoi « on ne la peut séparer ni du Baptême ni de la Confirmation »[244]En fait, comme l’a souligné Joseph Gélineau, « l’initiation chrétienne est un ensemble vital qui "fait entrer" dans la foi et la vie de l’Église »[245]. Cela concerne et les adultes et les enfants. La communauté ecclésiale est toujours contente d’accompagner et d’enfanter de nouveaux enfants dans la foi. L’Église ne cesse pas de prier pour eux : « Souviens-toi de ceux que tu as fait renaître en cette fête de Pâques de l’eau et de l’Esprit Saint pour une vie nouvelle dans le Christ »[246]. L’initiation chrétienne fait « entrer le catéchumène dans l’Église en l’introduisant au monde sacramentel »[247]. À la suite de Louis Bouyer, nous pouvons dire que l’initiation baptismale fait des baptisés des membres consacrés de « cette race élue, de cette nation sainte, de ce sacerdoce royal que l’Église tout entière constitue »[248].

 

Conclusion de la deuxième partie 

Nous avons mis en exergue les sacrements de l’initiation chrétienne qui font des chrétiens. Nous les avons étudiés dans l’ordre du « mémorial » car ils sont la célébration du Mystère pascal. L’étude menée nous a permis de voir l’évolution historique, théologique, liturgique et pastorale de l’initiation chrétienne et les apports de la science liturgique à son renouvellement (en particulier la réforme liturgique de Vatican II). Avec le liturgiste américain Aidan Kavanagh, nous pouvons dire qu’il y a deux modèles d’initiation : l’un ancien et pascal qui prône une initiation chrétienne complète et l’autre, social et pastoral, issu du Moyen Âge[249]. Le premier prend en compte les adultes, les jeunes et les enfants en âge de scolarité avec un rituel propre : Le Rituel de l’initiation chrétienne des adultes de 1972 en restaurant le catéchuménat ; le deuxième, donne la priorité aux petits enfants avec un processus d’initiation de manière disparate. Il y a deux rituels qui prennent en compte ce processus d’initiation : Le Rituel du Baptême des enfants de 1969 et le Rituel de la Confirmation de 1971. Le premier modèle prône la réception complète des sacrements de l’initiation chrétienne dans une seule célébration, le plus souvent à Pâques. L’initiation chrétienne des adultes sera le modèle du devenir chrétien en Haïti en tenant compte des déplacements théologiques, ecclésiologiques et anthropologiques de la société haïtienne. 

Tout ce qui vient d’être dit dans cette partie pour les sacrements de l’initiation chrétienne ne peut que faire poser d’énormes questions sur leur pratique et leur avenir en Haïti. La façon de les étudier dans ce parcours n’offre pas toujours une cohérence avec la pratique sacramentelle que nous connaissons. Le catéchuménat s’organise peut-être dans quelques rares paroisses. La première communion, dans la façon de la préparer et de la célébrer n’est pas mise en évidence comme l’achèvement de l’initiation chrétienne. La notion d’initiation et les étapes préparatoires et rituelles qui la ponctuent sont quasiment ignorées. Le sacrement de la Confirmation, pour sa part, est détourné de sa compréhension théologique pour compenser une réalité pastorale qui n’incite pas trop à la croissance de la foi. Qu’en est-il du Baptême des petits enfants ? Là encore il y a beaucoup à dire. Alors que faire ? Il semble qu’il faut redécouvrir et mettre en œuvre la cohérence des sacrements de l’initiation chrétienne en procédant par un parcours sacramentel par étape et par catégorie : organiser le catéchuménat pour les adultes, les jeunes et les enfants en âge de scolarité qui en font la demande ; valoriser la célébration des sacrements de l’initiation à Pâques ou pour autres causes, le dimanche sans couper leur unité. Si un enfant en âge de scolarité peut recevoir la Communion, il peut aussi, pour les mêmes raisons, recevoir la Confirmation avant sa première Eucharistie. Tout se joue dans l’accompagnement qui se donne avant, pendant et après la célébration des sacrements de l’initiation chrétienne. Pour ce qui concerne le Baptême des bébés ou des petits enfants, la prise en charge et l’accompagnement des parents dans leur parcours catéchétique sont à repenser dans la logique d’une pastorale de la proximité et de la proposition de la foi peut-être cas par cas. 

 

Conclusion générale

Les sacrements de l’initiation chrétienne reçus in fide Ecclesiae

pour une existence sacramentelle dans le monde d’aujourd’hui

 

Tous les sacrements comportent une dimension épiclétique. Ils sont des actes de l’Esprit dans l’Église pour la croissance de la vie chrétienne de ceux qui les ont reçus dans la foi. L’initiation chrétienne est une entrée du croyant dans le Mystère pascal du Christ. Car les sacrements qui la composent sont célébrés in fide Ecclesiae. Ordonnés à l’Eucharistie par laquelle les rites de l’initiation s’achèvent, le Baptême et la Confirmation font de ceux qui les reçoivent des « illuminés », c’est-à-dire qu’ils sont éclairés dans la foi pour agir in persona Christi et Ecclesiae en se mettant à l’écoute de la Parole de Dieu. C’est pourquoi d’ailleurs, la célébration des sacrements comporte une liturgie de la Parole. Car la liturgie célèbre ce que dit la Parole. Donc la célébration des sacrements est une « épiphanie » de la Parole. 

C’est par les sacrements de l’initiation chrétienne que ceux qui sont illuminés peuvent vivre leur fonction christique et ecclésiale dans le monde. Par le Baptême, ils participent à la vie du Corps du Christ comme prêtres ; par la Confirmation, ils sont affermis dans le sacerdoce royal  pour mener le combat de la foi, de la justice, de la paix et de la charité ; par la Communion, ils s’unissent au Christ et à l’Église dans un même dynamisme prophétique et catéchétique. Bref, les sacrements de l’initiation chrétienne font vivre une vie sacramentelle par le Mystère pascal du Christ. C’est le Mystère pascal qui est la matrice de toute la liturgie, en particulier celle des sacrements de l’initiation par lesquels l’homme est devenu véritablement chrétien. Au niveau théologique, il n’y a aucun malaise à s’exprimer au sujet de l’inséparabilité des trois sacrements de l’initiation. Le malaise peut s’exprimer au niveau pastoral et anthropologique. Est-ce que les enjeux pastoraux et anthropologiques qui conditionnent nos sociétés actuelles n’ont pas un impact soit positif soit négatif sur les pratiques sacramentelles des chrétiens d’aujourd’hui ? Par exemple, pour la Confirmation, n’est-il pas important de la repenser en lien avec le Baptême et l’Eucharistie ? Ne faudrait-il pas l’envisager de préférence avant la Première Communion ? Il semble qu’un tel déplacement dans la pratique sacramentelle de l’initiation en Haïti permettrait une meilleure compréhension de « l’être chrétien » et la consolidation de la catéchèse et de la liturgie. Nous pouvons avoir une Église qui initie mieux en catéchisant et en célébrant. On peut toujours commencer à croire par « le célébrer » pour arriver à la « mystagogie ». 

Dans cette dynamique, il semble qu’il faut procéder à une véritable « catéchèse mystagogique » qui engage une prise en compte de l’initié dans sa compréhension de la vie chrétienne à partir des mystères déjà célébrés. L’échec, en matière de la pastorale sacramentelle en Haïti vient de là. Il semble que l’après de la réception des sacrements de l’initiation chrétienne est très peu soigné. Par exemple, dans la pratique sacramentelle de beaucoup de communautés paroissiales, la réception de la Confirmation est pour certains, l’occasion de s’ouvrir largement au protestantisme ou à la « médiocratie chrétienne ». Après la réception du sacrement de la Confirmation, très mal compris et très mal célébré parfois (avec une liturgie de mauvais goût, des apparats trompeurs et simoniaques), certains se convertissent aux sectes, ou arrêtent toutes pratiques religieuses. Pour remédier à cette situation et corriger les dérives, il semble qu’il est important de valoriser les démarches des demandeurs des sacrements, leur préparation et les rites de l’initiation chrétienne avec une grande prudence théologique et pastorale au service de la croissance de la foi chrétienne en Haïti. Tout cela ne mène-t-il pas à développer une spiritualité baptismale, centrée sur le Mystère pascal qui donnerait davantage à l’Église en Haïti une perception plus catéchuménale d’elle-même où chaque Carême, chaque Veillée pascale sont pour les chrétiens des temps de renouvellement de l’initiation reçue ?[250] La célébration des sacrements de l’initiation chrétienne reste à penser. Elle présente d’énormes défis à relever et demande une réelle conversion pastorale liturgique et sacramentelle. Tant qu’on n’arrive pas à une harmonisation des sacrements de l’initiation chrétienne, le devenir chrétien du catholique haïtien sera toujours en bute à des difficultés de toutes sortes, semble-t-il.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Bibliographie

 

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·      https://liturgie.catholique.fr

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·      https://www.ardeche.catholique.fr

·      https://www.bwcatho.be

·      www.cnpl.cef.fr

·      www.vatican.va

·       

N.B : Avant de consulter un site, le premier reflexe à avoir, c’est de s’assurer de son identité. 

 

 

 

 

 

 

 



[1] Cf. Louis-Marie ChauvetLes sacrements, Parole de Dieu au risque du corps, Paris, Éditions ouvrières, 1993, p. 5. 

[2] Bernard SesboüéCroire. Invitation à la foi catholique pour les femmes et les hommes du XXIe siècle, Paris, Droguet & Ardant, 1999, p. 479. 

[3] Id.

[4] LG, n° 1 : « L’Église étant, dans le Christ, en quelque sorte le sacrement, c’est-à-dire à la fois le signe et le moyen de l’union intime avec Dieu et de l’unité de tout le genre humain ».

[5] Centre National de la Pastorale Liturgique, Exultet. Encyclopédie pratique de la liturgie,  Louis-Michel Renier (dir.), Paris, Bayard, 2000, p. 143. 

[6] Ibid., p. 145.

[7] Cf. Ibid., p. 146.

[8] Constitution sur la liturgie, Sacrosanctum Concilium, promulguée le 4 décembre 1963 est le premier texte à être examiné par les pères conciliaires dès le mois d’octobre 1962. Voir Daniel MoulinetLa liturgie catholique au XXe siècle, Paris, Beauchesne, « Religion, Société, Politique », 44, 2017 ; Jean-Marie Vezin et Laurent Villemin, Les sept défis de Vatican II, Paris, Desclée de Brouwer, 2012. Pour toute référence à la Constitution sur la liturgie, nous utiliserons SC. 

[9] Le n° 23 de SC en était la norme principale pour l’étude des sacrements : « Afin que soit maintenue la saine tradition, et que pourtant la voie soit ouverte à un progrès légitime, pour chacune des parties de la liturgie qui sont à réviser, il faudra toujours commencer par une soigneuse étude théologique, historique, pastorale. En outre, on prendra en considération aussi bien les lois générales de la structure et de l’esprit de la liturgie que l’expérience qui découle de la récente restauration liturgique et des indults accordés en divers endroits. Enfin, on ne fera des innovations que si l’utilité de l’Église les exige vraiment et certainement, et après s’être bien assuré que les formes nouvelles sortent des formes déjà existantes par un développement en quelque sorte organique ».

[10] Annibale BugniniLa réforme de la liturgie, Paris, Desclée de Brouwer, 2015, p. 621.

[11] Centre National de la Pastorale Liturgique, Exultet. Encyclopédie pratique de la liturgie, p. 150. 

[12] Cf. Adalbert Hamman, « Sacrement », Dictionnaire encyclopédique du christianisme ancien, tome 2, Paris, Cerf, 1990, p. 2210.

[13] Cf. Id.,

[14] Id.

[15] Id.

[16] Voir la fin de l’article d’Adalbert que nous venons de citer. 

[17] Centre National de la Pastorale Liturgique, Exultet. Encyclopédie pratique de la liturgie, p. 151.

[18] Id., 

[19] Ibid., 153. 

[20] Id.,

[21] Id.

[22] Louis-Marie Chauvet, « Sacrement », Dictionnaire critique de théologie, Paris, PUF, 1998, 1042. 

[23] Ibid., p. 1043. 

[24] Cf. Id.

[25] Cf. Id., 

[26] En 1215 le concile de Latran IV décide que la première communion ait lieu entre 12 et 14 ans (l’âge de la raison). 

[27] Centre National de la Pastorale Liturgique, Exultet. Encyclopédie pratique de la liturgie, p. 156. 

[28] Ibid., p. 157. 

[29] Id.

[30] Id.

[31] Cf. Id., 

[32] Cf. Id.

[33] Cf. Livre des bénédictionsPraenotanda n° 14, Paris, Chalet-Tardy, édition revue et corrigée, 1995, p. 8. 

[34] Cf. Saint Tomas d’AquinSomme théologique, [Les sacrements, IIIa, Questions 60-65], Traduction française par A-M Roguet, Paris, Cerf, 1999, p. 137. 

[35] Centre National de la Pastorale Liturgique, Exultet. Encyclopédie pratique de la liturgie, p. 158.

[36] Ibid., p. 159.

[37] François DumeigeLa foi catholique, textes doctrinaux du Magistère de l’Église, Paris, Éditions de l’Orante, 1961, p. 377. 

[38] CEC, n° 1211.

[39] Cf. Philippe Rouillard et Hubert Chalmandrier, « Sacrements », Dictionnaire de théologie chrétienne, Paris, Desclée, 1979, p. 398

[40] Louis-Marie ChauvetLes sacrements, Parole de Dieu au risque du corps, Paris, Les Éditions Ouvrières, 1993, p. 5. 

[41] Louis-Marie ChauvetLes sacrements, Parole de Dieu au risque du corps, p. 16.

[42] Cf. GS n°22.

[43] Jean-Hervé NicolasSynthèse dogmatique, Paris, Beauchesne, 1985, 20114, p. 737. 

[44] Frédérique Poulet, « Les sacrements et leurs rituels, initiative et grâce divines », https://liturgie.catholique.fr, consulté le 12 octobre 2018. 

[45] Le nouveau Théo, L’Encyclopédie catholique pour tous, [Livre IV, Chapitre 4 : La célébration de l’Alliance], Paris, Mame, 2009, p. 1000

[46] Cf. Bernard SesboüéCroire. Invitation à la foi catholique pour les femmes et les hommes du XXIe siècle, Paris, Droguet et Ardant, 1999, p. 480.

[47] Bernard SesboüéCroire. Invitation à la foi catholique pour les femmes et les hommes du XXIe siècle, p. 482. 

[48] Le nouveau Théo, L’Encyclopédie catholique pour tous, [Livre IV, Chapitre 4 : La célébration de l’Alliance], Op. cit., p. 1000. 

[49] Rite vodouesque dans lequel on trace avec un stylet des petites croix sur le corps de l’initié pour y injecter des objets ou des produits magiques pour le protéger contre les forces du mal. 

[50] Louis-Marie ChauvetLe corps, chemin de Dieu, Paris, Bayard, 2010, p. 60. 

[51] Louis-Marie ChauvetLes sacrements, Parole de Dieu au risque du corps, p. 21. 

[52] Louis-Marie ChauvetLe corps, chemin de Dieu, p. 23.

[53] Nous nous inspirons de Louis-Marie Chauvet dans son ouvrage déjà cité : Les sacrements, Parole de Dieu au risque du corps, p. 120-121. 

[54] Cf. Ibid., p. 127-128. 

[55] Louis-Marie ChauvetLes sacrements, Parole de Dieu au risque du corps, p. 51. 

[56] Cf. CEC n° 1076. 

[57] Le nouveau Théo, L’Encyclopédie catholique pour tous, p. 999. 

[58] Cf. Philippe Rouillard et Hubert Chalmandrier, « Sacrements », Dictionnaire de théologie chrétienne, p. 397. 

[59] Voir Pierre-Marie Gy, « La notion chrétienne d’initiation, jalons pour une enquête », LMD 132, 1997, 33-54.

[60] Ibid., p. 33. 

[61] Id.

[62] Paul Bradshaw a consacré tout un chapitre intéressant sur la question de l’initiation chrétienne qui pourrait compléter l’article de Pierre-Marie Gy que nous venons d’évoquer. Voir son ouvrage intitulé La liturgie chrétienne en ses origines, Paris, Cerf, « Liturgie » 5, 1995, p. 183-207. 

[63] Notre point de vue dégagé ici s’inspire largement de l’article de Pierre-Marie Gy que nous venons de citer (p. 33-34). 

[64] Adrien Nocent, « Initiation chrétienne », Dictionnaire encyclopédique de la Liturgie, Tome I, Belgique, Brepols, 1992, 577.

[65] Cf. Paul De Clerck, « Initiation chrétienne », Dictionnaire critique de théologie, p. 578. 

[66] Cf. Jean DaniélouBible et liturgie, Paris, Cerf, « Lex Orandi » 11, 1958, p. 29.

[67] Probablement, Éthérie effectua son voyage vers la fin du IVe siècle, l’âge d’or du développement de l’initiation chrétienne.    

[68] ÉthérieJournal de voyage, Paris, Cerf, « Sources chrétiennes », 21, 1964, p. 255-257. 

[69] Cf. Philippe Béguerie et Claude DuchesneauPour lire les sacrements, Paris, Cerf, 20004, p. 161. 

[70] Justin, « Apologie I, LXI, 2-3 », Les premiers écrits chrétiens, Bernard Pouderon, Jean-Marie Salamito, Vincent Zarini (dir.), Paris, Éditions Gallimard, 2016, p. 376.

[71] La DIDAKÈ VIILes Pères Apostoliques. Texte intégral,  Paris, Cerf, « Sagesses chrétiennes », 2001, p. 52-53. 

[72] Cf. Adrien Nocent, « Initiation chrétienne », Dictionnaire encyclopédique de la Liturgie, p. 581. 

[73] Cf. SC n° 71 : « Le rite de la confirmation sera révisé aussi pour manifester plus clairement le lien intime de ce sacrement avec toute l’initiation chrétienne, aussi est-il convenable que la rénovation des promesses baptismales précède la réception du sacrement ».

[74] SC n° 64 : « On restaurera le catéchuménat des adultes, distribué en plusieurs étapes, dont la pratique sera soumise au jugement de l’Ordinaire du lieu : on obtiendra ainsi que le temps du catéchuménat, destiné à une formation appropriée, puisse être sanctifié par des rites sacrés dont la célébration s’échelonne dans le temps ».

[75] SC n° 67 : « On révisera le rite pour le baptême des enfants et on l’adaptera à la situation réelle des tout-petits ; en outre, le rôle des parents et des parrains, ainsi que leurs devoirs, seront mieux mis en évidence dans le rite lui-même ». Voir aussi Annibale BugniniLa réforme de la liturgie, p. 638.

 

[76] Concile Vatican II, Décret sur l’Activité missionnaire de l’Église, Ad gentes, n° 14. Aux prochaines citations de ce décret, nous utiliserons, Ag.

[77] Id., voir aussi le Rituel de l’initiation chrétienne des adultesPraenotanda, n° 1, Paris, Desclée-Mame, nouvelle édition, 2017, p. 11. 

[78] Cf. LG n° 11. 

[79] Mis à part les Rituels du Baptême et de la Confirmation, on peut constater une large prise en compte de la notion d’initiation chrétienne dans les documents de Vatican II, en particulier dans Ad gentes, n° 14 ; Presbyterorum Ordinis, n° 2 ; Sacrosanctum Concilium, n° 71 ; CEC, n° 1211-12.1229-1233. 

[80] Commission Épiscopale de LiturgiePastorale sacramentelle. Points de repère, commentaire et guide de travail, I, Les sacrements de l’initiation chrétienne et le mariage, Paris, Cerf, « Liturgie » 8, 1996, p. 119.

[81] Cf. Rituel de l’initiation chrétienne des adultes, n° 6. 

[82] Cf. Commission Épiscopale de LiturgiePastorale sacramentelle. Points de repère, commentaire et guide de travail, I, Les sacrements de l’initiation chrétienne et le mariage, p. 120. 

[83] Pierre-Marie Gy, « La notion chrétienne d’initiation, jalons pour une enquête », p. 51.

[84] Cf. Ad gentes, n° 14. 

[85] Cf. SC, n° 64. 

[86] Cf. Pierre-Marie Gy, « La notion chrétienne d’initiation, jalons pour une enquête », Op. cit., p. 51.

[87] Ad gentesOp. cit., n° 14.

[88] SC 65 : « In terris Missionum, praeter ea quae in tradione christiana habentur, illa etiam elementa initiationis admitti liceat, quae apud unumquemque populum in usu esse reperiuntur, quatenus ritui christiano accomodari possunt ». 

[89] Commission Épiscopale de LiturgiePastorale sacramentelle. Points de repère, commentaire et guide de travail, I, Les sacrements de l’initiation chrétienne et le mariage, p. 122.

[90] Ibid., p. 123.

[91] Michel DenekenLa foi pascale, Paris, Cerf, 2002, p. 476. 

[92] Ibid., p. 485. 

[93] Voir Louis-Marie ChauvetSymbole et sacrement. Une relecture sacramentelle de l’existence chrétienne, Paris, Cerf, « Cogitatio » 144, 1987, 2011, p. 181.

 

[94] Chauvet Louis-Marie, « Les sacrements de l’initiation chrétienne », Dans vos assemblées (dir.) Joseph Gélineau, Vol. I, Paris, Desclée, 1989, p. 227. 

[95] Rituel de l’initiation chrétienne des adultes, n° 202, p. 139. 

[96] CEC, n° 1211. 

[97] CEC, n° 1211. 

[98] Cf. Directoire général pour la catéchèse, n° 115. 

[99] Cf. Conférence des évêques de FranceTexte National pour l’orientation de la catéchèse en France, Paris, Bayard Éditions – Fleurus-Mame – Cerf, 2006, p. 94. 

[100] Cf. Conférence des évêques de FranceTexte national pour l’orientation de la catéchèse en France et principes d’organisation, Paris, Bayard – Fleurus – Mame, Cerf, 2006, p. 64. 

[101] Cf. Jean-Louis Souletie, « Le Baptême, matrice de la Tradition », LMD, 238, 2016/1, p. 84. 

[102] Conférence des évêques de FranceTexte National pour l’orientation de la catéchèse en France, p. 40. 

[103] Nous devons ce terme à Isaïa Gazzola qui l’a présenté dans La liturgie, une piété moderne, Jean-Louis Souletie (dir.), Paris, Salvator, 2016, p. 129-151.

[104] Conférence des évêques de FranceTexte National pour l’orientation de la catéchèse en France, p. 43. 

[105] Id.

[106] Cf. Jean-Paul IILa sainte liturgie, Lettre apostolique pour le 25e anniversaire de la Constitution conciliaire « Sacrosanctum Concilium », n° 7 en citant SC n° 7. 

[107] Centre National de la Pastorale Liturgique, Exultet. Encyclopédie pratique de la liturgie, p. 166. 

[108] Id.

[109] Pour Jean-Louis Souletie, l’acte sacramentel du baptême est un lieu de réalisation de la Tradition comprise comme la transmission de la foi dans et par l’Église. Voir son article, « Le Baptême, matrice de la Tradition », LMD, 283, 2016/1, 79-102.

[110] Cf. Rituel de l’initiation chrétienne des adultes, n° 36. 

[111] Ibid., n° 37.

[112] Ibid., n° 103.

[113] Cf. Rituel de l’initiation chrétienne des adultesOp. cit., n° 103, § 1-5.

[114] Ibid., n° 41. 

[115] Cf. Ibid., n° 42. 

[116] Le temps pascal est le temps de la mystagogie pour les nouveaux initiés à la vie christique et ecclésiale. En ce sens, on peut comprendre que la liturgie en elle-même est mystagogique. La liturgie fait entrer dans le mystère. 

[117] Louis-Marie Chauvet, « La théologie sacramentaire aujourd’hui », Recherche de Sciences Religieuses, 2009/4, (tome 97), p. 491-514. DOI 10.3917/rsr.094.0491., https://www.cairn.info.

[118] Paul De Clerck, « Baptême », Dictionnaire critique de théologie, Paris, PUF, 1998, p. 140.

[119] Id.

[120] Id

[121] Saint CyprienLes questions dogmatiques, 74, 7. Textes choisis et présentés par Denys Gorce, Belgique, Les Éditions du Soleil Levant, « Les écrits des saints », 258, 1961, p. 154. 

[122] Cf. Ibid., 69, 3, p. 134. 

[123] Rituel de l’initiation chrétienne des adultes, n° 216/1, p. 146. 

[124] Cf. Pierre MoreauLes sacrements, Paris, Centurion, 1997, p. 12.

[125]Cf. Bugnini Annibale, La réforme de la liturgie, p. 636. 

[126] Jean CombyPour lire l’histoire de l’Église, tome I, Paris, Cerf, 1984, p. 55.

[127] Centre National de la Pastorale Liturgique, Exultet. Encyclopédie pratique de la liturgie, p. 172. 

[128] La célébration des sacrements, présentée par Pierre Jounel, Paris, Mame, Desclée, 2006, p. 221. 

[129] Centre National de la Pastorale Liturgique, Exultet. Encyclopédie pratique de la liturgie, p. 173.

[130] Paul De Clerck, « Baptême », Dictionnaire critique de théologie, Paris, PUF, 1998, p. 140. 

[131] Ibid., p. 141. 

[132] La célébration des sacrements, présentée par Pierre Jounel, Paris, Mame, Desclée, 2006, p. 237. 

[133] Par exemple, outre les documents de travail du synode sur la famille, le Pape François dans Amoris Laetitia, consacre 4 numéros sur la transmission de la foi (Nos 287-290). 

[134] Paul De Clerck, « Baptême », Dictionnaire critique de théologie, p. 141.

[135] Id.

[136] Id.

[137] Cf. Paul De Clerck, « Baptême », Dictionnaire critique de théologie, p. 141

[138] Le terme de « Fidelis » était réservé au chrétien baptisé et celui de « Christianus » au catéchumène. 

[139] Jean-Charles DidierFaut-il baptiser les enfants ? La réponse de la Tradition, Paris, Cerf, 1967, p. 147.

[140] Ibid., p. 149.

[141] Ibid., p. 153.

[142] Pierre MoreauLes sacrements, p. 12. 

[143] Voir Louis-Marie Chauvet, Les sacrements, paroles de Dieu au risque du corps, p. 20. 

[144] Voir Paul De Clerck, « Confirmation », Dictionnaire critique de théologie, p. 251.

[145] Cf. Louis-Marie Chauvet, Les sacrements, paroles de Dieu au risque du corps, p. 47. 

[146] Id

[147] Voir Jean DaniélouBible et liturgie, p. 61.

[148] Voir Is 1, 15ss ; Ez 36, 25 ; Jr 3, 22 ; Za 13, 1 ; Ps 51, 9. 

[149] La traduction de la Bible de Jérusalem.

[150] Cf. Théodule Rey-MermetCroire. Vivre la foi dans les sacrements, t. 2, Limoges, Droguet & Ardant, 1977, p. 80. 

[151] Marie-Jeanne Bernasseau, « Pourquoi Jésus a-t-il été baptisé ? », https://jesus.catholique.fr, consulté le 15/12/2018. 

[152] Cf. Paul de Clerck, « Baptême », Dictionnaire critique de théologie, p. 137. 

[153] Adrien Nocent, « Baptême », Dictionnaire encyclopédique de la liturgie, t. 1, p. 102. 

[154] Id

[155] Ibid., p. 103. 

[156] Cf. Id

[157] Cf. Id.

[158] Id.

[159] Ibid., p. 104. 

[160] Id

[161] Jean-Hervé Nicolas, Synthèse dogmatique, Paris, Beauchesne, 1985, 20114, p. 197.

[162] La DIDAKÈ VIILes Pères Apostoliques. Texte intégral, p. 52-53.

[163] Adrien Nocent, « Baptême », Dictionnaire encyclopédique de la liturgieop. cit., p. 104.

[164] Id

[165] Hermas, Le Pasteur, Vision 3, Premiers écrits chrétiens, Bernard Pouderon, Jean-Marie Salamito et Vincent Zarini (dir.), Paris, Gallimard, 2016, p. 103.

[166] Adrien Nocent, « Baptême », Dictionnaire encyclopédique de la liturgie, p. 106. 

[167] Saint Justin, Apologie I, 61, 3, Premiers écrits chrétiens, p. 376. 

[168] Id., 61, 12, p. 377. 

[169] Ibid., 19, 2, p. 422. 

[170] Ibid., 138, 2, p. 569.

[171] TertullienTraité du baptême, I, www.tertullian.org, consulté le 17/12/2018. 

[172] Id.

[173] Id

[174] Id.

[175] Hippolyte de RomeLa Tradition apostolique 21http://arrasmedia.keeo.com/127272.pdf, consulté le 18/12/2018. 

[176] Les rituels romains actuels des sacrements de l’initiation chrétienne s’inspirent beaucoup de la Tradition apostolique d’Hippolyte de Rome. 

[177] CollectifLa théologie et le travail de la foi. Mélanges offerts à Henri-Jérôme Gagey, Joël Molinario et François Moog (dir.), Paris, Salvator, 2015, p. 232. 

[178] Voir aussi les préliminaires généraux à l’initiation chrétienne du Rituel de la Confirmation, n° 11 et 16. Cependant, en absence de prêtre ou de diacre, l’évêque peut mandater des laïcs à baptiser. 

[179] Cf. Rituel de l’initiation chrétienne des adultes, Notes pastorales, n° 203. 

[180] Id., n° 205.

[181] Ibid., n° 216/1. 

[182] Voir Pierre JounelLa célébration des sacrements, p. 239.

[183] Selon Pierre Jounel, le vêtement blanc du nouveau baptisé est comme celui du Christ lors de la Transfiguration  (Lc 9, 29) et comme celui des saints dans le ciel (Ap 7, 9). Voir La célébration des sacrementsop. cit.,  239.

[184] Voir Ép 5, 8 ; 1 P 2, 9. 

[185] Paul de ClerckL’Intelligence de la liturgie, p. 72-73.

[186] Voir Louis-Marie Chauvet, « Eschatologie et sacrement », LMD 220, 1999/4, 53-71.

[187] Cf. Ibid., p. 53.

[188] Terme emprunté à Louis-Marie Chauvet dans son article cité ci-dessus. 

[189] Cf. Isaïa Gazzola, « Le baptême, commencement d’une vie nouvelle », LMD 285, 2016/3, p. 47-76.

[190] Ibid., p. 60.

[191] Id., 

[192] Rituel de l’initiation chrétienne des adultes, p. 142.

[193] Ibid., n° 226, p. 155.

[194] Ibid., n° 227, p. 156. 

[195] Rituel de la Confirmation, « Orientations doctrinales et pastorales », n° 6. 

[196] Théodule Rey-MermetCroire. Vivre la foi dans les sacrements, t. 2, p. 99. 

[197] Ibid., p. 102. 

[198] Rinaldo Falsini, « Confirmation », Dictionnaire encyclopédique de la liturgie, p. 205. 

[199] Id.

[200] Id.

[201] Ibid., p. 206. 

[202] Nous nous inspirons largement de l’article de R. Falsini sur la Confirmation. Voir Dictionnaire encyclopédique de la liturgieop. cit., p. 206.

[203] Cf. Rinaldo Falsini, « Confirmation », Dictionnaire encyclopédique de la liturgie, p. 207. 

[204] Id

[205] Id.

[206] Id.

[207] Cela a probablement influencé la pratique sacramentelle de la Confirmation en Haïti. 

[208] Cf. Hélène Bricout, « La réforme du Rituel romain de la Pénitence et de la Réconciliation », LMD, 294, 2018/4, p. 46.

[209] Rituel de la Confirmation, n° 31. 

[210] Le mot « parrain » vient du latin « pater » qui signifie « père ». Le mot « marraine » vient du mot latin « mater » qui veut dire « mère ». Le mot « filleul/e » signifie « fils/fille ». Donc être parrain ou marraine c’est d’avoir une responsabilité spirituelle envers le filleul ou la filleule.  

[211] Rituel de la Confirmation, n° 45.

[212] Bernard Lauret et François Refoulé (dir.), Initiation à la pratique de la théologie, tome III : Dogmatique 2, Paris, Cerf, 1983, p. 433. 

[213] Ces points de vue sont inspirés de l’ouvrage de Bernard Lauret et François Refoulé (dir.), Initiation à la pratique de la théologie, tome III : Dogmatique 2, op. cit., p. 434-436. 

[214] CEC, n° 1302-1303.

[215] Rituel de la Confirmation, n° 24. 

[216] Ibid., n° 22. 

[217] Voir Juan Carlos ScannoneLa théologie du peuple. Racines théologiques du pape François, Belgique/France, Éditions Jésuites, « Donner raison », 60, 2017. 

[218] Louis-Marie Chauvet, « Les sacrements de l’initiation chrétienne », Dans vos assemblées, Joseph Gélineau, (dir.), p. 223. 

[219] Cf. Rituel de la Confirmation, Paris, Chalet-Tardy, 1976 et 1992, Praenotanda n° 2.

[220] Id.

[221] Rituel de la Confirmation, orientations doctrinales et pastorales, n° 5. 

[222] Commission Épiscopale de LiturgiePastorale sacramentelle. Points de repère, commentaire et guide de travail, I, Les sacrements de l’initiation chrétienne et le mariage, p. 55. 

[223] Cf. Jean DaniélouBible et liturgie, p. 162.

[224] Id.

[225] Id.

[226] Pour une étude approfondie de cette question, voir Catherine Pic, « L’Ecclésiologie de la Confirmation à la lumière des pratiques ecclésiales aujourd’hui », Mémoire de licence canonique de théologie (Liturgie et théologie sacramentaire), Patrick Prétot (dir.), Paris, Institut Catholique de Paris, Theologicum, Faculté de Théologie et de Sciences Religieuses, Institut Supérieur de Liturgie, 2010, 142 p. 

[227] Cf. Diesel Phat, « La célébration des fêtes patronales en Haïti, enjeux théologiques et pastoraux », Mémoire de licence canonique de théologie (Liturgie et théologie sacramentaire), Hélène Bricout (dir.), Paris, Institut Catholique de Paris, Theologicum, Faculté de Théologie et de Sciences Religieuses, Institut Supérieur de Liturgie, 2017, p. 80. 

[228] Ibid., p. 81. 

[229] Cf. Pierre MoreauLes sacrements, p. 33. 

[230] Id

[231] Id

[232] Ibid., op. cit., p. 34.

[233] Id.

[234] Ibid., p. 35.

[235] Paul de ClerckVivre et comprendre la messe, Paris, Cerf, 2016, p. 69. 

[236] Rituel de la Confirmation, n° 59. Voir aussi les nos 32 et 33. 

[237] Ibid., n° 2. 

[238] Nous nous inspirons de Emmanuel Falque dans son ouvrage Triduum philosophique. Le Passeur de Gethsémani, Métamorphose de la finitude, Les Noces de l’Agneau, Paris, Cerf, 2015, p. 282-285. 

[239] Voir Ép 1, 22-23. 

[240] La célébration des sacrements, présentée par Pierre Jounel, p. 204.

[241] Rituel de l’initiation chrétienne des adultes, n° 225. 

[242] Bernard Lauret et François Refoulé (dir.), Initiation à la pratique de la théologie, tome III : Dogmatique 2, p. 462. 

[243] Max ThurianL’essentiel de la foi, France, Les Presses de Taizé, 1972, p. 117. 

[244] Commission Épiscopale de LiturgiePastorale sacramentelle. Points de repère, commentaire et guide de travail, I, Les sacrements de l’initiation chrétienne et le mariage, p. 74. 

[245] Joseph GélineauLibres propos sur les assemblées liturgiques, Paris, Les Éditions de l’Atelier/Éditions Ouvrières, 1999, p. 31. 

[246] Pendant l’octave de Pâques, dans les Prières eucharistiques II et III, l’Église prie de manière spéciale pour les néophytes. 

[247] Cf. Louis BouyerInitiation chrétienne, Paris, Plon, « Livre de vie » 52, 1958, p. 125. 

[248] Ibid.op. cit., p. 125. 

[249] Voir Andreas Heinz, « Les apports de la science liturgique au renouvellement de l’initiation chrétienne », La liturgie, lieu théologique, Paul de Clerck (dir.), Paris, Beauchesne, « Sciences théologiques & religieuses », 9, 1999, p. 45. 

[250] Notre propos s’inspire en grande partie de Guy Cordonnier dans son article intitulé : « Faire Église avec les nouveaux venus à la foi », Commission Épiscopale de LiturgiePastorale sacramentelle. Points de repère, commentaire et guide de travail, I, Les sacrements de l’initiation chrétienne et le mariage, p. 141.

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