INITIATION À LA LITURGIE
GRAND SÉMINAIRE NOTRE-DAME
SECTION DE THÉOLOGIE
LITURGIE (I)
« Lex orandi, lex credendi »
NOTES DE COURS
à l’usage des étudiants de la 1ère année de théologie
2022-2023
Mail: dieselphaiti@yahoo.com/ p.diesel.haiti@gmail.com
Blog : https://diehaititheoliturgiesacrements.blogspot.com
Fiche pédagogique
Problématique du cours :
À partir de Sacrosanctum Concilium, ainsi que des Rituels issus de la réforme liturgique de Vatican II, le cours s’évertuera à mettre en exergue les axes fondamentaux de la liturgie comme prière du Christ et de l’Église dans son site cérémoniel et à dégager sa richesse théologique et pastorale pour une existence chrétienne et spirituelle inouïe. Bref, ce cours permettra aux étudiants d’entrer dans l’intelligence de la liturgie pour mieux la vivre et la faire vivre dans les milieux ecclésiaux.
Ce cours prendra en compte le langage de la liturgie, langage rituel et symbolique, afin de saisir son importance et ses répercussions sur l’expérience de foi des croyants. Il fera droit à l’histoire de la liturgie, notamment celle des premiers siècles et de l’époque patristique ainsi que son enracinement dans la Tradition vivante de l’Église.
Ce cours facilitera la compréhension des accents et du déploiement de la réforme liturgique de Vatican II dans le sillage du Mouvement liturgique. Ceci dit, il donnera la possibilité de s’arrêter sur certaines notions plus sensibles et qui font débat aujourd’hui telles le sacré, l’art de célébrer, la liturgie comme lieu théologique, la participation active des fidèles, le bon usage des normes, le choix des formulaires liturgiques comme marque de la pastoralité de la doctrine etc.
Il aidera les étudiants à approfondir la façon dont la liturgie comme Opus Dei, sanctifie le temps annuel, hebdomadaire et quotidien. Pour cela, la célébration de la messe aura une attention particulière, pour en comprendre les origines et la dynamique, dans ses deux moments célébratifs intrinsèques : la liturgie de la Parole et celle de l’Eucharistie.
Compétences à acquérir :
· Être capable de comprendre la liturgie comme prière de l’Église dans la logique d’une vie chrétienne et spirituelle épanouie ;
· Être capable d’entrer dans l’intelligence de la liturgie comme œuvre du salut et l’épiphanie de Église en prière ;
· Être capable d’approfondir la façon dont la liturgie sanctifie le temps annuel, hebdomadaire et quotidien à travers la célébration eucharistique, lieu de la célébration du mystère pascal par excellence ;
· Être capable de réfléchir à l’ensemble du parcours, à la lumière de la Tradition de l’Église et être en mesure de l’appréhender comme un lieu théologique ;
· Analyser et comprendre la progression théologique de la liturgie comme un itinéraire spirituel dans les temps ou périodes qui la ponctuent par des séquences rituelles ;
· Exercer un discernement théologique et pastoral sur les pratiques liturgiques en Haïti dans leur dimension culturelle et anthropologique ; bref prendre en compte la question de l’inculturation dans le domaine de la liturgie en Haïti.
Pédagogie et méthodologie :
Par des présentations magistrales, le cours offrira aux étudiants la possibilité de mieux comprendre la liturgie et son déploiement dans la vie chrétienne, de mieux cerner la genèse, la structuration et l’évolution des rites liturgiques, de les approfondir au moyen des textes conciliaires, d’études des Rituels, d’analyse de célébration et, globalement, d’un travail d’interprétation théologique des données auquel participeront tous les étudiants.
Mode d’évaluation :
Une diversité de mode est proposée :
1°) Rédaction d’une fiche de lecture, d’un ouvrage ou d’un document sur la liturgie (il faut présenter l’ouvrage et le plan au professeur avant de commencer à rédiger) : 4 pages maximum : interligne 1.5, police times new roman taille 12) ou travaux dirigés.
2°) Travail sur table à la fin du cours.
Participation au cours (Travaux personnels) : 40% ; Examen final : 60% (à la fin du cours).
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PLAN DU COURS / SOMMAIRE
INTRODUCTION …………………………………………………………………………….p.8
1. L e mot « liturgie »
2. Le vocabulaire liturgique
CHAPITRE I : La liturgie en ses origines……………………………………………………p.12
1.1. Jésus, juif pratiquant…………………………………………………………………p.12
1.1.1. L’enfance juive de Jésus……………………………………………………………..p.12
1.1.2. La vie publique de Jésus……………………………………………………………..p.13
1.2.Liturgie juive et liturgie chrétienne…………………………………………….p.14
1.2.1. La liturgie du Temple………………………………………………………………..p.14
1.2.2. La liturgie de la Synagogue………………………………………………………….p.14
1.2.3. La maison familiale comme un lieu liturgique……………………………………..p.15
1.2.3.1. Le repas sabbatique
1.2.3.2. Le repas pascal annuel
1.2.4. Les formes de la prière juive au premier siècle…………………………………….p.16
1.2.4.1. La Berakah, le Shema, la Tefillah
1.2.4.2. Lecture et psalmodie
1.2.4.2. La bénédiction avant et après le repas : Quiddush et Birkat ha-Mazon
1.3.Les traces de la liturgie des premiers chrétiens
dans le Nouveau Testament……………………………………………………...p.18
1.4. La liturgie à l’époque des Pères apostoliques
et des Pères de l’Église…………………………………………………………….....p.19
1.4.1. Les Pères apostoliques (Ier - IIe siècles)……………………………………………...p.19
1.4.1.1. Les pratiques au Ier siècle
1.4.1.2. Les pratiques liturgiques au IIe siècle
1.4.2. Les Pères de l’Église (IIIe – Ve siècles)……………………………………………....p.24
CHAPITRE II : Les familles liturgiques……………………………………………………..p.25
2.1. Liturgies orientales…………………………………………………………………..p.25
2.1.1. La famille syrienne…………………………………………………………………...p.25
2.1.2. La famille alexandrine………………………………………………………………p.26
2.2. Liturgies occidentales……………………………………………………………….p.26
2.2.1. La liturgie romaine…………………………………………………………………..p.26
2.2.2. Les liturgies non romaines…………………………………………………………..p.27
CHAPITRE III : La liturgie selon la réforme conciliaire…………………………………….p.27
3.1. Contexte historique : le mouvement liturgique…………………………………..p.27
3.2. La Constitution Sacrosanctum Consilium………………………………………...p.28
3.2.1. L’importance de la liturgie dans la vie de l’Église………………………………….p.29
3.2.2. L’harmonisation de la liturgie et les expressions de la piété populaire…………..p.30
3.2.3. L’harmonisation des rites liturgiques………………………………………………p.31
3.2.4. L’importance de l’homélie découlant de la proclamation
et de l’écoute de la Parole……………………………………………………………p.32
3.3 Les points forts de la réforme conciliaire en matière de liturgie………………p.32
3.3.1. La mise en œuvre du concile Vatican II…………………………………………….p.33
3.3.2. La liturgie, épiphanie de l’Église……………………………………………………p.34
CHAPITRE IV : Temps et année liturgique…………………………………………………p.35
4.1. Temps humain et temps liturgique…………………………………………………...p.35
4.1.1. Le temps humain……………………………………………………………………..p.35
4.1.2. Le temps divin………………………………………………………………………..p.36
4.1.3. Le temps liturgique dans le monde contemporain…………………………………p.37
4.1.3.1. Les ressources de la liturgie pour vivre le temps
4.1.3.2. Célébrer l’aujourd’hui de Dieu : l’année liturgique
4.1.3.3. L’Articulation de l’année liturgique
4.2. L’intelligence du Temps ordinaire………………………………………….………p.41
4.2.1. Comment compter les dimanches et les semaines du Temps ordinaire ?...............p.41
4.2.2. Le temps ordinaire, le temps de l’Église……………………………………………p.41
CHAPITRE V : La liturgie, célébration ou actualisation du mystère pascal du christ……...p.42
5.1. Théologie et normes de la liturgie…………………………………………………p.42
5.1.1. La célébration liturgique, œuvre du Christ prêtre………………………………...p.42
5.1.1.1. Le Christ, Médiateur et Prêtre de l’Alliance nouvelle
5.1.1.2. Célébration du mystère pascal du Christ
5.1.1.3. L’assemblée liturgique : l’Église
5.1.1.4. La célébration liturgique
5.1.2. Les normes de la liturgie…………………………………………………………….p.46
5.1.2.1. L’autorité de la liturgie
5.1.2.2. Des niveaux d’autorité
5.2. Vers une spiritualité des livres liturgiques (en particulier le Missel)………p.49
5.3. Célébrer l’aujourd’hui de Dieu : Les différentes parties de la Messe…………p.50
5.3.1. Les rites initiaux………………...................................................................................p.50
5.3.1.1. Le chant et la procession d’entrée
5.3.1.2. L’accueil du prêtre présidant
5.3.1.3. L’acte pénitentiel
5.3.1.4. Le Gloria
5.3.1.5. La prière d’ouverture.
5.3.2. La liturgie de la Parole………………………………………………………………p.54
5.3.2.1. Le déploiement de la sacramentalité de la Parole dans son site liturgique
1. La première lecture.
2. Le psaume responsorial.
3. La deuxième lecture.
4. L’Alléluia.
5. La proclamation de l’Évangile.
5.3.2.2. La Parole expliquée, confessée et priée
1. L’Homélie.
2. Le Credo.
3. La prière universelle ou prière des fidèles
5.3.3. La liturgie eucharistique……………………………………………………………p.58
5.3.3.1. La préparation des dons
5.3.3.2. La Prière eucharistique ou Anaphore eucharistique
1. Les origines de la Prière eucharistique
2. Les prières eucharistiques anciennes en Orient et en Occident
3. La structure de la Prière eucharistique et sa dynamique
5.3.3.3. Les rites de communion
5.3.3.4. Les rites de la conclusion
5.3.3.5. Les apologies du prêtre et les silences pendant la messe
5.4. Des lieux pour le rassemblement de la communauté liturgique………………..p.76
5.4.1. Les églises, lieux de rassemblement de la communauté liturgique………………..p.76
5.4.2. L’organisation de l’espace liturgique
comme lieu théologique et lieu d’initiation…………………………………………p.77
5.4.2.1. Les lieux du baptême (les fonds baptismaux)
5.4.2.2. Les lieux de la Parole (l’ambon)
5.4.2.3. Les lieux de l’Eucharistie (l’autel) et de la réserve eucharistique
5.4.2.4. Les lieux de la présidence (siège du président de la célébration)
5.4.2.5. Les lieux de l’assemblée (la nef de l’église : enjeux d’une participation active)
CHAPITRE VI : Liturgie et inculturation en Haïti………………………………………..…p.86
6.1. L’évolution de la liturgie en Haïti : un processus d’inculturation ?.................p.86
6.2. L’émergence du concept théologique d’inculturation…………………………..p.87
6.2.1. Définition du concept d’inculturation………………………………………………p.88
6.2.2. Compréhension actuelle de l’inculturation…………………………………………p.89
6.3. Peut-on vraiment inculturer la liturgie ?...............................................................p.90
6.4. Varietates legitimae………………………………………………………………….p.91
6.4.1. Qu’est-ce que ce texte nous dit raisonnablement ?...................................................p.92
6.4.2. Quels sont les critères pour une vraie inculturation de la liturgie ?.......................p.92
CONCLUSION : La liturgie : Passé – présent – avenir……………………………………...p.93
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Bibliographie
1. Sources liturgiques
· Association épiscopale de liturgie pour les pays francophones, L’art de célébrer la Messe. Présentation générale du Missel romain, 3e édition typique 2002, Paris, Desclée-Mame, 2008.
· Centre national de pastorale liturgique, Du bon usage de la liturgie, Paris, Cerf, « Guides Célébrer » 4, 1999.
· Centre national de pastorale liturgique, L’art de célébrer, t. 1, Paris, Cerf, « Guides Célébrer » 9, 2003.
· Centre national de pastorale liturgique, L’art de célébrer, t. 2, Paris, Cerf, « Guides Célébrer » 10, 2003.
· Hosanna, Nouveau Missel biblique, Paris, Tardy, Droguet-Ardant, C.M.R., 1986.
· Les Moines de Solesmes, Missel grégorien des dimanches noté en chant grégorien, Solesmes, 1985.
· Missel romain (Nouvelle traduction française)
· Vatican II, Constitution sur la liturgie, Sacrosanctum Concilium.
2. Ouvrages et articles
· Alberich Emilio, « Inculturer et indigéniser le christianisme », Précis de théologie pratique, Gilles Routhier et Marcel Viau (dir.), Bruxelles, Lumen Vitae, 2004.
· Barras Philippe, « Liturgie et inculturation », LMD 296, 2019/2, 9-34.
· Bouyer Louis, La vie de la liturgie, Paris, Cerf, 1956.
· Bradshaw Paul, La liturgie chrétienne en ses origines, Paris, Cerf, 1995.
· Bricout Hélène (dir.), Du bon usage des normes en liturgie, Paris, Cerf, « Lex Orandi, nouvelle série » 9, 2020.
· Bugnini Annibale, La réforme de la liturgie, Paris, Desclée de Brouwer, 2015.
· Chauvet Louis-Marie, Les sacrements, Parole de Dieu au risque du corps, Paris, Les Éditions Ouvrières, 1993.
· Chauvet Louis-Marie, « La Bible dans son site liturgique », dans : Jean-Louis Souletie et Henri-Jérôme Gagey(dir.), La Bible, Parole adressée, Paris, Cerf, 2001.
· Congar Yves et Jossua Jean-Pierre (dir.), La liturgie après Vatican II, Paris, Cerf, « Unam Sanctam » 66, 1967.
· Corbon Jean, Liturgie de source, Paris, Cerf, 1980, 2007.
· Cothenet Édouard, Exégèse et liturgie, Paris, Cerf, « Lectio Divina » 175, 1999.
· Dalmais Irénée-Henri, Initiation à la liturgie, Paris, Desclée de Brouwer, 1958.
· Daniélou Jean, Bible et liturgie, Paris, Cerf, « Lex Orandi » 11, 1958.
· De Clerck Paul, L’Intelligence de la liturgie, Paris, Cerf, « Liturgie » 4, 19953.
· De Clerck Paul, Vivre et comprendre la messe, Paris, Cerf, 2016, 51-104.
· Dournes Jacques, L’Offrande des peuples, Paris, Cerf, 1967.
· Drouin Gilles (dir.), L’espace liturgique, un espace d’initiation, Paris, Cerf, 2019.
· Favreau François, Liturgie, Paris, Desclée, 1983.
· Gazzola Isaïa, « La célébration du mystère chrétien dans la liturgie », La liturgie, une piété moderne, Jean-Louis Souletie (dir.), Paris, Salvator, 2016, p. 129-151.
· Geldhop Joris, « Inculturation dans le domaine liturgique, défauts et défis d’un concept contesté », LMD 296, 2019/2, 35-52.
· Gitton Michel, Initiation à la liturgie romaine, Paris, Ad Solem, 2003.
· Guardini Romano, L’Esprit de la liturgie, Éditions Parole et Silence, 2007.
· Hameline Jean-Yves, Une poétique du rituel, Paris, Cerf, « Liturgie » 9, 1997.
· Marsili Salvatore, « Liturgie », Dictionnaire encyclopédique de la liturgie, Belgique, Brepols, 1992, 629-640.
· Martimort Aimé-Georges, L’Église en prière. Introduction à la liturgie, Tournai (Belg.), Desclée & Co., 1961.
· Mazza Enrico, L’Action eucharistique, Paris, Cerf, « Liturgie » 10, 1999.
· Marini Guido (Mgr), La liturgie, gloire de Dieu, sanctification de l’homme, France, Artège, 2013.
· Metzger Marcel, Histoire de la liturgie, Paris, Desclée de Brouwer, 1994.
· Phat Diesel, « La célébration des fêtes patronales en Haïti, enjeux théologiques et pastoraux », Mémoire de licence canonique de théologie (Liturgie et théologie sacramentaire), Hélène Bricout (dir.), Paris, Institut Catholique de Paris, Theologicum, Faculté de Théologie et de Sciences Religieuses, Institut Supérieur de Liturgie, 2017.
· Peelman Achiel, Les nouveaux défis de l’inculturation, Canada, Novalis – Lumen Vitae, 2007.
· Peelman Achiel, La communion des saints, approche chrétienne et amérindienne, Canada, Médiaspaul, 2016.
· Poudron Bernard, Salamito Jean-Marie et Zarini Vincent (dir.), Premiers écrits chrétiens, Paris, Gallimard, 2016.
· Renier Louis-Michel (dir.), Exultet. Encyclopédie pratique de la liturgie, Paris, Bayard, 2000.
· Ratzinger Joseph, Liturgie et mission, Paris, Édition Artège, 2007.
· Ratzinger Joseph, L’Esprit de la liturgie, Ad Solem, 2001.
· Scouarnec Michel, Présider l’assemblée du Christ, peut-on se passer des prêtres, Paris, Les Éditions de l’Atelier/Éditions Ouvrières, « Recherches », 1996.
· Steinmetz Michel, Entrer en liturgie, t. 2, Paris, Mame-Desclée, 2014.
· Schillebeeckx Édouard, Le Christ, sacrement de la rencontre de Dieu, Paris, Cerf, 1967.
· Vezin Jean-Marie et Villemin Laurent, Les sept défis de Vatican II, Paris, Desclée de Brouwer, 2012.
INTRODUCTION
1. L e mot « liturgie »
Il n’y a pas de vie chrétienne sans la liturgie considérée « comme l’exercice de la fonction sacerdotale de Jésus Christ »[1]. Elle est le culte public intégral de l’Église et elle demande la participation « pleine et consciente » de toute l’assemblée célébrante. Elle est ainsi « le sommet auquel tend l’action de l’Église, et en même temps la source d’où découle toute sa vertu »[2] - (culmen et fons). La liturgie est le sommet auquel tend l’action de l’Église car elle nous fait vivre par la vie sacramentelle et spirituelle ; elle est la source d’où découle toute sa vertu car elle est la célébration du mystère pascal du Christ.
a. La liturgie est œuvre de Dieu (la grâce) et œuvre de l’homme (le culte que l’homme rend à Dieu). Il ne faut pas les opposer même si elles ne sont pas sur le même plan : l’œuvre de Dieu (la grâce) qui trouve sa pleine réalisation dans le Christ mort et ressuscité ne peut pas équivaloir celle accomplie par l’homme. Dans la liturgie, l’Église rend visible l’œuvre de Dieu, œuvre que lui seul peut opérer. Mais, dans la liturgie également, nous lui rendons grâce pour cette œuvre de salut. La liturgie est donc la célébration du mystère de la foi. Car « elle actualise et rend présent ce mystère du Christ sauveur de l’humanité notamment au cours de la veillée pascale qui est le sommet de l’année liturgique »[3].
b. La liturgie est mystère de communion. Elle « est mystère de communion, c’est parce qu’elle est par excellence le lieu où l’union avec Dieu est réalisée par le don de l’Esprit Saint, lui qui est l’Esprit de communion »[4]. Le Christ se manifeste de différentes manières dans les célébrations liturgiques et c’est toujours le même Esprit Saint qui est moteur de ces différentes manifestations : « le Christ est toujours là auprès de son Église, surtout dans les actions liturgiques »[5]. Il est donc présent dans l’assemblée qui se réunit autour de lui et dans le prêtre qui préside la célébration, dans l’écoute de la Parole proclamée, dans les sacrements célébrés et au plus haut point dans le pain et le vin eucharistiés. Cette présence, comme le souligne Patrick Prétot, est le gage de l’offre de la communion que le Père adresse à ses enfants[6].
c. La liturgie est un mystère d’unité. Elle « contribue au plus haut point à ce que les fidèles, par leur vie, expriment et manifestent aux autres le mystère du Christ et la nature authentique de la véritable Église »[7]. Ici, le concile met en évidence la liturgie comme mystère d’unité : l’unité du Christ et de l’Église qui se réalise à travers l’unité des chrétiens réunis autour de l’autel[8]. Mais, ce mystère d’unité est plus visible encore quant tout le presbyterium et les diacres participent à une seule et même eucharistie présidée par l’évêque : « Les actions liturgiques ne sont pas des actions privées, mais des célébrations de l’Église, qui est « le sacrement de l’unité », c’est-à-dire le peuple saint réuni et organisé sous l’autorité des évêques »[9]. Cependant, quelque soit la taille de la célébration, mais la plus modeste qu’elle soit, le mystère d’unité ne s’estompe pas. C’est pourquoi au cours de la célébration de l’eucharistie, le nom du pape et de l’évêque du lieu que le prêtre cite n’est pas seulement une prière mais aussi un signe tangible de cette unité.
La liturgie intéresse l’ensemble de la vie sacramentelle et de la prière officielle de l’Église. Donc on peut dire, à la lumière du concile que la liturgie est :
1. Œuvre de salut. Le salut acquis en Jésus Christ n’est pas une réalité qui concerne le passé et l’avenir. Ce salut, l’Église l’annonce, le célèbre et le vit aujourd’hui. Elle le fait par la liturgie. Les Pères conciliaires le précisent :
C’est pourquoi, de même que le Christ a été envoyé par le Père, ainsi lui-même envoya ses Apôtres, remplis de l’Esprit Saint, non seulement pour que, proclamant l’Évangile à toute créature, ils annoncent que le Fils de Dieu, par sa mort et sa résurrection, nous a délivrés du pouvoir de Satan ainsi que de la mort, et nous a transférés dans le Royaume du Père, mais aussi afin qu’ils exercent cette œuvre de salut qu’ils annonçaient, par le sacrifice et les sacrements autour desquels gravite toute la vie liturgique[10].
L’Église réalise tout cela en nous greffant sur le mystère pascal du Christ par les sacrements de l’initiation chrétienne dont l’eucharistie est l’achèvement. Ainsi, la liturgie fait œuvre de salut puisque nous accueillons la grâce du Christ en elle et par elle. Cela constitue la nature même de la liturgie. L’œuvre du salut accomplie par le Christ « s’événementise » dans la liturgie. Elle est le lieu de la célébration et de la manifestation de la grâce divine :
Dieu, qui « veut que tous les hommes soient sauvés et parviennent à la connaissance de la vérité » (1 Tm 2, 4), « qui jadis, tant de fois et de tant de manières, avait parlé à nos pères par les prophètes » (He 1, 1) lorsque vint la plénitude des temps, envoya son Fils, le Verbe fait chair, oint par le Saint-Esprit, pour annoncer la bonne nouvelle aux pauvres, pour guérir les cœurs brisés, comme un « médecin charnel et spirituel » le Médiateur de Dieu et des hommes. Car c’est son humanité, dans l’unité de la personne du Verbe, qui fut l’instrument de notre salut. C’est pourquoi dans le Christ « est apparue la parfaite rançon de notre réconciliation, et en lui la plénitude du culte divin est entrée chez nous[11].
A quoi cela nous conduit ? Quel sens pour nous ? Tout d’abord, la liturgie est la manifestation en acte de l’Alliance entre Dieu et l’homme. Une Alliance pour le salut. La liturgie est la célébration des actes salvifiques de Dieu pour les hommes qu’il aime. L’homme, en expérimentant la liturgie, doit prendre conscience que Dieu s’intéresse à lui. Il est appelé à vivre dans l’Alliance avec Dieu. Ensuite, la liturgie ouvre l’espace et le temps dans lesquels, à travers des signes et des symboles les croyants s’approprient l’Alliance offerte. La liturgie est la Pâque de l’homme en quête de la vraie vie.
2. Présence du Christ. La liturgie est célébrée par l’Église, mais l’Église n’agit ni seule ni en son nom propre : « Pour l’accomplissement d’une si grande œuvre, le Christ est toujours là auprès de son Église, surtout dans les actions liturgiques. Toute célébration liturgique, en tant qu’œuvre du Christ prêtre et de son Corps qui est l’Église »[12]: Les divers modes de présence du Christ dans la liturgie:
Il est là présent dans le sacrifice de la messe, et dans la personne du ministre, « le même offrant maintenant par le ministère des prêtres, qui s’offrit alors lui-même sur la croix » et, au plus haut degré, sous les espèces eucharistiques. Il est présent, par sa puissance, dans les sacrements au point que lorsque quelqu’un baptise, c’est le Christ lui-même qui baptise. Il est là présent dans sa parole, car c’est lui qui parle tandis qu’on lit dans l’Église les Saintes Écritures. Enfin il est là présent lorsque l’Église prie et chante les psaumes, lui qui a promis : « Là où deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis là, au milieu d’eux » (Mt 18, 20)[13].
Même si la présence réelle nous est donnée « au plus haut degré, sous les espèces eucharistiques », elle n’épuise pas toutes les autres formes de présence du Christ dans la liturgie.
3. Est attente. L’Église ne vit pas la liturgie comme une fin en soi, mais comme une marche vers ce qui est la fin de toute chose « annonçant la mort du Seigneur jusqu’à ce qu’il vienne ». La liturgie n’est pas une réalité fermée, mais ouverte sur l’avenir :
Dans la liturgie terrestre, nous participons par un avant-goût à cette liturgie céleste qui se célèbre dans la sainte cité de Jérusalem à laquelle nous tendons comme des voyageurs, où le Christ siège à la droite de Dieu, comme ministre du sanctuaire et du vrai tabernacle ; avec toute l’armée de la milice céleste, nous chantons au Seigneur l’hymne de gloire ; en vénérant la mémoire des saints, nous espérons partager leur communauté ; nous attendons comme Sauveur notre Seigneur Jésus Christ, jusqu’à ce que lui-même se manifeste, lui qui est notre vie, et alors nous serons manifestés avec lui dans la gloire[14].
2. Le vocabulaire liturgique[15]
Nous ne pouvons pas entrer dans l’intelligence de la liturgie sans prendre en compte la richesse de son vocabulaire. Nous allons, entre autres, faire appel à des mots qui ont construit et enrichi le langage liturgique. Ces mots, issus de la révélation biblique et actualisés par l’expérience spirituelle de l’Église primitive ou de la littérature patristique, font comprendre la liturgie dans son aspect mystérique. Ces mots révèlent donc un Mystère auquel tous les baptisés doivent participer de l’intérieur. Quelques uns seront présentés ou définis ici pour permettre aux étudiants de se laisser imprégner par eux et d’entrer lus à fond dans ce cours de liturgie. Car, « si l’Évangile nous révèle le Royaume à travers des paraboles, la liturgie nous le fait vivre à travers des symboles »[16].
Agapè: le dernier et le plus beau Nom divin dans le Nouveau Testament : « Dieu est Agapè » (1 Jn 4). Amour de dilection, de pure grâce, sans déterminisme, vivifiant, il rend aimable et fait participer à la communion de la Trinité sainte. C’est pourquoi le mystère de l’Église est Agapè, et sa réalité liturgique, l’Eucharistie, est appelée Agapè.
Anamnèse : (du grec ana : en haut, et mnésis : action de se souvenir) ; « faire monter le souvenir, faire mémoire ». Dans la célébration liturgique, l’Église fait mémoire de tous les événements sauveurs accomplis par Dieu dans l’histoire et qui s’accomplissent pleinement dans la Croix et la Résurrection du Christ. Mais cet événement pascal, survenu une fois dans l’histoire, est désormais contemporain de chaque instant de nos vies : le Christ, parce qu’il est ressuscité, a percé le mur du temps mortel. Il s’agit donc d’un « mémorial » absolument nouveau. C’est nous qui nous souvenons, mais la Réalité n’est plus dans le passé, elle est là : la mémoire de l’Église devient présence. C’est tout le réalisme de l’Événement de la liturgie.
Anaphore : (du grec ana : en haut, et phoros : action de porter), « porter vers le haut ». Toute célébration liturgique est anaphore parce qu’elle participe au mouvement actuel de l’Ascension du Seigneur. Plus précisément, c’est le mouvement central de l’Eucharistie (« la Prière eucharistique » de la liturgie latine) qui unit l’action de grâces, l’anamnèse, l’épiclèse et l’intercession.
Doxologie : (du grec doxa : gloire et logos : parole) ; à la fois « chanter la Gloire » de Dieu et « professer la foi » de l’Église. « La Gloire de Dieu, c’est l’homme vivant » mais « la Gloire de l’homme, c’est Dieu » (Saint Irénée de Lyon). L’Économie du salut de l’homme devient doxologie dans la liturgie.
Économie : cf. Ep. 3, 9. Plus que « l’histoire du salut », c’est la dispensation, la sage ordonnance par étapes, de la réalisation du Mystère qu’est le Christ. Depuis la Pentecôte, l’Économie est devenue Liturgie parce qu’il y a la réponse, la Synergie de l’Esprit et de l’Église.
Épiclèse : (de έπι (epi) et καλέω (kaléô) : appeler sur). Elle est « invocation » au Père pour qu’il envoie son Esprit sur ce que lui offre son Église, affin que l’offrande soit transformée en Corps du Christ. C’est le moment central de toute anaphore sacramentelle, l’efficacité nouvelle de la Liturgie. Les ministères ordonnés sont d’abord au service de l’Épiclèse, comme serviteurs de l’Esprit qui agit avec puissance. […]. Dans l’Épiclèse se réalise la plus puissance synergie de Dieu et de l’homme, tant dans la célébration que dans la liturgie vécue.
Énergie : terme plus fort que action ou opération, ouvre sur la puissance de la vie, ici celle du Dieu vivant, spécialement celle de l’Esprit Saint. Quand l’énergie de l’homme, suscitée par l’Esprit, est jointe à celle de Dieu, c’est la Synergie. La liturgie est essentiellement Synergie de l’Esprit et de l’Église.
Kénose : cf. Ph 2, 7. Le verbe « se vida de lui-même » ou « s’anéantit lui-même » est devenu substantif en français. Le Fils demeure Dieu en s’incarnant mais il se dépouille de sa Gloire au point d’être « méconnaissable » (cf. Is 53, 2-3). La kénose est la manière proprement divine d’aimer : devenir homme jusqu’au bout, sans s’imposer ni contraindre. Il s’agit d’abord de la kénose du Verbe dans l’Incarnation, mais elle s’achève dans la kénose de l’Esprit Saint dans l’Église et elle révèle celle du Dieu vivant dans la création. Le mystère de l’Alliance est sous le signe de la kénose : plus elle est profonde, plus l’union est totale. Notre déification est la rencontre de la kénose de Dieu et de celle de l’homme ; de là, l’exigence fondamentale de l’Évangile : nous serons un avec le Christ dans la mesure où nous nous « perdons » nous-mêmes pour Lui.
Koïnonia : terme fréquent dans les écrits de saint Paul et de saint Jean : la « communion » de l’Esprit Saint qui nous unit au Père par le Christ. Elle est participation à la vie divine. L’Église est essentiellement Koïnonia. Voir aussi Agapè.
Mystagogie : (du grec μυστήριον – mustērion : mystère), « action de conduire vers le Mystère » ou encore « action par laquelle le Mystère nous conduit ».
Synergie : Littéralement « co-action », énergies conjointes. Ce terme classique chez les Pères, tente de rendre compte de la nouveauté de l’union de Dieu et de l’homme dans le Christ, plus précisément de l’Énergie de l’Esprit Saint qui imprègne du dedans l’Énergie de l’homme et le conforme au Christ. Tout le réalisme de la Liturgie et de la déification est dans cette Synergie. Voir aussi Énergie, Économie, Épiclèse et Kénose.
Temps : terme courant, mais que la révélation biblique et l’expérience liturgique transfigurent. L’Économie du salut comprend plusieurs « temps » : le commencement des temps, le déroulement des temps (à partir de la Promesse), la Plénitude du temps (cf. Ga 4, 4), les derniers temps (ou temps « eschatologiques »), qui sont les temps de l’Église et de la Liturgie sacramentelle, enfin la consommation du temps (la seconde Venue du Seigneur). Le vocabulaire biblique distingue aussi des « moments » à l’intérieur des temps de l’Économie.
Ces mots sous-tendront les grands thèmes que nous aurons à traiter dans l’ensemble du cours nous permettant d’entrer dans l’intelligence de la liturgie chrétienne. Six chapitres sont consacrés à cela. Le premier mettra en exergue les racines juives ou bibliques de la liturgie chrétienne ; le deuxième étudiera les familles liturgiques ; le troisième se focalisera sur la réforme conciliaire en matière liturgique ; le quatrième prendra en compte, la question du temps et l’année liturgique (articulation) ; le cinquième abordera la liturgie comme lieu théologique en l’accentuant sur son axe fondamental : le Mystère pascal du Christ ; le sixième traitera la question de l’inculturation de la liturgie en Haïti. Le contenu de ces chapitres, nous l’espérons, nous fera découvrir comment devenir chrétien par la liturgie.
CHAPITRE I
LA LITURGIE EN SES ORIGINES
Nous ne pouvons pas chercher à entrer dans l’intelligence de la liturgie, à habiter ses gestes, ses symboles, ses rites et son langage, sans remonter aux origines, aux sources premières qui ont façonné son histoire et ses pratiques pour arriver jusqu’à nous. L’Église qui prie et célèbre son Seigneur s’inscrit dans l’histoire et par conséquent, puise encore aujourd’hui dans sa tradition. La réforme de Vatican II sur la liturgie prouve cela tout au début même de son schéma de travail. La liturgie nous fait célébrer et vivre l’« aujourd’hui » de Dieu dans notre vie, mais, il n’est plus pensable pour nous, sans nous référer avec raison, à l’événement fondateur, Jésus Christ vivant, mort et ressuscité, un juif de la Palestine qui vécut il y a plus de deux mille ans.
Il est important de retourner aux sources, de revisiter l’attitude orante de Jésus comme tout bon juif pratiquant, d’écouter les Pères de l’Église ; eux qui ont cherché à enraciner l’Évangile reçu des Apôtres dans son propre terreau ; eux qui ont mis en évidence les racines juives de la liturgie chrétienne. Nous ne pouvons pas négliger d’établir les rapports entre les liturgies juive et chrétienne, de mettre en exergue les traces de la liturgie chrétienne dans le Nouveau Testament, de plonger dans la pratique liturgique des Pères apostoliques et des Pères de l’Église ; de découvrir et d’analyser les constructions liturgiques en Orient et en Occident, pour arriver enfin à une mise en lumière de la nouveauté de la réforme liturgique de Vatican II.
1.1. Jésus, juif pratiquant
Si « la prière est la respiration de l’âme, le fiat de la créature en réponse au fiat du Créateur, dans le mystérieux échange qui fait de nous les collaborateurs de Dieu »[17], la liturgie est à juste titre, le lieu où ce fiat se concrétise et se célèbre sous mode d’Alliance. Pour retrouver cette dimension d’alliance de la liturgie, il est nécessaire de fixer notre attention sur Jésus, puisque la foi chrétienne n’est pas fondée sur un mythe, mais sur QUELQU’UN qui a une histoire. Notre liturgie s’enracine d’abord dans l’histoire de ce QUELQU’UN : Jésus, juif pratiquant.
1.1.1. L’enfance juive de Jésus
Les Évangiles synoptiques nous l’enseignent : Jésus est né des parents juifs. Il est de la lignée royale (son père adoptif, Joseph : Lc 1, 27) et sacerdotale (sa mère Marie : Lc 1, 7). Jésus a été pétri de l’esprit de la loi juive. Comme tout petit garçon, premier né, huit jours après sa naissance, il a reçu le Berith milah, c’est-à-dire la circoncision qui signifie signe de l’Alliance (Lv 12, 3). Et toujours, selon l’esprit de la loi de Moïse (Ex 13, 11-13), quarante jours après sa naissance, Jésus est présenté au Temple (Lc 2, 22-24) pour signifier cultuellement son appartenance à Dieu avec le sacrifice de réparation (Hattat ; Lv 5, 14-26) : pour ce sacrifice, on doit présenter un agneau d’un an, ou pour les pauvres, un couple de tourterelles ou un pair de petits pigeons.
Mais à l’âge de douze ans, précisément, Jésus atteint la maturité religieuse en célébrant sa Bar mitzva.Pendant son adolescence, ses parents ont fait son éducation juive par l’apprentissage des prières (le « ChemaIsraël » (premier mot du verset ou s’exprime et s’affirme la profession de foi fondamentale du judaïsme ; prière du matin et du soir): « Écoute Israël, le Seigneur est notre Dieu, le Seigneur est UN » (Dt 6, 4), le « Qaddish » : (prière de louange en l’honneur de Dieu récitée debout dans la direction de Jérusalem ; c’est aussi un appel pressant à l’instauration du Royaume de Dieu sur la terre)[18], les Berakot « les bénédictions, pl. de Berakhah, sans oublier les chants, notamment la prière des Psaumes. Jésus, nous le supposons, a vécu une vie de foi, de prière, de pratique synagogale[19] et de la méditation des Écritures.
1.1.2. La vie publique de Jésus
Du début à la fin, la vie publique de Jésus est marquée par deux actions liturgiques : le baptême et la cène. Il a inauguré sa mission par un acte public très symbolique (Mc 1, 1). Tout au long de sa vie publique, seul ou avec ses disciples, Jésus célébrait le Shabbat à la synagogue (Mt 13, 54-58 ; Mc 6, 1-5) ; Lc 4, 16-24), où il en profita pour enseigner. Il avait l’habitude de monter à Jérusalem pour la célébration des grandes fêtes de pèlerinage (par ex. pour la Pâque juive : Mt 21, 10 ; Mc 11, 15 ; Jn 2, 13 et 12, 12 – Soukkoth, la fête des Tentes : Jn 10).
Il priait seul (Mc 1, 35) et même pendant la nuit (Lc 6, 12 : avant de choisir ses disciples). Il priait aussi en public, pour bénir son Père (Mt 11, 25) et, surtout, il apprend à ses disciples à prier en s’inspirant des prières juives (le Notre Père), notamment du « Qaddish » en faisant passer de la de la troisième à la deuxième personne (Mt 6, 9-15).
Finalement, avant de s’offrir comme victime parfaite au Père, présida un repas liturgique et prononça le Qiddush[20] de bénédiction et la Birkat ha-Mazon[21] d’action de grâce, auxquels il ajouta : « Ceci est mon corps », « Ceci est mon sang » (Mt 26, 26-27), et chanta les Cantiques (les Ps) avec ses disciples avant d’aller au mont des Oliviers (Mt 26, 30) etc.
« La fête des Tentes, l’une des plus importantes du judaïsme, est célébrée partout dans le monde. La fête des Tentes rappelle la sortie d’Égypte et plus précisément les quarante années au cours desquelles les Hébreux vécurent dans le désert en route vers la Terre sainte, guidés par Moïse. Pendant tout ce temps-là, les Hébreux avaient habité dans des tentes, ou des huttes, et c’est pourquoi à l’occasion de la fête des Tentes les juifs bâtissent une petite cabane dans leur cour, jardin ou encore sur leur balcon. La cabane doit rappeler que les demeures des Hébreux au désert étaient provisoires. Elle doit donc obligatoirement être une construction temporaire; ce ne peut pas être une annexe permanente à la maison, par exemple. La cabane doit être dressée à l’occasion de la fête, puis ensuite démontée. Elle peut ou non avoir des murs, mais le toit doit être fait de branchages, de telle sorte que le jour la lumière du soleil soit cachée, mais que la nuit on puisse y voir les étoiles de l’intérieur. Elle doit être assez grande pour pouvoir contenir des convives réunis autour d’une table à manger. La fête des Tentes dure une semaine, et en principe les juifs doivent vivre dans cette cabane pendant toute la durée de la fête, c’est d’ailleurs un commandement biblique : « Dans des huttes, vous habiterez pendant sept jours. » (Lv 23,42) En fait, ils y dorment rarement, mais ils y consomment des repas en famille et y pratiquent différentes activités de la vie régulière, comme la lecture, la prière ou la discussion avec des amis. La fête des Tentes est une fête joyeuse et ça se reflète dans plusieurs coutumes qui y sont rattachées. Celle des « invités », par exemple : chaque jour de la fête, on invite symboliquement les grands personnages du judaïsme à entrer dans la tente : Abraham, Isaac, Jacob, Joseph, Moïse, Aaron et David. Une autre coutume consiste à « tenir le loulav », un bouquet fait de trois plantes, ainsi qu’un fruit, que l’on agite à des moments particuliers de la fête pour symboliser la réjouissance devant Dieu demandée en Lv 23,40. À l’origine, la fête des Tentes était une fête agricole célébrant la fin des récoltes, et c’est de là sans doute que vient la tradition des cabanes : lors des vendanges, on dressait dans les vignes des petites cabanes, des huttes de branchages, dans lesquelles on résidait le temps des récoltes (Jb 27,18; Is 1,8). Avec le temps, la fête a été historicisée, c’est-à-dire qu’elle a été rattachée à un épisode de l’histoire des Hébreux, en l’occurrence la sortie d’Égypte. Les cabanes érigées lors de la fête servirent alors à rappeler les tentes qu’avaient dressées les Hébreux dans le désert (Lv 23,42-43). Si la fête des Tentes est aujourd’hui très populaire et très appréciée, surtout par les enfants, c’était aussi le cas dans l’Antiquité. Elle était peut-être même considérée comme la fête plus importante de toutes, car dans la Bible elle est souvent simplement appelée « la fête », sans plus de précision (ainsi en 1 R 8,65). Selon l’historien juif Flavius Josèphe, qui vécut au Ier siècle de notre ère, il s’agit de « la fête la plus sainte et la plus grande chez les Hébreux » (Antiquités juives 8,100). La fête des Tentes est mentionnée dans l’évangile de Jean : Jésus hésite à monter à Jérusalem où il se savait en danger, mais ses frères l’incitent à se faire connaître à la foule qui y sera présente à l’occasion de la fête des Tente (Jn 7,1-4). C’est qu’à l’époque, la fête des Tentes était une des trois fêtes juives de pèlerinage (les deux autres étant la Pâque et la fête des Semaines - la Pentecôte). Jusqu’à la destruction du temple de Jérusalem en l’an 70 de notre ère, des milliers de juifs affluaient à Jérusalem afin de venir assister aux cérémonies spéciales ayant lieu au temple de Jérusalem et y offrir les offrandes prescrites dans les Écritures. Ainsi, à l’époque de Jésus, les juifs venaient de partout : de Judée, de Galilée, mais aussi des différentes villes de la diaspora juive, comme Alexandrie ou Rome. Les pèlerins qui n’avaient pas d’endroit où loger à Jérusalem érigeaient des petites cabanes dans les environs de la ville et y résidaient le temps de la fête. Une façon de joindre l’utile… au religieux ». Cf. Christian Boyer, historien et bibliste, Montréal, http://www.interbible.org consulté le 24.11.2020.
1.2.Liturgie juive et liturgie chrétienne
Du temps de Jésus, il existait trois types de liturgie : la liturgie du Temple – lieu de la demeure de Dieu –, la liturgie familiale ou domestique, et la liturgie synagogale (dont l’origine pourrait remonter au retour d’exil en 538 avant Jésus Christ) et qui assure la prière hebdomadaire.
1.2.1. La liturgie du Temple
Le pèlerinage constitue la principale pratique religieuse que tout juif rattache naturellement au Temple. En effet, trois grandes fêtes de pèlerinage voient monter tous les ans à Jérusalem, les Juifs qui vivaient en terre d’Israël ou, une fois dans leur vie, les Juifs de la Diaspora : la Pâque, la fête des Semaines et la fête des Tabernacles.
Le Temple est le lieu où Dieu demeure au milieu de son peuple et où ce dernier peut le rencontrer (Ex 25, 22). C’est l’unique lieu où est célébré le culte officiel des sacrifices. C’est le lieu de la célébration de l’Alliance, cœur de la foi du peuple juif et cœur de la Bible aussi. (Il n’y a plus de sacrifices dans le judaïsme actuel, puisqu’il n’y a plus de Temple à Jérusalem depuis l’année 70 de notre ère).
Une description de la liturgie du Temple nous est donnée par les écrits de Ben Sira (Si 50, 1-21) : son de trompettes et prosternation du peuple. D’une part, on sait qu’aux heures des sacrifices quotidiens, le peuple de Jérusalem faisait halte et priait ou bien, si on était loin, on s’associait par la prière, en se tournant vers Jérusalem, la cité sainte (Dt 6, 10).
1.2.2. La liturgie de la Synagogue
Le mot grec synagôgè désignait, originairement, un groupe d’adultes juifs de sexe masculin, se réunissant principalement, mais non exclusivement, le jour du shabbat, pour discuter de questions d’intérêt commun. C’est seulement en un deuxième temps que le mot commença à se référer à la salle ou au bâtiment destiner à traiter des affaires de la communauté juive de la Diaspora. La synagogue n’est pas un lieu de culte au sens strict, car il n’est de culte possible qu’au Temple, mais plutôt un rassemblement pour la prière, pour la lectures et les commentaires des Écritures. On y célèbre trois offices quotidiennement : l’office du matin, l’office de l’après-midi et l’office du soir. La liturgie synagogale se structurait ainsi :
· Lecture principale tirée du Pentateuque (Torah)
· Deuxième lecture tirée des Prophètes (Haftarah)
· Homélie
· Conclusion (Kaddish)
Bref, la synagogue est un lieu de rassemblement pour la communauté locale où les juifs venaient pour des activités sociales et religieuses, en particulier la lectures des Écritures saintes, l’étude, la prière et d’autres activités traditionnelles relevant des coutumes juives.
1.2.3. La maison familiale comme un lieu liturgique
La maison familiale est un lieu liturgique important dans le judaïsme. On l’appelle « petit Temple ». C’est à la maison que se jouent tous les actes religieux quotidiens (se lever, se laver, allumer une lampe, recevoir des amis). Tout est ritualisé et par conséquent constitue une liturgie familiale, surtout les repas. Tout repas pris, doit passer du profane au religieux par la ritualisation.
1.2.3.1. Le repas sabbatique
Le repas sabbatique représente le type même du repas religieux juif. Il a eu lieu à l’ouverture du Shabbat, le vendredi soir. Le père est à la synagogue avec ses grands garçons pour l’office de l’ouverture du Shabbat, tandis que la mère est restée à la maison pour garder les petits, préparer la table et allumer les deux bougies qu’elle bénit. À son retour de la synagogue, le père de famille commence à exercer ses fonctions de célébrant principal de cette liturgie familiale ou domestique en récitant le Qiddush. Il s’agit de trois bénédictions (berakhot) adressées à Dieu : la première pour le vin, fruit de la vigne ; la deuxième, pour le don du Shabbat ; la troisième, pour le pain, fruit de la terre. (la liturgie de Vatican II a emprunté ses propres bénédictions lors de la présentation des dons : « Tu es béni, Dieu de l’univers… » à la première et à la deuxième de ces bénédictions). Puis, le père de famille impose les mains à chacun de ses enfants en priant Dieu de les bénir et il fait l’éloge de sa femme.
Vient ensuite le repas accompagné d’hymnes et de cantiques et s’achève dans l’action de grâce avec la récitation de la Birkat ha-Mazon, l’une des plus importantes bénédictions juives composée ainsi : une bénédiction au Dieu créateur qui donne la nourriture ; une action de grâce à Dieu qui a donné la libération d’Égypte, l’Alliance et la Terre promise ; une intercession pour le peuple d’Israël et pour la ville de Jérusalem, qui se termine par une bénédiction, car on ne peut pas finir de s’adresser à Dieu par une demande.
Ainsi, on ne s’étonne pas que la prière essentielle de l’Eucharistie s’origine tellement dans une formule de prière du type Birka ha-Mazon.
1.2.3.2. Le repas pascal annuel
Le repas pascal annuel est le repas religieux juif par excellence, puisqu’on célèbre dans la joie familiale, le mémorial de la sortie d’Égypte. Les rites y symbolisent l’événement historique. Le pain sans azyme ou levain utilisé est très symbolique : fruit de la terre, il rappelle que, lors de la sortie d’Égypte, les juifs n’ont pas eu le temps d’attendre que les pains se lèvent. (Les hosties non levés ou sans azymes que nous utilisons pour la messe viennent de cette pratique pascale juive). Le corps du repas pascal est l’agneau qui a été sacrifié, l’après-midi au Temple. Jésus, lui, à la Cène, a substitué le pain et le vin au corps et sang de l’agneau. C’est pour cela, à la messe, le prêtre dit, en montrant le pain et le vin eucharistiés aux fidèles : « Voici l’Agneau de Dieu… ».
1.2.4. Les formes de la prière juive au premier siècle
En parlant des trois types de liturgie au premier siècle, nous avons déjà nommé, sans nous y arrêter, certaines prières propres à eux. Nous tenons à décrire davantage dans les notes qui suivent ces différentes prières, afin de mieux saisir quelles formes pouvait prendre la prière dans la tradition juive à cette époque et voir comment.
1.2.4.1. La Berakah, le Shema, la Tefillah
- Berakah : forme principale de la prière juive au premier siècle. Elle dérive son nom du verbe barak : « bénir ».
Dans la structure la plus simple, elle se présente comme une brève formule doxologique ayant pour référence Dieu : « Béni soit le Seigneur à jamais » (Ps 88, 2). Dans une structure plus développée, elle prend la forme d’une acclamation plus longue, introduite par une proposition relative qui a pour fonction d’expliquer les actions de Dieu : « Béni soit le Seigneur, qui nous a délivrés des mains des Égyptiens et de la main de Pharaon » (Ex 18, 10).
Sur la base de cette forme, elle peut se structurer en trois parties, suivant un modèle bien établi :
a. Mémoire de l’œuvre de Dieu – « Béni sois-tu… » ;
b. Description détaillée de cette œuvre – « car tu as… » ;
c. Pétition, afin que Dieu continue son œuvre – « afin que… » ; et
d. Doxologie finale – « car à toi… ».
Cf. Prières anciennes[22] – , Doc. I :
(1)… La première bénédiction conviendrait parfaitement peu après le lever du soleil :
Béni sois-tu, Y., notre Seigneur, roi du siècle, formant la lumière et créant la ténèbre, faisant la paix et créant tout, qui, en miséricorde, éclaire la terre et ceux qui l’habitent ; et qui en sa bonté renouvelle chaque jour continuellement l’œuvre de la création… Puisses-tu faire luire une lumière nouvelle sur Sion ; et puissions-nous, nous tous, mériter de jouir promptement de sa lumière. Béni, sois-tu, Y. modeleur des luminaires.
(2)… La seconde bénédiction est appelée « bénédiction de la Tora » :
D’un amour éternel tu nous as aimés, Y., notre Dieu ; d’une grande et surabondante pitié tu as eu pitié de nous, notre Père, notre Roi… O notre Père, Père miséricordieux, le miséricordieux, fais-nous miséricorde et accorde à nos cœurs de comprendre, de savoir, d’entendre, d’apprendre, d’écouter, de faire, et d’observer toutes les paroles de l’enseignement de la Tora, en amour…C’est nous que tu as choisis de toute nation et langue ; et tu nous as faits proche de ton grand nom, à jamais, en vérité ; afin de te louer et de proclamer ton unité en amour. Béni es-tu, Y., qui a choisi son peuple Israël en amour.
(3)… On conclut par la « bénédiction de la rédemption » :
Vraie, ferme, confirmée, durable, droite, fidèle, aimée… est cette parole qui nous est adressée pour le siècle et à jamais…
Le secours de nos pères, tu l’as été depuis le siècle, bouclier et salut pour eux et leurs enfants après eux en toute génération…
Rocher d’Israël, debout au secours d’Israël et délivre, suivant ta parole, Juda et Israël. Notre rédempteur, Y. des armées est son nom, le Saint d’Israël. Béni es-tu, Y., qui as racheté Israël.
- Shema (« Écoute ») : est, originairement, une affirmation de foi qui tire son incipit du premier des trois passage du Pentateuque qui le composent (Dt 6, 4 ; Dt 11, 13-21 ; Nb 15, 37-41). Au premier siècle de notre ère, avant même la destruction du Temple, il prit la forme d’une prière qui devait être récitée quotidiennement à l’aube et avant de se coucher.
(4)… Y., tu ouvriras mes lèvres et ma bouche annoncera ta louange.
1. Béni sois-tu, Y. (notre Dieu et le Dieu de nos pères), Dieu d’Abraham et Dieu d’Isaac et Dieu de Jacob (le Dieu Grand, fort et terrible), Dieu très haut, auteur du ciel et de la terre, notre bouclier et le bouclier de nos pères, notre confiance en toute génération et génération. Béni sois-tu, Y., le bouclier d’Abraham.
2. Toi, tu es fort, abaissant ceux qui s’élèvent, puissant et jugeant les violents, vivant pendant des siècles, ressuscitant les morts, ramenant le vent et faisant descendre la rosée, entretenant les vivants, vivifiant les morts, en un clin d’œil tu feras germer pour nous le salut. Béni sois-tu, Y., vivifiant les morts.
- Tefillah (« prière ») : était encore dans une période de gestation au 1er siècle de notre ère si bien que, à cette époque, elle avait une longueur variable et développait une variété de thèmes. Les prototypes les plus anciens sont ceux que l’on retrouve dans le texte hébreu de la Sagesse de Ben Sira (Si 51, 12 ; 36, 1-17) ; elle est mentionnée dans Dn 6, 10. Elle constitue donc une série de dix-huit bénédictions de demande. Chacune de ces dix-huit sections séparées termine par une courte bénédiction – le nombre des sections, les thèmes qu’elles développent et l’ordre qu’elles ont, furent fixés à la fin du 1er siècle de notre ère. La Tefillah devrait dite trois fois par jour (matin, après-midi et soir).
1.2.4.2. Lecture et psalmodie
La lecture et le commentaire de l’Écriture le jour du shabbat et les jours de fête jouent un important dans la liturgie juive du 1er siècle. La lecture de sections de la Torah et des prophètes, généralement suivie d’une traduction en langue vulgaire, était conclue par un discours. La lecture du Pentateuque pouvait être faite en entier, en suivant l’ordre du texte au cours de l’année (lecture continue) ou bien comporter un choix, surtout les jours de fête. Il est assez probable donc que cette pratique ait constitué la raison de l’émergence de la synagogue elle-même.
Cf. Annexes, Doc. II – : Bénédictions avant et après le repas dans Enrico Mazza, L’Action eucharistique, p. 329-330.
1.2.4.2. La bénédiction avant et après le repas : Qiddush et Birkat ha-Mazon
La récitation des bénédictions lors des repas est une pratique acquise au 1er siècle de notre ère. Quand le père de famille ou celui qui présidait la table prononçait une bénédiction, il récitait de mémoire, ou improvisait dans un cadre traditionnel. Cette bénédiction se plaçait avant (Qiddush) ou après (Birkat ha-Mazon) le repas.
La Birkat ha-Mazon, en particulier, présente, comme toute bénédiction développée, une structure tripartite, suivant un modèle qui semble être établi :
· Bénédiction du Créateur pour le don de la nourriture ;
· Action de grâces pour les bienfaits particuliers ;
· Prière pour la miséricorde et la paix.
La Birkat ha-Mazon est un ensemble de bénédictions et de prières que l’on récite après tout repas au cours duquel du pain a été consommé. Cette pratique trouve sa source dans un verset du Pentateuque (Dt 8, 10).
Dans le registre de la Birkat ha-Mazon formant les actions de grâces, on trouve quatre bénédictions :
1. La première bénédiction (Birkat ha-zan), que la tradition attribue à Moïse, revêt une dimension universelle, et fait louange à Dieu qui sustente ses créatures. 2. La seconde (Birkat ha-aretz), attribuée à Josué, exprime la gratitude du peuple juif, pour la sortie d’Égypte, pour l’Alliance conclue par Dieu avec Israël, et pour la terre qu’il a donnée à son peuple. 3. La troisième bénédiction (Birkat Yerouchalayim), attribuée à David et Salomon, implore Dieu d’épargner à Israël le besoin et l’humiliation, et de prendre la défense de son peuple en restaurant Jérusalem. 4. La quatrième et dernière bénédiction, quand à elle, reconnaît tous les bienfaits pour lesquels on doit remercier YHAWEH (l’Éternel). Elle est suivie d’une série de requêtes, dont chacune invoque le « Dieu de Miséricorde » ou le « Dieu de Compassion ».
1.3.Les traces de la liturgie des premiers chrétiens
dans le Nouveau Testament
Avant même d’aborder ce point, il faut tout de suite noter qu’il est important de ne pas vouloir chercher à voir partout des signes de liturgie (panliturgisme), à lire le passé dans les pratiques actuelles (éviter l’anachronisme), et à harmoniser ou uniformiser la pratique liturgique à l’époque apostolique lorsque nous faisons appel au Nouveau Testament[23]. Ce sont là, des écueils à éviter en ce qui a trait à des informations au sujet du culte chrétien au premier siècle de notre ère.
On peut dire que les premiers chrétiens constituant la communauté de Jérusalem sont complètement transformés par la Pâque du Christ et par l’événement de la Pentecôte. Cependant, tout au début, ils n’ont pas négligé leur pratique juive. Ils l’ont fait bien sûr par la suite quand les païens commençaient à devenir chrétiens et que le problème de la circoncision se posait véritablement. Bientôt, ils ont organisé leurs propres célébrations détachées de celles du Temple.
Il est quand même important de reconnaître que « les écrits du Nouveau Testament constituent la source principale pour l’étude des premières institutions liturgiques chrétiennes »[24]. Presque toutes les références relatives à la vie liturgique et cultuelle de la première communauté chrétienne se trouvent dans les Actes des Apôtres. En particulier dans Ac 2, 42 : « Ils étaient assidus à l’enseignement des Apôtres et à la communion fraternelle, à la fraction du pain et aux prières » et Ac 2, 46 : « Chaque jour, d’un même cœur, ils fréquentaient assidûment le Temple, ils rompaient le pain dans les maisons, ils prenaient leurs repas avec allégresse et simplicité de cœur ». Ces deux versets mettent en évidence, par des formules condensées, la vie liturgique et cultuelle des premiers chrétiens.
1.4. La liturgie à l’époque des Pères apostoliques et des Pères de l’Église
1.4.1. Les Pères apostoliques (Ier - IIe siècles)
Les écrits des premiers auteurs chrétiens ont une importance capitale pour la vie de l’Église, en particulier dans le domaine de la vie liturgique. Ils ont connu directement ou indirectement les Apôtres et c’est pourquoi on les appelle les « Pères apostoliques ». Parmi eux, nous pouvons citer Polycarpe (disciple de Jean), Irénée de Lyon (disciple de Polycarpe) En matière de liturgie, ils nous transmettent un « héritage liturgique » qui nous permet d’entrer dans l’intelligence des célébrations des premiers chrétiens après la disparition des Apôtres et les Évangélistes.
1.4.1.1. Les pratiques au Ier siècle :
Nous avons deux premiers textes majeurs qui nous parlent de la vie liturgique des premiers chrétiens : la Lettre de Clément de Rome aux Corinthiens (sera nommé LCC) vers 96 et la Didachè (= « enseignement ») vers les années 100.
Clément de Rome, dès le début de sa Lettre donne une piste liturgique venant de la prière juive qui lui sert de modèle : « Il n’y avait en vous que la volonté droite, bon zèle, confiante piété, lorsque vous éleviez vos mains vers le Tout-Puissant pour lui demander de vous regarder avec bienveillance, si vous aviez commis quelques fautes involontaires » (LCC, n° 3). Il s’agit ici d’un geste liturgique de type pénitentiel à la racine juive. De nombreux psaumes rappellent cette posture de prière dans la liturgie juive:
Psaume 28.2 : « J’élève les mains vers ton sanctuaire ».
Psaume 141.2 : « Que ma prière monte vers toi Seigneur comme l’encens, et que mes mains se lèvent comme l’offrande du soir ».
Clément nous enseigne que nos prières adressées à Dieu le Père se font « par Jésus Christ son enfant bien-aimé » (LCC, 38). À la fin de sa lettre, il nous lègue une belle prière que nous pouvons considérer comme un « condensé » de la prière liturgique chrétienne influencée par la prière liturgique juive :
« Nous t'en prions, ô Tout-Puissant, sois notre secours et notre défenseur. Sauve les opprimés, prends en pitié les petits, relève ceux qui sont tombés, montre-toi à ceux qui sont dans le besoin, guéris les malades, ramène ceux qui de ton peuple se sont égarés, donne la nourriture à ceux qui ont faim, la liberté à nos prisonniers ; redresse les faibles, console les pusillanimes ; et que tous les peuples reconnaissent que seul tu es Dieu, que Jésus-Christ est ton enfant, que nous sommes ton peuple et les brebis de ton bercail. Donne la concorde et la paix, à nous et à tous les habitants de la terre, comme tu l'as accordée à nos pères, qui te priaient dans la foi et dans la vérité, soumis à ta toute-puissance et à ta sainteté. Aux princes et à nos chefs, sur la terre, c'est toi, Maître souverain, qui leur as donné pouvoir et royauté, par ta puissance merveilleuse et ineffable, afin que, reconnaissant la gloire et l'honneur que tu leur as départis, nous leur demeurions soumis, pour ne pas contredire ta volonté. Accorde-leur, Seigneur, la santé, la paix, la concorde, la stabilité, pour qu'ils exercent sans erreur la souveraineté que tu leur as octroyée. Oui, c'est toi, Maître céleste et Roi des âges, qui dispenses aux fils des hommes gloire, honneur et puissance sur les choses de la terre ; dirige, Seigneur, leur conseil, suivant ce qui est bien, suivant ce qui est agréable à tes yeux, en sorte qu'ils exercent avec piété, dans la paix et la mansuétude, le pouvoir que tu leur as donné, et reçoivent tes faveurs. Seul, tu as la puissance de réaliser ces choses et d'en procurer de plus grandes encore. Nous te rendons grâces par le grand prêtre et le protecteur de nos âmes, Jésus-Christ. Par Lui te soient rendues gloire et magnificence et maintenant et de génération en génération et dans les siècles des siècles ! Amen » (LCC 59,4-61).
En ce qui concerne la liturgie dans la pratique des premiers chrétiens, la Didackè nous fournit le mieux des renseignements importants sur le baptême, le jeûne, l’Eucharistie et la prière. Tout d’abord, l’Enseignement ou la Doctrine des Apôtres (la Didackè) nous focalise sur la mise en place du rassemblement dominical :
Réjouissez-vous le jour dominical du Seigneur, rompez le pain et rendez grâces après avoir, d’abord, confessé vos péchés, afin que votre sacrifice soit pur. Mais celui qui a un différend avec son compagnon ne doit pas se joindre à vous, jusqu’à ce qu’ils se soient réconciliés, pour ne pas profaner votre sacrifice (Didachè 14).
Ensuite, la Didachè, dans les prescriptions sur le baptême, précise le rite d’accueil dans la communauté chrétienne établi depuis longtemps :
Pour ce qui est du baptême, donnez-le de la façon suivante : après avoir enseigné tout ce qui précède, « baptisez au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit » (Mt 28, 19) dans l’eau vive. S’il n’y a pas d’eau vive, qu’on baptise dans une autre eau ; et à défaut d’eau froide, dans de l’eau chaude. Si tu n’as ni de l’une ni de l’autre, verse de l’eau sur la tête trois fois « au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit ».Qu’avant le baptême, jeûnent le baptisant, le baptisé et d’autres personnes qui le pourraient ; du moins ordonne au baptisé de jeûner un jour ou deux auparavant (Didachè 7, 1-4)[25].
De toute évidence, le texte concernant l’Eucharistie présenté dans la Didachè est le plus intéressant et le plus énigmatique. Ce texte est marqué par l’influence de le Qiddush et de la Birkat ha-Mazon juives (voir les notes de cours précédentes). Il semble que c’est le premier exemple de prière eucharistique de l’histoire de la liturgie chrétienne :
Pour ce qui est de l’Eucharistie, rendez grâces ainsi : d’abord sur le calice : nous te rendons grâce notre Père, pour la sainte vigne de David ton serviteur, que tu nous as fait connaître par Jésus ton Serviteur.
— À toi la gloire pour les siècles.
Puis, sur le pain rompu :
Nous te rendons grâce, notre Père pour la vie et la connaissance que tu nous as fait connaître par Jésus ton Serviteur.
— À toi la gloire pour les siècles.
Comme ce pain rompu, d’abord dispersé sur les montagnes, a été recueilli pour devenir un. Qu’ainsi ton Église soit rassemblé des extrémités de la terre dans ton Royaume, car à toi appartiennent la gloire et la puissance « par Jésus Christ » pour les siècles.
Que personne ne mange ni ne boive de votre Eucharistie, si ce n’est les baptisés au nom du Seigneur ; car c’est à ce sujet que le Seigneur a dit : « Ne donnez pas ce qui est saint aux chiens » (Mt 7, 6).
Après vous être rassasiés, rendez grâce ainsi : Nous te rendons grâces, Père saint, pour ton saint Nom que tu as fait habiter dans nos cœurs et pour la connaissance, la loi et l’immortalité que tu nous as fait connaître par Jésus ton Serviteur.
— À toi la gloire pour les siècles.
C’est toi, Maître Tout-Puissant, « qui as créé l’univers » (Sg. 1, 14 ; Si. 18, 1) pour la gloire de ton Nom et qui as été donné aux hommes la nourriture et le breuvage en jouissance, pour qu’ils te rendent grâces ; mais nous, tu nous as gratifiés d’une nourriture et breuvage spirituels et de la vie éternelle, par Jésus ton Serviteur.
Par-dessus tout, nous te rendons grâces, car tu es Puissant.
— À toi la gloire pour les siècles.
Souviens-toi, Seigneur, de ton Église, pour la préserver de tout mal et la rendre parfaite dans ton amour. Et « rassemble-là des quatre vents », cette Église que tu as sanctifiée, dans ton Royaume que tu lui as préparé, car à Toi appartiennent la puissance et la gloire pour les siècle (Didachè 9-10).
1.4.1.2. Les pratiques liturgiques au IIe siècle
Ignace d’Antioche est le premier à utiliser le mot « eucharistie » au début du IIe siècle pour désigner ce que nous appelons aujourd’hui la « célébration eucharistique » : « Que soit considérée comme valide l’eucharistie qui est sous la présidence de l’épiscope ou de celui qu’il en aura lui-même chargé » (Lettre aux Smyrniotes, 8).
Selon Ignace, déjà au IIe siècle, les ministères ordonnés se sont mis en place, ainsi qu’une théologie du sacrifice eucharistique :
Cherchez donc à n’avoir qu’une seule eucharistie – en effet, il n’y a qu’une seule chair de notre Seigneur Jésus Christ, et une seule coupe pour l’union de son sang, un seul autel, comme un seul épiscope avec le presbytérion et les diacres, mes compagnons de service – pour que, tout ce que vous faites, vous le fassiez selon Dieu (Lettre aux Philadelphiens, 4).
De plus, cette phrase d’Ignace, faisant allusion à l’Eucharistie bien sûr, montre une évolution de la réflexion théologique sur l’Eucharistie : « Je suis le blé de Dieu et je suis moulu par la dent des bêtes, pour qu’on trouve en moi le pur pain du Christ » (Lettre aux Romains, 4).
Justin, un écrivain chrétien de la moitié du IIe siècle, d’origine syrienne, philosophe à Rome, dans son plaidoyer pour défendre ses frères chrétiens écrit à l’Empereur en ces termes :
Au jour qu’on appelle « jour du soleil », que nous demeurions dans les villes ou dans les campagnes, nous nous rassemblons tous en un même lieu ; on y donne lecture des mémoires des Apôtres ou des écrits des Prophètes, aussi longtemps que possible. Puis, lorsque le lecteur a fini, celui qui préside, prenant la parole, nous admoneste et nous exhorte à suivre ces beaux enseignements. Ensuite, nous nous levons tous ensemble et nous adressons des prières ; et comme nous l’avons dit plus haut, lorsque s’achève notre prière, on apporte du pain avec du vin et de l’eau, et celui qui préside élève des prières, pareillement, et des actions de grâces, autant qu’il est en lui ; le peuple manifeste son accord en proclamant l’Amen ; puis a lieu, pour chacun, la distribution et le partage de l’eucharistie, et leur part est envoyée aux absents par l’intermédiaire des diacres (Justin, Apologie I, 67, 3-5).
De manière précise, Justin décrit une liturgie dominicale du IIe siècle en utilisant le mot païen « le jour du soleil » puisqu’il s’adresse à un païen qui nie les vocabulaires et les pratiques chrétiennes déjà en vigueur dans la vie des communautés chrétiennes de l’époque. Ce sont des pratiques héritées de l’époque apostolique.
En résumé (selon l’Eucharistie décrite par Justin – IIe siècle)[26]:
Eucharistie baptismale Ière Apologie 65, 1-5 | Eucharistie dominicale Ière Apologie 67, 2-8 |
[Rites du baptême] Ière Apologie 61, 1-13 [Rassemblement] 1Quand à nous, après avoir ainsi conduit au bain celui qui a embrassé la foi et a marqué son assentiment (à notre doctrine), nous le menons chez ceux que nous appelons « frères », au lieu où ils sont rassemblés ; [Prière des fidèles] nous récitons avec ferveur des prières communes pour nous-mêmes, pour celui qui a été « illuminé », et pour tous les autres, où qu’ils se trouvent, afin qu’après avoir connu la vérité, nous méritions aussi, par nos actions, d’être reconnus comme gens de bonne conduite et bons observateurs des commandements, afin de parvenir ainsi au salut éternel. [Baiser de paix] 2Quand les prières sont terminées, nous nous saluons mutuellement par un baiser. [Offrande de pain, d’eau, de vin] 3Ensuite on apporte à celui qui préside l’assemblée des frères du pain et une coupe d’eau et de vin trempé ; [Prière eucharistique] les ayant pris, celui-ci adresse louange et gloire au Père de l’univers, par le nom du Fils et de l’Esprit Saint, et il fait une longue action de grâces parce que nous avons été jugés dignes de recevoir de Lui ces dons. [Acclamation du peuple] Quand il a terminé les prières et les actions de grâces, tout le peuple présent exprime son accord par des acclamations, en disant : Amen.4Amen est un mot hébreu, qui signifie : « Ainsi soit-il ». [Distribution du pain et vin trempé aux présents et aux absents] 5Quand le président de l’assemblée a achevé la prière d’action de grâces et que tout le peuple a exprimé son accord, ceux que nous appelons les diacres distribuent à chacun des assistants du pain et du vin mélangé d’eau, sur lesquels a été prononcée la prière de l’action de l’action de grâces, et ils en apportent aux absents. [Signification de l’Eucharistie] Ière Apologie 66, 1-4 1Cette nourriture reçoit chez nous le nom d’« eucharistie », et nul n’est admis à y prendre part, sinon celui qui a foi en la vérité de nos enseignements, qui a reçu le bain pour la rémission des péchés et en vue de la régénération, et qui vit selon les préceptes donnés par le Christ. 2Ce n’est en effet ni comme un pain ordinaire ni comme une boisson ordinaire que nous prenons cette nourriture ; mais de même que, fait chair par le Verbe de Dieu, Jésus Christ, notre Sauveur, pris chair et sang pour notre salut, de même la nourriture faite « eucharistie » par la parole de prière que nous tenons de lui, et dont notre sang et nos chairs sont nourris par transformation, est-elle – c’est l’enseignement que nous avons reçu – la chair et le sang de ce Jésus fait chair. 3Les apôtres en effet, dans leurs mémoires que l’on appelle « évangiles », rapportent que leur a été donné ce précepte : ayant pris du pain et rendu grâces, Jésus dit : « Faites cela en mémoire de moi ; ceci est mon corps » ; et de même, ayant pris la coupe et rendu grâces, il dit : « Ceci est mon sang » – et il l’a transmis à eux seuls. 4Cela, les démons malfaisants l’ont aussi imité, dans la tradition des mystères de Mithra : on présente en effet dans les cérémonies d’initiation du pain et une coupe d’eau qu’on accompagne de certaines formules ; si vous ne le savez déjà, vous pouvez vous en informer. | [Rassemblement] (…)2 Pour toute nourriture que nous prenons, nous bénissons le Créateur de l’univers par son Fils Jésus Christ et par l’Esprit Saint. 3 Au jour qu’on appelle « jour du soleil », que nous demeurions dans les villes ou dans les campagnes, nous nous rassemblons tous en un même lieu ; [Lectures] on y donne lecture des mémoires des Apôtres ou des écrits des Prophètes, aussi longtemps que possible. [Homélie] 4Puis, lorsque le lecteur a fini, celui qui préside, prenant la parole, nous admoneste et nous exhorte à suivre ces beaux enseignements. [Prière des fidèles] 5Ensuite, nous nous levons tous ensemble et nous adressons des prières ; [Offrande de pain, d’eau, de vin] et comme nous l’avons dit plus haut, lorsque s’achève notre prière, on apporte du pain avec du vin et de l’eau, [Prière eucharistique] et celui qui préside élève des prières, pareillement, et des actions de grâces, autant qu’il est en lui ; [Acclamation du peuple] le peuple manifeste son accord en proclamant l’Amen ; [Distribution du pain et vin trempé par le ministère du diacre] puis a lieu, pour chacun, la distribution et le partage de l’eucharistie, et leur part est envoyée aux absents par l’intermédiaire des diacres. [Offrandes libres des fidèles] 6Ceux qui ont du bien, et qui l’acceptent, donnent librement, chacun selon son gré, et ce que l’on recueille est déposé auprès du président. 7C’est lui qui assure les secours aux orphelins et aux veuves, à ceux que la maladie, ou quelque autre cause, a réduits à l’indigence, ainsi qu’aux prisonniers et aux étrangers, et il devient ainsi, en un mot, le protecteur de tous ceux qui sont dans le besoin. [Signification du dimanche] 8Si c’est le jour du soleil que tous ensemble nous nous réunissons, c’est parce que ce jour est le premier, celui-là même où Dieu, transformant la ténèbre et la matière, créa le monde ; et c’est ce même jour que Jésus Christ, notre Sauveur, est ressuscité des morts. On l’avait crucifié la veille du premier jour de Saturne et le lendemain de ce jour, c’est-à-dire le jour du soleil, il apparut à ses apôtres et à ses disciples, et leur enseigna ce que nous venons de soumettre à votre examen. |
1.4.2. Les Pères de l’Église (IIIe – Ve siècles)
On est à l’époque constantinienne, l’Église jouit d’une grande liberté d’organisation structurelle, on passe d’une liturgie épiscopale à une liturgie presbytérale puisque les communautés chrétiennes s’accroissent également dans les campagnes. Dans chaque ville, il y a un lieu de rassemblement dominical. Plusieurs églises furent construites à Rome et à Jérusalem : la basilique du Latran à Rome (l’église principale de l’évêque de Rome= la cathédrale du Pape), la basilique de Saint Pierre au Vatican et celle de Paul à Rome, la basilique de la Résurrection à Jérusalem etc. La liturgie et la prière s’organisent quotidiennement dans ces lieux. C’est à partir de cette grande et belle période que s’organise la liturgie pascale et le développement de l’année liturgique. La notion de Triduum pascal est introduite dans la liturgie par Augustin pour commémorer de manière séquentielle les trois événements du mystère pascal du Christ : la passion (vendredi), l’ensevelissement (samedi), la résurrection (dimanche). À cause de la conversion massive, la Nuit pascaledevient la Nuit baptismale et le Carême, le temps de la préparation des catéchumènes. Le jeudi saint qui ne fait pas partie du Triduum pascal est le jour de la commemoratio de l’institution de l’Eucharistie et des ministères ordonnés.
À cette époque, le cycle pascal prend tout son déploiement avec les différents aspects qui le composent : l’Octave de Pâques réservée à la catéchèse mystagogique, l’Ascension et la Pentecôte. Viennent aussi à cette époque, les fêtes de Noël et de l’Épiphanie. Ainsi, avec les Pères de l’Église, l’Église continue à s’organiser et à croître. C’est en fait, l’époque où l’on commence à fixer les rites liturgiques en particulier ceux concernant le baptême, l’Eucharistie, les ordinations, la réconciliation des pénitents, les défunts mais sans pourtant en élaborer des ouvrages – excepté le recueil de prières liturgiques de Sérapion (IVe siècle) nous permettant de « reconstituer avec précision l’état de la liturgie entre le IIIe et le Ve siècle. Les documents issus de l’époque des Pères de l’Église qui arrivent jusqu’à nous sont surtout des textes homilétiques, catéchétiques et des traités théologiques. Il y a aussi quelques ouvrages qui traitent de préférence des questions d’ordre pastoral ou disciplinaire. La question pastorale était beaucoup plus préoccupante pour les Pères : ils voulaient surtout une assemblée « célébrante » et « participante » de la liturgie. Par conséquent, elle devait être bien informée de la signification de son action. La participation active des fidèles était fondamentale.
CHAPITRE II
LES FAMILLES LITURGIQUES
La liturgie des premiers siècles n’était pas uniforme. Il y avait plusieurs familles liturgiques dépendamment des lieux et des types de communautés. Quand nous parlons de la liturgie aujourd’hui, nous devons prendre en compte ces aspects historiques.
2.1. Liturgies orientales
En Orient, la vie liturgique des premiers siècles était organisée autour des grands centres politiques, économiques et administratifs. Cependant, deux de ces centres ont vu l’émergence des rites liturgiques : Antioche et Alexandrie. Marqués par la culture grecque de l’époque, ces deux grands centres culturels et intellectuels importants de l’empire sont des lieux dans lesquels où l’on trouve les premières sources liturgiques. Après Rome, Antioche et Alexandrie avaient une autorité particulière dans l’Église à partir du concile de Nicée vers 325. Chaque Église locale gardait son rite liturgique propre en fonction de sa sensibilité propre, de sa culture et de ses échanges avec une large indépendance. Les liturgies orientales sont constituées de deux grandes familles liturgiques du côté d’Antioche et d’Alexandrie.
2.1.1. La famille syrienne
Le développement de la famille syrienne est redevable à l’Église antiochienne. Elle comporte plusieurs rites :
a) Le rite syrien oriental. C’est le rite qui s’est développé dans l’Église perse, à partir du vieux fonds de la liturgie antiochienne. Ce rite dit syrien oriental fait partie de l’Église que l’on appelle nestorienne. Ce même rite se subdivise en deux groupes :
· le rite assyro-chaldéen : rite syrien oriental proprement dit. Elle recouvre essentiellement la zone géographique de l’est de la Syrie à l’Irak actuel. La langue utilisée est le syriaque, un dialecte araméen, tandis que la culture est sémitique.
· le rite syro-malabar : l’évangélisation des civilisations étrangères utilisent souvent les voies commerciales. Le rite assyro-chaldéen a suivi, au cours des siècles, la grande route que l’on appelle « la route de la soie », et qui va jusqu’en Chine. Transplanté en d’autres cultures, il s’y est adapté. En Inde du Sud, il a donné naissance au rite que l’on appelle syro-malabar.
b) Le rite syrien occidental. Il provient aussi de l’ancienne liturgie antiochienne et se subdivise en plusieurs groupes :
· le groupe syro-anctiochien ou jacobite de l’Église antiochienne issue de la rupture avec Constantinople (451). Il utilise la langue syriaque.
· le rite maronite. Issu du groupe syro-antiochien, il a été créé par des communautés regroupées dans la vallée de l’Oronte, au Liban, qui acceptaient la foi telle que définie au concile de Chalcédoine (451)[27] et refusaient le rite byzantin.
· le rite byzantin. Il est surtout développé à Constantinople, sur la base de la liturgie antiochienne, mais il n’atteint son stade définitif qu’au XIIIe siècle. Sa langue est le grec. Ce rite a été transmis aux Bulgares, puis aux Russes, et enfin aux Serbes, adapté en slavon. Il a été également adopté par les Églises du reste de l’Orient fidèles à la foi de Chalcédoine et aux usages de l’Église de l’empire (melkites), mais traduit en arabe ou en syriaque, selon les endroits.
· le rite arménien. Il s’est fixé dans la première moitié du Ve siècle à partir des liturgies de Jérusalem, de Césarée. Il a par la suite intégré des éléments des liturgies byzantine et latine.
2.1.2. La famille alexandrine
On distingue deux branches dans cette famille :
· le rite copte, héritier de la liturgie alexandrine. On l’appelle ainsi parce que copte signifie égyptien. Mais il a été fortement remanié, au VIIe siècle d’après le rite syrien, et par conséquent ne garde pas grand-chose de son originalité première, sauf pour la prière eucharistique.
· le rite éthiopien. Il est issu du rite copte, mais avec des additions syriennes et des additions autochtones. Le christianisme s’est implanté en Éthiopie entre 330 et 340, grâce à des missionnaires syriens. L’un d’eux a été ordonné évêque par celui d’Alexandrie, Athanase, et a placé la nouvelle Église sous son autorité. De là vient la règle de faire ordonner l’évêque d’Éthiopie par celui d’Alexandrie. Les liens constants entre ces deux communautés expliquent l’influence de la liturgie alexandrine dans la constitution d’une liturgie éthiopienne.
2.2. Liturgies occidentales
À cause des contraintes d’ordre politique surtout – invasions barbares, dévastations – persécutions et désorganisation de l’Église, contrairement à l’Orient, il faut attendre bien plus tardivement pour parler des traces de liturgie en Occident. C’est vers le VIIe siècle, que, grâce aux premiers documents liturgiques, on a pu entrevoir ce à quoi ressembler la liturgie occidentale et distinguer deux grandes familles : la liturgie romaine et les liturgies non romaines.
2.2.1. La liturgie romaine
La liturgie romaine paraissait elle aussi, très multiple. À Rome même, on ne célèbre pas de la même façon au Latran que dans les paroisses de la ville. À la liturgie romaine s’apparente éventuellement tel ou tel autre rite. Ainsi la liturgie ambrosienne (la liturgie milanaise) est-elle manifestement proche de celle de Rome.
2.2.2. Les liturgies non romaines
Les liturgies non romaines quand à elles, montrent une certaine difficulté à les classer. Elles ont pour la plupart du temps que très peu de liens entre elles. C’est ainsi qu’on parle :
· des liturgies italiques : en Italie, chaque évêché a sa liturgie, plus ou moins bien connue, et parfois en liaison avec celle de son voisin : Bénévent, Ravenne, Aquilée…
· de la liturgie wisigothique, c’est-à-dire la liturgie des régions hispaniques et aquitaine. Elle fut romanisée et disparut à partir du IXe siècle. On peut, aujourd’hui trouver ses traces dans la liturgie de Tolède.
· de la liturgie celtique, en usage principalement en Écosse et en Irlande et disparue au profit de la liturgie romaine à partir du VIIe siècle.
· des liturgies franques, nombreuses, florissantes et variées. Là encore, on n’a pas trop de documents. Ils sont presque tous disparus. Ne restent que : le missale gothicum (VIIe-VIIIe siècles), le missel de Bobbio (VIIIesiècle), le missale francorum ((VIIIe siècle), et le missale gallicanum vetus (VIIIe siècle). Tous ces documents présentent déjà des traces d’influence de la liturgie romaine, notamment du sacramentaire léonien.
Il faut signaler que toutes ces liturgies ne fonctionnaient pas de manière isolée. Les Églises échangeaient entre elles sur le plan culturel comme sur le plan liturgique. Par exemple, à l’époque d’Ambroise, Milan était influencé par les idées venues de l’Église d’Alexandrie. Des évêques s’écrivaient et se rendaient visite ou s’étaient exilés en d’autres régions de l’empire ; des conciles les réunissaient aussi. Certains évêques de l’Église occidentale venaient d’Orient (par exemple : Irénée à Lyon et douze évêques à Rome entre 640 et 741). Tout cela a facilité une certaine unité dans les différentes liturgies.
CHAPITRE III
LA LITURGIE SELON LA RÉFORME CONCILIAIRE
3.1. Contexte historique : le mouvement liturgique
L’Église du XIXe siècle ne donne pas assez de place aux fidèles dans les célébrations liturgiques. La liturgie est donc monopolisée par les prêtres. Les fidèles ne participent pas vraiment à la liturgie. Ils assistent à l’affaire du prêtre. Malgré les efforts apportés par Pie V dans le missel romain après le Concile de Trente, la liturgie reste encore fortement cléricalisée et parfois surchargée d’éléments adventices.
Il faut donc restaurer la liturgie dans son authenticité et favoriser la participation active des fidèles. D’où l’importance du « mouvement liturgique ». Ce mouvement est principalement l’œuvre des moines bénédictins, des abbayes de Solesmes (France avec Dom Guéranger), de Maredsous et du Mont-César (Belgique avec Dom Lambert Beauduin), de Maria Laach (Allemagne avec Dom Odon Casel). Ce mouvement revisite les sources anciennes de la liturgie et pointe les préoccupations pastorales en lieu et place de la piété individualiste qui prévalait depuis le XVIe siècle, en vue d’une participation active des fidèles à la liturgie. Les travaux du « mouvement liturgique » sont pris en compte par les réformes mises en place par Pie X et Pie XII et que Vatican a développés.
Pie X (Pape de 1903-1914), applique les travaux de ce mouvement en promouvant la « participation active » des fidèles à la liturgie et en instaurant la communion fréquente ainsi que l’accès à la communion des enfants en âge de raison. Il est également l’instaurateur de la musique grégorienne authentique, suite aux études des bénédictins.
On le voit, le besoin d’une liturgie plus adaptée au besoin des fidèles se fait sentir. Il faut dire que la guerre va jouer un rôle important dans cette démarche visant la participation active des fidèles à la liturgie. Déjà, dans les camps des prisonniers, la liturgie nécessite bien évidemment des adaptations ou des ajustements. On avait à l’époque ce qu’on appelait la messe « dialoguée » où les lectures se faisaient dans la langue des participants, qui répondaient au prêtre, lequel célébrait en latin. De même se répandait la pratique de célébrer face au peuple, pratique développée après la guerre. L’adaptation de la liturgie était requise dans les pays de mission.
Nous ne pouvons pas oublier les réformes de Pie XII sur la liturgie. Le 20 novembre 1947, il publia Mediator Dei, une encyclique sur la liturgie. Cette encyclique synthétise en quelques sortes, certaines propositions du « mouvement liturgique » et traite des questions qui ont rapport à la participation active des fidèles.
Suite à cette encyclique, plusieurs réformes voient le jour. Tout d’abord, la restauration de la vigile pascale (1951) pour tous, avec l’établissement d’un rituel de la semaine sainte (1955) et la publication de nouveaux documents. Pie XII assouplit les règles du jeûne précédent l’Eucharistie pour faciliter l’accès à la communion pendant la messe. Ensuite, il autorise l’utilisation de la langue vernaculaire pour la célébration des sacrements, excepté l’Eucharistie. Malgré ces multiples et importantes réformes opérées par Pie XII, les évêques du monde entier estimaient que d’autres adaptations étaient nécessaires pour répondre aux besoins des fidèles comme en témoigne une partie des souhaits (votum) qu’ils adressaient dans la phase ante-préparatoire du Concile.
3.2. La Constitution Sacrosanctum Consilium
Les liturgistes ont, en effet, l’habitude de travailler ensemble. Pas besoin de s’éterniser sur le plan de travail, ce qu’on appelle le « « schéma » sur la liturgie. Ce « schéma » était le premier prêt. Le Pape Jean XXIII le placera en priorité dans l’ordre du jour du Concile. Dès la première session du 22 octobre au 13 novembre 1962, on se focalisa sur le débat sur la réforme liturgique. C’était un débat très sérieux notamment sur la question de l’utilisation du latin et de certaines propositions de réformes. Le 14 novembre 1962, on effectua un premier vote sur l’ensemble du « schéma ». C’était le premier vote du Concile et compte tenu du nombre de Pères qui avaient une certaine réticence au « schéma », on était perplexe face au résultat attendu. Et ce fut une grande surprise : sur 2,215 votants, 2162 Pères approuvaient globalement le « schéma ».
Il faut d’abord souligner le caractère christologique et ecclésiologique du mystère de la liturgie qui est une épiphanie du Christ et de l’Église et l’importance de l’ecclésiologie de communion qui s’y exprime. Le peuple de Dieu se trouve rassemblé autour de la Parole de Dieu en tant que peuple sacerdotal. Il offre le sacrifice du Christ et accueille sa présence. En même temps, la liturgie s’insère dans l’économie du salut structurée en trois étapes : l’annonce, la réalisation lors de l’incarnation du Christ, le temps de l’Église, l’orientation vers la parousie (l’eschatologie). Enfin, le mystère pascal apparaît comme étant central de la liturgie.
Promulguée le 4 décembre 1963, la Constitution conciliaire sur la liturgie se structure en un préambule et sept chapitres de tailles inégales – le premier d’entre eux constitue près du tiers de l’ensemble :
- Préambule (§ 1-4) ;
- Chapitre I : Principes généraux pour la restauration et le progrès de la liturgie (§ 5-46) ;
- Chapitre II : Le mystère de l’Eucharistie (§ 47-58) ;
- Chapitre III : Les sacrements et les sacramentaux (§ 59-82) ;
- Chapitre IV : L’office divin (§ 83-101) ;
- Chapitre V : L’année liturgique (102-111) ;
- Chapitre VI : La musique sacrée (§ 112-121) ;
- Chapitre VII : L’art sacré et le matériel du culte (§ 122-130).
Un des aspects importants de cette Constitution est le rapport étroit établi entre pratique et doctrine : la restauration liturgique est donc reliée à son principe théologique comme en témoigne le début du premier chapitre (§ 5-13). La présence du Christ à l’action liturgique de l’Église est clairement soulignée :
Il est là présent dans le sacrifice de la messe et dans la personne du ministre et au plus haut degré, sous les espèces eucharistiques. Il est présent par sa puissance dans les sacrements au point que lorsque quelqu’un baptise, c’est le Christ lui-même qui baptise. Il est là présent dans sa parole, car c’est lui qui parle tandis qu’on lit dans l’Église les Saintes Écritures. Enfin il est là présent lorsque l’Église prie et chante les Psaumes (SC, n° 7).
La présence du Christ dans l’assemblé n’est pas oubliée. La « restauration » et le « progrès » de la liturgie constituent même la visée de la Constitution afin de permettre aux fidèles de participer d’une façon pleine, consciente et active à la liturgie. Cela est demandé par la nature même de la liturgie. En vertu de son baptême, participer activement à la liturgie est un droit et un devoir pour le peuple chrétien (§ 14). Le paragraphe 21 met en relief le principe de cette restauration :
Pour que le peuple chrétien bénéficie plus sûrement des grâces abondantes dans la liturgie, la sainte Mère l’Église veut travailler sérieusement à la restauration générale de la liturgie elle-même. Car celle-ci comporte une partie immuable, celle qui est d’institution divine, et des parties sujettes au changement qui peuvent varier au cours des âges ou même le doivent, s’il s’y est introduit des éléments qui correspondent mal à la nature intime de la liturgie elle-même, ou si ces parties sont devenues inadaptées. Cette restauration doit consister à organiser les textes et les rites de telle façon qu’ils expriment avec plus de clarté les réalités saintes qu’ils signifient, et que le peuple chrétien, autant qu’il est possible, puisse facilement les saisir et y participer par une célébration pleine, active et communautaire.
La liturgie est la prière de l’Église. Elle requiert la participation active du peuple de Dieu, ce peuple saint, un sacerdoce royal. Aussi c’est le mystère pascal qui est source de la vie ecclésiale, laquelle se continue et se réalise dans la liturgie (§ 5-6). La liturgie est à la fois rencontre du Christ agissant lui-même dans son Église et attente active de sa venue dans la gloire.
Dans l’action liturgique, l’Eucharistie occupe la place centrale comme source par laquelle la grâce du Christ se répand chez les fidèles et comme sommet, puisque la finalité dernière de l’action de l’Église est la « sanctification des hommes et la glorification de Dieu dans le Christ ».
3.2.1. L’importance de la liturgie dans la vie de l’Église
Le Concile Vatican II souligne, tout au début de la Constitution SC, l’importance de la liturgie dans la vie de l’Église, dans la vie chrétienne :
Aussi, puisque la liturgie édifie chaque jour ceux qui sont au-dedans pour en faire un temple saint dans le Seigneur, une habitation de Dieu dans l’Esprit, jusqu’à la taille qui convient à la plénitude du Christ, c’est d’une façon admirable qu’elle fortifie leurs énergies pour leur faire proclamer le Christ, et ainsi elle montre l’Église à ceux qui sont dehors comme un signal levé sur les nations, sous lequel les enfants de Dieu dispersés se rassemblent dans l’unité jusqu’à ce qu’il y ait un seul bercail et un seul pasteur (SC 2).
La foi chrétienne se nourrit de la liturgie que l’Église célèbre afin qu’elle soit solidement enracinée dans le mystère pascal du Christ. La liturgie édifie les membres du Corps du Christ puisqu’à travers elle, le Christ manifeste sa présence dans ses formes diverses (SC 7)[28]. Cette manifestation du Christ passe par la médiation de l’Église dans ses activités missionnaires. Cela nous aide à comprendre que la liturgie est la vie de l’Église, la vie des baptisés. Il n’y a pas d’Église sans liturgie, tout comme il n’y a pas de liturgie sans l’Église. Si le Christ est présent dans l’action liturgique de l’Église, c’est pour rejoindre son peuple, l’enseigner, le nourrir et le sauver. La liturgie nourrit la vie missionnaire et la rend fructueuse.
3.2.2. L’harmonisation de la liturgie et les expressions de la piété populaire
Les numéros 12 et 13 de SC nous éclairent sur l’harmonisation de la liturgie et des pieux exercices :
Cependant, la vie spirituelle n’est pas enfermée dans la participation à la seule liturgie. Car le chrétien est appelé à prier en commun : néanmoins, il doit aussi entrer dans sa chambre pour prier le Père dans le secret, et, même, enseigne l’Apôtre, il doit prier sans relâche. Et l’Apôtre nous enseigne aussi à toujours porter dans notre corps la mortification de Jésus, pour que la vie de Jésus se manifeste, elle aussi, dans notre chair mortelle. C’est pourquoi, dans le sacrifice de la messe, nous demandons au Seigneur « qu’ayant agréé l’oblation du sacrifice spirituel » il fasse pour lui « de nous-mêmes une éternelle offrande ». Les « pieux exercices » du peuple chrétien, du moment qu’ils sont conformes aux lois et aux normes de l’Église, sont fort recommandés, surtout lorsqu’ils se font sur l’ordre du Siège apostolique (SC 12).
Les « exercices sacrés » des Églises particulières jouissent aussi d’une dignité spéciale lorsqu’ils sont célébrés sur recommandation des évêques, selon les coutumes ou les livres légitimement approuvés. Mais les exercices en question doivent être réglés en tenant compte des temps liturgiques et de façon à s’harmoniser avec la liturgie, à en découler d’une certaine manière, et à y introduire le peuple parce que, de sa nature, elle leur est de loin supérieure (SC13).
La liturgie, tout en gardant sa valeur propre, ne remplace pas les autres formes de piété qui peuvent alimenter la foi du peuple chrétien si elles sont conformes à la foi de l’Église. Nous pouvons penser ici aux différentes formes de piété populaire que pratiquent les chrétiens tels que les pèlerinages, le culte des saints, le culte eucharistique, le culte marial etc. La liturgie initie à la foi et à la conversion celui qui y participe vraiment. En revanche, pour les autres, il n’est pas évident de commencer par elle. Il faut peut-être passer par d’autres célébrations qui ne sont pas forcément eucharistiques ou même sacramentelles. On peut penser aux neuvaines, aux exercices de piété, aux pèlerinages dans le cadre de la fête du saint Patron etc. Toutefois, la liturgie comme prière de l’Église est le point de repère pour toutes les formes d’expression de la piété populaire ou de pieux exercices. Comme le fait remarquer Romano Guardini, c’est la liturgie qui reflètera toujours les lois fondamentales et immuables de la saine piété, de la piété fondamentale[29].
En ce qui a trait à la piété populaire, la Congrégation pour le culte divin et la discipline des sacrements a voulu encourager une réflexion et une pastorale qui à la fois respectent les différentes traditions, et, en même temps, s’efforcent de les évangéliser en vue de les mettre en harmonie ou en relation avec la liturgie. Il y a « diverses manifestations cultuelles de nature privée ou communautaire qui, dans le cadre de la foi chrétienne, s’exprime d’abord, non pas selon les formes de la sainte liturgie, mais en empruntant des aspects particuliers appartenant en propre au génie d’un peuple ou d’une ethnie, et donc à leur culture »[30].
Par conséquent, la piété populaire doit préparer les fidèles à la liturgie et non l’inverse. Par exemple, il n’est pas recommandé de supplanter l’Eucharistie célébrée par l’Angélus, la récitation du chapelet ou d’autres formes de dévotions, sauf l’adoration eucharistique qui a tout son sens après la messe. Il y a d’autres moments pour les faire. L’Eucharistie est la prière des prières, la dévotion des dévotions. Le peuple de Dieu doit être renvoyé ou congédié une fois la messe terminée par les rites de renvoi dans la dynamique même du mystère de l’Eucharistie qu’il vient de célébrer et non pas par une dévotion populaire qui peut faire basculer dans l’oubli de la « hiérarchie des vérités »[31]. La règle d’or pour la piété chrétienne est la liturgie, en particulier l’Eucharistie. Il faut en ce sens éviter tout risque de « piétisme liturgique ». Il ne faut pas se cacher, en effet, que l’abus des « dévotions mariales après la messe » comporterait un risque. Celui de penser que Marie n’est « présente » à la messe que si on récite des prières en son nom. Or, on oublie que dans toute Eucharistie célébrée par l’Église, la bienheureuse Vierge Marie est présente à un double titre : et parce qu’elle est inséparable du mystère de l’Incarnation et de la croix du Seigneur, et parce qu’elle est inséparable de la communion de toute l’Église : « Que l’Esprit Saint fasse de nous une éternelle offrande à ta gloire, pour que nous obtenions un jour l’héritage promis, avec tes élus : en premier lieu la bienheureuse Vierge Marie, Mère de Dieu » (3e Prière eucharistique).
3.2.3. L’harmonisation des rites liturgiques
SC parle de l’harmonie des rites : « Les rites manifesteront une noble simplicité, seront d’une brièveté remarquable et éviteront les répétitions inutiles ; ils seront adaptés à la capacité de compréhension des fidèles et, en général, il n’y aura pas besoin de nombreuses explications pour les comprendre »[32]. Cela demande une certaine sobriété « pour qu’apparaisse clairement l’union intime du rite et de la parole dans la liturgie »[33]. La liturgie s’explique par elle-même, et on ne la comprend qu’en la pratiquant et en la vivant. Dans la liturgie, on comprend ce qu’on fait et vit si on est dedans. La pédagogie de la liturgie, c’est la participation qui est le fait de se laisser saisir par le mystère qu’elle célèbre et d’y adhérer dans sa corporéité.
3.2.4. L’importance de l’homélie découlant de la proclamation
et de l’écoute de la Parole
Le Concile, au numéro 43 de SC replace l’homélie dans sa fonction explicative des mystères de la foi et des normes de la vie chrétienne[34]. Elle découle de la Parole de Dieu proclamée et écoutée qui est une bénédiction[35]. Car le Christ manifeste sa présence dans la Parole qu’il adresse à l’assemblée liturgique : « Il est là présent dans sa parole, car c’est lui qui parle tandis qu’on lit dans l’Église les Saintes Écritures »[36]. Cette présence est l’œuvre de l’Esprit Saint puisque c’est par Lui que « la Parole vient à nous dans le Corps du Christ, dans le Corps eucharistique et dans le Corps des Écritures »[37]. Dans cette optique, l’homélie doit être réalisée avec soin car la Parole de Dieu ne peut être accueillie et comprise pleinement que grâce à l’Esprit Saint[38]. Toute homélie est « une prédication dans la liturgie qui demande une sérieuse évaluation de la part des pasteurs »[39]. Elle est un lieu privilégié pour l’annonce de l’Évangile et la transmission de la foi. Les pasteurs se doivent d’accorder une grande importance à l’homélie puisqu’elle « peut être vraiment une intense et heureuse expérience de l’Esprit, une rencontre réconfortante avec la Parole, une source constante de renouveau et de croissance »[40]. Benoît XVI, dans l’Exhortation Verbum Domini, retrace l’importance de l’homélie dans la liturgie pour le peuple de Dieu qui écoute et médite la Parole et pour les pasteurs qui ont la charge de la présenter[41]. C’est par l’homélie que l’Église actualise le message biblique pour qu’il devienne une parole qui concerne les chrétiens et leur parle aujourd’hui. En ce sens, Benoît XVI précise :
L’homélie est en effet une actualisation du message scripturaire, de telle sorte que les fidèles soient amenés à découvrir la présence et l’efficacité de la Parole de Dieu dans l’aujourd’hui de leur vie. Elle doit aider à la compréhension du Mystère qui est célébré, inviter à la mission, en préparant l’assemblée à la profession de foi, à la prière universelle et à la liturgie eucharistique[42].
3.3. Les points forts de la réforme conciliaire en matière de liturgie
L’Église se soucie d’obtenir que les fidèles n’assistent pas à ce mystère de la foi comme des spectateurs étrangers et muets, mais que, le comprenant bien dans ses rites et ses prières, ils participent de façon consciente, pieuse et active à l’action sacrée, soient formés par la Parole de Dieu, se restaurent à la table du Corps du Seigneur, rendent grâces à Dieu ; qu’offrant la victime sans tache, non seulement par les mains du prêtre, mais aussi en union avec lui, ils apprennent à s’offrir eux-mêmes et, de jour en jour, soient consommés, par la médiation du Christ, dans l’unité avec Dieu et entre eux pour que, finalement, Dieu soit tout en tous[43].
La Constitution sur la liturgie insiste sur l’importance de la participation « consciente, pieuse et active des fidèles au mystère eucharistique ». Elle propose d’ouvrir plus largement les trésors de la Bible[44], de donner la place qui convient à la langue du pays dans les messes célébrées avec le concours du peuple, surtout pour les lectures et la « prière commune », et, selon les conditions locales, aussi dans les parties qui reviennent au peuple[45], enfin de fonder la démarche liturgique sur le mystère pascal du Christ.
Cette participation de l’assemblée doit être prise en compte dans l’organisation de l’espace liturgique. Pour cela, le chœur de l’église est constitué de trois lieux d’expression : le siège de la présidence, l’ambon pour la proclamation de la Parole et l’autel, central et disposé face à l’assemblée.
Dans la liturgie de la Parole, trois lectures y sont introduites et cela, sur un cycle de trois ans pour les dimanches, et de deux textes sur deux ans pour les semaines. Les textes de l’Ancien Testament y trouvent une place de choix en vue de permettre aux chrétiens de repenser les rapports entre l’Ancien et le Nouveau Testament et de redécouvrir les textes qui jusque-là étaient oubliés. Vatican II a renouvelé la conception de la liturgie avec la remise en valeur du Psaume, de l’homélie obligatoire dans certains cas, et de la prière universelle. L’élément le plus novateur dans la restauration de la liturgie par Vatican II est l’usage de la langue vernaculaire. Il y a aussi l’insistance sur le mystère pascal qui, petit à petit trouve des appuis théologiques pour la redécouverte du fondement de la foi chrétienne. Avec la réforme conciliaire, les sacrements sont revivifiés, particulièrement les trois sacrements de l’initiation chrétienne (le baptême, la confirmation et l’eucharistie).
3.3.1. La mise en œuvre du concile Vatican II
La réforme conciliaire sur la liturgie a vraiment permis :
· aux assemblées de célébrer dans leur langue parlée. Ils peuvent prier et entendre la Parole de Dieu dans leur propre langue. Cela constitue un premier bienfait de la réforme qui mérite notre attention encore aujourd’hui en Haïti. Nous avons tendance à vouloir passer à côté de cela dans notre façon de célébrer. Pour certains, l’art de célébrer est l’art de savoir célébrer en français au détriment de la langue créole. Complexe d’infériorité… Dans ce sens, il y a un travail sérieux à faire au niveau de la nouvelle traduction du Missel romain en créole.
· un retour à la noble simplicité des rites. La première description de la liturgie que saint Justin nous donne dans ses Apologies nous aide à mieux comprendre cette simplicité des rites dès le tout début de la vie liturgique de l’Église. Ce retour à la noble simplicité des rites liturgiques fût déjà le cahier des charges de Pie X, cinquante ans avant la réforme de Vatican II.
· une réelle participation active des fidèles à la liturgie même si Pie X le réclama déjà, en 1914. La Constitution sur la sainte liturgie déclare :
La Mère Église désire beaucoup que tous les fidèles soient amenés à cette participation pleine, consciente et active aux célébrations liturgiques, qui est demandée par la nature de la liturgie elle-même et qui, en vertu de son baptême, est un droit et un devoir pour le peuple chrétien, « race élue, sacerdoce royal, nation sainte, peuple racheté » (1 P 2, 9 ; cf. 2, 4-5). Cette participation pleine et active de tout le peuple est ce qu’on doit viser de toutes ses forces dans la restauration et la mise en valeur de la liturgie. Elle est, en effet, la source première et indispensable à laquelle les fidèles doivent puiser un esprit vraiment chrétien ; et c’est pourquoi elle doit être recherchée avec ardeur par les pasteurs d’âmes, dans toute l’action pastorale, avec la pédagogie nécessaire[46].
La nature même de la liturgie réclame la participation active des fidèles comme action du corps entier de l’Église, de la plebs sancta. Cette participation est, pour le coup, fondée sur le baptême : c’est par le baptême que nous devenons membres du peuple saint de Dieu, peuple sacerdotal. Faire participer les fidèles à la liturgie n’est pas un privilège ni une faveur, c’est un droit et un devoir pour eux (jus et officium).
3.3.2. La liturgie, épiphanie de l’Église
Jean-Paul II est venu avec cette belle expression, dans sa lettre apostolique La sainte Liurgie (LsL) pour le 25eanniversaire de la Constitution conciliaire, Sacrosanctum concilium (SC): « Le Concile a voulu voir dans la liturgie une épiphanie de l’Église : elle est l’Église en prière. En célébrant le culte divin, l’Église exprime ce qu’elle est : une, sainte, catholique et apostolique »[47]. C’est à travers sa liturgie que l’Église manifeste ce qu’elle est réellement. C’est par la liturgie que les chrétiens se rassemblent pour constituer véritablement le corps mystique du Christ.
Pour le Pape François, la liturgie est une « épiphanie de la communion ecclésiale ». Il renforce l’expression de Jean-Paul II : la liturgie est la communion de l’Église. Elle forme à la communion ecclésiale. C’est autour d’elle que s’organise la communauté des baptisés, l’ecclesia. Le mystère de l’Église se déploie d’abord dans la liturgie. En disant que la liturgie est l’épiphanie de l’Église, nous reconnaissons qu’elle a une double fonction : elle constitue et exprime l’Église. On peut prendre en exemple l’Eucharistie, centre et sommet de la vie ecclésiale. C’est en elle que se construit l’unité du corps du Christ.
La liturgie est l’épiphanie de l’Église puisqu’elle est un mystère d’unité. Elle « contribue au plus haut point à ce que les fidèles, par leur vie, expriment et manifestent aux autres le mystère du Christ et la nature authentique de la véritable Église »[48]. Ici, le concile met en évidence la liturgie comme mystère d’unité : l’unité du Christ et de l’Église qui se réalise à travers l’unité des chrétiens réunis autour de l’autel[49]. Mais, ce mystère d’unité est plus visible encore quant tout le presbyterium et les diacres participent à une seule et même eucharistie présidée par l’évêque : « Les actions liturgiques ne sont pas des actions privées, mais des célébrations de l’Église, qui est « le sacrement de l’unité », c’est-à-dire le peuple saint réuni et organisé sous l’autorité des évêques »[50]. Cependant, quelque soit la taille de la célébration, mais la plus modeste qu’elle soit, le mystère d’unité ne s’estompe pas. C’est pourquoi au cours de la célébration de l’eucharistie, le nom du pape et de l’évêque du lieu que le prêtre cite n’est pas seulement une prière mais aussi un signe tangible de cette unité.
Épiphanie de l’Église, la liturgie est donc mystère de communion. Elle « est mystère de communion, c’est parce qu’elle est par excellence le lieu où l’union avec Dieu est réalisée par le don de l’Esprit Saint, lui qui est l’Esprit de communion »[51]. Le Christ se manifeste de différentes manières dans les célébrations liturgiques et c’est toujours le même Esprit Saint qui est moteur de ces différentes manifestations : « le Christ est toujours là auprès de son Église, surtout dans les actions liturgiques »[52]. Il est donc présent dans l’assemblée qui se réunit autour de lui et dans le prêtre qui préside la célébration, dans l’écoute de la Parole proclamée, dans les sacrements célébrés et au plus haut point dans le pain et le vin eucharistiés. Cette présence, comme le souligne Patrick Prétot, est le gage de l’offre de la communion que le Père adresse à ses enfants[53].
Cela demande nécessairement d’accueillir, d’intérioriser, de recevoir les signes sensibles de la grâce qui est donnée à l’assemblée. Dit autrement, il savoir accueillir la présence du Christ:
Pour l’accomplissement d’une si grande œuvre, le Christ est toujours là auprès de son Église, surtout dans les actions liturgiques. Il est là présent dans le sacrifice de la messe, et dans la personne du ministre, « le même offrant maintenant par le ministère des prêtres, qui s’offrit alors lui-même sur la croix » et, au plus haut degré, sous les espèces eucharistiques. Il est présent, par sa puissance, dans les sacrements au point que lorsque quelqu’un baptise, c’est le Christ lui-même qui baptise. Il est là présent dans sa parole, car c’est lui qui parle tandis qu’on lit dans l’Église les Saintes Écritures. Enfin il est là présent lorsque l’Église prie et chante les psaumes, lui qui a promis : « Là où deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis là, au milieu d’eux » (Mt 18, 20). Effectivement, pour l’accomplissement de cette grande œuvre par laquelle Dieu est parfaitement glorifié et les hommes sanctifiés, le Christ s’associe toujours l’Église, son Épouse bien-aimée, qui l’invoque comme son Seigneur et qui, par la médiation de celui-ci, rend son culte au Père éternel.
Chaque geste, chaque parole, chaque attitude, chaque comportement, compte et doit être accomplie avec dignité car tout cela constitue l’enjeu d’une telle épiphanie.
CHAPITRE IV
TEMPS ET ANNÉE LITURGIQUE[54]
4.1. Temps humain et temps liturgique
4.1.1. Le temps humain
De la naissance à la mort, l’existence humaine se déroule dans le temps. Ce temps est dit cosmique et historique, individuel ; en bref, le temps de chacun et des collectivités. Le temps humain est chronologique. C’est la plateforme ou le logiciel cosmique où se construit et s’exécute le déroulé de notre vie sous mode de récit. Notre vie humaine se raconte dans le temps.
Le temps, pour insaisissable soit-il, joue un rôle important dans notre vie humaine et spirituelle. Le tempus va en grande vitesse. On entend souvent dire : « Tuer ou perdre son temps », « je n’ai pas le temps », « de mon temps ». En tout cas, nous avons du mal à faire bon ménage avec le temps. Il faut faire vite ! Notre société court, elle est en grande vitesse : « soyez bref », « soyez précis et concis ». Le tempus ne demande pas qu’on reste bloqué sur un sujet, une réalité, un fait : il faut toujours zapper, pianoter…; il ne faut surtout pas procrastiner… c’est maintenant qu’il faut le faire : « Le temps perdu ne se rattrape jamais », « on ne se baigne jamais deux fois dans un même fleuve ». Le temps humain est le temps du « click and surf ». On peut même parler de la maladie du temps[55]. Certaines personnes n’arrivent pas à évaluer le temps soit par sous-estimation, soit par surestimation. C’est la première maladie du temps : « une sorte d’inflammation du sens du temps » pour reprendre le cardinal Godfried Danneels. La deuxième maladie est le « syndrome du premier-arrivé-dernier sorti ». Celui qui a cette maladie sent toujours « le besoin irrésistible d’arriver toujours le premier pour ouvrir les portes et de rester le dernier à éteindre les lumières. Celui qui en souffre arrive rarement à bout d’un travail : il saute de l’un à l’autre, jouant au sapeur-pompier »[56]. La troisième maladie est celle de la « chrono-phagie », un mot grec qui signifie « action de manger le temps ». Certaines personnes sont des dévoreuses de temps : elles ne font que grignoter le temps des autres, perturber le programme ou le planning des autres. Sans avertir, elles pointent et dérangent. La quatrième, la toute dernière, est la maladie du « syndrome du oui ». Celui qui en souffre, affirme le cardinal G. Danneels, dit toujours oui. « Il est absolument incapable de refuser quelque chose, ni à son patron ni à ses clients. Jamais il n’ose dire qu’il est surchargé. Parce qu’il ne veut faire de la peine à personne et certainement pas passer pour un paresseux, un caractère impossible ou un mauvais collège »[57].
Le temps humain est un « hodie » : un aujourd’hui, une expérience, une mise en scène de la vie. Le temps, note Elbatrina Clauteaux, est un passer toujours présent et à venir, donc toujours là, en moi et hors de moi, comme durée et rythme[58]. Il est responsable de la dégradation et de la dégénération, mais aussi de l’évolution et du progrès, deux phénomènes contraires s’il en est[59]. Le temps humain, pour ainsi dire, nous est profitable que s’il nous conduit à accueillir la présence de Dieu dans notre vie, que s’il nous conduit au kaïros. Le temps humain devient le temps où Dieu se heurte à l’imprévu, aux apories du temps à cause du mouvement d’Incarnation : Dieu entre dans le temps. Jésus a évolué dans le temps comme tout humain. Il a accompli sa mission salvifique dans le temps. Le chrétien, grâce à cette venue, grâce à cette expérience de Jésus du temps, accepte de tout son cœur le temps et l’instant tels que Dieu lui donne de les vivre. Il habite sereinement tous les moments du temps tels qu’il lui sont donnés[60].
4.1.2. Le temps divin
Le temps divin est un non temps ; c’est l’éternel présent : le kaïros. Car « Dieu n’est pas soumis aux limites de l’espace et du temps comme les humains »[61]. Dieu toujours présent, toujours là pour nous – c’est bien cela son éternité, car il est « Présence ». L’éternité de Dieu englobe notre temps et lui donne sens. Nous sommes connectés à l’éternité par le présent[62]. C’est à partir de l’éternité, du temps divin, que nous pouvons parler de notre avenir englobant le passé et le présent. Mais le temps divin se laisse découvrir et vivre dans le temps humain. Tout passe, mais Dieu, lui, ne passe pas. Dieu, note le cardinal Godfried Danneels, est tout entier présent à la totalité de son être, et surabondamment riche au sein de son éternel présent[63]. L’homme est donc appelé à « se rendre présent au présent de Dieu, à sa présence »[64]. Voilà ce que nous offre le temps liturgique. La liturgie nous plonge dans le temps divin sans évader le contenu du temps humain qui nous est donné.
« La liturgie, souligne Joseph Ratzinger, accomplit le renversement de l’exitus au reditus, de la dispersion au recueillement, de la descente de Dieu à notre ascension. Grâce à elle, le temps terrestre entre dans le présent du Christ. Elle est le grand tournant dans le processus de la rédemption. Le berger prend la brebis sur ses épaules et la ramène à la maison »[65]. Un beau résumé du temps divin. Un temps sanctifié par l’Esprit Saint qui fait toutes choses nouvelles. Un temps qui est offert pour expérimenter la bonté de Dieu dans notre vie. Temps de Dieu, renchérit le cardinal G. Danneels, est un temps eschatologique : un temps qui s’enrichit à mesure qu’il va de l’avant. Alors, toute proportion gardée, le temps divin nous guérit des maladies du temps (voir les notes précédentes), du stress corporel, du stress de l’esprit, du stress de l’âme. Le temps divin nous libère et nous porte vers l’épanouissement total de notre être : « Notre cœur est sans repos tant qu’il ne se repose pas en toi (Seigneur), dit saint Augustin – Inquietum est cor nostrum, donec requiescat in te ».
4.1.3. Le temps liturgique dans le monde contemporain
4.1.3.1. Les ressources de la liturgie pour vivre le temps
1. L’année liturgique est un lieu de mémoire du salut, dont le paradigme est sans doute la Veillée pascale. Elle invite les fidèles à se reconnaître héritiers de cette histoire passée, lointaine, qui devient la leur, présente.
Le temps liturgique dit que le temps humain est le lieu de la condition humaine, donc de l’expérience humaine de Dieu, et donc du salut. Le cycle de l’année inclut la mémoire de l’eschatologie. La mémoire du salut est donc par définition eschatologique.
2. La liturgie se célèbre toujours « aujourd’hui » : la liturgie est ce temps quotidien où les mystères du salut sont rendus présents. Le paradigme en est donné en Lc 4, 14-21 : « Cette parole de l’Écriture, que vous venez d’entendre, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit ». Toute liturgie, parce qu’elle s’appuie sur la Parole, actualise l’Écriture qu’elle annonce, et haut plus haut point celle qui concerne Jésus, pour s’accomplir aujourd’hui dans l’assemblée de ses disciples.
Cet « aujourd’hui » (Hodie) est le maître mot de ce rapport au temps : (« Deus, qui hodierna die Unigenitum tuum gentibus stella duce revelasti – Aujourd’hui, Seigneur Dieu, tu as révélé ton Fils unique aux nations, grâce à l’étoile qui les guidait », collecte de la messe du jour de l’Épiphanie du Seigneur).
Hodie : non pas un « aujourd’hui » du temps humain, mais une entrée du salut eschatologique accompli par Dieu dans le temps présent, qui transforme notre vie présente, ainsi que nous le dit la 6e préface des dimanches du temps ordinaire : « C’est en toi que nous sont donnés la vie, le mouvement et l’être ; dans notre corps, nous éprouvons chaque jour les effets de ta tendresse, et nous avons déjà la promesse de la vie éternelle : nous avons reçu les premiers dons de l’Esprit par qui tu as ressuscité Jésus d’entre les morts, et nous tenons cette espérance que vive à jamais en nous le mystère de Pâques ».
Le temps liturgique est toujours fondamentalement un temps présent, même référé à un temps passé (in illo tempore) qui s’accomplit aujourd’hui encore, et même tendu vers son accomplissement eschatologique : « Banquet très saint où le Christ est reçu en nourriture : le mémorial de sa passion est célébré, notre âme est remplie de sa grâce, et la gloire à venir nous est déjà donnée »[66].
3. La liturgie, lieu d’apprentissage de la gratuité : la liturgie ne vise rien d’autre que la rencontre avec Dieu.
4.1.3.2. Célébrer l’aujourd’hui de Dieu : l’année liturgique
L’Église célèbre à jours fixes, tout au long de l’année « l’œuvre salvifique » de son Seigneur. Chaque dimanche, elle fait mémoire de la résurrection du Christ et, annuellement, « en même temps que sa bienheureuse passion, par la grande solennité de Pâques ». En revanche, « elle déploie tout le mystère du Christ pendant le cycle de l’année, de l’Incarnation et la Nativité jusqu’à l’Ascension, jusqu’au jour de la Pentecôte, et jusqu’à l’attente de la bienheureuse espérance et de l’avènement du Seigneur »[67].
Ainsi donc, « tout en célébrant ainsi les mystères de la Rédemption, elle ouvre aux fidèles les richesses de la puissance et des mérites de son Seigneur »[68]. Pendant toute l’année liturgique, l’Église ne cesse de célébrer ces mystères, de les rendre présents pour que les fidèles soient mis « en contact avec eux et remplis par la grâce du salut »[69]. Du coup, il est question de la « prééminence du dimanche – le « jour du Seigneur » qui actualise le mystère pascal par rapport aux autres célébrations, et celle des fêtes du Seigneur par rapport aux commémorations des saints »[70]. En fait, la liturgie rend présent le mystère du Seigneur. Ce mystère, tel que célébré dans la liturgie, ne doit pas être éclipsé par aucune autre célébration. Cela apparaît clairement comme une norme dans la révision du calendrier liturgique du concile Vatican II :
On orientera l’esprit des fidèles avant tout vers les fêtes du Seigneur, par lesquelles se célèbrent pendant l’année les mystères du salut. Par suite, le propre du temps recevra la place qui lui revient au-dessus des fêtes des saints, pour que le cycle entier des mystères du salut soit célébré comme il se doit[71].
L’année liturgique gère le temps en célébrant l’« aujourd’hui de Dieu » (le Hodie de Dieu). La liturgie fait entrer le kairos dans le chronos à travers le déroulement ou le déploiement de l’année liturgique. L’année liturgique « consiste à ouvrir le temps des hommes sur celui de Dieu »[72]. Dans cette dynamique,
en célébrant ce cycle annuel des mystères du Christ, la sainte Église vénère avec un particulier amour la bienheureuse Marie, mère de Dieu, qui est unie à son Fils dans l’œuvre salutaire par un lien indissoluble ; en Marie, l’Église admire et exalte le fruit le plus éminent de la Rédemption, et, comme dans une image très pure, elle contemple avec joie ce qu’elle-même désire et espère être tout entière[73].
Évidemment, « le premier intérêt de l’année liturgique consiste à créer une alternance de temps forts et de temps faibles ; elle propose des fêtes, nécessairement séparées par un temps moins valorisé, qu’on nomme souvent "ordinaire", mais dont l’appellation officielle est précisément "le temps durant l’année" »[74]. Fondée sur l’histoire du salut, l’année liturgique nous permet de sanctifier le temps qui est chargé d’éternité par le fait même que Dieu est entré dans l’histoire.
Il est important de développer une spiritualité de l’année liturgique. Puisque la liturgie est « la source première et indispensable à laquelle les fidèles doivent puiser un esprit vraiment chrétien », l’Église, à travers le déploiement de l’année liturgique avec sa portée pédagogique et théologique, fait mémoire des mystères de la rédemption pour la croissance de la vie de foi des fidèles, pour l’accroissement de leur vie spirituelle nourrie par la Parole de Dieu, les sacrements et la prière. Cette spiritualité demande que l’on vive la dimension christocentrique et trinitaire propre au culte chrétien, selon la formule classique : « venant du Père, par le Christ, dans l’Esprit, au Père »[75].
4.1.3.3. L’Articulation de l’année liturgique
Elle s’organise selon deux ordres : le temporal (la division du temps) et le sanctoral (les fêtes des saints).
1. Le temporal, partie essentielle et principale de l’année liturgique, consiste dans le déroulement annuel du Mystère du Christ introduisant l’Église dans les profondeurs de la vie trinitaire ; il se compose des cycles de Noël et de Pâques entre lesquels s’écoule le temps ordinaire. Le temporal recouvre des périodes caractérisées de l’année liturgique; sauf exceptions, il doit emporter sur le sanctoral[76]. Le mystère pascal est au centre du culte chrétien, et au centre de l’année liturgique. Les 34 semaines qui restent forment le temps ordinaire. Les 2 cycles, avec le temps ordinaire et les autres solennités et fêtes consacrées au mystère de la rédemption sont appelés le « temporal », ou « propre du temps ». Le « temporal » est donc le déroulement annuel du mystère du salut[77].
Résumons[78] :
L’année liturgique propose aux chrétiens de revivre l’ensemble de l’histoire du salut et de la vie du Christ, au cours d’une année. Elle reprend les événements principaux de la vie du Christ : sa naissance (Noël) sa mort et sa résurrection (Pâques), le don de l’Esprit (Pentecôte). Elle invite les chrétiens à accueillir Dieu dans leur vie et à rester tendus vers la venue du Royaume (dimension eschatologique de l’année liturgique). Elle déploie sur une année, ce que nous affirmons à chaque messe : « Nous proclamons ta mort, Seigneur Jésus, nous célébrons ta résurrection, nous attendons ta venue dans la gloire ».
Elle commence le 1er dimanche de l’Avent quatre semaines avant Noël. Elle s’achève avec le dimanche du Christ Roi (un des derniers dimanches du mois de novembre).
Elle se divise en plusieurs périodes :
· Temps de l’Avent (4 semaines) : le premier dimanche de l’Avent inaugure donc une nouvelle année liturgique, c’est comme le Jour de l’An, mais liturgique[79].
· Temps de Noël et de l’Épiphanie, de la fête de Noël au baptême du Christ.
· Le temps ordinaire I qui débute au baptême du Christ au mercredi des Cendres.
· Temps du Carême qui commence le mercredi des Cendres à la Grande Semaine (les 40 jours hors dimanches avant Pâques).
· Temps pascal, de Pâques à la Pentecôte (50 jours).
· Suite du temps ordinaire II jusqu’à la fin de l’année liturgique, c’est-à-dire le dimanche du Christ Roi.
2. Le sanctoral[80] comprend les célébrations des fêtes de saints inscrits au calendrier de l’Église universelle. Le concile Vatican II (1962-1965) a redonné un équilibre à l’année liturgique : « Le propre du temps recevra la place qui lui revient au-dessus des fêtes des saints, pour que le cycle entier des mystères du salut soit célébré comme il se doit. »[81]. Le concile précise : « Pour que les fêtes des saints ne l’emportent pas sur les fêtes qui célèbrent les mystères sauveurs en eux-mêmes, le plus grand nombre d’entre elles seront laissées à la célébration de chaque église, nation ou famille religieuse particulière; on n’étendra à l'Église universelle que les fêtes commémorant des saints qui présentent véritablement une importance universelle »[82].
Le Concile a privilégié le dimanche comme « jour de fête primordial ».
Pour conserver la richesse du sanctoral (célébrations des saints) sans lourdeur, l’actuel calendrier liturgique des saints comporte:
a. quelques Solennités et Fêtes des plus grands saints de l’Église universelle (en premier lieu, La Vierge Marie et les Apôtres) ;
· des Mémoires de saints de l’Église universelle ;
· des Mémoires facultatives ;
· des célébrations locales de saints d'Églises locales (diocèses, nations, paroisses, familles religieuses).
b. Les différents degrés de célébration du Sanctoral :
· solennité (gloria, 2 lectures, credo) ;
· fête (gloria) ;
· mémoires obligatoires (prières propres) ;
· mémoires facultatives.
La restauration de la liturgie faite à Vatican II a revalorisé le dimanche :
L’Église célèbre le mystère pascal, en vertu d’une tradition apostolique qui remonte au jour même de la résurrection du Christ, chaque huitième jour, qui est nommé à bon droit le jour du Seigneur, ou dimanche. Ce jour-là, en effet, les fidèles doivent se rassembler pour que, entendant la Parole de Dieu et participant à l’Eucharistie, ils fassent mémoire de la passion, de la résurrection et de la gloire du Seigneur Jésus, et rendent grâces à Dieu qui les « a régénérés pour une vivante espérance par la résurrection de Jésus Christ d’entre les morts » (1 P 1, 3). Aussi, le jour dominical est-il le jour de fête primordial qu’il faut proposer et inculquer à la piété des fidèles, de sorte qu’il devienne aussi jour de joie et de cessation du travail. Les autres célébrations, à moins qu’elles ne soient véritablement de la plus haute importance, ne doivent pas l’emporter sur lui, car il est le fondement et le noyau de toute l’année liturgique[83].
Ainsi donc, « l’Église tient au jour du Seigneur car elle sait que le dimanche est une base essentielle pour sa vie même d’Église et pour la vie de foi de ses fils »[84]. Il n’y a pas de vie chrétienne sans le dimanche chrétien. Il est la solidité de la foi des membres de la communauté chrétienne. Aussi, le calendrier liturgique est révisé « pour nourrir comme il faut la piété des fidèles par la célébration des mystères de la Rédemption chrétienne, mais surtout du mystère pascal »[85].
4.2. L’intelligence du Temps ordinaire[86]
Le Temps ordinaire comporte 33 ou 34 semaines. Il commence le lundi qui suit le dimanche tombant après le 6 janvier, et se poursuit jusqu’au début du Carême ; il reprend le lundi après la Pentecôte et s’achève le samedi avant le Ier dimanche de l’Avent.
4.2.1. Comment compter les dimanches et les semaines du Temps ordinaire ?
On compte les dimanches et les semaines du Temps ordinaire de la manière suivante :
a. Le dimanche après 6 janvier, on célèbre le Baptême du Seigneur ou l’Épiphanie, tient lieu de Ier dimanche du Temps ordinaire ; la semaine qui suit est ainsi la Ière semaine ordinaire. Les dimanches et les semaines qui viennent ensuite suivent l’ordre numérique jusqu’au début du Carême.
b. Après la Pentecôte, si le Temps ordinaire comporte 34 semaines, on reprend la série interrompue par le Carême. (Par exemple, si le mercredi des Cendres a interrompu la 7e semaine, le lundi de la Pentecôte, on prend la 8e). Si le Temps ordinaire ne comporte que 33 semaines, on omet une semaine intermédiaire. (Par exemple, si le mercredi des Cendres a interrompu la 7e, le lundi de la Pentecôte, on prend la 9e).
Remarques : Cette année, le mercredi des Cendres a interrompu la 8e, le lundi de la Pentecôte, on reprend la 10e parce que le Temps ordinaire n’a que 33 semaines).
4.2.2. Le temps ordinaire, le temps de l’Église
Le Temps « per anum » est le temps du déploiement de la grâce pascale dans la vie des chrétiens tout au long de l’année liturgique. C’est pourquoi il se structure autour de la célébration dominicale comme le rappelle l’introduction du Missel romain : « Durant ces semaines où n’est célébré aucun aspect particulier du mystère du Christ, c’est le Mystère même du Christ qui est rappelé en sa plénitude, surtout le Jour du Seigneur ».
L’Église, pendant tout le Temps ordinaire « ouvre aux fidèles les richesses de la puissance et des mérites de son Seigneur » [87]et, par la célébration des sacrements, elle leur donne d’être remplis par la grâce du salut[88]. C’est l’Église qui, sous la mouvance de l’Esprit Saint, « continue dans le cœur des croyants l’œuvre divine entreprise au début de la prédication évangélique » (Collecte de la Pentecôte). Sous une forme sacramentelle, on peut dire que l’Église, c’est l’Évangile continuée dans le monde. En ce sens, saint Léon le Grand a raison d’enseigner ceci : « Ce qu’on avait pu voir de notre Rédempteur avant son Ascension est passé dans les sacrements ». Par sa vie liturgique, l’Église continue le ministère évangélique de Jésus, assure la présence et le rayonnement du Mystère pascal du Ressuscité au milieu des croyants.
CHAPITRE V
LA LITURGIE, LIEU THÉOLOGIQUE :
ACTUALISATIONDU MYSTÈRE PASCAL DU CHRIST
On se propose de traiter ici la théologie de la liturgie en se basant sur la célébration du Mystère pascal du Christ comme fondement même de tout acte liturgique. Cela demande de ne jamais séparer les célébrations liturgiques et l’étude qu’on peut en faire en tenant compte des normes de la liturgie elle-même.
5.1. Théologie et normes de la liturgie
Parmi les portes d’entrée pour exposer la théologie de la liturgie, nous privilégions cette affirmation conciliaire : « C’est donc à juste titre que la liturgie est considérée comme l’exercice de la fonction sacerdotale de Jésus Christ,exercice dans lequel la sanctification de l’homme est signifiée par des signes sensibles et réalisée d’une manière propre à chacun d’eux, et dans lequel le culte public intégral est exercé par le Corps mystique de Jésus Christ, c’est-à-dire par le Chef et par ses membres. Par conséquent, toute célébration liturgique, en tant qu’œuvre du Christ prêtre et de son Corps qui est l’Église, est l’action sacrée par excellence dont nulle autre action de l’Église ne peut atteindre l’efficacité au même titre et au même degré »[89].
5.1.1. La célébration liturgique, œuvre du Christ prêtre[90]
5.1.1.1. Le Christ, Médiateur et Prêtre de l’Alliance nouvelle
Avec l’Incarnation du Fils de Dieu, le rôle médiateur de Moïse est « accompli » (cf. Mt 5, 17) et le sacerdoce d’Aaron aboli. L’Ancienne Alliance (Ex 24, 8) fait place à la Nouvelle Alliance annoncée par les prophètes (Jr 31, 31) et scellée dans le sang du Christ (Lc 22, 20) qui en est le médiateur (He 8, 6 ; 9, 15 ; 1 Tm 2, 5). Le sacerdoce de Jésus n’est rien d’autre que sa fonction de médiation entre Dieu et les hommes. Parce qu’il est le Verbe de Dieu incarné, totalement Dieu et totalement homme, le Christ est l’unique Médiateur par sa personne même. En conséquence c’est par son être lui-même qu’il est prêtre. Jésus est donc « le » prêtre de la Nouvelle Alliance que nous présente l’épitre aux Hébreux (He 4, 14 – 14, 18). Par sa mort il a accompli le sacrifice qui glorifie Dieu (Jn 13, 31) et réconcilie les descendants d’Adam avec Lui (Rm 5, 10). Ressuscité, le Christ est « devenu pour tous ceux qui lui obéissent principe de salut éternel » (He 5, 9), car il est pour eux la source de la grâce (Jn 1, 16-17) et de la sainteté (He 10, 10 ; 1 P 1, 15s ; 2, 4-10). En lui se réalise donc la parfaite glorification de Dieu son Père et la parfaite sanctification des êtres humains, ses frères et sœurs.
Il en résulte « le double caractère, qui n’est antinomique qu’en apparence, de la liturgie comme engagement à la fois au culte du Père (glorification de Dieu) par le Christ et dans l’unité du Saint-Esprit, et à la sanctification des hommes par toute l’économie sacramentelle. Celle-ci prolonge le "sacrement primordial" que fut l’humanité du Christ, signe sensible et efficace de sa divinité »[91].
5.1.1.2. Célébration du mystère pascal du Christ
Le mystère pascal est le pivot de la liturgie. C’est le mystère pascal qui rend la liturgie, sommet et source de la vie de l’Église : « Tout le culte chrétien n’est qu’une célébration continue de la Pâque »[92]. C’est pourquoi, aucune autre célébration ne peut prévaloir sur la liturgie. C’est par elle que le peuple chrétien se nourrit des mystères du Christ. Elle est le lieu du déploiement des mystères de la Pâque du Christ pour la vie nouvelle des baptisés. Notre foi liturgique est une foi pascale puisque c’est par la liturgie que nous affirmons pleinement que « la résurrection de Jésus est au centre de notre foi chrétienne »[93]. C’est justement par son Mystère pascal que « Jésus Christ réalise sa fonction sacerdotale en glorifiant Dieu et en sanctifiant les hommes »[94]. C’est par sa mort et sa résurrection que le Christ préside à jamais à la liturgie nouvelle dans laquelle ciel et terre se réconcilient. La liturgie chrétienne prend sa source et son sens dans cette liturgie christique. C’est bien de cette manière que la liturgie que nous célébrons actualise le Mystère pascal du Christ et nous tend vers sa réalité ou sa dimension eschatologique. Car tout en vivant les arrhes de la Pâque du Christ dans nos vies, la liturgie ne cesse de tourner notre regard vers l’avenir, elle ne cesse de nous faire dire : « Maranatha – viens, Seigneur Jésus ! »
C’est parce qu’ordonnée et orchestrée par le Mystère pascal du Christ que la liturgie chrétienne est totalement pascale. Puisque « Pâques est d’abord un mémorial »[95], la liturgie chrétienne ne cesse de faire mémoire, d’actualiser les gestes du Christ dans les célébration sacramentelle, en particulier l’Eucharistie. L’ensemble des rites de liturgie chrétienne se cristallise sur le Mystère pascal. La liturgie chrétienne assure aux hommes la participation au Mystère de la mort et de la résurrection du Christ. Par elle, le Christ se rend présent dans différentes formes : « dans le sacrifice de la messe… dans les sacrements… dans sa parole… lorsque l’Église prie et chante les psaumes »[96].
5.1.1.3. L’assemblée liturgique : l’Église
Il faut le reconnaître : « La convocation du Peuple de Dieu, le dialogue de l’Épouse et de l’Époux, l’enfantement et l’éducation de la race des fils de Dieu parmi les hommes, l’édification mystérieuse du Temple définitif qui est le Corps du Christ, bref, tous les aspects sous lesquels s’est peu à peu découvert à nous le mystère de l’Église, sont mis en acte dans la liturgie »[97]. Le rassemblement liturgique au non de Jésus manifeste la présence de l’Église. Ce rassemblement, hérité de la pratique de l’Église ancienne, est constitué de trois piliers : le service et la prière, l’enseignement et le partage. Les premiers chrétiens comprenaient bien l’importance de se faire « corps », de se faire « ecclesia » en se rassemblant dans la fidélité au Ressuscité, à leur Seigneur. Le premier acteur de toute célébration liturgique est l’assemblée elle-même car la liturgie est le service « d’un peuple », le peuple de Dieu. Il faut tenir compte de chaque situation, de chaque événement qui provoque ou suscite le rassemblement liturgique : un mariage, un congrès, une fête d’anniversaire, une ordination, des funérailles etc. Dans l’assemblée liturgique, quelle qu’elle soit, toute tendance à discriminer les autres est à proscrire : « En effet, vous tous que le baptême a uni au Christ, vous avez revêtu le Christ ; il n’y a plus ni juif ni grec, il n’y a plus ni esclave ni homme libre, il n’y a plus l’homme et la femme, car tous, vous ne faites plus qu’un dans le Christ Jésus » (Ga 3, 27-28) – « Dans la liturgie, en dehors de la distinction qui découle de la fonction liturgique de l’ordre sacré, et en dehors des honneurs dus aux autorités civiles conformément aux lois liturgiques, on ne fera aucunement acception des personnes privées ou du rang social, soit dans les cérémonies soit dans les pompes extérieures »[98]. Mais l’assemblée s’intéresse d’une manière spéciale à ceux qui connaissent une certaine vulnérabilité dans leur vie chrétienne et qui cherchent à reprendre un chemin de conversion, un chemin de communion avec l’Église.
1. Il faut toujours honorer la sacramentalité de l’assemblée et laisser transparaître la priorité du Dieu qui convoque et qui envoie. Le rite d’ouverture de la Messe nous montre cette évidence. Il y a un « Autre » qui se donne à rencontrer, un « Autre » qui convoque à l’Alliance. Ainsi, l’assemblée n’est pas « un groupe auto-convoqué », elle ne se compose pas par affinité : elle est voulue par Dieu. Ceux qui la président (les évêques et les prêtres) sont les ministres de l’appel de Dieu et le signe de cette priorité d’un Dieu qui nous devance et qui nous attend[99].
2. L’assemblée liturgique est rassemblement autour du Christ ressuscité[100]. Tous se reconnaissent membres du Corps du Christ où ils se meuvent par l’Esprit Saint (cf. 1 Co 12, 13). C’est donc la présence du Christ qui fait l’assemblée, construit nos communautés chrétiennes, édifie l’Église : « Dans les communautés, si petites et pauvres qu’elles puissent être souvent dispersées, le Christ est présent par la vertu duquel se constitue l’Église une, sainte, catholique et apostolique. Car la participation au corps et au sang du Christ n’a pas d’autre effet que de nous transformer en ce que nous recevons » (LG 26). C’est bien le Christ qui a promis d’être auprès de ceux qui se sont greffés à Lui par le mystère pascal jusqu’à la fin des temps. Par conséquent, leur rassemblement se fait autour du Christ ressuscité pour trois raisons[101] :
— sans la résurrection du Christ il n’y aurait pas d’Église ; l’Église ne vit que pour publier le mystère ;
— en tout rassemblement né de la foi, le Christ est présent d’une manière particulière ;
— enfin, dans le rassemblement, nous essayons de dire ce vers quoi nous allons : le Christ tout en tous ; les cieux nouveaux et la terre nouvelle[102].
3. La vie de l’Église ne se réduit pas seulement à son culte et à ses sacrements. Autrement dit, la vie chrétienne ne se cantonne pas uniquement dans le rassemblement liturgique. L’Église vit en chaque baptisé fidèle à son engagement baptismal dans la société. Elle vit dans toutes les activités pastorales, sociales, éducatives, caritatives mûes par l’Amour de Dieu qui rassemble et qui envoie : « Allez en paix, glorifiez le Seigneur par toute votre vie ». Mais l’Église trouve dans son rassemblement liturgique des forces pour accomplir sa mission sacerdotale. Les temps liturgiques célébrés façonnent la vie de foi des croyants.
En résumé, l’Église « fait la liturgie » et la liturgie « fait l’Église ».
a. L’Église « fait la liturgie » puisqu’elle est sa « maîtresse » et a « pouvoir » sur elle. La liturgie est le lieu où s’actualise la fonction sacerdotale du Christ. En dehors de l’Église, la liturgie serait un acte purement ésotérique. Par l’acte liturgique, c’est la foi de l’Église qui est professée. C’est le lieu de la lex orandi et la lex credendi de l’Église. L’Église, nous dit Placide Pernot, se conçoit comme une communauté voulue par Dieu pour mener toute la communauté humaine à la communauté totale en Dieu[103]. La mission sacerdotale de l’Église comme communauté voulue par Dieu se réalise en tout premier lieu par la liturgie et les sacrements même s’ils n’épuisent pas toute l’activité de l’Église conduisant la communauté humaine à la communauté totale en Dieu. La liturgie est souverainement organisée par l’Église. L’Église exprime sa foi dans la liturgie. La liturgie est donc un « lieu » pour la foi. La liturgie de l’Église engage toujours un « Credo » de la communauté chrétienne. C’est un lieu pour vivre la foi sur son axe fondamental : le « Mystère pascal » du Christ.
b. La liturgie « fait l’Église » car elle est, avons-nous déjà dit, le sommet et la source de l’action de l’Église, c’est-à-dire en référence à l’Eucharistie[104], le sacrement primordial du Mystère pascal du Christ. Chacun des membres du Corps mystique du Christ « retrouve dans la liturgie sa propre vitalité spirituelle », et sans elle, « l’Église ne serait plus "vitale" »[105]. Il y a non seulement l’aspect sacramentaire (les sacrements célébrés constituent et édifient l’Église), il y a aussi l’aspect laudatif, c’est par la liturgie que l’Épouse loue, adore son Époux dans une attitude spirituelle. La liturgie est un acte d’émerveillement de l’Église devant la grandeur et la bonté infinie de Dieu. C’est pourquoi la liturgie mobilise la participation active des fidèles et « qu’il ne peut pas y avoir de place pour une créativité mal comprise »[106].
En bref, tout cela nous amène à une considération due à Romano Guardini : il s’agit de la personne liturgique. C’est bien tout l’enjeu des propos que nous venons de déduire. « La personne liturgique, dit-il, est tout autre chose ; c’est l’union de la communauté croyante, comme telle, c’est quelque chose qui dépasse et déborde la simple addition numérique des individus – d’un mot, c’est l’Église. La liturgie est le culte public et officiel de l’Église ; elle est exercée et réglée par des ministres choisis par elle dans ce but, […]. Dans la liturgie, les hommages rendus à Dieu le sont par l’unité collective spirituelle, comme telle »[107].
5.1.1.4. La célébration liturgique
Célébrer[108] les sacrements ou prier ensemble, ce n’est pas donner un « show ». Pourtant, toute célébration liturgique ou toute prière de l’Église est en quelque sorte une mise en scène de la foi. Car la liturgie suppose l’accomplissement d’un certain de rites, de paroles, de gestes et de symboles. C’est une mise en scène de la foi certes, mais ce n’est pas pour autant un « spectacle ». Ceux qui y prennent part véritablement ne sont pas des spectateurs, mais des participants. Cette mise en scène de la foi demande de la pudeur de la part de tous. Elle réclame une certaine retenue, un certain art de célébrer. C’est déjà bien indiqué dans les lignes de la réforme conciliaire sur la liturgie : « Les rites manifesteront une noble simplicité, seront d’une brièveté remarquable et éviteront les répétitions inutiles ; ils seront adaptés à la capacité de compréhension des fidèles et, e, général, il n’y aura pas besoin de nombreuses explications pour les comprendre »[109]. Il faut donner la chance au mystère de se déployer et de parler de par lui-même. Célébrer est la manifestation de l’Église en prière. C’est l’affaire d’une communauté, c’est entrer dans une histoire : un hier, un aujourd’hui, un avenir. Célébrer est un sacrement puisqu’il s’agit d’un agir « "au nom de Jésus Christ" qui devient un "par Lui, avec Lui et en Lui" »[110]. La célébration liturgique ou sacramentelle n’est une simple formalité rituelle, elle construit le Corps du Christ qui est l’Église. Elle requiert un ars celebrandi qui lui est propre.
5.1.2. Les normes de la liturgie
Il n’y a pas de liturgie sans normes. Cela fait partie de ce qu’on appelle le droit liturgique[111]. Les normes liturgiques sont au service de la croissance spirituelle des fidèles. Elles permettent d’entrer dans l’intelligence de la liturgie, dans l’intelligence du mystère à célébrer. Puisque la liturgie est la prière de l’Église, par ses normes, elle donne à celle-ci d’exercer avec autorité[112] le ministère sacerdotal de son Seigneur.
Il faut tout de suite rappeler que ces normes liturgiques ne concernent pas d’abord le code de rubriques. Les normes liturgiques peuvent se résumer ainsi : « En outre, la prière de liturgique étant par excellence l’expression de la foi de l’Église et le lieu où le fidèle s’en nourrit, il importe qu’elle soit tout entière et jusque dans son détail garantie par le magistère »[113]. L’autorité de la liturgie dont il s’agit ici a des degrés ; il faut tenir compte des différences liturgiques : chaque célébration liturgique fait appel à ses propres lois liturgiques : c’est la loi de la régulation liturgique : « une prière d’intercession est davantage soumise aux circonstances historiques que la formulation d’une épiclèse »[114] etc. Les normes liturgiques sont donc de toute importance pour la vie même de la liturgie dans notre société hypermoderne ou l’autorité est très soupçonnée ou même malmenée.
Comme le souligne le Frère Patrick Prétot, « il faut donc renforcer les règles pour éviter les chocs liés à des rencontres où l’altérité prend un visage paradoxal : elle est en effet permanente et en même temps peu identifiable, tellement la cacophonie des différences les rend parfois insignifiantes »[115]. Ainsi poursuit-il, « dans un temps marqué par un rétrécissement vertigineux de l’espace et du temps, les normes ne sont plus seulement une formalisation de ce qui doit être fait, mais en même temps, un essai de régulation destiné à assurer des processus identificatoires instables qui génèrent parfois de véritables affrontements »[116]. Sans même aborder la question dans sa profondeur, il est possible d’affirmer que « la liturgie est une pratique réglée de la foi : et c’est pourquoi elle fait partie des lieux majeurs où s’exerce l’autorité dans l’Église et l’autorité de l’Église »[117].
5.1.2.1. L’autorité de la liturgie
La première norme de la liturgie est la liturgie elle-même. La lex orandi n’est pas une réalité extérieure à la liturgie[118]. L’autorité de la liturgie s’exerce dans l’art de célébrer. C’est ce qui constitue ce qu’on peut appeler « les normes intérieures » de la liturgie. À regarder de près le déroulement de la liturgie dans certaines paroisses, nous admettons qu’il y a une diversité de situations pastorales qui concernent les normes et expriment la complexité de l’autorité en liturgie. La référence aux normes liturgiques est parfois très subjective. Qu’est-ce qui est faisable en ce sens ? Donner plus de place aux dispositions intérieures pour se situer par rapport aux normes. Prioriser la vie spirituelle des fidèles afin d’éviter les dérives ou les abus liturgiques. Favoriser, susciter l’action de l’Esprit Saint en chacun et en tous. Savoir que c’est l’Esprit Saint qui est à l’œuvre dans l’action liturgique. Voilà ce qui donne sens à l’autorité en liturgie pour ne tomber dans l’excès d’un pouvoir mal géré, mal compris. Tout doit converger vers le Christ, le seul et vrai Maître.
5.1.2.2. Des niveaux d’autorité
1. L’Écriture régule la liturgie. La liturgie célèbre ce que l’Écriture raconte. La Bible, pour reprendre Louis-Marie Chauvet, est dans l’assemblée liturgique comme un poisson dans l’eau[119]. En ce sens, on peut dire que la liturgie, elle aussi « est née de la Bible »[120]. Cela ne signifie pas que tout ce que fait ou célèbre la liturgie vient du Nouveau Testament ou tout en elle provient de la Bible. Comme le précise Louis-Marie Chauvet, c’est au sens « formel » de son principe et non pas au sens « matériel » (contenu). Il existe une sorte de « biblicité » fondamentale de la liturgie. La liturgie « coule de la Bible » comme on dit de l’eau qu’elle « coule de source »[121]. Beaucoup de textes liturgiques viennent de la Bible. Outre les lectures bibliques et les psaumes, les salutations liturgiques, les citations bibliques etc. sont des reprises explicites de la Bible[122].
2. La Tradition, elle aussi, régule la liturgie. La liturgie n’est pas fabriquée ou taillée de toutes pièces. Elle est le fruit de la tradition longue de l’Église. La Constitution sur la sainte Liturgie, Sacrosanctum concilium (SC) précise : « Afin que soit maintenue la saine tradition, et que pourtant la voie soit ouverte à un progrès légitime, pour chacune des parties de la liturgie qui sont à réviser, il faudra toujours commencer par une soigneuse étude théologique, historique et pastorale. En outre, on prendra en considération aussi les lois générales de la structure et de l’esprit de la liturgie que l’expérience qui découle de la récente restauration liturgique et des indults accordés en divers endroits. Enfin, on ne fera des innovations que si l’utilité de l’Église les exige vraiment et certainement, et après s’être bien assuré que les formes nouvelles sortent des formes déjà existantes par un développement en quelque sorte organique »[123].
La liturgie comme le souligne Joseph Ratzinger, « n’est pas l’invention du célébrant ou d’un groupe de spécialistes ; la liturgie (le "rite") a grandi selon un processus organique au cours des siècles, elle porte en elle le fruit de l’expérience de foi de toutes les générations précédentes »[124].
3. L’autorité de l’Église a la responsabilité de régler l’organisation de la liturgie : « il appartient au Siège apostolique et, selon les règles du droit, à l’évêque »[125]. Ce droit appartient aussi aux Conférences épiscopales. Puisque la liturgie est une œuvre « ergon » accomplie par le peuple de Dieu (leitos), donc un « culte public intégral », elle doit être encadrée par des normes juridiques. Il y a aussi la dimension sociale de la liturgie à prendre en compte. C’est la légitimité d’un droit liturgique. Cela ne veut pas dire toutes les pratiques de la liturgie sont prescrites par le Code de droit canonique. En matière liturgique, il n’est pas de code organisé spécifique[126]. Même si le droit liturgique est très largement extra-codicel, le Code de droit canonique légifère en matière liturgique[127]. Nous reprenons ici la présentation qu’a faite Albert Jacquemin dans son article cité ci-dessus :
En effet, le Livre IV du code de 1983 (c. 834-1253), consacré à la fonction de sanctification de l’Église, aborde la question liturgique : avant de déterminer qui exerce cette fonction de sanctification, ainsi que la manière de l’exercer (c. 835-837), l’introduction du Livre IV, au c. 834[128], donne une définition de la liturgie. Est précisée ensuite quelle autorité est compétente en matière liturgique (c.838). Puis une attention spéciale est réservée à chacun des sept sacrements : en sont indiqués les ministres, les sujets, les conditions de validité ainsi que les lieux et les temps de leur administration (c. 840-1165).
La deuxième partie du Livre IV est consacrée aux autres actes du culte : sacramentaux (c. 1166-1172), liturgie des Heures (c. 1173-1175), funérailles ecclésiastiques (c. 1186-1190), vœu et serment (c. 1191-1204). Puis, la troisième partie expose les lieux et les temps sacrés (c. 1205-1253)[129].
Le droit liturgique, protégeant la lex orandi et la lex credendi de l’Église, « a pour fonction fondamentale d’apporter aux fidèles l’assurance qu’ils sont véritablement introduits au mystère du Christ, dans la foi de l’Église et non pas livrés aux opinions arbitraires d’un pasteur ou d’un groupe particulier »[130]. La Constitution sur la liturgie a déjà prévu cela : « C’est pourquoi absolument personne d’autre, même prêtre, ne peut, de son propre chef, ajouter, enlever ou changer quoi que ce soit dans la liturgie »[131]. Joseph Ratzinger nous aide à mieux théologiser ces aspects du droit liturgique avec ces propos : « La liturgie est une liturgie cosmique – c’est ce que nous dit saint Paul dans son épitre aux Philippiens. Elle ne doit pas se laisser détourner de cette grandeur, même par l’attrait des petits groupes et des autofabrications »[132].
Quand on parle de l’autorité ecclésiale en matière liturgique, on voit :
a. le Pape qui intervient parfois dans la législation liturgique par des actes personnels : Constituions, Encycliques, Motu proprio, etc. ;
b. la Congrégation ou le Dicastère pour la Doctrine de la foi (CDF) qui a pour mission de traiter à la fois les questions doctrinales et disciplinaires de l’Église ;
c. la Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des sacrements (CCDDS) qui s’occupe de tout ce qui est « de réglementation et de promotion de la liturgie sacrée, et tout d’abord des sacrements ; favorise et veille sur la discipline des sacrements, spécialement quand à la validité et à la licéité de leur célébration ; exerce une vigilance attentive sur l’observance des normes ou dispositions liturgiques et l’empêchement des abus en ce domaine »[133].
d. les Conférences épiscopales qui ont elles aussi les pouvoirs liturgiques[134] via leur service de Pastorale liturgique et sacramentelle ;
e. l’évêque diocésain qui a le pouvoir de gouverner la liturgie dans son diocèse etc.
En bref, nous pouvons distinguer trois degrés d’autorité de la liturgie[135] :
· le niveau biblique, le plus fondamental, qui est le premier principe régulateur de toute liturgie ;
· le niveau ecclésial, ensuite, confié à la vigilance des autorités ecclésiales, qui l’exercent le plus souvent grâce au travail des théologiens et des liturgistes ;
· le niveau liturgique, enfin, celui des réalisations concrètes, relevant des liturgistes, voir des cérémoniaires.
5.2. Vers une spiritualité des livres liturgiques (en particulier le Missel)
On doit utiliser les livres liturgiques avec un profond respect. On peut même parler d’une spiritualité des livres liturgiques, en particulier le Missel. Dans ces livres ou missels, consignent la prière de l’Église. Ils nous insèrent dans la Tradition liturgique de l’Église laquelle nous ne pouvons pas changer. Respecter le Missel, c’est respecter la Tradition liturgique de l’Église et reconnaître qu’on ne crée pas sa liturgie, mais on la reçoit de l’Église. Pour valoriser les livres liturgiques, il faut savoir surmonter la routine. On a toujours le même Missel, les mêmes prières et les mêmes formulaires. Et pourtant, à chaque célébration, ils nous parlent différemment. Dans un tel cas, le prêtre est appelé à pratiquer l’art de célébrer. Le missel nécessite de l’art de célébrer. Il nécessite une grande ouverture d’esprit et du cœur. Le Missel donne une manière de prier qu’il faut apprécier sans toutefois figer dans le rubricisme. Car « la manière de prier exprime la manière de croire »[136]. Le respect du Missel ne veut pas dire que la liturgie s’épuise en sa performance matérielle. Non ! Au contraire, il protège la liturgie contre les obsessions et les abus qui peuvent venir de partout. Il évite de procéder à une interprétation arbitraire et fausse de l’adaptation de la liturgie que prône le Concile Vatican II (voir SC 37- 40). On participe parfois à des liturgies de mauvais goût, prises en otage par certains prêtres qui veulent tout inventer, tout intégrer dans la célébration. Même dans le développement de l’anaphore eucharistique ils cherchent à rajouter des choses qui cassent le rythme et la cohérence de la célébration. Ils oublient que « adapter la liturgie ne signifie pas la modifier en remplaçant ses textes par d’autres, mais faire en sorte que telle assemblée, toujours particulière, puisse y entrer pour en être nourrie, et en vivre »[137].
Les livres liturgiques, en particulier le Missel, nous permettent de célébrer Jésus Christ aujourd’hui. Ils sont au service de la célébration de son « Hodie » dans notre vie. Les livres liturgiques, en les respectant et en les utilisant avec l’ars celebrandi, favorisent le sens sacré des célébrations liturgiques. Ils nous aident à faire ce que l’Église nous demande de faire en cherchant à comprendre pourquoi elle nous le demande. Les livres liturgiques nous aident à entrer dans l’intelligence de la liturgie. Ils doivent être dignes et beaux. Cela dit, le prêtre évite de célébrer la messe avec les « Prions en Église, Hosanna et Sous Lavi ». Ce sont des livres à l’usage des fidèles, mais non des livres liturgiques pour la célébration. Ils peuvent être utiles aux comités liturgiques, mais pas le service liturgique. Les livres liturgiques destinés à la célébration doivent être honorés et conservés avec respect. Par exemple, le Missel, le Lectionnaire, l’Évangéliaire ne doivent pas être déposés n’importe où, mais dans un lieu approprié. La manière de traiter les livres liturgiques exprime la manière de croire ; il est donc important que le prêtre se donne vraiment à la liturgie, en fasse l’expérience vivante et intime, développe une spiritualité des livres liturgiques, se les procure et les traite avec respect et dignité. Les livres liturgiques ne sont pas des livres improvisés. Ils sont le fruit des progrès que la science liturgique a effectués depuis plusieurs siècles. Ils sont le fruit de la longue expérience liturgique de l’Église. Dans les livres liturgiques, en particulier dans le Missel, « La "règle de la prière " (lex orandi) de l’Église correspond à sa constante "règle de la foi" (lex credendi) »[138].
5.3. Célébrer l’aujourd’hui de Dieu : les différentes parties de la messe[139]
Au cours de l’audience du 20 décembre 2017, le pape François déclarait que « pour vivre pleinement la célébration, il est nécessaire de connaître la signification de tous ses signes… ». Dans la célébration liturgique, toute la personne est engagée et les gestes qu’elle pose revêtent autant d’importance que les mots, les chants, les silences. C’est un ensemble d’éléments variés qui fait accéder au mystère et entrer en relation avec Dieu.
Découvrons ensemble, les différentes parties de la messe.
La messe comporte, en effet, différentes parties : les rites initiaux, la liturgie de la Parole, la liturgie de l’eucharistie, les rites de communion et les rites de conclusion.
5.3.1. Les rites initiaux
Les rites qui précèdent la liturgie de la Parole, c´est-à-dire le chant d´entrée (introït), la salutation, l’acte pénitentiel, le Kyrie, le Gloria et la prière d´ouverture (collecte), ont le caractère d´une ouverture, d´une introduction et d´une préparation. Leur but est que les fidèles qui se réunissent réalisent une communion et se disposent à bien entendre la parole de Dieu et à célébrer dignement l´Eucharistie. Dans certaines célébrations qui sont jointes à la messe, selon la norme des livres liturgiques, on omet les rites d’ouverture ou on les accomplit d’une manière particulière »[140].
Nous arrivons à l’église et nous apprêtons à célébrer le plus grand mystère de notre foi. Durant ces rites initiaux, les fidèles se tiendront debout.
5.3.1.1. Le chant et la procession d’entrée
Le chant d’entrée a été introduit dans la liturgie romaine au Ve siècle. La procession symbolise le chemin que parcourt l’Église pèlerine jusqu’à la Jérusalem céleste. Lorsque le prêtre arrive à l’autel, il le vénère. Ce geste de vénération, parfois accompagné d’encensement, signifie que tout est référé au Christ, lui l’autel, le prêtre et la victime. Par ce baiser, le prêtre exprime son adhésion au mystère de Dieu. Le fait que le prêtre, et non le diacre, mette habituellement les mains sur l’autel en l’embrassant manifeste son pouvoir d’agir sacramentellement sur lui par son sacerdoce, dans l’offrande du sacrifice.
Lorsque le peuple est rassemblé, tandis que le prêtre entre avec le diacre et les ministres, on commence le chant d´entrée (introït). Le but de ce chant est d´ouvrir la célébration, de favoriser l´union des fidèles rassemblés, d´introduire leur esprit dans le mystère du temps liturgique ou de la fête, et d´accompagner la procession du prêtre et des ministres. Il est exécuté alternativement par la chorale et le peuple ou, de la même manière, par le chantre et le peuple, ou bien entièrement par le peuple ou par la chorale seule. On peut utiliser ou bien l´antienne avec son psaume qui se trouvent soit dans le Graduale romanum soit dans le Graduale simplex; ou bien un autre chant accordé à l´action sacrée, au caractère du jour ou du temps, et dont le texte soit approuvé par la Conférence des évêques.
S’il n’y a pas de chant pour l´entrée, on fait réciter l´antienne que propose le Missel, soit par les fidèles, soit par certains d´entre eux, soit par un lecteur ou, autrement, par le prêtre lui-même, qui peut aussi l’adapter sous forme de monition d’ouverture[141].
5.3.1.2. L’accueil du prêtre présidant
Le prêtre prend la parole et salue l’assemblée : « Au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit ». Le signe de croix, pratique chrétienne primitive, exprime notre première profession de foi dans le mystère de Dieu : la souffrance et la mort, mais en les transfigurant par le mystère pascal.
L’assemblée adhère en répondant « Amen », puis le prêtre l’accueille en lui souhaitant la présence du Ressuscité. : « Le Seigneur soit avec vous ». La nouvelle traduction souligne cela en utilisant le mot « Christ » : « La grâce de Jésus, le Christ, notre Seigneur, l’amour de Dieu le Père, et la communion de l’Esprit Saint soient toujours avec vous ».
C’est la bénédiction par excellence, l’expression « condensée » de l’Alliance de Dieu avec son peuple. Pensons à la Parole de l’ange à Marie : « Le Seigneur est avec toi ». C’est aussi la promesse du Christ à ses apôtres : « Je suis avec vous jusqu’à la fin des temps ». À ce moment-là, le prêtre parle au nom du Christ, il ne dit pas : « avec nous », mais « avec vous ». Les premières phrases prononcées par le prêtre situent la messe à son vrai niveau : elle est le rendez-vous de Dieu. Le peuple de Dieu est là au nom des trois personnes de la Trinité. L’Église est « le peuple qui tire son unité de l’unité du Père et du Fils et du Saint-Esprit » (saint Cyprien de Carthage).
L’assemblée répond : « Et avec votre esprit ». C’est la manière ordinaire, dans la Bible, de répondre à une salutation. Dans la liturgie chrétienne, elle prend un sens nouveau, s’adressant à celui qui préside l’assemblée en vertu de l’Esprit qu’il a reçu par l’imposition des mains, lors de l’ordination.
Lorsqu´ils sont arrivés au « sanctuaire », le prêtre, le diacre et les ministres saluent l´autel par une inclination profonde. Pour exprimer leur vénération, le prêtre et le diacre baisent ensuite l’autel; et le prêtre, si cela est opportun, encense la croix et l’autel. .Lorsque le chant d´entrée est fini, le prêtre, debout à son siège, fait le signe de la croix avec toute l´assemblée. Ensuite, en saluant la communauté rassemblée, il lui signifie la présence du Seigneur. Cette salutation et la réponse du peuple manifestent le mystère de l´Église rassemblée. Après la salutation au peuple, le prêtre, ou le diacre, ou un ministre laïc, peut, par quelques mots très brefs, introduire les fidèles à la messe du jour[142].
5.3.1.3. L’acte pénitentiel
Ensuite, le prêtre invite à l’acte pénitentiel qui, après un bref instant de silence, est réalisé par toute la communauté en utilisant une formule de confession générale ; le prêtre la conclut par une absolution, qui n’a pas toutefois l’efficacité du sacrement de pénitence.
Le dimanche, au Temps pascal surtout, en lieu et place de l’acte pénitentiel, on peut faire la bénédiction de l’eau et l’aspersion en mémoire du baptême[143].
Les fidèles se reconnaissent devant Dieu pécheurs et faibles. Il s’agit d’un acte d’humilité. Et ils lui demandent pardon pour toutes leurs fautes – il ne remplace pas la confession en cas de péché mortel.
Cet acte comporte quatre parties :
1. Invitation aux fidèles à faire un bref examen de conscience et à se reconnaître pécheurs dans un moment de silence. Cet instant de silence est important et constitue la partie essentielle de cet acte.
2. Demande de pardon, qui s’exprime avec la prière du « Je confesse à Dieu », et avec le geste de se frapper la poitrine en disant : « Oui, j’ai vraiment péché ». Dans le rite ancien, on se frappait trois fois la poitrine, maintenant, une fois suffit.
3. Absolution, qui n’a toutefois pas l’efficacité d’un sacrement, mais exprime un désir du pardon de Dieu. Le prêtre implore : « Que Dieu tout-puissant nous fasse miséricorde, qu’Il nous pardonne tous nous péchés et nous conduise à la vie éternelle ». L’assemblée répond : « Amen ».
4. Chant du Kyrie. Suit une prière de supplication : le Kyrie. Petite litanie entre le célébrant et l’assemblée, conservée depuis les premiers temps de l’Église, le Kyrie nous rappelle que notre liturgie est le fruit de toute une tradition transmise de siècle en siècle. Le terme grec, « Kyrie », est le témoin privilégié de la langue dans laquelle a été rédigé le Nouveau Testament, et prouve la continuité et la catholicité de l’Église à travers les générations.
Le Kyrie est avant tout une acclamation au Christ Seigneur, dont la divinité est glorifiée dès le début de la messe. Le Moyen-Âge y a vu une acclamation en l’honneur des trois Personnes divines.
Après l’acte pénitentiel, on commence toujours le Kyrie eleison, à moins que cette invocation n´ait déjà trouvé place dans l’acte pénitentiel lui-même. Puisque c´est un chant par lequel les fidèles acclament le Seigneur et implorent sa miséricorde, il est habituellement exécuté par tous, le peuple, la chorale ou un chantre y tenant leur partie. Chaque acclamation est ordinairement dite deux fois, mais cela n´exclut pas, en raison du génie des différentes langues, des exigences de l´art musical, ou en raison des circonstances, qu´on puisse la répéter davantage. Quand le Kyrie est chanté comme faisant partie de l’acte pénitentiel, on fait précéder d’un « trope » chaque acclamation[144].
Le rite pénitentiel démarre désormais avec la mention « Frères et sœurs », le langage inclusif. Une mention que l’on retrouvait déjà dans le missel latin. « Nous avons péché » remplace « nous sommes pécheurs », l’accent est donc mis sur l’acte plus que sur la personne. Dieu déteste le péché, mais pas l’homme. On ne peut enfermer le pécheur dans son état. Par le baptême, les fidèles du Christ sont avant tout des pécheurs pardonnés. La Vierge Marie gagne le vocable de bienheureuse.
Nous retrouvons ce langage inclusif « frères et sœurs » aussi à la première invitation à la prière sur les offrandes ainsi qu’au mémento des défunts des prières eucharistiques II et III. Le canon romain fait de même aux mémentos des vivants et des défunts (bien avant la nouvelle traduction) : « Souviens-toi, Seigneur, de tes serviteurs et de tes servantes » (en latin famulorum famularumque) : « Frères et sœurs, préparons-nous à célébrer le mystère de l’Eucharistie, en reconnaissant que nous avons péché ».
La deuxième modification significative apparaît dans l’application de la catégorie théologique de « mystère/musterion » à l’Eucharistie. En liturgie, un mystère est une réalité surnaturelle dans laquelle on entre de manière mystique. C’est le clair-obscur de la foi. C’est aussi le clair-obscur du dessein de salut de Dieu : le mystère du salut. Dans la nouvelle traduction, le mot latin mystrium a été également traduit par « mystère », parfois par « sacrement ». Le recours à la catégorie de mystère permet d’inscrire l’événement liturgique dans la tradition et de relier la communauté rassemblée aujourd’hui aux premières communautés chrétiennes qui célébraient les sacra mysteria, les « mystères sacrés » ou les « saints mystères », aujourd’hui dénommés « mystère de l’Eucharistie ».
Je confesse à Dieu tout-puissant, Je reconnais devant vous, frères et sœurs, que j’ai péché en pensée, en parole, par action et par omission. Oui, j’ai vraiment péché. C’est pourquoi je supplie la bienheureuse Vierge Marie, les anges et tous les saints, et vous aussi, frères et sœurs, de prier pour moi le Seigneur notre Dieu.
Toutefois, le dimanche, et surtout au Temps pascal, au lieu de l’acte pénitentiel habituel, on peut faire l’aspersion d’eau bénite en mémoire du baptême.
5.3.1.4. Le Gloria
Chanté debout, Le Gloria est une hymne très ancienne et vénérable, par laquelle l’Église, rassemblée dans l’Esprit Saint, glorifie Dieu le Père ainsi que l’Agneau qu’elle supplie. On ne peut jamais remplacer le texte de cette hymne par un autre. Nous louons Dieu et reconnaissons combien nous avons besoin de Lui. L’hymne du Gloria reprend le chant des anges dans la nuit de Bethléem, est une prière antique des Églises orientales, passée au Moyen-Âge dans la liturgie romaine. Elle est chantée dans la liturgie romaine à partir du VIe siècle d’abord en la nuit de Noël, puis les dimanches et aux fêtes des martyrs.
Le Gloria est une hymne très ancienne et vénérable par laquelle l´Église, rassemblée dans l´Esprit Saint, glorifie Dieu le Père ainsi que l´Agneau qu’elle supplie. On ne peut jamais remplacer le texte de cette hymne par un autre. Le Gloria est entonné par le prêtre ou, si cela est opportun, par un chantre ou par la chorale ; il est chanté soit par tous ensemble, soit par le peuple alternant avec la chorale, soit par la chorale elle-même. Si on ne le chante pas, il doit être récité par tous, ensemble ou par deux chœurs qui alternent. On chante ou on dit le Gloria le dimanche en dehors de l´Avent et du Carême, aux solennités et aux fêtes, ou encore dans des célébrations particulières plus solennelles[145].
5.3.1.5. La prière d’ouverture
Également appelée « collecte », elle est prononcée exclusivement par le prêtre. C’est une prière qui exprime le caractère de la célébration. C’est la prière que le prêtre, au nom de tous, adresse à Dieu le Père. Cette prière regroupe ou recueille les intentions de toute l’assemblée. Tous prient en silence quelques instants, en même temps que le prêtre. Puis, le prêtre, les mains étendues, dit la prière d’ouverture ou collecte. Habituellement, celle-ci se termine ainsi :
Par Jésus Christ, ton Fils, notre Seigneur,
qui vit et règne avec toi dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
Si la prière s’adresse au Père, mais avec mention du Fils à la fin, on dit :
Lui qui vit et règne avec toi dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
Si elle s’adresse au Fils :
Toi qui vis et règnes avec le Père dans l’unité du Saint-Esprit,
Dieu, pour les siècles des siècles.
L’assemblée répond : Amen. La longue formule de doxologie, par quoi elle se termine, est une confession de la divinité du Christ et de son intercession sacerdotale auprès du Père, dans l’Esprit.
5.3.2. La liturgie de la Parole
La partie principale de la liturgie de la Parole est constituée par les lectures tirées de la sainte Écriture, avec les chants qui s´y intercalent. En outre, l´homélie, la profession de foi et la prière universelle la développent et la concluent. Car dans les lectures, que l´homélie explique, Dieu adresse la parole à son peuple, il découvre le mystère de la rédemption et du salut et il offre une nourriture spirituelle; et le Christ lui-même est là, présent par sa parole, au milieu des fidèles. Cette parole divine, le peuple la fait sienne par le silence et les chants, et il y adhère par la profession de foi; nourri par elle, il supplie avec la prière universelle pour les besoins de toute l´Église et pour le salut du monde entier[146].
Au cours de la messe, après le temps du rassemblement et de l’accueil, c’est le temps de la Parole. Au travers de la lecture de textes de la Bible, Dieu nous « parle » et nous lui répondons (j’entends la voix d’un lecteur, mais j’écoute Dieu présent qui me parle). On dit souvent à la messe que nous sommes invités au « repas du Seigneur ». Mais que serait un repas s’il n’y avait le plaisir de se parler, de s’écouter, de se connaître ? Jésus a dit : « L’homme ne se nourrit pas seulement de pain, mais de toute parole qui vient de la bouche de Dieu » (cf. Mt 4, 4 ; Lc 4, 4).
Dans les lectures, tirées de la Sainte Écriture – qui constituent aussi une nourriture spirituelle – Dieu parle à son peuple, lui révèle le mystère de la Rédemption et du Salut. Les lectures de la messe varient tout au long de l’année en fonction des temps liturgiques (Avent, Noël, Carême, Pâques, temps ordinaire) et se divisent en trois cycles, un par an : A, B, C ; aussi, tout fidèle qui va à la messe quotidiennement, au bout de trois ans aura écouté la Bible presque complète. En cet instant, Dieu nous parle et veut que ce message quotidien, nous le conservions dans notre cœur, le méditions et le mettions en pratique pendant la journée.
Comment se lisent les lectures ? Le lecteur va à l’ambon tandis que les fidèles s’assoient. On ne dit pas « Première lecture » ou « Deuxième lecture », mais on les lit directement. Elles s’achèvent avec la phrase : « Parole du Seigneur ». On ne dit pas : « C’est parole de Dieu », car cette expression n’est pas une précision, mais une confession de foi. Nous recevons la Parole de Dieu dans l’Écriture, Ancien et Nouveau Testament. Le Nouveau éclaire l’Ancien ; l’Ancien donne des racines au Nouveau. Les Juifs aussi, au temps de Jésus, se réunissaient à la synagogue le jour du Shabbat, pour méditer la Parole de Dieu (cf Lc 4, 16), une Parole « vivante, efficace et plus acérée qu’aucun glaive à deux tranchants » (He 4, 12).
La liturgie de la Parole doit se célébrer de manière à favoriser la méditation, c’est-à-dire en évitant toute forme de précipitation qui empêche le recueillement. Il est même bon qu’elle comprenne quelques brefs moments de silence, adaptés à l’assemblée réunie : par ce moyen, avec l’aide de l’Esprit Saint, la parole de Dieu est accueillie dans le cœur et la réponse de chacun se prépare dans la prière. Ces moments de silence peuvent être observés opportunément, par exemple avant de commencer la liturgie de la Parole, après la première et la seconde lecture, et enfin après l’homélie[147].
La liturgie devient véritablement lieu de la Parole. Elle met en évidence la caractère performatif de cette Parole dans l’action sacramentelle par excellence, l’Eucharistie, dans un réel approfondissement de leur relation. Il y a lieu ici de parler de la sacramentalité de la Parole qui « se comprend alors par analogie à la présence réelle du Christ sous les espèces du pain et du vin consacrés. En nous approchant de l’autel et en prenant part au banquet eucharistique, nous communions réellement au Corps et au Sang du Christ. La proclamation de la Parole de Dieu dans la célébration implique la reconnaissance que le Christ lui-même est présent et s’adresse à nous pour être écouté. […]. Le Christ, réellement présent dans les espèces du pain et du vin, est présent analogiquement dans la Parole proclamée dans la liturgie »[148].
5.3.2.1. Le déploiement de la sacramentalité
de la Parole dans son site liturgique
1. La première lecture. Elle est toujours tirée de l’Ancien Testament (sauf au temps de Pâques où nous lisons les Actes des Apôtres). Dans l’Ancien Testament, Dieu nous parle à travers l’histoire du peuple d’Israël et de ses prophètes.
Dans les lectures, la table de la parole de Dieu est dressée pour les fidèles, et les trésors bibliques leur sont ouverts. Il importe par conséquent d’observer l’ordonnance des lectures bibliques, qui montre bien l’unité de l’un et l’autre Testament et de l’histoire du salut, et il n’est jamais permis de remplacer les lectures et le psaume responsorial, qui contiennent la parole de Dieu, par d’autres textes non bibliques[149].
2. Le psaume responsorial. C’est un texte biblique par lequel Dieu parle à son peuple. Les psaumes font partie des livres de la Sagesse, dits sapientiaux. Le psaume est choisi en fonction de la première lecture.
La première lecture est suivie du psaume responsorial qui fait partie intégrante de la liturgie de la Parole et a une grande importance liturgique et pastorale, car il favorise la méditation de la parole de Dieu. Le psaume responsorial correspond à chaque lecture et se prend d’ordinaire dans le lectionnaire. Il importe que le psaume responsorial soit chanté, au moins pour ce qui est de la réponse du peuple. Le psalmiste, ou chantre du psaume, exécute les versets du psaume à l´ambon ou à un autre endroit approprié, tandis que toute l´assemblée est assise et écoute; habituellement celle-ci participe par un refrain, à moins que le psaume ne soit dit de manière suivie, c´est-à-dire sans reprise d’un refrain. Cependant, pour que le peuple puisse plus facilement donner une réponse en forme de psalmodie, on a choisi quelques textes de refrains et de psaumes pour les différents temps de l´année ou pour les différentes catégories de saints, que l´on peut employer, au lieu du texte correspondant à la lecture, chaque fois que le psaume est chanté. Si le psaume ne peut pas être chanté, on le récitera de la manière la plus apte à favoriser la méditation de la parole de Dieu. A la place du psaume marqué dans le lectionnaire, on peut chanter aussi le répons graduel du Graduale romanum, ou le psaume responsorial ou alléluiatique du Graduale simplex, tels qu´ils se trouvent dans ces différents livres[150].
3. La deuxième lecture. Elle est toujours tirée du Nouveau Testament, des lettres des apôtres Pierre, Jacques, Jude et surtout de Paul, ainsi que de l’Apocalypse.
4. L’Alléluia. Les fidèles se lèvent. L’Alléluia est chanté en tout temps en dehors du Carême, où il est remplacé par une acclamation ou un verset qui se trouve dans le Lectionnaire, ou un autre chant approprié[151].
5. La proclamation de l’Évangile. La « Bonne Nouvelle » et Parole de Jésus-Christ occupent la première place. On peut dans certaines circonstances encenser l’évangéliaire. C’est au ministre ordonné (évêque, prêtre, diacre) que revient la proclamation de l’Évangile. Configuré au Christ-Tête par le sacrement de l’ordre, il atteste devant l’assemblée que cette Parole n’est pas ordinaire, mais que, par sa voix, le Christ vivant parle à son Église.
D’où les signes de vénération adressés à l’évangéliaire :
· l’encensement,
· le baiser,
· les deux acclamations qui, dans un raccourci saisissant, accompagnent la présentation de l’Évangile : « Gloire à toi, Seigneur » et la reconnaissance finale : « Louange à toi, Seigneur Jésus ».
Et nous traçons trois croix sur nous : sur notre front pour que la Parole vienne nourrir notre intelligence, sur notre bouche pour que nous apportions la Parole aux autres et sur notre cœur afin que nous laissions la Parole l’envahir.
5.3.2.2. La Parole expliquée, confessée et priée
1. L’Homélie
fait partie de la liturgie et elle est fortement recommandée car elle est nécessaire pour nourrir la vie chrétienne. Elle doit expliquer un aspect des lectures scripturaires, ou bien d´un autre texte de l´ordinaire ou du propre de la messe du jour, en tenant compte soit du mystère que l´on célèbre, soit des besoins particuliers des auditeurs. L’homélie doit être faite habituellement par le prêtre célébrant lui-même ou par un prêtre concélébrant à qui il l’aura demandé, ou parfois aussi, si cela est opportun, par un diacre, mais jamais par un laïc. Dans des cas particuliers et pour une juste cause, l’homélie peut être faite aussi par l’évêque ou un prêtre qui participe à la célébration et qui ne peut pas concélébrer. Les dimanches et fêtes de précepte, il faut faire l´homélie à toutes les messes célébrées en présence du peuple, et on ne pourra l’omettre que pour une cause grave; les autres jours, elle est aussi recommandée, surtout aux féries de l´Avent, du Carême et du Temps pascal, ainsi qu´aux autres fêtes et aux occasions où le peuple se rend à l’église en plus grand nombre. Après l’homélie, il sera utile d’observer un bref moment de silence[152].
Les fidèles s’assoient. Les dimanches et fêtes d’obligation, il faut faire l’homélie à toutes les messes célébrées en présence du peuple, et on ne pourra l’omettre que pour une cause grave ; les autres jours, elle est aussi recommandée. À ce moment de la Messe, le prêtre ou le diacre explique un aspect des trois lectures et son application dans nos vies.
EVANGELII GAUDIUM
L’HOMÉLIE
135. Considérons maintenant la prédication dans la liturgie, qui demande une sérieuse évaluation de la part des pasteurs. Je m’attarderai en particulier, et avec un certain soin, à l’homélie et à sa préparation, car les réclamations à l’égard de ce grand ministère sont nombreuses, et nous ne pouvons pas faire la sourde oreille. L’homélie est la pierre de touche pour évaluer la proximité et la capacité de rencontre d’un pasteur avec son peuple. De fait, nous savons que les fidèles lui donnent beaucoup d’importance ; et ceux-ci, comme les ministres ordonnés eux-mêmes, souffrent souvent, les uns d’écouter, les autres de prêcher. Il est triste qu’il en soit ainsi. L’homélie peut être vraiment une intense et heureuse expérience de l’Esprit, une rencontre réconfortante avec la Parole, une source constante de renouveau et de croissance.
136. Renouvelons notre confiance dans la prédication, qui se fonde sur la conviction que c’est Dieu qui veut rejoindre les autres à travers le prédicateur, et qu’il déploie sa puissance à travers la parole humaine. Saint Paul parle avec force de la nécessité de prêcher, parce que le Seigneur a aussi voulu rejoindre les autres par notre parole (cf. Rm 10, 14-17). Par la parole, notre Seigneur s’est conquis le cœur des gens. Ils venaient l’écouter de partout (cf. Mc 1, 45). Ils restaient émerveillés, “buvant” ses enseignements (cf. Mc 6, 2). Ils sentaient qu’il leur parlait comme quelqu’un qui a autorité (cf. Mc 1, 27). Avec la parole, les Apôtres, qu’il a institués « pour être ses compagnons et les envoyer prêcher » (Mc 3, 14), attiraient tous les peuples dans le sein de l’Église (cf. Mc 16, 15.20).
137. Il faut se rappeler maintenant que « la proclamation liturgique de la Parole de Dieu, surtout dans le cadre de l’assemblée eucharistique, est moins un moment de méditation et de catéchèse que le dialogue de Dieu avec son peuple, dialogue où sont proclamées les merveilles du salut et continuellement proposées les exigences de l’Alliance ».[112] L’homélie a une valeur spéciale qui provient de son contexte eucharistique, qui dépasse toutes les catéchèses parce qu’elle est le moment le plus élevé du dialogue entre Dieu et son peuple, avant la communion sacramentelle. L’homélie reprend ce dialogue qui est déjà engagé entre le Seigneur et son peuple. Celui qui prêche doit discerner le cœur de sa communauté pour chercher où est vivant et ardent le désir de Dieu, et aussi où ce dialogue, qui était amoureux, a été étouffé ou n’a pas pu donner de fruit.
138. L’homélie ne peut pas être un spectacle de divertissement, elle ne répond pas à la logique des moyens médiatiques, mais elle doit donner ferveur et sens à la célébration. C’est un genre particulier, puisqu’il s’agit d’une prédication dans le cadre d’une célébration liturgique ; par conséquent elle doit être brève et éviter de ressembler à une conférence ou à un cours. Le prédicateur peut être capable de maintenir l’intérêt des gens durant une heure, mais alors sa parole devient plus importante que la célébration de la foi. Si l’homélie se prolonge trop, elle nuit à deux caractéristiques de la célébration liturgique : l’harmonie entre ses parties et son rythme. Quand la prédication se réalise dans le contexte liturgique, elle s’intègre comme une partie de l’offrande qui est remise au Père et comme médiation de la grâce que le Christ répand dans la célébration. Ce contexte même exige que la prédication oriente l’assemblée, et aussi le prédicateur, vers une communion avec le Christ dans l’Eucharistie qui transforme la vie. Ceci demande que la parole du prédicateur ne prenne pas une place excessive, de manière à ce que le Seigneur brille davantage que le ministre.
139. Nous avons dit que le Peuple de Dieu, par l’action constante de l’Esprit en lui, s’évangélise continuellement lui-même. Qu’implique cette conviction pour le prédicateur ? Elle nous rappelle que l’Église est mère et qu’elle prêche au peuple comme une mère parle à son enfant, sachant que l’enfant a confiance que tout ce qu’elle lui enseigne sera pour son bien parce qu’il se sait aimé. De plus, la mère sait reconnaître tout ce que Dieu a semé chez son enfant, elle écoute ses préoccupations et apprend de lui. L’esprit d’amour qui règne dans une famille guide autant la mère que l’enfant dans leur dialogue, où l’on enseigne et apprend, où l’on se corrige et apprécie les bonnes choses. Il en est ainsi également dans l’homélie. L’Esprit, qui a inspiré les Évangiles et qui agit dans le peuple de Dieu, inspire aussi comment on doit écouter la foi du peuple, et comment on doit prêcher à chaque Eucharistie. La prédication chrétienne, par conséquent, trouve au cœur de la culture du peuple une source d’eau vive, tant pour savoir ce qu’elle doit dire que pour trouver la manière appropriée de le dire. De même qu’on aime que l’on nous parle dans notre langue maternelle, de même aussi, dans la foi, nous aimons que l’on nous parle avec les termes de la “culture maternelle”, avec les termes du dialecte maternel (cf. 2M, 21.27), et le cœur se dispose à mieux écouter. Cette langue est un ton qui transmet courage, souffle, force et impulsion.
140. On doit favoriser et cultiver ce milieu maternel et ecclésial dans lequel se développe le dialogue du Seigneur avec son peuple, moyennant la proximité de cœur du prédicateur, la chaleur de son ton de voix, la douceur du style de ses phrases, la joie de ses gestes. Même dans les cas où l’homélie est un peu ennuyeuse, si cet esprit maternel et ecclésial est perceptible, elle sera toujours féconde, comme les conseils ennuyeux d’une mère donnent du fruit avec le temps dans le cœur de ses enfants.
141. On reste admiratif des moyens qu’emploie le Seigneur pour dialoguer avec son peuple, pour révéler son mystère à tous, pour captiver les gens simples avec des enseignements si élevés et si exigeants. Je crois que le secret se cache dans ce regard de Jésus vers le peuple, au-delà de ses faiblesses et de ses chutes : « Sois sans crainte petit troupeau, car votre Père s’est complu à vous donner le Royaume » (Lc 12, 32) ; Jésus prêche dans cet esprit. Plein de joie dans l’Esprit, il bénit le Père qui attire les petits : « Je te bénis Père, Seigneur du ciel et de la terre, d’avoir caché cela aux sages et aux intelligents et de l’avoir révélé aux tout-petits » (Lc 10, 21). Le Seigneur se complaît vraiment à dialoguer avec son peuple, et le prédicateur doit faire sentir aux gens ce plaisir du Seigneur.
Des paroles qui font brûler les cœurs
142. Un dialogue est beaucoup plus que la communication d’une vérité. Il se réalise par le goût de parler et par le bien concret qui se communique entre ceux qui s’aiment au moyen des paroles. C’est un bien qui ne consiste pas en des choses, mais dans les personnes elles-mêmes qui se donnent mutuellement dans le dialogue. La prédication purement moraliste ou endoctrinante, comme aussi celle qui se transforme en un cours d’exégèse, réduit cette communication entre les cœurs qui se fait dans l’homélie et qui doit avoir un caractère quasi sacramentel : « La foi naît de ce qu’on entend dire et ce qu’on entend dire vient de la parole du Christ » (Rm 10, 17). Dans l’homélie, la vérité accompagne la beauté et le bien. Pour que la beauté des images que le Seigneur utilise pour stimuler à la pratique du bien se communique, il ne doit pas s’agir de vérités abstraites ou de froids syllogismes. La mémoire du peuple fidèle, comme celle de Marie, doit rester débordante des merveilles de Dieu. Son cœur, ouvert à l’espérance d’une pratique joyeuse et possible de l’amour qui lui a été annoncé, sent que chaque parole de l’Écriture est avant tout un don, avant d’être une exigence.
143. Le défi d’une prédication inculturée consiste à transmettre la synthèse du message évangélique, et non des idées ou des valeurs décousues. Là où se trouve ta synthèse, là se trouve ton cœur. La différence entre faire la lumière sur la synthèse et faire la lumière sur des idées décousues entre elles est la même qu’il y a entre l’ennui et l’ardeur du cœur. Le prédicateur a la très belle et difficile mission d’unir les cœurs qui s’aiment : celui du Seigneur et ceux de son peuple. Le dialogue entre Dieu et son peuple renforce encore plus l’Alliance qu’il y a entre eux et resserre le lien de la charité. Durant le temps de l’homélie, les cœurs des croyants font silence et Le laissent leur parler. Le Seigneur et son peuple se parlent de mille manières directement, sans intermédiaires. Cependant, dans l’homélie ils veulent que quelqu’un serve d’instrument et exprime leurs sentiments, de manière à ce qu’ensuite, chacun puisse choisir comment continuer sa conversation. La parole est essentiellement médiatrice et demande non seulement les deux qui dialoguent, mais aussi un prédicateur qui la repropose comme telle, convaincu que « ce n’est pas nous que nous proclamons, mais le Christ Jésus, Seigneur ; nous ne sommes, nous, que vos serviteurs, à cause de Jésus » (2 Co4, 5).
144. Parler avec le cœur implique de le tenir, non seulement ardent, mais aussi éclairé par l’intégrité de la Révélation et par le chemin que cette Parole a parcouru dans le cœur de l’Église et de notre peuple fidèle au cours de l’histoire. L’identité chrétienne, qui est l’étreinte baptismale que nous a donnée le Père quand nous étions petits, nous fait aspirer ardemment, comme des enfants prodigues – et préférés en Marie – à l’autre étreinte, celle du Père miséricordieux qui nous attend dans la gloire. Faire en sorte que notre peuple se sente comme entre ces deux étreintes est la tâche difficile mais belle de celui qui prêche l’Évangile.
2. Le Credo. Les fidèles se mettent debout. Le Credo doit être dit ou chanté les dimanches et dans certaines fêtes – d’obligation ou pas – et solennités. Le Credo ou Symbole des apôtres ou Profession de foi, vise à ce que tout le peuple rassemblé réponde à la Parole de Dieu annoncée et doit être proclamé comme règle de foi. Le Credo est une profession de foi trinitaire, dont la partie centrale, plus développée, exprime le mystère du Christ, vrai Dieu et vrai Homme, confessé par l’Église. Jusqu’au Ve siècle, il ne figurait pas à la messe. Il a été inséré pour la première fois dans la liturgie antiochienne, puis dans celle de Constantinople vers l’an 510. Le Pape Benoît VIII l’adopta, en 1014, à la demande de l’empereur Henri II dans la liturgie romaine.
3. La prière universelle ou prière des fidèles. Les intentions seront habituellement au nombre de quatre : pour les besoins de l’Église ; pour les dirigeants des affaires publiques et le salut du monde entier ; pour ceux qui sont accablés par toutes sortes de difficultés ; et pour la communauté locale. Toutefois, dans une célébration particulière, comme une confirmation, un mariage ou des obsèques, l’ordre des intentions pourra s’appliquer plus exactement à cette occasion particulière[153].
5.3.3. La liturgie eucharistique
C’est la deuxième partie de la messe. Nous entrons dans la liturgie eucharistique par la préparation et la présentation des dons. Table de la Parole, Table de l’Eucharistie. Parole écoutée, Pain partagé : c’est le Christ ressuscité qui se donne en nourriture.
5.3.3.1. La préparation des dons
La préparation des dons nous dispose à avoir une attitude eucharistique : reconnaître que nous ne pouvons rendre à Dieu que ce qu’il nous a toujours déjà donné. Dès lors, nous pourrons faire de toute notre vie une louange offerte au Seigneur.
1. Chant ou musique pour accompagner la procession qui apporte les dons.
2. La procession des offrandes qui symbolise « l’entrée » du Christ qui vient donner sa vie. Ce chant rappelle également les acclamations de la foule quand Jésus est entré à Jérusalem en vue d’y subir la passion[154]
3. La présentation du pain, du vin et de l’eau et de l’offrande : l’aumône des fidèles.
Dans cette partie de la messe, on apporte à l’autel les offrandes, le pain et le vin. Le prêtre les présente à Dieu en les offrant afin qu’ils deviennent le Corps et le Sang du Christ. Nous, les fidèles, devons profiter de ce moment pour offrir à Dieu notre vie, nos projets et nos intentions, notre amour, nos qualités, afin qu’Il les sanctifie et qu’ils servent pour le bien de l’Église. C’est le moment de Lui offrir intérieurement un nouvel effort pour atteindre ce que je me suis proposé spirituellement et humainement.
Il convient de suspendre provisoirement le moment de collecter les offrandes des fidèles, si ce moment s’entrecroise avec la consécration. Le prêtre prend la patène avec l’hostie et la tient des deux mains et, l’élevant un peu, il récite une prière de bénédiction. Il fait de même avec le calice. Avant de présenter le vin, le prêtre verse dans le calice quelques gouttes d’eau. Que symbolise ce mélange d’eau et de vin ? Il peut avoir trois significations : l’union des fidèles (l’eau) avec le Christ (le vin) ; l’union de la nature humaine avec la nature divine du Christ ; et, surtout, il symbolise l’eau et le sang qui ont jailli du côté de Jésus, transpercé par la lance[155]. Le cas échéant, on encense l’autel, le prêtre et l’assemblée.
4. Le lavement des mains. Le prêtre se lave les mains sur un côté de l’autel, rite par lequel s’exprime le désir de purification intérieure. Les fidèles se mettent debout.
5. L’invitation à prier : « Lorsqu’on a déposé les offrandes et terminé les rites d’accompagnement, on conclut la préparation des dons et on se prépare à la Prière eucharistique par l’invitation à prier avec le prêtre et par la prière sur les offrandes »[156]. C’est la conclusion du rite de la préparation et de la présentation des dons : « Priez, frères et sœurs : que mon sacrifice, et le vôtre, soit agréable à Dieu le Père tout-puissant » ou « Prions ensemble au moment d’offrir le sacrifice de toute l’Église ». L’Eucharistie n’engage pas seulement le prêtre, mais bien toute l’assemblée qui s’unit à lui, l’Église et l’humanité tout entière : « Un seul préside, tous célèbrent ».
6. La prière sur les dons : « A la messe, on dit une seule prière sur les offrandes, qui se termine par la conclusion brève: « Per Christum Dominum nostrum » - (Par le Christ, notre Seigneur) ; si cependant elle fait mention du Fils à la fin, ce sera : « Qui vivit et regnat in saecula saeculorum » - (Lui qui vit et règne pour les siècles des siècles). Le peuple s’unit à la prière et la fait sienne par l’acclamation « Amen »[157].
Bref, plus que le discours du prêtre s’adressant à Dieu de manière solitaire, la prière eucharistique est la prière de tout un peuple. Orate frates ! « Prions frères et sœurs, ensemble, afin que le Père reconnaisse dans nos mots et nos gestes, les paroles mêmes de son Fils » (Saint Cyprien, commentaire du Notre Père). Dans d’autres traditions liturgiques, la préparation et la présentation des dons s’achèvent par le baiser de paix. La liturgie romaine les conclut par une brève oraison qui récapitule l’acte d’offrande de l’Église. La paix est donnée avant la communion, comme premier fruit du sacrifice de la croix.
5.3.3.2. La Prière eucharistique ou Anaphore eucharistique
C’est maintenant que commence ce qui est le centre et le sommet de toute la célébration: la Prière eucharistique, prière d´action de grâce et de sanctification. Le prêtre invite le peuple à élever les cœurs vers le Seigneur dans la prière et l´action de grâce, et il se l´associe dans la prière qu´il adresse à Dieu le Père par Jésus Christ dans l’Esprit Saint, au nom de toute la communauté. Le sens de cette prière est que toute l´assemblée des fidèles s´unisse au Christ dans la confession des hauts faits de Dieu et dans l´offrande du sacrifice. La Prière eucharistique exige que tous l’écoutent avec respect et en silence[158].
La Prière eucharistique est l’action de grâce solennelle au cours de laquelle l’Église, par la vertu de l’Esprit Saint et le ministère du prêtre, consacre le pain et le vin, les changent en le Corps et le Sang du Christ. Il y a lieu de faire un choix de Prières eucharistiques. La réforme liturgique de Vatican II en dispose une dizaine dans le Missel romain. On peut les varier selon les circonstances[159]. La première Prière eucharistique, appelée Canon romain, était la seule dont disposait la liturgie romaine depuis le IVe et le VIIe siècle. Du coup, avec le Concile Vatican II, on a vu la nécessité de créer de nouvelles prières eucharistiques en s’inspirant des anaphores de la longue tradition liturgique de l’Église ancienne.
Déjà, on avait commencé à promouvoir une libre création d’anaphores de manière improvisée mais pas de très bonne qualité[160]. Ainsi, le Pape Paul VI, dans le souci de pourvoir à ce besoin de l’Église et de veiller à l’authenticité des anaphores eucharistiques, demanda au Consilium ad exequendam constitutionem de sacra liturgia de préparer de nouvelles prières eucharistiques[161]. Cela montre aussi une grande souplesse et un immense désir de retour aux sources patristiques et bibliques des prières eucharistiques, un grand intérêt aussi à enrichir la liturgie de nouvelles prières mais qui font rayonner l’esprit de la liturgie romaine. Sur cette question, le pape Paul VI précise : « On laissera l’anaphore actuelle inchangée ; on composera ou on cherchera deux ou trois prières eucharistiques pour être utilisées à des moyens particuliers et déterminés »[162]. Dans cette dynamique, on a envisagé de nouvelles prières eucharistiques qui montreraient « des caractéristiques spirituelles, pastorales et stylistiques propres, à la fois entre elles et par rapport au canon romain »[163]. Elle est une prière présidentielle formulée en « nous » et non pas en « je ». C’est toute l’assemblée qui est invitée à rendre grâce même si c’est le prêtre qui dit la prière au nom de tous.
1. Les origines de la Prière eucharistique :
Sans ambages, on peut admettre que la liturgie de la Parole (dans notre célébration eucharistique) vient de la liturgie synagogale. Mais la liturgie eucharistique trouve son origine dans les textes eucharistiques du Nouveau Testament liés à l’événement fondateur de l’Eucharistie : la dernière Cène d’où comprend sa « forme » et non sa structure. En revanche, la Cène ne se comprend que dans le contexte des repas religieux juifs[164]. Avant d’aller plus loin, il faut préciser que les écrits du Nouveau Testament ne fournissent pas des textes de Prières eucharistiques proprement dits, mais plutôt des repères, surtout dans la matrice même de la Cène. Donc, dans ces lignes qui suivent, nous essayerons de déceler ce qui se cache sous ces mots « bénédiction » et « action de grâce)[165].
a. La bénédiction juive. Dans la mentalité biblique, la bénédiction est vue comme un don, une création, un bienfait, exprimé par une parole[166]. D’où l’importance du mot berakhah dérivant de barak, qui signifie « bénir ». Ce même mot sert également à désigner les organes génitaux, et indique, comme le fait remarquer Paul De Clerck dans son texte déjà cité, la force créatrice et vitale. Ainsi, bénir et créer sont intimement liés. La bénédiction engendre la fécondité : « Dieu créa l’homme à son image, à l’image de Dieu il le créa, il les créa homme et femme. Dieu les bénit et leur dit : soyez féconds et multipliez-vous, remplissez la terre et soumettez-la » (Gn 1, 27-28). Bénédiction – création, bénédiction – fécondité. Le sujet premier de barak est d’abord Dieu : il crée… bénit… et donne la fécondité… Du côté de l’homme, le mot barak renvoie plutôt à une reconnaissance, une réciprocité. Il bénit Dieu pour ses bienfaits, pour ses actions en sa faveur. Dieu reçoit en retour ce qu’il a donné. Il est en effet, l’auteur de la berakhah prononcée par l’homme croyant. Bénir, c’est dire du bien de… donc, l’homme croyant dit du bien de Dieu pour sa bonté. Le Bien en fait, c’est Dieu lui-même. La prière juive est pétrie de berakhot (plur. de berakhah) : « Béni soit le Seigneur » ou « Béni sois-tu, Seigneur ». La berakhah que prononce Melkisédek en faveur d’Abraham, en Gn 14, 19-20 synthétise parfaitement ce que nous venons de dire : « Il le bénit en disant : "Béni soit Abraham par le Dieu très-haut, qui a créé le ciel et la terre ; et béni soit le Dieu très-haut, qui a livré tes ennemis entre tes mains" ». La source de la bénédiction est l’émerveillement et l’admiration pour l’œuvre accomplie par quelqu’un. L’homme croyant sait pourquoi il bénit Dieu. Alors, dans la Bible, bénir, peut avoir deux sens : il peut être une prière dans laquelle on bénit Dieu à propos de quelque chose (c’est le cas du pain et de la coupe) ou une prière dans laquelle on demande à Dieu de combler quelqu’un de sa grâce (c’est le cas des disciples, dans la finale de Luc par exemple). Les berakhot qu’a prononcées Jésus au soir de la dernière Cène trouvent leur arrière-fond dans de cette pratique juive.
b. La Didakè et ses prières pour l’Eucharistie. La Didakè, mot grec qui signifie « enseignement », est considérée comme la doctrine des Apôtres. Elle date du Ier siècle et est attribuée aux Pères apostoliques. Elle comporte seize chapitres. L’Eucharistie est traitée aux chapitres 9 et 10 dans les rubriques : Prescriptions rituelles et liturgiques. La Didakè forme un court traité de vie chrétienne qui fait autorité à cause de sa dimension historique exégétique et doctrinale. À noter que nous ne pouvons pas donner ici au mot « eucharistie » le sens que nous lui donnons techniquement aujourd’hui. Elle est très utile pour notre recherche parce qu’elle nous fournit des prières pour l’Eucharistie, même si nous devons nous demander si ce sont déjà des prières eucharistiques au sens actuel du terme[167]. Nous mettons ici en parallèle, le texte des deux chapitres (9 et 10) avec des prières juives (qiddush et birkat ha-mzon : deux termes qui nous déjà sont familiers)[168].
Didakè 9 | Qiddush |
1Pour ce qui est de l’Eucharistie, rendez grâces ainsi : 2d’abord sur le calice : nous te rendons grâce notre Père, pour la sainte vigne de David ton serviteur, que tu nous as fait connaître par Jésus ton Serviteur. — À toi la gloire pour les siècles. 3Puis, sur le pain rompu : Nous te rendons grâce, notre Père pour la vie et la connaissance que tu nous as fait connaître par Jésus ton Serviteur. — À toi la gloire pour les siècles. 4Comme ce pain rompu, d’abord dispersé sur les montagnes, a été recueilli pour devenir un. Qu’ainsi ton Église soit rassemblé des extrémités de la terre dans ton Royaume, car à toi appartiennent la gloire et la puissance « par Jésus Christ » pour les siècles. 5Que personne ne mange ni ne boive de votre Eucharistie, si ce n’est les baptisés au nom du Seigneur ; car c’est à ce sujet que le Seigneur a dit : « Ne donnez pas ce qui est saint aux chiens » (Mt 7, 6). | 1. Bénédiction de la coupe lecture de Gn 1, 31b – 2, 1-3 par le père de famille, qui poursuit : « Béni sois-tu, Seigneur notre Dieu, roi de l’univers, qui crée le fruit de la vigne. 2. Bénédiction du pain : « Béni sois-tu, Seigneur notre Dieu, roi de l’univers, qui fait sortir le pain de la terre ». Fraction du pain, et distribution. 3. repas, suivi de chants et d’hymnes. |
Didakè 10 | Birkat ha-mazon |
1Après vous être rassasiés, rendez grâce ainsi : 2Nous te rendons grâces, Père saint, pour ton saint Nom que tu as fait habiter dans nos cœurs et pour la connaissance, la loi et l’immortalité que tu nous as fait connaître par Jésus ton Serviteur. — À toi la gloire pour les siècles. 3C’est toi, Maître Tout-Puissant, « qui as créé l’univers » (Sg. 1, 14 ; Si. 18, 1) pour la gloire de ton Nom et qui as été donné aux hommes la nourriture et le breuvage en jouissance, pour qu’ils te rendent grâces ; mais nous, tu nous as gratifiés d’une nourriture et breuvage spirituels et de la vie éternelle, par Jésus ton Serviteur. Par-dessus tout, nous te rendons grâces, car tu es Puissant. — À toi la gloire pour les siècles. 5Souviens-toi, Seigneur, de ton Église, pour la préserver de tout mal et la rendre parfaite dans ton amour. Et « rassemble-là des quatre vents », cette Église que tu as sanctifiée, dans ton Royaume que tu lui as préparé, car à Toi appartiennent la puissance et la gloire pour les siècle. | 1. « Birkat ha-Zan » (bénédiction de celui qui nourrit) Béni sois-tu, Seigneur notre Dieu, roi de l’univers, toi qui nourris le monde entier avec bonté, grâce et miséricorde. Béni sois-tu, Seigneur, toi qui donnes la nourriture à tous. 2. « Birkat ha-Aretz » (bénédiction de la terre) Nous te rendons grâce, Seigneur notre Dieu car tu nous as donné en héritage une terre bonne et agréable, l’alliance, la loi, la vie et la nourriture. Pour toutes ces choses, nous te rendons grâces, et nous louons ton nom à jamais. Béni sois-tu, Seigneur, pour la terre et la nourriture. 3. « Birkat Ierusalayim (bénédiction de Jérusalem) Prends pitié, Seigneur notre Dieu, d’Israël ton peuple, de Jérusalem ta ville, de ton Temple et du lieu où tu habites, de Sion le lieu de ton repos, du Sanctuaire grand et saint sur lequel ton nom est invoqué, et daigne en notre temps restaurer en son lieu le royaume de la dynastie de David, et rebâtir bientôt Jérusalem. Béni sois-tu, Seigneur, qui bâtis Jérusalem. |
Ces prières donnent à penser l’Eucharistie au Ier siècle dans la logique de leur comparaison aux prières juives. Le texte du neuvième chapitre de la Didakè semble être une christianisation du Qiddush. Celui du chapitre 10 qui suit le repas semble être une adaptation de la Birkat ha-Mazon ou bénédiction juive après le repas[169]. Il semble qu’on peut considérer les Prières eucharistiques ultérieures comme une christianisation de la bénédiction juive après le repas, en particulier la Birkat ha-Mazon. Certaines prières ultérieures ont la même structure que celle de la Birkat ha-Mazon : bénédiction, action de grâce et intercession. En bref, nous pouvons admettre que la Prière eucharistique a quand même une origine juive ; la terminologie eucharistique choisie volontairement par les premiers chrétiens les différenciait non seulement des Juifs, mais mettait en relief leur spécificité : ils rendent grâce à Dieu pour la grâce par excellence qu’Il leur a donnée en Jésus[170].
2. Les prières eucharistiques anciennes en Orient et en Occident :
a. Dans les familles liturgiques orientales, les prières eucharistiques sont très diversifiées. On les nomme de préférence « anaphores » qui signifient « offrandes. La famille syrienne orientale conserve les formulaires les plus anciens, tels : l’anaphore d’Addaï et Mari, très christocentrique ; sans oublier l’anaphore de Pierre, dite Sharar de la tradition maronite. Les manuscrits dans lesquels provient le texte ne contiennent pas le récit d’institution. D’autres anaphores sont à considérer : celles de Marc, en Égypte ; de Jacques, à Jérusalem ; de Basile et de Jean Chrysostome, dans la liturgie byzantine.
b. Dans les familles liturgiques occidentales, il faut d’abord prendre en compte, la Tradition apostolique qui a connu plusieurs anaphores ou prières eucharistiques. Mais la romanisation de la liturgie en Occident, à partir du VIIIesiècle, n’a favorisé que l’utilisation du Canon romain. Les autres ont disparu. La seule que nous connaissons aujourd’hui, c’est celle de la Tradition apostolique, attribuée à Hippolyte de Rome, vers 215, qui est l’ancêtre de la Prière eucharistique II du Missel de Paul VI grâce aux efforts de la réforme conciliaire pour un retour aux sources de la liturgie.
Il faut noter d’emblée que l’anaphore eucharistique dite d’Hippolyte, est christologique. Le Sanctus n’y apparaît qu’au IVe siècle ; on n’y trouve pas non plus d’intercessions[171]. Formant une unité, elle est une action de grâce à Dieu « pour l’œuvre de Jésus qui culmine dans le geste eucharistique dont on fait mémoire »[172]. Par cette action de grâce également, on demande à Dieu « d’envoyer l’Esprit Saint sur les dons et sur les participants »[173].
La partie centrale du Canon romain a été conservée, à la fin du IVe siècle, dans le « Traité des sacrements » définitivement aujourd’hui attribué à saint Ambroise de Milan[174]. Le texte du Canon romain est quasi définitivement fixé avec saint Grégoire. Jusqu’en 1968, il a été la seule et l’unique prière eucharistique en Occident. Depuis lors, il est notre Prière eucharistique I dans le Missel de Paul VI.
3. La structure de la Prière eucharistique et sa dynamique :
Elle comprend (sauf le Canon romain qui est bâti différemment : par exemple, les intercessions précèdent et suivent le récit fondateur):
a. La préface qui veut dire « proclamation », « dire devant » et non « prélude). L’action de grâce dans laquelle le prêtre, au nom de tout le peuple saint, glorifie Dieu le Père et lui rend grâce pour toute l’œuvre de salut. Elle sert de préambule à la Prière eucharistique et fait référence au mystère célébré dans la liturgie du jour, et s’achève par le chant séraphique du Sanctus.
La préface inaugure la prière eucharistique en orientant notre prière vers le Père. Plus encore, elle lui donne sa substance en reconnaissant, dans le Christ, le mystère de l’œuvre du Salut de Dieu. En lui rendant grâce, nous manifestons qu’il est toujours à l’œuvre dans notre monde. Sa dynamique est de nous faire devenir, au cœur du mystère eucharistique, un peuple de louange et d’adoration. L’Église de la terre et L’Église du ciel s’unissent dans un même chant d’action de grâce. Elle joue un rôle capital dans l’Anaphore eucharistique. Son importance provient même du commandement de Jésus lors de la dernière Cène : « Faites cela en mémoire de moi ». La Préface nous situe dans un mémorial, un « rendre grâce » toujours actuel. C’est pourquoi elle est inséparable du déploiement de l’Anaphore eucharistique dans laquelle elle trouve son sens. L’introduction de la préface eucharistique indique déjà que l’acte qui va s’accomplir est un acte collectif, ecclésial : « Élevons notre cœur – nous le tournons vers le Seigneur ». Ainsi, peut-on le remarquer, « le mouvement interne de la préface part de l’exposé du motif de l’action de grâce, qui est une anamnèse des bienfaits de Dieu, et sous-entend ou expose l’actualisation de ces bienfaits dans la communauté qui célèbre »[175].
b. L’acclamation céraphique est introduite dans la liturgie romaine vers la première moitié du Ve siècle. Toute l’assemblée, s’unissant aux chœurs célestes, chante le Sanctus en l’honneur du Dieu trois fois saint, dans la vison que le prophète Isaïe a de la gloire de Dieu (cf. Is 6, 3). Aussi, par un double « hosanna », le Sanctus acclame-t-il le Messie qui va venir. L’expression, qui signifie, en hébreu, « Sauve, de grâce ! », est tirée du Psaume 117, chanté lors des grands pèlerinages des Juifs à Jérusalem. Cette acclamation est proclamée par tout le peuple avec le prêtre.
c. L’épiclèse[176]. Il s’agit d’une invocation à l’Esprit Saint pour la consécration des espèces eucharistiques et la réalisation de l’unité du genre humain dans le Christ, dont l’Église est comme le sacrement (l’unité du corps ecclésial). Elle détermine l’aspect christologique et pneumatologique de la liturgie eucharistique ou de l’Eucharistie tout court. Comme le fait remarquer Enrico Mazza, et avec raison, « dans l’épiclèse, le Père est supplié d’envoyer l’Esprit Saint, et qu’ainsi l’eucharistie soit fructueuse pour tous ceux qui y participent, autrement dit pour l’assemblée qui mange "le pain de la vie" et boit la "coupe du salut". Dans les intercessions, au contraire, on prie pour que toute l’Église porte le fruit de la célébration eucharistique, mais celle-ci ne possèdent aucune invocation pour l’envoi de l’Esprit Saint »[177].
d. Le récit de l’Institution et la consécration est le « lieu théologique » de la liturgie eucharistique. Par les paroles (le récit) et les actions (la consécration) du Christ s’accomplit le sacrifice qu’il a lui-même institué à la dernière Cène lorsqu’il offrit son Corps et son Sang sous les espèces du pain et du vin, les donna à manger et à boire aux Apôtres et leur laissa l’ordre de perpétuer ce mystère[178]. Les fidèles qui le veulent s’agenouilleront. Ceux qui ne veulent ou ne peuvent pas s’agenouiller feront une inclination profonde pendant que le prêtre fait la génuflexion après la consécration. Le cas échéant on encense le Corps et le Sang du Christ en les élevant.
e. L’anamnèse, en grec ana « vers le haut » et mnésis « souvenir », signifie « faire mémoire » au sens biblique, c’est-à-dire célébrer un événement passé qui nous concerne véritablement aujourd’hui (cf. Ex 12, 14) : donc mémoire et offrande. Ce terme à lui seul résume l’ensemble de la Prière eucharistique et renvoie à la dynamique de la vie chrétienne[179]. Par l’anamnèse, en accomplissant l’ordre reçu du Christ Seigneur par l’intermédiaire des Apôtres, l’Église fait mémoire du Christ Lui-même, célébrant principalement le mémorial de sa Passion bienheureuse, de sa glorieuse Résurrection, et de son Ascension dans le Ciel. Le prêtre dit : « Voilà pourquoi nous, tes serviteurs, et ton peuple saint avec nous, faisant mémoire de la Passion bienheureuse de ton Fils, Jésus, le Christ, notre Seigneur, de sa Résurrection du séjour des morts et de sa glorieuse Ascension dans le ciel… » (PE I), « En faisant ainsi mémoire de la mort et de la résurrection de ton Fils… » (PE II), « En faisant mémoire de ton Fils, de sa Passion qui nous sauve, de sa glorieuse Résurrection.. » (PE III), « Voilà pourquoi, Seigneur, nous célébrons aujourd’hui le mémorial de notre rédemption : en rappelant la mort du Christ et sa descente au séjour des morts, en proclamant sa Résurrection et son Ascension à ta droite… » (PE IV). On est vraiment au cœur de l’Eucharistie : « mémorial et offrande », « action de grâce et sacrifice ». L’acclamation du peuple a une valeur christologique et eschatologique forte en louant le Mystère pascal du Christ : « Nous annonçons ta mort, Seigneur Jésus, nous proclamons ta résurrection, nous attendons ta venue dans la gloire ». Cependant, il ne faut jamais oublier ce : « Il est grand, le mystère de la foi » qui sous-tend l’anamnèse de l’assemblée. L’Eucharistie est le mystère de la foi. Car l’Eucharistie implique la foi en la présence du Christ Seigneur « Ecclesiae suae semper adest, praesertim in actionis liturgicis […] in Missae Sacrificio, tum maxime sub speciebus eucharisticis »[180]. Très paradoxal. Ce que fait et vit l’Église dans la célébration eucharistique, elle le fait et le vit dans l’attente de son Seigneur dans la gloire. L’Eucharistie se situe dans un « entre deux », un « déjà là » et un « pas encore ». La mémoire du mystère pascal se raconte « en son déploiement passé, présent et avenir avec l’action de grâce »[181] L’Eucharistie est anamnétiquement eschatologique : « Ainsi donc, chaque fois que vous mangez ce pain et que vous buvez cette coupe, vous proclamez la mort du Seigneur, jusqu’à ce qu’il vienne » (1 Co 11, 26). L’anamnèse eucharistique est performative : le Christ est réellement présent dans sa Parole et à un plus haut niveau dans le pain et le vin eucharistiés qui sont le sacrement de cette présence. Mais, cette présence (la présence eucharistique du Christ) « doit être pensée de manière analogique car le Ressuscité ne saurait être enfermé dans les limites de l’espace et du temps. Cette présence sacramentelle est, dans et par l’Église, grâce à la résurrection du Christ et dans la puissance de l’Esprit, force de vie éternelle, actualité de son œuvre de salut accomplie une fois pour toutes dans l’histoire, "jusqu’à ce qu’il vienne" »[182].
Ainsi, l’anamnèse eucharistique est vraiment un acte de foi de l’Église, car l’Esprit Saint lui donne de faire mémoire et c’est par ce même ce même Esprit Saint que cette mémoire devient puissance de salut et non simple souvenir[183]. C’est pourquoi elle doit être chantée ou dite par l’assemblée et non par un petit groupe ; elle doit contenir les trois dimensions du « faire mémoire », c’est-à-dire : se fonder sur un événement du salut, historique et passé « Gloire à toi qui étais mort » ; pour annoncer l’actuelle réalisation, surtout à l’Eucharistie : « Gloire à toi qui es vivant » ; et en appeler la réalisation en plénitude : « Viens, Seigneur Jésus ! »[184]. L’anamnèse se fait en présence du Seigneur et c’est pourquoi, symboliquement, l’assemblée se tourne vers l’autel pendant qu’on la chante, tandis que le prêtre s’y associe par son regard tourné vers les espèces eucharistiées, dans une attitude orante avant de s’adresser de nouveau au Père[185]. Les fidèles font l’acte de « mémoire » (zikkaron) : mémoire de la mort et de la résurrection du Seigneur. La vie ecclésiale est une vie de « mémoire », toujours pascale qui engage un passé, un présent et un avenir. Le zikkaron liturgique ou eucharistique est un lieu où se vit le sensus fidei du peuple de Dieu. Il est un lieu où la foi de la communauté se vit et s’édifie : « Il est grand le mystère de la foi ! ». C’est le lieu de la mémoire du mystère pascal du Christ, rendu présent dans l’Eucharistie célébrée.
f. L’oblation est l’offrande du pain de Vie et du calice du Salut. Par elle, l’Église offre au Père, dans le Saint-Esprit, la victime sans tache qu’elle reçoit des mains du Dieu de l’Alliance nouvelle. Elle offre à Dieu ce qu’elle a reçu de Lui, le sacrifice qu’il agrée véritablement. C’est pourquoi le prêtre prononce cette prière avec la dignité et le calme qui conviennent[186] et les fidèles de leur part, y prêtent une attention soutenue. D’où l’importance de la deuxième épiclèse : « L’Esprit a pénétré l’humanité de Jésus pour qu’il fasse de sa vie une offrande. L’Église a prié pour que, grâce à l’Esprit, le pain et le vin deviennent le Christ offert. Par la voix du prêtre, l’Église prie pour que ce même Esprit donne aux fidèles de vivre en parfaite unité afin d’être eux-mêmes une offrande à Dieu »[187]. C’est l’Eucharistie qui fait le Corps du Christ : « …qu’en ayant part au Corps et au Sang du Christ, nous soyons rassemblés par l’Esprit Saint en un seul corps » (PE II) ou « Quand nous serons nourris de son Corps et de son Sang, et remplis de l’Esprit Saint, accorde-nous d’être un seul corps et un seul esprit dans le Christ » (PE III). Le culte agréable, c’est le don de la vie du Christ : « En faisant ainsi mémoire de ton Fils, (…), nous t’offrons, Seigneur, en action de grâce, ce sacrifice vivant et saint » (PE III). Mais en même temps, cette offrande est le service véritable qui nous met en présence de Dieu : « … et nous te rendons grâce, car tu nous as estimés dignes de nous tenir devant toi pour te servir » (PE II). Offrande et action de grâce sont constitutives à l’action eucharistique. Saint Augustin disait : « Si tu veux savoir ce que nous croyons, viens voir ce que nous chantons ». Par rapport à l’Eucharistie, nous pourrions paraphraser ces mots d’Augustin pour dire : « Si tu veux savoir ce que nous croyons, viens voir ce que nous offrons ».
Si la l’Eucharistie, comme dit le concile, est l’exercice de la fonction sacerdotale du Christ, cela signifie, au regard de ces passages, que l’action de grâces à la messe n’est pas un simple merci affectueux. Nous devons à Dieu autre chose qu’un simple merci affectueux. L’action de grâces à la messe n’est pas seulement un chant, ni seulement une prière mais elle est un don substantiel fait à Dieu en retour de sa bonté, c’est le don d’un amour et d’une victime infinis, en Jésus le Christ. Cf. Père Charles Peters BARTHÉLUS, La messe ne nous laisse pas tranquilles, 10 raisons fondamentales pour y participer, Archevêché de Port-au-Prince, Haïti, 2020, p. 124. Ouvrage recommandé à tous les étudiants.
g. Les prières d’intercession par lesquelles « on exprime que l’Eucharistie est célébrée en union avec toute l’Église, celle du Ciel comme celle de la terre, et que l’offrande est faite pour elle et pour tous ses membres vivants et morts, qui ont été appelés à participer à la rédemption et au salut obtenus par le Corps et le Sang du Christ »[188]. Ainsi, manifestent-elles dans leur structure et déploiement, que « la communion des saints est un mystère de solidarité spirituelle sans limites. Cette solidarité se réalise sur terre entre les membres de l’Église, mais elle dépasse les frontières de l’Église pour s’étendre à toute l’humanité »[189].
On peut tout de suite rapprocher les intercessions de la prière d’épiclèse. Elles la prolongent. L’Église vient de faire mémoire, de se souvenir. Elle demande à Dieu de se souvenir à tous, dans son Alliance, de l’Église en marche sur la terre, en nommant le Pape, l’évêque du diocèse et tous les évêques, les prêtres, les diacres ou en bref, tous ceux qui veillent fidèlement sur la foi catholique reçue des Apôtres… des défunts… de toute la communauté qui célèbre le Mystère pascal de son Seigneur et le vit en espérance. La participation des fidèles à l’Eucharistie renvoie à une liturgie perpétuelle à laquelle aspirent tous les baptisés et où les saints les ont précédés : « … permet qu’avec la Vierge Marie, la bienheureuse Mère de Dieu, avec saint Joseph, son époux, les Apôtres et tous les saints qui ont fait ta joie au long des âges, nous ayons part à la vie éternelle et que nous chantions ta louange et ta gloire, par ton Fils Jésus, le Christ » (PE II). La liturgie terrestre est soutenue par la liturgie céleste. La prière de la communauté célébrante sur terre est portée par celle des saints pour qu’il y ait une seule et éternelle louange. La Prière eucharistique III apporte une touche universelle qu’il faut toujours considérer : « Et maintenant nous te supplions, Seigneur : par le sacrifice qui nous réconcilie avec toi, étends au monde entier le salut et la paix. Affermis ton Église, en pèlerinage sur la terre, dans la foi et la charité, en union avec ton serviteur notre pape N., et notre évêque N., l’ensemble des évêques, les prêtres, les diacres, et tout le peuple que tu as racheté. Écoute, en ta bonté, les prières de ta famille, que tu as voulu rassembler devant toi. Dans ta miséricorde, ramène à toi, Père très aimant, tous tes enfants dispersés ». Cette intercession exprime la fonction ministérielle de l’Église en tant que communauté de baptisés. Elle exerce sa fonction sacerdotale que la liturgie déploie dans son axe fondamental qu’est le mystère pascal du Christ dans sa dimension anamnétique la plus totale. Ainsi,
dans la célébration de la messe, les fidèles constituent le peuple saint, le peuple acquis par Dieu et le sacerdoce royal, pour rendre grâce à Dieu et pour offrir la victime sans tache : l’offrir non seulement par les mains du prêtre, mais l’offrir avec lui et apprendre à s’offrir eux-mêmes. Ils s’efforceront donc de le manifester par un profond sens religieux et par leur charité envers les frères qui participent à la même célébration. Ils éviteront donc toute espèce de particularisme ou de division ; ils se rappelleront toujours qu’ils ont un unique Père dans le ciel et que, pour cette raison, ils sont tous frères et sœurs les uns des autres[190].
Les intercessions eucharistiques ne constituent pas une seconde Prière universelle telle que déployée ou développée dans la liturgie de la Parole. Elles forment une prière épiclétique continuelle de l’Anaphore eucharistique. Elles adoptent une forme litanique qui nécessite une énonciation calme et claire. C’est pourquoi dans la messe concélébrée, les intercessions ou les demandes doivent être réparties entre les concélébrants. La PGMR donne des indications claires pour la messe concélébrée. Il est recommandé de les suivre pour ce qui a trait à la manière de dire la Prière eucharistique[191].
h. La doxologie finale (du grec doxa : gloire et logos : parole / étymologiquement elle signifie « parole de gloire ». Elle est la conclusion de l’Anaphore eucharistique sous forme d’inclusion. Elle est l’exclamation propre au prêtre. Le prêtre dit : « Par Lui (le Christ), avec Lui et en Lui, à Toi, Dieu le Père tout-puissant, dans l’unité du Saint-Esprit, tout honneur et toute gloire, pour les siècles des siècles ». Elle est une formule de glorification trinitaire. Il faut noter que toute Eucharistie est par nature doxologique : elle rend gloire à Dieu de qui vient tout don, par Jésus, avec lui et en lui, dans l’unité du Saint-Esprit : « Il n’y a qu’un seul Dieu, le Père, de qui tout vient et vers qui nous allons ; et un seul Seigneur, Jésus Christ » (1 Co 8, 6). La doxologie chante solennellement la médiation du Christ : c’est par lui que nous a été donné, et c’est avec lui que tout se fait, et c’est en lui que tout revient vers le Père[192] : « C’est par lui que tout est venu à l’existence, et rien de ce qui s’est fait ne s’est fait sans lui » (cf. Jn 1, 3)[193].
C’est le mouvement même de toute prière authentiquement chrétienne : glorifier le Père par le Fils dans la communion de L’Esprit Saint. En disant la prière doxologique, le prêtre élève la patène et le calice. Cette élévation se situe dans la dynamique même de la Prière eucharistique et « renvoie directement à la Croix où le Christ a été élevé de terre pour sauver le monde, à sa résurrection d’entre les morts et à son ascension au Ciel à la droite du Père »[194]. La doxologie finale est ratifiée et conclue par l’amen du peuple considéré « comme le sceau de la célébration eucharistique qui, par définition, est le sacrement de l’unité de l’Église »[195]. L’amen des participants met en évidence dans l’actio eucharistica, une totale identification entre l’assemblée et le prêtre avec une nette conclusion : le prêtre est vraiment la voix de l’Église[196]. La prière doxologique fait partie de la prière présidentielle, c’est pourquoi elle est proclamée par le Président de l’assemblée (le prêtre).
5.3.3.3. Les rites de communion
Dans la liturgie romaine, la Pater noster, précède la fraction du pain et le baiser de paix. Le Corps et le Sang du Christ sont ensuite administrés aux fidèles, qui communient ainsi au Sacrifice rédempteur. Les rites de communion comprennent :
a. La Prière du Seigneur (le Notre Père ou l’oraison dominicale), inspirée du Qaddish de la liturgie juive[197], est introduite dans la liturgie eucharistique latine au moins depuis saint Grégoire. En raison de sa dignité, elle sert de pont entre la Prière eucharistique et les rites de la communion. Elle est dite par les fidèles avec le prêtre. Comme le précise la PGMR : « Dans l’oraison dominicale : on demande le pain quotidien qui, pour les chrétiens évoque surtout le pain eucharistique, et on y implore la purification des péchés, pour que les choses saintes soient vraiment données aux saints. Le prêtre prononce l’invitation à la prière, tous les fidèles disent celle-ci avec le prêtre, et le prêtre seul ajoute l’embolisme que le peuple conclut par la doxologie »[198].
L’oraison dominicale, dit Tertullien, est vraiment l’abrégé de tout l’Évangile[199]. Par cette prière, « nous demandons à vivre sans cesse dans le Christ, à nous identifier avec son corps »[200]. Elle est, selon les mots de Cyprien, « la prière qui implore Dieu avec ses propres paroles, qui monte à lui avec la formule même du Christ, lui est douce et lumière »[201]. Avant même de communier sacramentellement au Corps et au Sang du Christ, la communauté eucharistique, l’ecclesia eucharistica, se reconnaît s’être enracinée dans l’amour filial du Christ. Origène n’hésite pas à affirmer que « celui qui reçoit le pain supersubstantiel affermit son cœur et devient le fils de Dieu »[202]. Saint Jean Chrysostome, pour sa part, nous oriente vers une prière qui construit la communauté dans l’amour : bref, de valoriser la dimension communautaire de l’Eucharistie, comme communauté d’amour : « Le Seigneur ne nous a pas recommandé de dire, mon Père qui es aux cieux, mais bien notre Père qui es aux cieux, afin que, sachant, que nous avons un Père commun, nous éprouvions les uns pour les autres un amour fraternel »[203]. Il s’agit de vivre sous le regard de Dieu, source de notre vie. La prière dominicale, le Pater noster, résume tout le sens de l’Eucharistie et en particulier la solennelle Prière eucharistique qui vient d’être déployée. Elle est un acte de communion avec le Christ pascal puisque la communauté prie « selon son commandement » et prend une posture filiale devant le Père. Rien n’empêche que toute l’assemblée adopte l’attitude gestuelle du prêtre : les mains levées, paumes ouvertes, vers Dieu. Le prêtre peut même dire, surtout dans le second invitatoire : « … dire avec confiance et en levant les mains, la prière que… »[204].
En bref, c’est le « le premier fruit de l’action de grâce du Christ à son Père et le premier bienfait que nous vaut le sacrifice de la nouvelle Alliance accompli par le Fils et présent parmi nous sous la forme du pain et du vin consacrés en corps et en son sang »[205]. Prière de toute la communauté célébrante, les deux mots « notre » et « père », doivent être prononcés par tous les participants et non par le prêtre seul. C’est pourquoi après la monition, le prêtre donne la possibilité à l’assemblée de commencer la prière avec lui. La fin de la monition nécessite une pause pour faciliter cette participation commune.
b. L’embolisme. Du grec em-ballein, qui veut dire « mettre à l’intérieur », « insérer, intercaler » ou « placer entre » , l’embolisme désigne la prière intercalée entre le Notre Père et celle adressée au Christ pour le don de la paix : « Délivre-nous de tout mal, Seigneur, et donne la paix à notre temps : soutenus par ta miséricorde, nous serons libérés de tout péché, à l’abri de toute épreuve, nous qui attendons que se réalise cette bienheureuse espérance : l’avènement de Jésus Christ, notre Sauveur ». Le peuple conclut par la doxologie : « Car c’est à Toi qu’appartiennent le règne, la puissance et la gloire pour les siècles des siècles ». Celle-ci ne fait pas partie des textes évangéliques, mais on la retrouve bien sûr dans la Didakè.
Cette prière, introduite dans la liturgie romaine entre le Ve et le VIe siècle « s’oriente vers la communion sacramentelle, dont l’union avec Dieu manifeste la source et le sommet dans le don de la paix »[206]. Elle « révèle que la prière du Sauveur n’est pas une demande purement personnelle, mais s’élargit vers ceux qui ne connaissent pas encore le Père des miséricordes »[207].
c. Le rite de la paix. « Vient ensuite le rite de la paix : l’Église implore la paix et l’unité pour elle-même et toute la famille humaine, et les fidèles expriment leur communion dans l’Église ainsi que leur amour mutuel avant de communier au sacrement. En ce qui concerne le rite de la paix à transmettre, la façon de faire sera décidé par les Conférences des évêques, selon la mentalité et les us et coutumes de chaque peuple »[208]. Ce « geste de paix », tel que nous le connaissons aujourd’hui, fut introduit dans le Missel romain de 1970, dans le cadre de la réforme de l’ordo de la messe.
Le mot shalom en hébreux signifie « ce qui est rempli », « ce qui est comblé ». Le véritable bien que l’Église demande, c’est cette paix que seul le Christ peut donner : « Pacem relinquo vobis, pacem meam do vobis ». Les textes liturgiques des premiers siècles montrent que dans toutes les familles liturgiques, le baiser de paix se situe avant la Prière eucharistique, en conformité avec la recommandation de Jésus en Mt 5, 23-24 ; il est placé là comme une exigence de réconciliation fraternelle, condition de participation authentique à l’Eucharistie. Cependant, la liturgie romaine l’a déplacé, pour le situer après la Prière eucharistique, comme un premier fruit de cette dernière (cf. Paul De Clerck). Le rite de la paix préparent les fidèles à recevoir le Christ « faisant la paix par le sang de sa Croix » (cf. Col 1, 20).
Dans nos célébrations eucharistiques, en particulier dans celles des fêtes patronales, le baiser de paix est un moment de fréquents abus et souvent un motif de désordre. Il convient de maintenir un climat de recueillement et de silence, et que chacun serre la main uniquement de ceux qui l’entourent. Au moment du signe de la paix, il faut éviter certains abus comme :
· L’introduction d’un « chant pour la paix », qui n’est pas prévu dans le Missel Romain.
· Pour les fidèles, les déplacements pour échanger entre eux le signe de la paix.
· Pour le prêtre, le fait de quitter l’autel pour donner la paix à quelques fidèles.
· Le fait que, dans certaines circonstances, le rite de la paix soit l’occasion de féliciter ou d’exprimer des condoléances aux personnes présentes[209].
Si on a besoin de se réconcilier avec quelqu’un (même absent), il faut le faire avant la messe, conformément à ce que dit le Seigneur : « Quand donc tu présentes ton offrande à l’autel, si là tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse-là ton offrande, devant l’autel, et va d’abord te réconcilier avec ton frère ; puis reviens, et alors présente ton offrande » (Mt 5, 23-24). Par conséquent, le rite de la paix n’est pas un moment d’étirements surhumains du bras, de saluts à distance ou de déplacements. Par ce geste, le chrétien honore les deux commandements du Christ : l’amour de Dieu et l’amour du prochain. L’Eucharistie est le sacrement de l’amour, le sacrement du don de la paix, fruit du mystère pascal du Christ. En accomplissant ce geste aussi, l’Église se reconnaît servante de la paix.
Les origines évangéliques du « rite de la paix »
Il nous faut donc remonter aux premiers temps de l’Église pour retrouver toute la saveur chaleureuse et revigorer la richesse évangélique de ce rite du “don mutuel de la paix” au cours de l’Eucharistie. Par mode de transition, je cite Enrico Mazza : « À la fin du Notre Père avec son développement “Délivre-nous…”, a été ajoutée la doxologie de la Didachè :“car c’est à toi qu’appartiennent (…)”. Enfin, précédée de la prière qui demande au Seigneur le don de la paix, il y a l’invitation aux fidèles d’échanger le geste de la paix. On fait remonter l’usage liturgique du baiser de paix à Paul qui, dans ses lettres, dit aux fidèles de se saluer par un saint baiser (cf. Rm 1616 ; 1 Th 5.26-28). Comme les lettres étaient lues publiquement aux fidèles dans l’assemblée liturgique, il est permis de supposer qu’à la fin de la lettre, quand apparaissait l’exhortation au salut par un saint baiser, les fidèles répondaient à l’invite de Paul. C’est ainsi que le baiser de paix devint le rite conclusif de la liturgie de la parole. » (op. p.284) Cette dernière remarque nous invite également à nous pencher sur la “place” attribuée à ce rite au cours de l’Eucharistie. Mais pour le moment, remontons franchement à la source. Et puisqu’il vient d’être question de St Paul, écoutons-le : Rm. 16.16 -18 : « Saluez-vous les uns les autres d’un saint baiser. » Pour bien comprendre la portée de ce baiser, il faut lire aussi le contexte. Au verset suivant (17), il met en garde contre “ceux qui provoquent des divisions et des achoppements, en s’écartant de l’enseignement que vous avez reçu. Éloignez-vous d’eux. Oui, de tels hommes ne servent pas notre seigneur le Christ, mais leur ventre. Par des flatteries et de belles paroles, ils dupent les cœurs simples.” Bien entendu, à ceux-là on ne donne pas le baiser de paix : ce geste de communion y perdrait son sens ! 2 Co 13.12-13 : « Saluez-vous les uns les autres par un saint baiser. Tous les consacrés vous saluent. Que le chérissement du Seigneur Jésus, le Christ, l’amour de Dieu et la participation du Saint-Esprit soient avec vous tous. » Ici, la bénédiction de Paul à la fois se fait garante de cette paix, et en donne le critère “sélectif”. Penchons-nous un instant sur le contenu des termes employés : comment étaient-ils reçus par les destinataires, du temps de Paul (ou de Pierre : cf. 1 Pt 5.14). Même s’ils étaient d’usage courant, les termes employés sont chargés d’un contenu très fort. Ce que nous traduisons par « salutation » implique un geste de respect (Mt 23.7 : ceux qui aiment les salutations sur les places publiques et être appelés “Rabbi”) ; et même d’un chaleureux et bienveillant respect (Lc 1.29 : “Marie se demandait ce que pouvait signifier cette salutation”) . Respect chargé d’affection, d’amitié : Lc. 1.40.42.44 : Marie salue Elizabeth et, à cette salutation, l’Esprit révèle à Élisabeth la maternité divine de Marie ! Lorsque Paul emploie ce terme « saluez-vous », c’est toute cette “charge affective” que révèle ce terme. D’ailleurs en grec, le terme est privatif d’un mot qui signifie « être coincé, bloqué » : le substantif correspondant se traduit par « convulsion, agitation violente, épilepsie ». La salutation dont il est fait usage dans nos contextes est donc au contraire un geste tout ce qu’il a de plus ouvert, décontracté, chaleureux, affectueux, “à cœur grand ouvert”. Cette salutation contient (le mot l’indique en français) un souhait de bonne santé, de bien-être (ave, salve, salut) qui est contenu également, même si la formule est usée dans notre “bon jour”, “bonne nuit”. […].Tout cela pour bien définir le contenu du mot « paix ». C’est tout l’opposé de la lutte, de la guerre, du choc -des caractères comme des idées, des cultures, des mentalités, etc…-. Nous sommes très loin d’une fade entente sans caractère. C’est plus qu’une absence de division ; autant il y a d’agressivité, d’opposition, de refus dans cette “lutte acharnée”, ce “choc”, cette “guerre”, autant sinon plus doit-il y avoir de dynamisme, de ferveur, d’engagement personnel dans la construction d’une communion, d’une communauté d’idéal. N’est-ce pas, en un mot, ne faire plus qu’un, grâce et dans l’Évangile. Et cela donne bien toute sa valeur solide aux termes « amitié, affection, amour », pour citer les termes employés par Paul dans ses lettres.
Jean Chrysostome, commentant l’Épître aux Philippiens, souligne : « “Faites ce que vous avez entendu de moi, ou ce que vous avez vu” (Ph 9). C’est comme s’il (l’Apôtre) disait : Suivez mes exemples et mes paroles ; faites-le ; ne vous contentez pas de paroles, il faut des actes. “Et le Dieu de la paix sera avec vous. ” Si vous observez tous les préceptes, si vous êtes en paix avec tout le monde, vous serez tranquilles et en sûreté, n’ayant rien à craindre de fâcheux car lorsque nous avons la paix avec Dieu, et nous l’avons par la vertu, il est encore plus en paix avec nous » (Hom. XIV,2 s/ l’Ep. Aux Ph.). « Je ne vous demande qu’une seule chose, de chercher dans toutes vos actions la concorde et la paix (…). (…)Jeûner en ce temps-ci ou en celui-là, n’est pas assurément un crime ; mais déchirer l’Église, y entretenir la dispute, y semer la mauvaise intelligence, s’abstenir continuellement de l’assemblée sainte, voilà un crime indigne de pardon, et qui vous expose à un châtiment redoutable » (Cont. Jud. III,6).
On comprend dès lors que la lecture des lettres de St. Paul, en préparation de l’Eucharistie, aboutisse au baiser de paix qui réalise concrètement et solidement le commandement du Seigneur (Mt 5.23-24) : « Quand donc tu vas présenter ton offrande à l’autel, si là tu te souviens que ton frère a quelque chose contre toi, laisse là ton offrande, devant l’autel, et va d’abord te réconcilier avec ton frère ; viens alors présenter ton offrande ». Il nous faudrait relire ici en détail la Didachè, qui nous est un témoin de l’élaboration des rites de la célébration eucharistique. Ce rite est avant tout un sacrifice (Did. XIV,1.2.3). Et la mise en pratique du verset de Mt. cité plus haut, rend indispensable, pour offrir ce sacrifice, que l’assemblée soit pure, par respect de la grandeur, de la sainteté de Dieu. Avant la fraction, les chrétiens étaient tenus de confesser leurs péchés (Did. XIV,1), notamment contre l’unité. En effet, pour que le sacrifice offert à Dieu soit pur, il faut qu’il soit offert par des cœurs unis dans la charité, et où chacun remet aux autres les offenses. À l’image du Christ qui, offrant son Sacrifice, pardonna à ses bourreaux, et au bon larron. C’est à cette condition que le Sacrifice offert en Eucharistie peut remettre tous les péchés et restaurer notre communion avec le Père. La Tradition ne fera en somme qu’expliciter et normaliser ce rituel. Citons encore Jean Chrysostome : « C’est pourquoi pendant les mystères nous nous embrassons mutuellement, pour que nombreux nous soyons faits un, et pour que nous fassions couler nos prières communes pour les infirmes, pour les fruits de la terre, pour la terre et pour la mer ». (Hom. 78 s/ St. Jn). Et suit immédiatement le dialogue de la Préface !
Provenance du texte : Frère Arsène, « Le baiser de paix », https://www.latrappe.fr, consulté le 28 octobre 2022.
d. L’Agnus Dei et la fraction du pain. Le prêtre rompt le pain consacré et met dans le calice une parcelle de l’hostie (conmixtion ou inmixtion), en disant une prière à voix basse, pour signifier l’unité du Corps et du Sang du Seigneur dans l’œuvre du Salut, c’est-à-dire le Corps du Christ Jésus, vivant et glorieux dans l’œuvre de la Rédemption. La PGMR précise en ce sens : « Le geste de la fraction, accompli par le Christ à la dernière Cène, et qui a donné son nom à toute l’action eucharistique à l’âge apostolique, signifie que les multiples fidèles, dans la communion à l’unique pain de vie, qui est le Christ mort et ressuscité pour le salut du monde, deviennent un seul Corps (1 Corinthiens 10, 17) »[210]. Et, « la vérité du signe demande que la matière de la célébration eucharistique apparaisse vraiment comme une nourriture. Il convient donc que le pain eucharistique, tout en étant azyme et confectionné selon la forme traditionnelle, soit tel que le prêtre, à la messe célébrée avec peuple, puisse vraiment rompre l’hostie en plusieurs morceaux, et distribuer au moins à quelques fidèles. Cependant, on n’exclut aucunement les petites hosties quand le nombre de communiants et d’autres motifs pastoraux en exigent leur emploi. Mais le geste de la fraction du pain, qui désignait à lui seul l’eucharistie à l’âge apostolique, manifestera plus clairement la valeur et l’importance du signe de l’unité de tous en un seul pain, et du signe de la charité, du fait qu’un seul pain est partagé entre frères »[211].
Le geste doit être préservé de toute manière. Pour cela, il ne convient pas de rompre l’hostie au moment où l’on dit : « il rompit » dans le récit de l’institution, pas plus qu’on ne donne la communion lorsqu’on dit : « il le donna »[212]. La messe n’est pas un mime, mais un mémorial actuel de l’offrande sacrificielle que le Christ ne cesse de faire de sa vie à son Père[213]. Dès qu’il y a un nombre de fidèles suffisant à participer à l’Eucharistie, il est vivement recommandé d’utiliser une « grande hostie de concélébration » qu’on pourra rompre en plusieurs morceaux pour mieux manifester qu’il y a réellement « un seul pain », une « seule Eucharistie », une « seule Église ». Aussi, il n’est pas nécessaire de rompre le pain eucharistié de manière spectaculaire afin qu’on puisse bien le voir. « Le geste doit être simple et respectueux, beau et ordinaire à la fois. C’est en voyant un morceau rompu présenté par le prêtre, lors de l’invitation : "Voici l’Agneau de Dieu, voici celui qui enlève les péchés du monde. Heureux les invités au repas des noces de l’Agneau !", que l’assemblée saisira la réalité de la fraction du pain. C’est pourquoi il ne convient pas de reconstituer la grande hostie, en rassemblant les morceaux pour cette invitation : l’Agneau de Dieu qui enlève les péchés du monde, c’est le pain rompu et partagé pour le salut du monde »[214].
À remarquer, en rompant l’hostie, le prêtre en plonge un fragment dans le calice en disant à voix basse : « Que le Corps et le Sang de notre Seigneur Jésus Christ, réunis dans cette coupe, nourrissent en nous la vie éternelle ». Cela s’appelle « Commixtion » ou « Immixtion » de immiscere, qui signifie « mêler à » ou « mélanger ». Ce geste symbolise que la chair et le sang, le corps et l’âme, séparés par la mort, sont réunis dans le Christ ressuscité. Le chant qui accompagne le geste de la fraction du pain est le chant de l’Agnus Dei, introduit dans la messe romaine à la fin du VIIe siècle par le Pape Serge Ier[215]. Il « annonce que le Christ le véritable agneau pascal, sacrifié puis partagé. Il situe la fraction dans le prolongement du sacrifice de communion pratiqué par le peuple juif (notamment pour la Pâque), et surtout dans l’actualité du sacrifice de communion du Christ donnant sa vie en partage pour la multitude »[216]. On ne peut pas remplacer l’Agnus Dei par un autre chant. Il doit être chanté tel quel.
e. Le rite de la procession de communion et le chant de communion. Le chant de communion, auquel tous doivent s’unir – debout – qu’ils communient ou pas, se prolonge tant que la communion des fidèles n’est pas achevée. Il est souhaitable que les fidèles reçoivent le Corps du Seigneur avec des hosties consacrées au cours de cette même célébration et, dans les cas prévus, qu’ils participent au calice. Pleins de joie, les communiants s’approchent pour recevoir Jésus, pain de vie.
Le chant de communion commence pendant que le prêtre consomme le sacrement, pour exprimer par l’unité des voix l’union spirituelle entre les communiants ; montrer la joie du cœur et mettre davantage en lumière le caractère « communautaire de la procession qui conduit à la réception de l’Eucharistie. Le chant se prolonge pendant que les fidèles communient. Mais il s’arrêtera au moment opportun s’il y a une hymne après la communion[217].
Avant de communier, les fidèles font un acte d’humilité et de foi. Le prêtre fait une génuflexion, prend le pain consacré et le tenant au-dessus de la patène ou du calice, le montre aux fidèles en disant : « Voici l’Agneau de Dieu, voici celui qui enlève les péchés du monde. Heureux les invités au repas des noces de l’Agneau ! ». Les fidèles répondent : « Seigneur, je ne suis pas digne de te recevoir, mais dis seulement une parole et je serai guéri », utilisant les paroles du centurion de Capharnaüm quand il se reconnaissait indigne de recevoir Jésus dans sa maison. Jésus est appelé l’Agneau à l’image des agneaux que l’on sacrifiait dans le temple, mais à une grande différence près : les agneaux du temple n’enlevaient pas les péchés du monde, en revanche l’« Agneau de Dieu », Lui, enlève les péchés du monde.
La communion est un don du Seigneur aux fidèles, qui est donné aux fidèles par l’intermédiaire du ministre qui a été délégué pour cela. On imite le geste du Seigneur : « Il le donna, en disant, prenez… ». Pour cette raison l’Église n’autorise pas les fidèles à prendre eux-mêmes la Sainte Hostie ou le Saint Calice, encore moins à se les transmettre de main en main. Comme le prévoit la PGMR, « il est très souhaitable que les fidèles, comme le prêtre est tenu de le faire lui-même, reçoivent le corps du Christ avec des hosties consacrées au cours de cette même célébration et, dans les cas prévus, qu’ils participent au calice, afin que par ces signes mêmes, la communion apparaisse mieux comme la participation au sacrifice actuellement célébré »[218].
La Communion sous les deux espèces peut être envisagée et même souhaitable pour tous les communiants surtout pendant la messe de la Cène du Seigneur et les fêtes pascales etc. Ainsi, outre le président de l’assemblée qui boit au calice, tous ceux qui l’entourent peuvent faire de même : concélébrants, diacres, autres ministres dont les ministres extraordinaires de la Communion… animateurs, lecteurs etc. Cela correspond mieux au commandement du Seigneur qui a dit : « Prenez, et buvez-en tous ». Si cela ne peut pas se faire pour des raisons pastorales ou de commodité, on donnera la Communion par intinction : on trempe l’hostie dans le vin du calice. Pour cela, il faut se référer à ce que dit la PGMR aux numéros 284-287. De toute façon, il est toujours bon, en peu de mots, de préciser le mode de communion.
1. Un certain temps de silence. Lorsque le dernier fidèle a communié et que le prêtre a porté la réserve dans le tabernacle, les fidèles s’assoient ou s’agenouillent et suit un temps de prière personnelle. La PGMR recommande ce temps de silence : « Lorsque la distribution de la Communion est achevée, le prêtre et les fidèles, (…), prient en silence pendant un certain temps »[219].
2. La prière après la Communion. Tous les fidèles se mettent debout. Le prêtre implore les fruits du mystère célébré. Prenons par exemple la prière après la communion du Ier dimanche de l’Avent : « Nous t’en prions, Seigneur, fais fructifier en nous les mystères que nous avons célébrés : tandis que nous marchons dans ce monde qui passe, tu nous enseignes par eux à aimer dès maintenant les biens du ciel, et à nous attacher à ceux qui demeurent ».
La prière après la Communion achève la prière du peuple de Dieu et conclut tout le rite de communion. Le prêtre dit : « Prions le Seigneur » ; tous les fidèles prient en silence avec le prêtre pendant quelque temps, à moins qu’on ait gardé le silence précédemment. Puis le prêtre, les mains étendues, dit la prière après la communion. Dans l’antiquité, elle achevait la célébration de la messe, avant que les fidèles ne se séparent. La réforme conciliaire a conservé cet usage dans la liturgie du Vendredi saint. Habituellement, elle se termine ainsi :
Par le Christ, notre Seigneur. Les fidèles répondent : Amen.
Si elle s’adresse au Père, avec mention du Fils à la fin :
Lui qui vit et règne pour les siècles et des siècles. ℟. Amen.
Si elle s’adresse au Fils :
Toi qui vis et règne pour les siècles et des siècles. ℟. Amen.
5.3.3.4. Les rites de la conclusion
La célébration eucharistique a ouvert un avenir nouveau en faisant mémoire de l’itinéraire pascal au Christ, inauguré par le don de sa vie pour le salut de tous. Voici arrivé le moment pour les membres de l’assemblée de faire de même. L’Eucharistie qu’ils viennent de vivre leur a rendus capables de participer au Mystère pascal du Christ et l’envoi liturgique vient qualifier la mission qui se dessine devant eux.
La célébration eucharistique n’a qu’un seul rite de conclusion composé de plusieurs éléments, et non une conclusion composée de plusieurs rites[220]. La PGMR indique le contenu du rite de conclusion : « a. La salutation et la bénédiction du prêtre qui, certains jours et à certaines occasions, est enrichie et développée par la prière sur l’assemblée ou une autre formule solennelle. b. L’envoi du peuple par le diacre ou le prêtre afin que chacun retourne à ses bonnes œuvres en louant et bénissant le Seigneur. c. Le baiser de l’autel par le prêtre et le diacre, suivi de l’inclination profonde vers l’autel par le prêtre, le diacre et les autres ministres »[221]. La même PGMR, détaillant ce rite, précise : « Une fois terminée la prière après la Communion, on fera, si c’est utile, de brèves annonces au peuple »[222]. Cela dit, les annonces ne sont donc pas systématiques, mais elles sont dans l’esprit du rite d’envoi[223]. Si on doit les faire, surtout à la messe dominicale, on notera d’abord qu’elles sont faites depuis le siège du président ou devant le pupitre et non de l’ambon ni de l’autel. Ensuite, il n’est pas tout à fait réservé au président de les faire, dépendamment des besoins et des situations. Elles peuvent être faites par quelqu’un d’autre. On se rappellera qu’une annonce n’est pas un discours.
Le rite de la conclusion de la messe, précisons-le toute de suite, n’est pas une fin. On ne dit pas « à la fin de messe ». En termes propres, il s’agit d’un envoi. Le terme latin le détermine : « Ite, missa est » qui signifie « le renvoi des fidèles ». La nouvelle traduction en langue française l’enrichit davantage : « Allez porter l’Évangile du Seigneur » ; « Allez en paix, glorifiez le Seigneur par votre vie » ou encore « Allez en paix ». Tout ceci, pour montrer la dimension missionnaire de la célébration eucharistique. Outre cet aspect missionnaire, le peuple est exhorté à demeurer dans la paix du Christ ressuscité. On tiendra compte de :
1. La bénédiction. Le peuple reçoit la bénédiction du prêtre en se signant en silence. Le peuple sacerdotal ou liturgique a béni Dieu. À son tour, il reçoit la bénédiction de Dieu au moment où il est envoyé dans le monde en son nom. Le prêtre implore la protection du Père et du Fils et du Saint-Esprit sur les fidèles pour qu’ils deviennent vraiment ce qu’« ils continuent à vivre de l’esprit de l’Eucharistie qu’ils viennent de célébrer »[224].
2. Le chant final. Après le chant, les fidèles peuvent sortir de l’église. Le moment de la sortie prolonge le moment sacré de la Messe. Certaines personnes resteront à prier encore, souhaitant passer un instant personnel d’intimité avec Dieu ; on doit être sensible à leurs besoins particuliers et à leurs dévotions en collaborant avec son silence.
5.3.3.5. Les apologies du prêtre et les silences pendant la messe
1. Les prières privées du prêtre appelées « apologies », se font en silence à différents moments de la messe. Au moment de l’acte pénitentiel, avant de proclamer l’Évangile, après l’Évangile, au moment de se laver les mains, de l’immixtion, après l’Agnus Dei, au moment de la communion, etc. La PGMR au numéro 33, souligne leur raison d’être en ces termes : « Le prêtre prie comme président, au nom de l’Église et de la communauté rassemblée ; il prie aussi parfois en son nom propre pour accomplir son ministère avec plus d’attention et de piété ». Elles « invitent le prêtre à personnaliser son devoir, à se remettre au Seigneur à titre personnel. Elles sont aussi un excellent moyen de se mettre en chemin – comme les autres fidèles – pour aller à la rencontre du Seigneur de manière totalement personnelle, et pas seulement communautaire »[225].
2. Les silences pendant la messe. Le silence doit être observé en son temps. Sa nature dépend du moment où il trouve place dans chaque célébration. Par exemple, pendant l’acte pénitentiel et après l’invitation à prier, chacun se recueille ; après une lecture ou l’homélie, on médite brièvement ce qu’on a entendu ; et après la communion, on loue Dieu dans son cœur et on prie. La prière liturgique, « comme toute forme de prière, est fondamentalement attention ». Or « le silence, note Laurence Freeman, est un travail, le travail de l’attention aimante et son fruit est un cœur pénétré d’action de grâce »[226]. « Toutes formes prières, disait Jean-Paul II, s’élèvent sur le socle du silence ». Ainsi donc, l’Eucharistie qui est le culmen et fons de l’Église ne peut pas se déroger à cette règle fondamentale. Elle est la prière par excellence de l’Église. « Le silence durant l’Eucharistie, souligne Laurence Freeman, ne fait pas de la liturgie une cérémonie privée, comme certains pourraient le craindre, et comme cela se produisait souvent avec le rite tridentin. Les fidèles sentaient que quelque chose de sacré et de très mystérieux se déroulait, sans qu’ils se sentent personnellement impliqués. Alors ils récitaient leurs prières pendant que le prêtre poursuivait son office de son coté. Le silence en tant qu’expérience liturgique, au contraire, rapproche les membres de la communauté et unifie leur attention de sorte que, unis de cœur et d’esprit, ils peuvent entendre la Parole et prendre part au Mystère »[227].
Le silence liturgique n’est pas un silence artificiel et autonome. Comme le soulignait Jean-Paul II, « nous devons passer de l’expérience liturgique du silence à la spiritualité du silence, à la dimension contemplative ». Dès le commencement de la célébration eucharistique, le prêtre nous invite au recueillement par cette invitatoire : « Prions le Seigneur ». L’assemblée se recueille pour la « collecte », « impliquant l’idée de rassemblement : rassemblement des prières certes, mais également "rassemblement du cœur" » (Ps 85, 11)[228]. Dans l’actio liturgicae, il faut passer du silence extérieur au silence intérieur, de l’extériorité à l’intériorité. Comme le note Xavier Accart, « Saint Benoît, qui désigne l’absence de bruit per le terme quies, réserve celui de silentium pour qualifier une disposition intime de tranquillité et d’attention aimante. Elle est indispensable pour entrer dans la réalité profonde de la messe : le mystère eucharistique »[229]. Le mystère (mysterium) réclame toujours le silence (silentium).
Qu’est ce que le mystère pascal ?
La conception de Aimon-Marie Roguet
Aimon-Marie Roguet, en 1961, fît une synthèse de la manière dont on comprenait l’expression « mystère pascal » redécouverte récemment, et ce qu’elle apportait à la compréhension du salut et sa célébration dans la liturgie lors des sessions du Centre Pastoral Liturgique (C.P.L) tenues à Vanves-Versailles[230]. Il a montré que la notion de « mystère pascal »[231] a évolué avec des emplois différents. Le Missel (avant 1951) employait les expressions sacramentum paschale, sacramenta paschalia pour dire les sacrements célébrés à Pâques et qui procurent la grâce de Pâques. Le Missel utilisait aussi une deuxième catégorie de textes dans lesquels le mystère pascal, bien que de manière délimitée, semble désigner les grands sacrements de la Pâque, mais dans un complexe liturgique qui correspond davantage à ce que nous entendons par mystère pascal[232]. Enfin, une dernière catégorie était celle de paschalia mysteria qui serait la Pâque du Christ distincte de la Pâque des baptisés. Le mystère pascal n’a pas été une expression nouvelle. Il a connu différents modes d’utilisation et de compréhension dans son emploi liturgique. Selon Aimon-Marie Roguet, ce que nous appelons le mystère pascal aujourd’hui, correspond à ce que l’on appelait le dogme de la rédemption dans la théologie classique. Il montre aussi comment rédemption et mystère pascal coïncident avec un même point de départ : l’humanité dans son état de péché et de mort, un même point d’arrivée : l’humanité rendue à la vie et à la sainteté[233]. Mais en même temps, il fait remarquer la différence des mots. Pour lui, « rédemption » est un mot abstrait tandis que « mystère pascal » fait référence non seulement à un événement, mais aussi à un rite, à une fête. Le terme de « mystère pascal », note-il, parle à notre mémoire, à notre imagination et nous met en activité. La rédemption renvoie à quelque chose de systématiquement intellectuel, juridique et même commercial : il y a l’idée d’affranchissement d’un esclave, de rachat, de rançon, de paiement d’une dette etc. Or, la Pâque, souligne Aimon-Marie Roguet, « évoque à la fois le passage du Seigneur dans son peuple pour le sauver, et le passage de ce peuple, qui va de l’esclavage et de l’idolâtrie au Royaume de Dieu »[234]. La Pâque du Christ est complète, effective et achevée tandis que celle des chrétiens est en croissance, inaccomplie. Par son unité dynamique, il ne permet pas de créer une dualité entre la mort et la vie, entre la passion et la résurrection. Le mystère pascal, écrit Aimon-Marie Roguet, c’est le mystère de la rédemption vu sous tous ses aspects, avec tous ses enracinements et tous ses prolongements, toutes ses résonnances, bibliques, liturgiques, morales et mystiques[235]. Alors que retenons-nous d’essentiel pour notre recherche ?
Il schématise le mystère pascal en trois articles inséparables que nous tenons à reprendre. Dans le premier article, il montre que c’est la mort qui est en situation. Cette mort, elle est vaincue par le Christ qui a donné sa vie librement pour notre propre salut. Autrement dit, c’est dans la mort du Christ comme sacrifice volontairement offert que nous sommes libérés de la mort. La mort du Christ comme don de sa vie de manière consciente et libre ne peut pas être dissociée de sa résurrection. La résurrection est la preuve de la liberté du Christ dans sa mort[236].
Le deuxième article porte sur la vie qui jaillit de la mort. Dans le Christ, la vie en plénitude se réalise dans sa mort[237]. La mort de Jésus n’est pas une utopie. C’est une mort réelle, mais dans cette mort réelle, la vie est engendrée. C’est la vie totale, la vie en plénitude. Le Christ ne connaîtra plus la mort. Il est le Vivant à jamais. Si la résurrection est le terme et la fin du mystère pascal comme l’a fait remarquer Aimon-Marie Roguet, c’est parce que, ressuscité, la mort n’a aucun pouvoir sur le Christ, « il vit à jamais d’une vie nouvelle, d’une vie divine, il est assis dans la gloire à la droite de Dieu »[238]. Enfin, dans le troisième article, le passage de la mort à la vie est abordé comme l’œuvre de Dieu. Pour Aimon-Marie Roguet, ce passage de la mort à la vie « est un mystère qui dépasse toutes les prévisions humaines, dans lequel se déverse la miséricorde gratuite et incompréhensible du Créateur »[239]. Dans cet acte libre de Dieu, la vie de l’homme est transformée, elle devient une vie pascalisée, orientée vers le Christ dans sa gloire.
Provenance du texte : Diesel PHAT, « La célébration des fêtes patronales en Haïti, enjeux théologiques et pastoraux », Mémoire de licence canonique de théologie (Liturgie et théologie sacramentaire), Hélène Bricout (dir.), Paris, Institut Catholique de Paris, Theologicum, Faculté de Théologie et de Sciences Religieuses, Institut Supérieur de Liturgie, 2017, p. 57-59.
5.4. Des lieux pour le rassemblement de la communauté liturgique[240]
Une question surgit. L’Église a-t-elle besoin de lieux pour célébrer la liturgie ? En effet, le culte « en esprit et en vérité » (Jn 4,24) de la Nouvelle Alliance n’est lié à aucun lieu en particulier, car le Christ est le véritable temple de Dieu, grâce auquel les chrétiens et l’Église entière deviennent, sous l’action de l’Esprit Saint, temples du Dieu vivant. Toutefois, le Peuple de Dieu, dans sa condition terrestre, a besoin de lieux où la communauté peut se rassembler pour célébrer la liturgie »[241].
Alors, on note que les lieux pour le rassemblement de la communauté liturgique sont les maisons de Dieu, symbole de l’Église qui vit en tel lieu précis et symbole de la demeure céleste. Ce sont des lieux de prière dans lesquels l’Église célèbre surtout l’Eucharistie et adore le Christ, réellement présent dans le tabernacle[242]. La PGMR, au numéro 294 déclare : « Le peuple de Dieu, qui se rassemble pour la messe, forme une assemblée organisée et hiérarchique, qui s’exprime par la diversité des ministères et des actions selon chaque partie de la célébration. Il faut que le plan d’ensemble de l’édifice sacré soit conçu de manière à offrir en quelque sorte l’image de l’assemblée qui s’y réunit, à permettre la répartition harmonieuse de tous et à favoriser le juste accomplissement de chaque fonction ». Ce texte met en lumière l’organisation d’un espace liturgique. Il s’agit des lieux pour le rassemblement liturgique.
5.4.1. Les églises, lieux de rassemblement de la communauté liturgique
Les lieux de rassemblement de la communauté liturgique ou célébrante sont les églises. Elles doivent être construites en respectant les normes liturgiques favorisant la « participation active » des fidèles à une liturgie qui est à la fois hiérarchique et communautaire. En effet, toute église doit avoir une fonction pédagogique pour les fidèles: c’est le lieu du « rendez-vous » entre Dieu et son peuple qu’il a convoqué et rassemblé. Les églises, ou les lieux dans lesquels « la communauté se rassemble pour entendre la Parole de Dieu, prier en commun, accomplir les sacrements, célébrer l’Eucharistie »[243] doivent être dignes. Ces églises ou ces lieux « se prêteront à accomplir l’action sacrée et à obtenir la participation active des fidèles » (PGMR, n° 288). Ils offrent par leur visibilité « un signe particulier de l’Église en chemin sur la terre, et une image de l’Église établie dans les cieux »[244]. C’est bien la raison pour laquelle toute église destinée au culte doit être consacrée au Seigneur. C’est le lieu de l’assemblée.
L’assemblée, dit Paul De Clerck, est une caractéristique fondamentale du culte chrétien. Ce sont, poursuit-il, les premiers mots de saint Paul, quand il écrit aux Corinthiens pour les reprendre vraiment à propos de leur manière de célébrer l’eucharistie : « Lorsque vous vous rassemblez en église […] quand vous vous réunissez en commun… » (1 Co 11, 18.20)[245]. En fait, « la citation de Paul nous fait d’ailleurs observer que les chrétiens ont pris l’habitude de désigner le lieu de leur rassemblement par le terme qui les qualifie eux-mêmes ; le mot "Église", en effet, désigne l’assemblée, et celle-ci a donné son nom à l’espace construit pour l’abriter »[246]. Revenons également au terme « synagogue » désignant le lieu de la prière et du rassemblement de la communauté juive en son local. Donc, on peut tout de suite voir que l’une des caractéristiques des lieux de la prière en régime chrétien, ce sont des lieux de rassemblement de la communauté liturgique.
5.4.2. L’organisation de l’espace liturgique
comme lieu théologique et lieu d’initiation
Pour la construction de nos églises, les plans doivent être adoptés en fonction d’une vision théologique, ecclésiologique et liturgique et non en fonction des goûts personnels. Les normes liturgiques demandent tout simplement que « dans la construction des édifices sacrés, on veillera attentivement à ce que ceux-ci se prêtent à l’accomplissement des actions liturgiques et favorisent la « participation active » des fidèles »[247].
Dès que nous parlons d’église comme espace de célébration liturgique, nous posons automatiquement « la question de la mise en présence : la mise en présence des hommes et des femmes qui forment l’Église, et la mise en présence de cette Église avec le Christ. Or l’instrument de la mise en présence créé et donné par Dieu aux hommes c’est l’espace »[248]. Cet espace, lieu de rassemblement de la communauté liturgique « apparaît non seulement comme l’instrument de la mise en présence du visible, celle des hommes vivants aujourd’hui, mais également comme l’instrument de la mise en présence de l’invisible et notamment de Jésus vivant »[249]. C’est un espace sacramentel car il est lieu de la rencontre, de la relation, de la célébration des mystères (les sacrements) et du Mystère (le Christ, le Sacrement principal). C’est un espace d’initiation puisque, lieu central de la liturgie, il sert à faire une « expérience initiatique ». Donc, un lieu pour la foi. L’espace liturgique chrétien indique la radicalité de la foi en Christ, le nouveau Temple : « l’humanité de Jésus devient le seul et unique lieu de la présence de Dieu ». Il est la « Porte » (Jn 10, 9), la « Voie » (Jn 1, 51). Franchir le seuil de l’église est un itinéraire spirituel ; c’est vivre une Pâque[250]. Passer la porte c’est passer de l’extériorité (quies) à l’intériorité (silentium) avec le Christ et par le Christ. Mais c’est aussi un chemin pascal quotidien, franchir la porte de l’église implique une ouverture du cœur : « Voici que je me tiens à la porte, et je frappe. Si quelqu’un entend ma voix et ouvre la porte, j’entrerai chez lui ; je prendrai mon repas avec lui, et lui avec moi » (Ap 3, 20). Cela veut tout simplement dire : « De même que tu entres dans cette église, Dieu veut entrer dans ton âme » (Saint Césaire d’Arles, VIe siècle).
On peut dire sans ambages qu’en liturgie, « l’église n’est pas neutre : elle est marquée par les liturgies qui y sont célébrées, autant que les liturgies sont marquées par elle. Le lieu dans lequel les chrétiens se rassemblent pour célébrer le Seigneur est qualifié par la célébration, mais ce lieu influence à son tour la célébration elle-même »[251].
Le sanctuaire est le lieu où se dresse l’autel, où est proclamée la parole de Dieu, où le prêtre, le diacre et les autres ministres exercent leurs fonctions. Il convient qu’il se distingue du reste de l’église soit par une certaine élévation, soit par une structure et une ornementation particulières. Il doit être assez vaste pour que la célébration de l’Eucharistie puisse être accomplie et vue facilement »[252].
Toutefois, il faut éviter des structures qui coupent le lien entre la nef et le sanctuaire comme par exemple, les balustrades, les séparateurs etc. Il faut faire un bon usage du lieu-église pour faciliter la « participation active » des fidèles à la liturgie qui s’y célèbre. Ne jamais oublier que le vrai lieu liturgique, c’est l’assemblée (l’Ekklesia), le Corps du Christ : « Si quelqu’un détruit le sanctuaire de Dieu, cet homme, Dieu le détruira, car le sanctuaire de Dieu est saint, et ce sanctuaire, c’est vous » (1 Co 3, 17). Par conséquent, il faut éviter toute séparation malheureuse dans la gestion de l’espace liturgique qui marque parfois une trop forte cléricalisation et pourquoi pas une certaine ignorance de ce qu’est l’assemblée liturgique comme communauté sacerdotale.
Plan schématique d’une église
Parvis
5.4.2.1. Les lieux du baptême (les fonds baptismaux) [253]
La symbolique baptismale, dans les trois Rituels, privilégie l’immersion « qui signifie plus clairement la participation à la mort et à la résurrection du Christ »[254], contribuant à « mieux faire saisir qu’il ne s’agit pas d’un rite de simple purification »[255]. Cependant, pour diverses raisons, le baptême par « infusion » demeure la pratique la plus utilisée dans nos régions ».
1. « Un espace symbolique à la hauteur du mystère. Pour rendre compte de la grandeur de ce mystère, il convient de le célébrer dans un lieu et avec des objets qui soient dignes. Ainsi les lieux baptismaux doivent notamment manifester visiblement[256] :
· Le baptême est un acte ecclésial, communautaire. L’espace baptismal doit donc être situé dans un lieu visible et accessible de tous ;
· La source d’eau vive régénère celui qui le reçoit » (voir Jn, 3). Il convient que la cuve baptismale soit remplie d’eau avant le baptême ;
· « L’illumination » : le nouveau baptisé est éclairé de la lumière de Pâques. Il accueille le Christ, lumière du monde, pour être à son tour lumière dans le monde. De par leur emplacement, les baptistères anciens possédaient une lumière zénithale, propre à signifier l’illumination du baptême. Les baptistères modernes ont la chance de pouvoir jouer sur l’éclairage pour célébrer la lumière du Christ ;
· Le baptême est placé sous le signe d’un « passage », du « vieil homme » au statut de fils adoptif dans le fils unique par l’Esprit. Le Mystère pascal centré sur la croix et la résurrection, devrait pouvoir être symbolisé de quelque manière sur le plan visuel ;
· L’entrée dans la communion de vie avec Dieu, communion qui constitue déjà les prémices de la vie éternelle. Les décorations murales de certains anciens baptistères évoquant le « paradis » retrouvé sont significatives de cette dimension eschatologique ;
· Le baptême est le premier des sacrements de l’initiation chrétienne. Le saint-chrême pour l’onction post-baptismale demande donc à être mis en valeur, et la démarche vers l’autel ensuite doit pouvoir être significative.
2. « Un espace initiatique. Le baptistère n’est pas le seul lieu utilisé durant la célébration des baptêmes. Le rituel prévoit en effet une progression symbolique. Il convient alors de créer une distance, quand cela est possible, entre le lieu du baptême (au sens baptistère) et les autres lieux liturgiques investis pendant la célébration du baptême afin de renforcer la force symbolique de chaque moment de la célébration »[257].
Il est préférable de placer le baptistère à l’entrée de l’église en vue de souligner qu’on entre dans la famille des enfants de Dieu par le baptême. Ce pôle essentiel met en exergue le baptême comme première étape de l’initiation chrétienne, comme la porte des sacrements. La dignité du lieu du baptême a une haute signification théologique en lien avec celle (dignité) du baptême. Le baptistère doit être un lieu de mémoire pour les chrétiens. Placer le baptistère à l’entrée de l’église pour la célébration du baptême montre le caractère pérégrinant de la vie chrétienne ou la dimension eschatologique de la liturgie. Le déplacement vers l’autel après le bain baptismal pour le Notre Père et la conclusion de la célébration est très expressif dans l’acte d’habiter l’espace liturgique comme un espace vivant, pour une liturgie en mouvement.
Le baptistère ou « fonds baptismaux » ou encore « fontaine baptismale » est une marque distinctive de l’église cathédrale d’abord et ensuite de toute église paroissiale[258]. Il est le lieu où « les chrétiens renaissent de l’eau et de l’Esprit Saint »[259]. S’il n’est pas possible de le placer à l’entrée de l’église, on peut le situer « dans une chapelle ou bien dans un autre endroit de l’église, bien en vue des fidèles, son aménagement doit être adapté à la participation d’un grand nombre »[260].
5.4.2.2. Le lieu de la Parole (l’ambon)
Du grec anabaïnein « monter », l’ambon (ἄμβων) doit être étudié en lien avec ce que nous avons déjà dit au sujet de la liturgie de la Parole. Dès les premiers siècles, les chrétiens proclamaient les Évangiles depuis un endroit plus élevé que celui où étaient placés les fidèles. Comme un rappel de Jésus qui gravissait la montagne pour enseigner les foules, celui qui lisait devait monter quelques marches. La présence du Seigneur qui enseigne par sa Parole se retrouve d’ailleurs dans la prière de bénédiction de l’ambon : « Que la voix de ton Fils résonne en ce lieu ! »[261].
L’ambon est le lieu où Dieu nous adresse sa parole : « Parole du Seigneur ! », « Nous rendons grâce à Dieu ! ». Dieu nous parle dès ce lieu liturgique. Lieu pour la foi, la liturgie nous fait entrer dans l’intelligence de la Parole révélée. Car « la foi nait de ce que l’on entend ; et ce que l’on entend, c’est la parole du Christ » (Rm 10, 17). La PGMR souligne la dignité de l’ambon comme lieu de l’annonce de la Parole de Dieu : « La dignité de la parole de Dieu requiert qu’il y ait dans l’église un lieu adapté à sa proclamation et vers lequel, pendant la liturgie de la Parole, se tourne spontanément l’attention des fidèles »[262].
Le même numéro de la PGMR cité ci-dessus, note que c’est uniquement de l’ambon que sont proclamés les lectures, le psaume responsorial et l’annonce de la Pâque ; on peut aussi y prononcer l’homélie et les intentions de la prière universelle. La dignité de l’ambon exige que seul le ministre de la Parole y monte. Symbole de l’autorité et de l’efficacité de la Parole de Dieu, l’ambon doit être élevé, stable, bien disposé et suffisamment noble. Ainsi, le lieu de la Parole doit :
· correspondre à la dignité de la Parole de Dieu ;
· rappeler clairement aux fidèles qu’à la messe est préparée la double table de la Parole de Dieu et du Corps du Christ ;
· et enfin favoriser l’audition et l’attention des fidèles durant la liturgie de la Parole[263].
Tout nouvel ambon doit être béni avant son usage liturgique, selon le rite prévu dans le Rituel romain[264]. D’autant plus, on doit lui donner un lien et un rapport harmonieux avec l’autel. Outre les livres pour annoncer la Parole de Dieu dans les célébrations, l’ambon a un rôle particulier pour une bonne célébration de la liturgie de la Parole. Dans la liturgie synagogale, dans le livre de Néhémie, il est fait mention d’une sorte d’ambon[265] : « Esdras, tourné vers la place de la porte des Eaux, fit la lecture dans le livre, depuis le lever du jour jusqu’à midi, en présence des hommes, des femmes, et de tous les enfants en âge de comprendre : tout le peuple écoutait la lecture de la Loi. Le scribe Esdras se tenait sur une tribune de bois, construite tout exprès. […]. Il ouvrit le livre ; tout le peuple le voyait, car il dominait l’assemblée. Quand il ouvrit le livre, tout le monde se mit debout. Alors Esdras bénit le Seigneur, le Dieu très grand, et tout le peuple, levant les mains, répondit : Amen ! Amen ! Puis ils s’inclinèrent et se prosternèrent devant le Seigneur, le visage contre terre » (Ne 8, 3-6). L’ambon nous rappelle, également dans l’Évangile de saint Matthieu, le moment où Jésus « gravit la montagne », « s’assit » pour enseigner la foule (Mt 5, 1).
Pour approfondir :
Un lieu pour la Parole : où placer l’ambon ? (Par le Frère Pierre-Benoît et Claire Mouly)
Le face à face entre l’assemblée et le chœur
C’est la situation la plus courante (A). L’ambon peut se trouver à droite de l’autel ou à gauche, en avant ou légèrement derrière, mais toujours en lien avec lui et la présidence, dans un rapport frontal à l’assemblée. C’est le schéma classique de la plupart des églises conçues et construites pour des liturgies antérieures à Vatican II, même lorsque que le chœur a été réaménagé suivant les directives conciliaires. Cette situation permet une bonne visibilité de tous, mais la disposition de type enseignant/enseigné peut entraîner une forme de passivité de l’assemblée dans la réception de la Parole, et produit une immédiateté qui ne convient pas à l’universel de ce qui se passe au moment de la lecture.
Une frontalité atténuée
Des recherches spatiales ont permis, tout en tenant compte des contraintes architecturales, de sortir de la frontalité directe en proposant une avancée de l’espace liturgique dans l’assemblée. L’ambon est généralement placé en avant de l’autel. L’assemblée est alors moins passive, elle est associée à l’acte de lecture. Mais le lecteur tourne le dos à certains des membres de l’assemblée. Et comme dans la configuration précédente, il y a le risque d’une parole trop prégnante.
Un ambon en arrière de l’autel
Dans certains lieux qui répondent aux critères précédents, l’ambon a été placé en arrière de l’autel, pour des raisons d’échelle, de contraintes architecturales ou de visibilité. Cette position n’est pas gênante en soi à condition que l’audition soit bonne et que la proportion soit respectée dans le rapport à l’autel, l’assemblée et l’architecture. La proclamation est plus distanciée. Et elle informe sur ce qui va se passer à l’autel. Une profondeur spatiale est introduite entre l’autel et l’ambon, comme une ouverture à la dimension universelle de cet acte. La lecture à l’ambon va au-delà de l’assemblée présente. Un bon éclairage peut atténuer, si nécessaire, l’effet d’éloignement spatial.
La bipolarité autel / ambon
Pour permettre une participation plus active de l’assemblée, certains ont souhaité sortir du schéma frontal, proposant une bipolarité où l’ambon forme un deuxième pôle en vis-à-vis de l’autel (B). L’assemblée est alors placée soit en forme de U, soit en ellipse, soit en face à face de part et d’autre de l’axe autel/ambon, à la manière des chœurs monastiques. Dans cette configuration, l’assemblée accueille le sanctuaire en son sein. La place donnée au vide dans cet espace est alors essentielle. Le vide, ainsi proposé, dit quelque chose de l’insaisissable du mystère qui se déroule et réintroduit la dimension eschatologique du lieu. Il est important de bien distinguer les deux pôles sans forcer sur la charge iconique de l’ambon, afin que l’assemblée soit orientée vers l’autel lors de la liturgie eucharistique. Le lecteur à l’ambon est dans une position d’adresse universelle. La Parole y est proclamée en soi, sans risque de mise en scène. Le lecteur n’est pas distrait par l’assemblée. Par contre, il y a pour chacun une exigence de tenue réciproque à cause du vis-à-vis de l’assemblée qui peut gêner et détourner l’attention des participants. Il est plus aisé de concevoir ce type de disposition pour une construction nouvelle que lors d’un réaménagement liturgique dans une église ancienne. On trouve des réalisations intéressantes en Belgique et en Allemagne.
Les trois pôles en relation triangulaire
Ce plan est une variante de la proposition précédente. Il est expérimenté actuellement à l’église Saint Ignace, à l’initiative des Jésuites (C). Il a l’avantage d’orienter le regard vers l’autel et de lui donner la priorité, tout en honorant la place de l’ambon et de la présidence. Le vide introduit entre les trois pôles laisse la possibilité au cérémonial de l’évangéliaire de se déployer au regard de tous.
Une liturgie itinérante
On trouve aussi des organisations spatiales particulières avec la création d’un espace spécifique pour la liturgie de la Parole autre que celui de la liturgie eucharistique, nécessitant un déplacement de l’assemblée au moment de l’offertoire (D). Cette utilisation dynamique de l’espace peut être féconde pour l’implication des fidèles à la messe. Mais se pose alors la question de l’habitation visuelle de cet espace de la Parole quand il est déserté: que donne-t-on à voir de ce lieu d’écoute vide avec des objets laissés sur les chaises? Il est important qu’il soit réinvesti à la fin de la liturgie. L’accent est mis sur le temps de la parole, mais le lien fondamental qui unit l’autel et l’ambon comme une seule et même présence de Jésus-Christ au milieu de nous risque d’être moins sensible dans ce type de configuration[3].
Il reste, dans certains édifices, une grande difficulté à trouver une place pour l’ambon : une église très petite avec un chœur trop étroit pour mettre autour de l’autel l’ambon, le siège du célébrant et le pupitre de l’animateur de chant; des colonnes qui empêchent de voir le lecteur à l’ambon; une barrière de communion qui crée une forte séparation entre l’assemblée et le lecteur ? Certaines des configurations présentées ici peuvent aider à choisir, malgré ces contraintes, un lieu juste pour l’ambon.
Provenance : Article extrait des Chroniques d’art sacré, n°85, printemps 2006, p. 13-15 ; et Cf. https://liturgie.catholique.fr, consulté, le 29 octobre 2022.
5.4.2.3. Les lieux de l’Eucharistie (l’autel) et de la réserve eucharistique
L’autel est cette table imposante autour de laquelle s’organise tout l’édifice. Il vient du latin, altare, désignant le foyer de la combustion des victimes. Ainsi, dans le régime liturgique,
l’autel, où le sacrifice de la Croix est rendu présent sous les signes sacramentels, est aussi la table du Seigneur à laquelle, dans la messe, le peuple de Dieu est invité à participer ; il est aussi le centre de l’action de grâce qui s’accomplit pleinement par l’Eucharistie[266].
« Ce que la liturgie de l’ancienne Alliance faisait en deux actions successives et dans deux endroits différents – au temple, le sacrifice et, à la maison, le repas sacrificiel de communion –, la liturgie chrétienne le réalise en un seul acte et dans un seul lieu au cours de l’eucharistie. En régime chrétien, ce lieu unique est donc inséparablement autel et table »[267]. L’autel symbolise le Christ. Il a une valeur théologique et mystique. Il est central dans l’église. La PGMR précise : « Il convient que dans toutes les églises il y ait un autel fixe, qui signifie, de manière claire et permanente le Christ Jésus, Pierre vivante (1 P 2, 4 ; cf. Ep 2, 20), mais dans les autres lieux destinés aux célébrations sacrées, l’autel peut être mobile » (n° 298).
Il faut faire un bon usage de l’autel. Là où c’est possible, il convient de l’ériger à une distance du mur qui permettra d’en faire aisément le tour et d’y célébrer face au peuple. On lui donnera l’emplacement qui en fera le centre où converge spontanément l’attention de toute l’assemblée des fidèles (cf. PGMR, n° 299). On y placera des reliques authentiques de martyrs ou de saints lors de sa dédicace ou consécration. Les ministres ordonnés le vénèrent par un baiser, signe de communion dans l’amour – et par l’encensement qui est un signe de respect et le symbole de la prière de l’Église qui monte vers Dieu.
Par respect également pour la célébration du mémorial du Seigneur, et pour le banquet où nous sont donnés le Corps et le Sang du Seigneur, on mettra sur l’autel où l’on célèbre au moins une nappe blanche qui par sa forme, ses dimensions et sa décoration convienne à la structure de l’autel (cf. PGMR, n° 304). Pas de question d’y mettre des nappes en lien avec la couleur liturgique du jour. La couleur liturgique concerne les vêtements liturgiques, le voile de l’ambon et le « conopée » ou le « voile du tabernacle ».
Pour ce qui a trait à la réserve eucharistique, la PGMR précise : « En fonction des données architecturales de l’église et conformément aux coutumes locales légitimes, la sainte Eucharistie sera conservée dans un tabernacle placé dans un lieu très noble, insigne, bien visible, bien décoré et permettant la prière. Le tabernacle sera normalement unique, fixe, fait d’un matériau solide et à l’abri des effractions, non transparent et si bien fermé que soit évité au maximum tout danger de profanation. Il convient de plus que le tabernacle soit béni avant d’être mis en service pour la liturgie, selon le rite prévu dans le Rituel romain »[268]. On peut placer le tabernacle soit sur une colonne ou dans une niche murale, soit dans une chapelle latérale adaptée à l’adoration et à la prière des fidèles. Près de la sainte réserve eucharistique, une lampe spéciale, alimentée avec de l’huile ou de cire, brillera en permanence, pour signaler et honorer la présence du Christ.
Le Rituel de la dédicace donne un éclairage théologique et spirituel global du sens de l’autel dans le milieu central de l’église : « Puisque le Christ, Chef et Maître, est le véritable autel, ses membres et ses disciples, eux aussi, sont des autels spirituels sur lesquels est offert à Dieu le sacrifice d’une vie sainte »[269]. En résumé, l’autel est la table de fête, un lieu de paix et de profonde communion, source d’unité pour l’Église et source d’union entre les frères, le centre de notre louange et de notre action de grâce jusqu’au jour où nous parviendrons, exultant de joie, dans les demeures du ciel, là où nous offrirons à Dieu le Père sans fin le sacrifice de louange avec le Christ, souverain Prêtre et vivant Autel[270].
L’autel doit être utilisé seulement au moment de la liturgie eucharistique. Il n’est une sorte de « fait-tout », c’est-à-dire un lieu où l’on fait les mots d’accueil et les annonces, d’où l’on dit les oraisons, proclame l’Évangile etc. Il ne peut pas être non plus un « fourre-tout » c’est-à-dire l’endroit où l’on dépose tous les accessoires de la célébration. Du début de la célébration jusqu’à la présentation des dons, il est vide[271]. On dépose dessus, ce qui est requis pour la célébration de la messe, c’est-à-dire l’Évangéliaire, depuis le début de la célébration jusqu’à la proclamation de l’Évangile, les chandeliers (ils peuvent être placés autour de celui-ci, dépendamment de sa structure), la croix avec le corpus du Christ, soit sur celui-ci, soit à proximité[272]; et depuis la présentation des dons jusqu’à la purification des vases, le calice avec la patène, le ciboire si c’est nécessaire, enfin le corporal, le purificatoire, la pale et le Missel[273].
5.4.2.4. Les lieux de la présidence (siège du président de la célébration)
Comme le déclare le décret sur le ministère et la vie des prêtres Presbyterorum ordinis : « Ministres de la liturgie, les prêtres y représentent de manière spéciale le Christ en personne »[274]. Les prêtres, dans la liturgie, en tant que ministres, agissent « in persona Christi ». Mais, en toute l’Église, dans son action, agit « in persona Christi ». Dans l’action liturgique, il est avant tout question d’un peuple sacerdotal. « Un seul préside, mais tous célèbrent ». C’est pourquoi, la fonction de présidence dans la liturgie mobilise aussi une mise en œuvre de l’espace liturgique. Dans cette optique, la PGMR donne des indications claires qu’il faut souligner : « Le siège du prêtre célébrant doit exprimer la fonction de celui qui préside l’assemblée et dirige sa prière. Par conséquent, il sera bien placé s’il est tourné vers le peuple, et situé à l’extrémité du sanctuaire, à moins que la structure de l’édifice ou d’autres circonstances ne s’y opposent, par exemple si la trop grande distance rend difficile la communication entre le prêtre et l’assemblée des fidèles. On évitera toute apparence de trône. On placera à l’endroit le plus approprié du sanctuaire les sièges pour les ministres, afin qu’ils puissent facilement accomplir la fonction qui leur est confiée »[275].
En fait, le prêtre préside l’assemblée chrétienne réunie en Ekklesia pour célébrer le Christ ressuscité[276]. C’est pour cela qu’il occupe la première place dans l’assemblée, mais en sachant que c’est la place du Maître qui lave les pieds de ses disciples[277]. C’est tout le sens du siège de présidence placé face à l’assemblée : « exprimer la fonction de celui qui préside l’assemblée et dirige sa prière ». Agissant ainsi, le prêtre sait qu’il représente le Christ, « la tête du corps, la tête de l’Église » (Col 1, 18). Comme ministre ordonné, il le représente sacramentellement. Il faut tout au moins rappeler qu’il y a au moins trois lieux de présidence : le siège, l’ambon et l’autel. Ici, dans cette présente contribution, nous mettons en phase sur le siège de la présidence. Les deux autres sont déjà mis en évidence.
Le siège n’est pas seulement un lieu où s’assoit le président de l’assemblée. C’est également le lieu de où il ouvre la célébration, et préside la liturgie de la Parole. Le siège du président doit manifester « une noble simplicité »[278]. Si possible, il doit être moins central que l’autel, et cependant bien présent.
5.4.2.5. Les lieux de l’assemblée (la nef de l’église : enjeux d’une participation active)
Il n’y a pas de liturgie sans l’assemblée. C’est le propre des chrétiens de faire « ecclesia », de se rassembler dans la foi pour célébrer le Christ ressuscité. La PGMR, parlant de la place des fidèles, met en évidence la question de la participation active des fidèles à l’action liturgique : « On aménagera la place destinée aux fidèles avec tout le soin désirable, pour qu’ils puissent participer comme il se doit, par le regard et par l’esprit, aux célébrations liturgiques »[279].
L’espace habité par l’assemblée est un espace vivant, non pas un espace moche, suranné. Il doit donner le témoignage d’une Église vivante aujourd’hui, le témoignage d’une communauté de foi active et priante. L’espace de l’assemblée doit être digne, propre et accueillant. Pour cela, « il faut que le plan d’ensemble de l’édifice sacré soit conçu de manière à offrir en quelque sorte l’image de l’assemblée qui s’y réunit, à permettre la répartition harmonieuse de tous et à favoriser le juste accomplissement de chaque fonction »[280]. L’assemblée est primordiale, c’est elle qui qualifie l’espace[281].
Maintenant, apportons une précision. Quand nous parlons de lieu de l’assemblée, nous voulons parler de la nef, la partie centrale de l’église, comprise entre le portail et le chœur, réservée aux fidèles. Ce lieu fait partie de l’ensemble de l’espace liturgique comme lieu de rencontre avec le Seigneur, lieu de la prière, de l’écoute de la Parole de Dieu, de la célébration des saints mystères etc.
La nef de l’église s’explique ainsi : « L’image est souvent reprise de l’Église comme un navire, dont le pilote serait le Christ. Il n’en a pas fallu plus pour que le terme de « nef », qui vient du latin navis, qui signifie navire ou vaisseau, soit repris dans la description d’une église. Le navire et la barque sont en effet une métaphore ancienne de l’Église »[282]. La nef est le lieu d’accueil du peuple de Dieu. C’est le lieu que rejoignent les nouveaux baptisés (à Pâques surtout, on peut voir la beauté et la portée ecclésiologique de ce rejoignement liturgique). C’est le lieu où chacun peut prendre place, s’asseoir, écouter, prier, chanter, s’unir à « la liturgie qui est l’épiphanie de la communion ecclésiale »... mais aussi faire silence ! C’est de ce lieu que les fidèles participent activement à l’action liturgique par « les acclamations du peuple, les réponses, le chant des psaumes, les antiennes, les cantiques et aussi les actions ou gestes et les attitudes corporelles »[283].
La nef de l’église signifie que personne ne gagne sa place, on est tous invité à prendre part à l’assemblée liturgique par les sacrements de l’initiation chrétienne. Ceux qui y prennent place sont plutôt attirés par le Christ qui veut les initier à la vie divine, à sa propre vie. C’est dans ce lieu, faisant « ecclesia », que les fidèles, participant activement à la liturgie, redécouvrent « la beauté de la vérité de la célébration chrétienne ». C’est dans ce lieu, qu’ils expérimentent et vivent la liturgie comme « le sacerdoce du Christ révélé et donné dans son Mystère Pascal, rendu présent et actif aujourd’hui par des signes sensibles (eau, huile, pain, vin, gestes, paroles) »[284] afin que l’Esprit, en leur plongeant dans le mystère pascal, transforme toute leur vie, les conformant toujours plus au Christ[285].
La nef de l’église n’est pas neutre. Faisant partie de l’ensemble de l’édifice ecclésial, il est le lieu où les fidèles se construisent en véritable corps et se laissent former par la célébration vécue puisqu’elle est capable « d’offrir une vision organique et unifiée de tout le savoir théologique »[286]. Une réelle compréhension de l’importance de la nef comme lieu où prennent place les fidèles se trouve articulée dans les actions liturgiques et la participation active de la communauté ecclésiale :
Les actions liturgiques ne sont pas des actions privées, mais des célébrations de l’Église, qui est « le sacrement de l’unité », c’est-à-dire le peuple saint réuni et organisé sous l’autorité des évêques. C’est pourquoi elles appartiennent au Corps tout entier de l’Église, elles le manifestent et elles l’affectent ; mais elles atteignent chacun de ses membres, de façon diverse, selon la diversité des ordres, des fonctions, et de la participation effective[287].
Et ceci de manière organique, différenciée et articulée autour du binôme communauté/ministère ou hiérarchie : « La principale manifestation de l’Église réside dans la participation plénière et active de tout le saint Peuple de Dieu, aux mêmes célébrations liturgiques, surtout à la même Eucharistie, dans une seule prière, auprès de l’autel unique où préside l’évêque entouré de son presbyterium et de ses ministres »[288]. La « participation active » des fidèles annule toute attitude discriminatoire au lieu dit nef de l’église. Plusieurs lieux, une seule assemblée, une seule liturgie. C’est tout l’enjeu entre participation et les éléments constitutifs de l’action liturgique, notamment l’ensemble des gestes, répons et chants etc.[289].
Car,
l’Église se soucie d’obtenir que les fidèles n’assistent pas à ce mystère de la foi comme des spectateurs étrangers et muets, mais que, le comprenant bien dans ses rites et ses prières, ils participent de façon consciente, pieuse et active à l’action sacrée, soient formés par la Parole de Dieu, se restaurent à la table du Corps du Seigneur, rendent grâces à Dieu ; qu’offrant la victime sans tache, non seulement par les mains du prêtre, mais aussi en union avec lui, ils apprennent à s’offrir eux-mêmes et, de jour en jour, soient consommés, par la médiation du Christ, dans l’unité avec Dieu et entre eux pour que, finalement, Dieu soit tout en tous[290].
CHAPITRE VI
LITURGIE ET INCULTURATION EN HAÏTI
Le débat sur l’inculturation de la liturgie dans la pratique ecclésiale haïtienne n’est pas toujours d’actualité. Il y a un manque. Face à ce manque, peut-on parler d’une peur liée au syncrétisme religieux ? Ou du moins, le travail d’inculturation de la liturgie en Haïti est-il un risque pour la transmission ou la croissance de la foi chrétienne en Haïti ? Ou bien s’arrête-t-on tout simplement sur la complexité d’un tel processus ?
Dans ce chapitre, sans entrer dans toutes les considérations théologiques, sociologiques et anthropologiques du terme « inculturation », nous cherchons à repenser la liturgie dans le contexte culturel concret du peuple haïtien.
6.1. L’évolution de la liturgie en Haïti : un processus d’inculturation ?
Avant même d’aller plus loin dans la réflexion, on peut souligner le manque d’intérêt de certains missionnaires pour les diverses formes de piété populaire, la lente inculturation de l’Évangile et de la liturgie en Haïti. Cela peut s’expliquer par le fait que les formes de piété populaire et les valeurs culturelles du peuple étaient considérées comme diaboliques[291]. Déjà une difficulté s’impose. L’évolution historique de la liturgie chrétienne avec la culture haïtienne paraît très difficile. L’adaptation au changement linguistique et culturel s’est effectuée péniblement (le passage du français à l’haïtien dans la liturgie en Haïti). C’est en 1963, plus d’une centaine d’année après le Concordat, que le révolutionnaire de la musique liturgique catholique haïtienne, Joseph Augustin (Papi Djo), a introduit le tambour et le chant haïtien dans la liturgie.
Un processus d’inculturation polémiste et difficilement assimilable. Même le clergé haïtien de l’époque, n’a pas trop su apprécier cette expérience d’inculturation. Certains disaient même qu’avec ça, on invitait le diable à l’église. Pourtant, les fidèles espéraient un tel changement dans la vie de l’Église locale. L’arrivée du tambour et des chants haïtiens dans la liturgie attirait beaucoup de fidèles. Ils se sentaient plus concernés, membres d’une Église qui valorisait leur langue, leur culture plus ou moins. On était justement à l’époque du concile Vatican II. Les grandes orientations conciliaires avaient modestement leur place dans la vie de l’Église locale haïtienne[292]. L’inculturation de l’Évangile a pris un essor considérable après l’Assemblée de Medellín (1968) et de Puebla (1979) avec l’apparition des Communautés ecclésiales de base (les CEB). On peut penser quand même à la place de la liturgie dans la vie de cette jeune Église dans le sillage de la réforme de Vatican II.
Il semble que le synode de 1974 sur l’évangélisation, et celui de 1977 sur la catéchèse ont mis l’accent sur la nécessité de l’inculturation du christianisme. L’inculturation devient une évidence. Déjà Paul VI fustigeait que le message chrétien n’est pas incarné dans les catégories culturelles de notre époque. La pratique reste liée aux coutumes et à la culture européenne. Peut-être le problème que nous confrontons aujourd’hui dans le processus de l’inculturation de la liturgie en Haïti vient de là. Dans la pratique ecclésiale haïtienne, beaucoup restent encore attachés à la culture européenne ou occidentale, « sous sa forme médiévale et de la contre-réforme – qui n’est plus ni actuelle ni universelle »[293]. Cela crée évidemment une distance entre la foi et la culture en Haïti. Il faut admettre aussi que cela est le résultat du lien étroit entre la foi chrétienne avec la culture européenne. Nous pensons à la colonisation d’Haïti par les français. Ils ont surtout imposé leur culture en lien avec la foi chrétienne. Maintenant, il faut continuer dans le sillage du concile, de faire en sorte que l’Église et la liturgie soient vraiment haïtiennes. Cette inculturation de la liturgie doit continuer à prendre en compte tous les aspects de l’expérience chrétienne et ecclésiale haïtiennes : le langage, l’univers symbolique, la danse, les sagesses populaires, la philosophie et même la façon de dire Dieu en Haïti[294]. Or la liturgie est l’un des lieux où le peuple haïtien parle de Dieu de manière plus prégnante. Car le peuple haïtien est un peuple qui aime célébrer sa foi en Dieu. Nous pouvons seulement mentionner le mot « Granmèt » utilisé dans la liturgie en Haïti pour désigner le grec Kurios, le Seigneur pour montrer toute l’ampleur du langage dans le processus d’inculturation de la liturgie en Haïti.
Un tel processus, il faut l’avouer, ne progresse pas. Il est complexe en lui-même. Outre les efforts qui ont été faites et qui se font encore aujourd’hui, ce travail demande un long et un sérieux investissement humain et spirituel. Les crises identitaires et politiques que vivent les haïtiens n’épargnent pas la vie ecclésiale haïtienne. Le travail d’inculturation de la liturgie en Haïti est nécessaire. Le Pape Paul VI donnait déjà le coup d’envoi en ces termes :
La transposition est à faire, avec le discernement, le sérieux, le respect et la compétence que la matière exige, dans le domaine des expressions liturgiques, de la catéchèse, de la formulation théologique, des structures ecclésiales secondaires, des ministères. Et “ langage ” doit s’entendre ici moins sur le plan sémantique ou littéraire que sur celui qu’on peut appeler anthropologique et culturel[295].
Comme le note Emilio Alberich, « on est entré dans un processus complexe qui a trouvé et trouvera certainement sur son chemin nombre de difficultés de divers ordres : historique, culturel et juridique. Le plus important obstacle à surmonter sera une mentalité encore attachée à des formes héritées de la tradition, mentalité qui continuera à résister à chaque effort en vue d’arriver à une inculturation authentique »[296]. Aussi vrai pour la continuité de l’inculturation de la liturgie en Haïti. Il semble que cela peut paraître même plus difficile aujourd’hui qu’auparavant.
6.2. L’émergence du concept théologique d’inculturation
Le terme d’inculturation est un terme lié à la mission de l’Église, à l’évangélisation. Il apparaît véritablement dans le vocabulaire théologique après le concile Vatican II. Défini par le supérieur général des Jésuites, Pedro Arrupe, le terme d’inculturation est entré dans le magistère de l’Église par le Pape Jean-Paul II. Ce concept théologique, forgé probablement par l’abbé Pierre Charles (Belge) en 1953, repris par le Jésuite Joseph Masson en 1962 avec l’invention de l’expression « catholicisme inculturé », montre comment le message chrétien oriente les cultures de l’intérieur tout en les transformant en vue d’une création nouvelle[297].
Le concile, pour sa part, n’a pas utilisé le terme d’inculturation. Il a à maintes reprises parler d’adaptation. Il a tout au moins valorisé la notion de « culture ». Dans sa Constitution sur l’Église dans le monde ce temps (Gaudium et Spes = GS), il y a consacré le 2e chapitre de la seconde partie. Il y aborde la question de la pluralité des cultures avec lesquelles elle doit dialoguer pour donner aux messages du Christ « une expression plus parfaite dans la célébration liturgique comme dans la vie multiforme de la communauté des fidèles »[298]. Alors, le concile, dans sa Constitution sur la liturgie, Sacrosanctum concilium (SC) a déjà donné quelques normes « pour adapter la liturgie au caractère et aux traditions des différents peuples »[299]. Le concile est assez ouvert et souple envers toute tentative d’inculturation de la liturgie : « L’Église ne désire pas, même dans la liturgie, imposer la forme rigide d’un libellé unique : bien au contraire, elle cultive les qualités et les dons des divers peuples et les développe ; […] ; qui plus est, elle l’admet parfois dans la liturgie elle-même »[300], pourvue que celle-ci garde l’unité substantielle du rit (rite) romain[301]. Ceci dit, le rit romain de la liturgie ne peut pas être contraignant pour l’inculturation de la liturgie en Haïti. Il suffit tout simplement d’en être conscient et de mobiliser les ressources historiques, culturels et juridiques. La liturgie demande aussi de la créativité. Pas du copier coller, pas du consumérisme liturgique. La façon de vivre la liturgie, de la célébrer, peut être innovée et enrichie à partir des richesses culturelles haïtiennes. La liturgie chrétienne est construite sur le socle de l’inculturation[302].
L’évangélisation ne peut pas être du saupoudrage, mais elle doit être une réalité qui se vit en profondeur. C’est en ce sens que le Pape Paul VI écrivait :
Il importe d’évangéliser — non pas de façon décorative, comme par un vernis superficiel, mais de façon vitale, en profondeur et jusque dans leurs racines — la culture et les cultures de l’homme, dans le sens riche et large que ces termes ont dans Gaudium et spes, partant toujours de la personne et revenant toujours aux rapports des personnes entre elles et avec Dieu[303].
6.2.1. Définition du concept d’inculturation
Le terme d’inculturation doit ses titres de noblesse à Pedro Arrupe, supérieur général des Jésuites qui l’a utilisé et l’a défini ainsi à maintes occasions (1974, 1975 et 1978) :
L’inculturation est l'incarnation de la vie et du message chrétiens dans une aire culturelle concrète, en sorte que non seulement cette expérience s'exprime avec les éléments propres de la culture en question (ce ne serait alors qu'une adaptation superficielle), mais encore que cette même expérience se transforme en un principe d'inspiration, à la fois norme et force d'unification, qui transforme et recrée cette culture, étant ainsi à l'origine d'une nouvelle création[304].
Avec cette définition théologique, le terme « inculturation » trouve bon accueil dans les textes magistériels. Il devient familier dans les différents textes de Jean-Paul qui l’a défini comme « l’incarnation de l’Évangile dans les cultures autochtones et en même temps l’introduction de ces cultures dans la vie de l’Église »[305]. Toujours, le Pape Jean-Paul II, dans son discours aux évêques de la Conférence épiscopale d’Haïti en visite Ad limina apostolorum en date du 18 mars 1994 disait : « La tâche de l’inculturation, c’est-à-dire le processus par lequel la foi chrétienne s’incarne dans une culture, est inhérente à l’annonce même de l’Évangile »[306].
Dans son encyclique Redemptoris missio, il développe de manière nette, sa vision de l’inculturation. C’est au numéro 52. Nous le citons en entier pour son importance :
En exerçant son activité missionnaire parmi les peuples, l’Église entre en contact avec différentes cultures et se trouve engagée dans le processus d'inculturation. C'est une exigence qui a marqué tout son parcours au long de l'histoire et qui se fait aujourd'hui particulièrement sensible et urgente.
Le processus d'insertion de l’Église dans les cultures des peuples demande beaucoup de temps: il ne s'agit pas d'une simple adaptation extérieure, car l'inculturation « signifie une intime transformation des authentiques valeurs culturelles par leur intégration dans le christianisme, et l'enracinement du christianisme dans les diverses cultures humaines ». C'est donc un processus profond et global qui engage le message chrétien de même que la réflexion et la pratique de l’Église. Mais c'est aussi un processus difficile, car il ne doit en aucune manière compromettre la spécificité et l'intégrité de la foi chrétienne.
Par l'inculturation, l'Église incarne l'Évangile dans les diverses cultures et, en même temps, elle introduit les peuples avec leurs cultures dans sa propre communauté ; elle leur transmet ses valeurs, en assumant ce qu'il y a de bon dans ces cultures et en les renouvelant de l'intérieur. Pour sa part, l'Église, par l'inculturation, devient un signe plus compréhensible de ce qu'elle est et un instrument plus adapté à sa mission.
Grâce à cette action dans les Églises locales, l'Église universelle elle-même s'enrichit d'expressions et de valeurs nouvelles dans les divers secteurs de la vie chrétienne, tels que l'évangélisation, le culte, la théologie, les œuvres caritatives; elle connaît et exprime mieux le mystère du Christ, et elle est incitée à se renouveler constamment. Ces thèmes, présents dans le Concile et, par la suite, dans les enseignements du magistère, je les ai sans cesse abordés au cours de mes visites pastorales aux jeunes Églises[307].
6.2.2. Compréhension actuelle de l’inculturation
Le terme « inculturation » est un concept théologique « qui se distingue des notions anthropologiques avec lesquelles on le confond souvent, d’enculturation et acculturation »[308]. La catholicité de l’Église l’oblige à prendre en compte les cultures. L’inculturation vise la croissance intégrale des cultures. Ainsi, la culture haïtienne, comme toutes les cultures, tend « vers une humanisation de l’homme et donc un dépassement de ses intérêts immédiats »[309]. De ce fait, la culture est la trame de la vérité de l’homme. Cela nous porte à dire avec Joseph Ratzinger que « la grandeur d’une culture se révèle dans son ouverture, dans sa capacité à donner et à recevoir, dans la force qu’elle a de se développer, de se laisser purifier, et de correspondre ainsi davantage à la vérité, à l’homme »[310]. L’inculturation devient un lieu de l’épanouissement de l’homme. C’est par elle que l’Église rend possible dans les cultures « ce qui s’est réalisé de façon unique et indépassable dans la vie de Jésus de Nazareth »[311]. Cette approche nous fait plonger dans la logique de l’incarnation du Fils de Dieu et son mystère pascal. On ne peut pas parler d’inculturation de la foi ou de l’Évangile sans se référer à cette vérité de foi, à cet événement historique. L’inculturation doit prendre en compte le lien étroit qui existe entre le Jésus de l’histoire et le Christ ressuscité de la foi[312]. La nouvelle évangélisation emprunte cette voie.
Le travail d’inculturation de la liturgie en Haïti est quand même commencé à petits pas, et ceci, parce que, l’inculturation ne peut être faite que dans un temps long. On peut souligner le travail d’adaptation effectué pour rédiger les livres liturgiques en haïtien. On peut penser au « Missel Colimon » qu’on utilise encore pour la célébration de l’Eucharistie, à partir de l’editio typca. On voit encore la nécessité d’une mise à jour de ces livres liturgiques, en particulier, le missel dont nous venons de parler. Il faut aujourd’hui choisir le vocabulaire adéquat puisque la langue haïtienne évolue à chaque fois. C’est un travail d’inculturation qui demande une sérieuse implication de plusieurs personnes : « évêques et experts – pour parvenir à un résultat véritablement ecclésial, reconnu par l’autorité romaine »[313]. Ces rituels traduits en haïtien sont quand même des exemples d’inculturation qui ne doivent pas s’arrêter là. Il faut peut-être pour l’avenir, sortir de l’étroitesse liée à la culture européenne comme dominante pour profiter au maximum les richesses de la culture locale. Car « l’inculturation requiert, non seulement l’incarnation de l’Évangile dans une culture particulière, mais aussi l’introduction de cette culture dans la vie de l’Église »[314].
6.3. Peut-on vraiment inculturer la liturgie ?
Parler d’inculturation renvoie au mystère de l’Incarnation : le Christ est né dans une culture pour rejoindre tous les hommes et toutes les cultures. C’est bien le travail de l’Esprit Saint. L’inculturation est elle aussi, une œuvre de l’Esprit Saint. Ainsi, l’inculturation concerne la vie de la liturgie dans un milieu donné : ses rites et sa prière. Puisque l’inculturation est d’abord la relation entre l’Évangile du Christ et la culture dans laquelle cet Évangile est annoncé, la liturgie elle-même suit le même mouvement. Elle est le lieu où les mirabilia Dei sont célébrées et vécues pour la gloire de Dieu et le salut du monde.
Ces propos de Philippe Barras résument parfaitement bien ce que nous recherchons dans le domaine de l’inculturation de la liturgie :
Le Concile Vatican II nous aide à comprendre que la liturgie est à la fois humaine et divine. Humaine, parce que nous chantons, nous traçons le signe de Croix, etc. Et en même temps, la Tradition nous dit que la liturgie est l’œuvre de Dieu. Le Concile dira que tout ce qui est humain est soumis à ce qui est divin – autrement dit, tout ce que nous faisons l’est en référence à Dieu. Nous recevons donc la liturgie de l’Église. Nous ne l’inventons pas. Elle nous transmet la Parole de Dieu, ce que Jésus lui-même a institué. Il a pris du pain avec ses disciples, l’a rompu et a rendu grâce : « Faites cela en mémoire de moi » (Luc 22,19). Nous faisons ce qu’il nous a demandé d’accomplir. C’est divin, dans le sens où cela a été institué par notre Seigneur Jésus-Christ. Puisque la liturgie est aussi humaine, elle passe par des gestes d’hommes et de femmes. Elle ne se déroule pas tout à fait pareil d’une culture à l’autre. C’est là qu’intervient l’inculturation de la liturgie[315].
L’inculturation de la liturgie implique une sérieuse réflexion, une sérieuse mise en lumière des termes « inculturer » et « adapter ». Aujourd’hui, en matière liturgique, on ne peut pas opposer ces deux termes pour les raisons théologiques que nous avons évoquées dans les points précédents sur le concept d’inculturation dans son déploiement théologique. L’adaptation de la liturgie ne peut pas être possible aujourd’hui sans une prise en compte de la rencontre de l’Évangile avec la culture haïtienne et de leur échange mutuelle. Donc, « inculturer » et « adapter » s’interpellent. Dans le cas qui nous concerne, les deux reviennent à dire fortement la nécessité d’une « haïtianisation » de la liturgie dans le contexte actuel. On ne peut plus penser l’adaptation de la liturgie aujourd’hui comme une simple prise en compte de quelques aspects culturels haïtiens. Elle est un véritable processus d’inculturation, c’est-à-dire une véritable œuvre qui doit être accomplie par les membres de notre Église locale grâce à l’action de l’Esprit Saint qui leur permet de lire les signes des temps qui se présentent à eux. L’inculturation et l’adaptation s’articulent dans l’accomplissement et la fructification du Mystère pascal du Christ que la liturgie célèbre et actualise au cœur de toute culture.
Alors, il serait important, dans le cadre du processus de l’inculturation de la liturgie en Haïti, de préciser ceci : 1. L’inculturation n’est pas le lieu de la théâtralisation de la liturgie. 2. La vie liturgique de l’Église n’est pas entre les mains d’individualités, où chacun pourrait décider d’une pratique et dire que c’est au nom de l’inculturation. 3. L’inculturation obéit à des normes liturgiques validement données par les autorités de l’Église. 4. Par rapport à la danse et aux mimes dans la liturgie, l’inculturation ne peut pas être comprise comme un « fourre-tout » ou la liturgie comme un « tout-fait ». 5. L’inculturation de la liturgie nécessite un discernement théologique et sociologique pour éviter de sombrer dans une liturgie enclin à l’intégration désordonnée des pratiques culturelles qui n’aident pas vraiment à la croissance de la foi chrétienne.
6.4. Varietates legitimae
Publiée le 25 janvier 1994, Varietates legitimae (VL), est la IVe instruction de la Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des sacrements pour une meilleure application de la Constitution Sacrosanctum concilium sur la liturgie. La nature de cette instruction est clairement définie dès le départ : donner des repères magistériels pour l’inculturation au sein de la liturgie[316].
Normalement, il faut lire cette instruction dans le sillage de celles déjà publiées pour l’application de la réforme conciliaire en matière liturgique. Elle élargit et clarifie ce que déjà, le concile a mis en perspectives pour l’adaptation de la liturgie. Aujourd’hui, comme nous l’avons déjà souligné, on ne peut plus parler d’adaptation, mais d’inculturation. Varietates legitimae va dans ce sens là, même si c’est un peu voilé. La liturgie ne s’adapte pas, elle s’inculture en vertu même de l’Incarnation du Verbe et le Mystère pascal du Christ. Sa réception a été plus ou moins marquée par une note positive de beaucoup de théologiens et de pasteurs. Ils ont manifesté leur joie pour la publication d’un tel texte magistériel qui fait autorité dans le cadre de l’inculturation de la liturgie dans les différentes cultures.
6.4.1. Qu’est-ce que ce texte nous dit raisonnablement ?
Outre le préambule dans lequel un bon nombre de textes magistériels est repris pour définir l’inculturation et légitimer sa nécessité, le texte est présenté en 4 parties. La première partie (n° 9-20) développe le processus de l’inculturation à travers l’histoire du salut. De ce processus, on comprend alors comment « la foi au Christ offre à toutes les nations d’être bénéficiaires de la promesse et de partager l’héritage du peuple de l’Alliance sans renoncer à leur culture »[317]. Et aussi, « la liturgie, comme l’Évangile, doit respecter les cultures, mais en même temps elle les invite à se purifier et à se sanctifier »[318].
La deuxième partie (n° 21-32) présente, de manière plus concrète, les exigences et les conditions inhérentes à l’inculturation de la liturgie. Cela fait droit d’abord à la nature même de la liturgie : c’est le lieu concret de la centralité de la Parole de Dieu et du Mystère pascal du Christ. Et, ensuite, l’importance de l’utilisation de la langue du milieu, de la traduction des textes bibliques utilisés dans la liturgie comme premiers fruits de l’inculturation sans oublier la responsabilité des Conférences épiscopales dans ce domaine. La troisième partie (n° 33-51) fixe les principes et les normes pratiques pour l’inculturation liturgique. Cela demande nécessairement que les choses liturgiques s’expriment avec clarté pour favoriser la « participation active » des fidèles ; qu’elles gardent l’unité substantielle du rite (rit) romain[319] et, enfin, dépendent de l’autorité de l’Église. Ce qui fait voir que « l’inculturation n’est pas laissée à l’initiative personnelle des célébrants ou à l’initiative collective d’une assemblée »[320]. « Selon ces trois principes, remarque Philippe Barras, plusieurs éléments peuvent être adaptés : le langage, la musique et le chant, les gestes et attitudes, l’expression corporelle, l’art tant pour les objets du culte que pour les éléments décoratifs, et enfin les expressions de la piété populaire »[321]. Le syncrétisme religieux est à éviter de toute façon en passant par la purification de certains éléments culturels et folkloriques.
La toute dernière partie, la quatrième (n° 52-69) traite les différents domaines pour l’inculturation du rite romain. Le texte distingue les adaptations prévues par les livres liturgiques avec leur procédure propre à suivre et les adaptations plus poussées ou plus profondes envisagées par l’article 40 de la Constitution conciliaire sur la liturgie qui nécessitent elles aussi leur propre procédure.
6.4.2. Quels sont les critères pour une vraie inculturation de la liturgie ?
Dans l’effort d’inculturation de la liturgie, on doit considérer quelques critères de base en y exerçant un discernement. Beaucoup de théologiens en proposent notamment Joseph Masson[322], Achiel Peelman[323], Emilio Alberich[324] et Philippe Barras[325]. Nous privilégions dans ce parcours, ceux de Philippes Barras comme fruits du séminaire académique « Liturgie et inculturation » à l’Institut supérieur de liturgie (Theologicum de l’Institut catholique de Paris) :
1. Critère christologique. Les adaptations doivent permettre de conduire au Christ dans la foi de l’Église et souligner, non seulement son incarnation dans notre humanité mais aussi la centralité du mystère pascal qui va jusqu’au don de l’Esprit, qui fait l’unité du corps du Christ aujourd’hui.
2. Critère scripturaire. Les adaptations s’appuient sur les évangiles pour apporter au monde la Nouvelle de bonté radicale, et déploient l’histoire du salut dans laquelle Jésus a la place centrale.
3. Critère symbolique. Les adaptations déploient une symbolique riche et polysémique qui ouvre à la Révélation et en permet une relecture croyante ; les actions symboliques s’appuient sur les réalités humaines (en particulier de « passages ») pour favoriser la reconnaissance d’une identité d’enfants de Dieu en Jésus Christ.
4. Critère ecclésiologique. Les adaptations concernent toute l’Église, au-delà de la communauté célébrante concernée ; elles requièrent un consensus large, synodal, et le soutien de l’évêque ; elles bénéficient à l’ensemble de l’Église pour enrichir sa propre perception du mystère de Dieu et valorisent la dimension universelle de l’Église, sa catholicité.
5. Critère rituel. Les adaptations respectent la structure rituelle de la liturgie et en soulignent la sacramentalité ; elles se déploient dans un rythme et une temporalité compatible avec le rite romain, et dans un lieu qui favorise la rencontre entre Dieu et son peuple ; elles favorisent la participation active des fidèles, avec sobriété, pour reconnaître l’œuvre de Dieu, par son Esprit dans toute la liturgie.
6. Critère eschatologique. Les adaptations doivent permettre de mieux saisir le Royaume de Dieu déjà là, et en voie d’achèvement ; elles soulignent combien la ritualité et la symbolique à l’œuvre permettent à la liturgie de nous établir dans l’Alliance entre Dieu et son peuple.
À la vérité, ces critères ne sont pas les seuls capables de promouvoir une inculturation réussie de la liturgie même s’ils font leur référence dans la lex orandi et la lex credendi de l’Église. Les situations liturgiques concrètes des différentes aires ecclésiales peuvent les prolonger et les préciser davantage. Car, quelques soient les critères, « la liturgie est sans doute le lieu par excellence où les Églises locales mesurent leur capacité de faire le passage de la stratégie de l’adaptation à l’inculturation »[326]
CONCLUSION
LA LITURGIE : PASSÉ – PRÉSENT – AVENIR
Le parcours que nous venons de faire nous a plongés dans la théologie de la liturgie. Nous avons de préférence découvert la liturgie comme un lieu théologique. Cependant, l’ensemble du contenu de ce que nous avons étudié nous présente deux écueils[327] à éviter en abordant la question de la vie liturgique comme pratique ecclésiale, comme réalité vitale de la communauté liturgique qu’est l’Église : le pélagianisme et le jansénisme : pour le premier, il s’agit de prôner une sorte de rigorisme moral ou ascétique en négligeant la prédominance de la gratuité de la grâce divine (une sorte de privation de la miséricorde). Par exemple, les sacrements que la liturgie célèbre ne sont pas une sorte de récompense pour les purs, pour ceux qui ont remonté leur manche et ont fait un peu de bien.
Le deuxième n’est pas loin du premier. Il s’agit d’une survalorisation d’observances religieuses et morales, d’une compréhension erronée du rôle de la grâce efficace de Dieu. C’est le danger de s’enliser dans une sorte de mépris du corps, du rigorisme, de la culture et de la perfection morale. Pour pallier ces écueils, il faut avoir une bonne vision de l’Église, une Église qui sache remplacer le rigorisme moral et l’ascétisme par la grâce et la miséricorde[328]. Une Église de campagne, comme le décrit le pape François, qui sache accueillir les pécheurs. La liturgie est un lieu où l’on sache intégrer les fragilités humaines pour une meilleure transformation de l’homme et de la femme.
Revenons au thème conclusif de notre démarche : La liturgie : Passé – présent – avenir. Toute célébration liturgique embrasse le passé, le présent et l’avenir. Hier, aujourd’hui et demain constituent le temps chrétien. Ils constituent le temps raconté de l’histoire du salut. Le travail du Mystère pascal à l’œuvre dans la liturgie se vit dans l’expérience temporelle qui nous renvoie à sa signification eschatologique. Cela nous inscrit dans ce que Paul Ricœur appelle « une aporétique de la temporalité »[329], c’est-à-dire que nous faisons l’expérience du salut dans le poids du temps, nous célébrons les mystères sans nous débarrasser des apories qui caractérisent aussi notre vie humaine dans le temps. Dans toute liturgie, dans tout sacrement se joue « la phénoménologie du temps ».
C’est dans ce temps raconté, ce temps phénoménologique et aporétique que se réalise l’Hodie de Dieu.
La liturgie aime dire « C’est aujourd’hui ». Cet aujourd’hui de la liturgie récapitule en un lieu et un moment donnés, au bénéfice de ceux qui le vivent, le mystère du salut. Ce n’est donc pas l’aujourd’hui éphémère du temps qui passe : c’est l’aujourd’hui fécond du temps qui devient éternel[330].
Le Royaume de Dieu se vit déjà dans le déroulement de l’histoire :
Dans l’existence de chaque jour que nous recevons de ta grâce, la vie éternelle est déjà commencée : nous avons reçu les premiers dons de l’Esprit par qui tu as ressuscité Jésus d’entre les morts, et nous vivons dans l’espérance que s’accomplisse en nous le mystère de Pâques[331].
C’est une nouveauté apportée par le Christ et récapitulée dans le mystère de sa mort et de sa résurrection. Car « en détruisant un monde déchu, il fait une création nouvelle ; et c’est de lui que nous tenons désormais la vie qu’il possède en plénitude »[332].
Alors, on peut résumer ainsi : l’aujourd’hui liturgique est toujours à la fois[333] :
1. mémoire : mémoire des événements de l’histoire du salut ; il prend sa source dans la Tradition ; il fait re-vivre ;
2. actualité : il ne fait pas que « revivre » le passé car le mémorial n’est pas que souvenir : il rend actuel ; il fait que nous soit « présent » sous les espèces sacramentelles et dans le déploiement rituel le salut donné en Jésus Christ ;
3. promesse : parce qu’il est vécu sous le voile de la foi, l’aujourd’hui de la liturgie, en même temps qu’il nous nourrit spirituellement, réactive notre insatisfaction, notre désir, notre attente. Cela demande un sérieux équilibre. Car,
…si nous nous attardions à la mémoire, nous verserions dans l’archéologisme. Si nous nous enfermions dans l’actualité, nous céderions aux prisons du sentiment et de l’affectivité. Si nous nous intéressions seulement à l’eschatologie, nous serions entrainés à des « désengagements » contraires au vœu même de l’incarnation[334].
La liturgie nous tire en avant dans les conditions aporétiques qui nous caractérisent et nous demandent une réelle conversion de mentalité pour accueillir l’« Hodie » de Dieu dans notre « temporalité ».
[1] SC, n° 7.
[2] SC, n° 10.
[3] Michel Wackenhem, 50 idées reçues en liturgie, Paris, Éditions Salvator, 2013, p. 21.
[4] Ibid., p. 23.
[5] SC, n° 7.
[6] Michel Wackenhem, 50 idées reçues en liturgie, p. 24.
[7] SC, n° 2.
[8] Ibid., p. 25.
[9] SC, n° 26.
[10] SC, n° 6.
[11] SC, n° 5.
[12] SC, n° 7.
[13] SC, n° 7.
[14] SC, n° 8.
[15] Cf. Cette partie du cours est puisée dans Jean Corbon, Liturgie de source, Paris, Cerf, 1980, 2007, p. 9-12.
[16] Cf. Jean Corbon, Liturgie de source, p. 9.
[17] Maurice Zundel, Les poèmes de la sainte liturgie, Paris, Desclée de Brouwer, 19547, p. 89.
[18] Le Quaddish est une prière destinée à sanctifier le nom divin : on la récite plusieurs fois, dans des formes plus ou moins brèves, dans l’office synagogal. On la disait également au temple dans son noyau primitif, qu’il est difficile de dégager.
[19] Cf. Lc 4, 14-22 : « 14 Lorsque Jésus, dans la puissance de l’Esprit, revint en Galilée, sa renommée se répandit dans toute la région. Il enseignait dans les synagogues, et tout le monde faisait son éloge. Il vint à Nazareth, où il avait été élevé. Selon son habitude, il entra dans la synagogue le jour du sabbat, et il se leva pour faire la lecture. On lui remit le livre du prophète Isaïe. Il ouvrit le livre et trouva le passage où il est écrit : l’Esprit du Seigneur est sur moi parce que le Seigneur m’a consacré par l’onction. Il m’a envoyé porter la Bonne Nouvelle aux pauvres, annoncer aux captifs leur libération, et aux aveugles qu’ils retrouveront la vue, remettre en liberté les opprimés, annoncer une année favorable accordée par le Seigneur. Jésus referma le livre, le rendit au servant et s’assit. Tous, dans la synagogue, avaient les yeux fixés sur lui. Alors il se mit à leur dire : « Aujourd’hui s’accomplit ce passage de l’Écriture que vous venez d’entendre. » Tous lui rendaient témoignage et s’étonnaient des paroles de grâce qui sortaient de sa bouche. Ils se disaient : "N’est-ce pas là le fils de Joseph ?"»
[20] Le Qiddush, « Sanctification » : est la prière récitée le jour du Shabbat et les jours de fête, en général sur une coupe de vin, afin de sanctifier la journée. L’institution du Qiddush le plus important, celui récité dans la soirée précédant le jour sacré (les fêtes juives débutent la veille, au coucher du soleil), se fonde sur un verset de l’Exode (20, 8) : « Souviens-toi du jour du Shabbat pour le sanctifier ».
[21] La Birkat ha-mazon est un ensemble de bénédictions et de prières que l’on récite après tout repas au cours duquel du pain a été consommé. Cette pratique trouve sa source dans un verset du Pentateuque (Dt 8, 10).
[22] Cf. Bonsirven, Textes rabbiniques, p. 1-2.
[23] Paul Bradshaw, La liturgie chrétienne en ses origines, Paris, Cerf, 1995, chap. II, p. 45-53.
[24] Marcel Metzger, Histoire de la liturgie, Paris, Desclée de Brouwer, 1984, p. 30.
[25] La Didakè, dans sa partie rituelle et liturgique parle d’abord de la question du baptême. Le baptême est donné, après un temps d’enseignement, au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit, dans de l’eau vive. Par contre, on trouve dans ce texte quelques considérations qui semblent être postérieures (relevant de la casuistique) : « S’il n’y a pas d’eau vive, qu’on baptise dans une autre eau ; et à défaut d’eau froide, dans de l’eau chaude. S’il n’y a ni l’une, ni l’autre, on verse de l’eau sur la tête trois fois " au nom du Père et du Fils et du Saint-Esprit" »[25]. Il s’agit donc du baptême par immersion ou par infusion.
[26] Poudron Bernard, Salamito Jean-Marie et Zarini Vincent (dir.), Premiers écrits chrétiens, Paris, Gallimard, 2016, p. 376-377 ; p. 381 ; p. 382-383.
[27] Le concile de Chalcédoine condamne le monophysisme selon lequel la nature humaine de Jésus aurait été absorbée par sa nature divine et affirme que ces deux natures sont unies mais pas confondues en l’unique personne de Jésus Christ.
[28] « Pour l’accomplissement d’une si grande œuvre, le Christ est toujours là auprès de son Église, surtout dans les actions liturgiques. Il est là présent dans le sacrifice de la messe, et dans la personne du ministre, ² le même offrant maintenant par le ministère des prêtres, qui s’offrit alors lui-même sur la croix ² et, au plus haut degré, sous les espèces eucharistiques. Il est présent, par sa puissance, dans les sacrements au point que lorsque quelqu’un baptise, c’est le Christ lui-même qui baptise. Il est là présent dans sa parole, car c’est lui qui parle tandis qu’on lit dans l’Église les Saintes Écritures. Enfin il est là présent lorsque l’Église prie et chante les psaumes, lui qui a promis : ² Là où deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis là, au milieu d’eux² (Mt 18, 20). Effectivement, pour l’accomplissement de cette grande œuvre par laquelle Dieu est parfaitement glorifié et les hommes sanctifiés, le Christ s’associe toujours à l’Église, son Épouse bien-aimée, qui l’invoque comme son Seigneur et qui, par la médiation de celui-ci, rend son culte au Père éternel. C’est donc à juste titre que la liturgie est considérée comme l’exercice de la fonction sacerdotale de Jésus Christ, exercice dans lequel la sanctification de l’homme est signifiée par des signes sensibles et réalisée d’une manière propre à chacun d’eux, et dans lequel le culte public intégral est exercé par le Corps mystique de Jésus Christ, c’est-à-dire par le Chef et par ses membres. Par conséquent, toute célébration liturgique, en tant qu’œuvre du Christ prêtre et de son Corps qui est l’Église, est l’action sacrée par excellence dont nulle autre action de l’Église ne peut atteindre l’efficacité au même titre et au même degré ».
[29] R. Guardini, L’esprit de la liturgie, p. 10. Voir aussi son ouvrage intitulé Initiation à la prière, France, Artège, 20142, p. 267-270.
[30] Directoire sur la piété populaire et la liturgie, n° 9.
[31] Cf. Directoire sur la piété populaire et la liturgie, n° 48.
[32] SC, n° 34.
[33] SC, n° 35.
[34] « L’homélie par laquelle, au cours de l’année liturgique, on explique à partir du texte sacré les mystères de la foi et les normes de la vie chrétienne est fortement recommandée comme faisant partie de la liturgie elle-même ; bien plus, aux messes célébrées avec le concours du peuple les dimanches et jours de fête de précepte, on ne l’omettra que pour un motif grave » (SC 52).
[35] Voir Rémi Chéno, « L’homélie, action liturgique de la communauté eucharistique », LMD 227, 2001/3, 9-34 ; Louis-Marie Chauvet, « La Bible dans son site liturgique », Jean-Louis Souletie et Henri-Jérôme Gagey (dir.), La Bible, Parole adressée, Paris, Cerf, 2001, 49-68.
[36] SC, n° 7.
[37] Benoît XVI, Verbum Domini, n. 16. Dans les prochaines notes, ce document sera appelé VD.
[38] VD, n° 16.
[39] Pape François, La joie de l’Évangile, n. 135. Dans les prochaines citations faisant références à ce document, nous trouverons EG.
[40] EG, n° 135.
[41] Cf. VD, n° 59.
[42] VD, n° 59.
[43] SC, n° 48.
[44] Cf. SC, n° 51.
[45] Cf. SC, n° 54.
[46] SC, n° 14.
[47] LsL, n° 9.
[48] SC, n° 2.
[49] Michel Wackenhem, 50 idées reçues en liturgie, Paris, Éditions Salvator, 2013, p. 25.
[50] SC, n° 26.
[51] Michel Wackenhem, 50 idées reçues en liturgie, p. 23.
[52] SC, n° 7.
[53] Michel Wackenhem, 50 idées reçues en liturgie, p. 24.
[54] Ce chapitre doit beaucoup à Hélène Bricout : « Temps et année liturgique(s) », Notes de cours, ISL 2015-2016. Pour compléter nos sources, nous avons puisé dans l’ouvrage de Marie-Christine Bernard intitulé Au rythme des fêtes chrétiennes, une année à méditer, Paris, Cert, 2014 et aussi Card. Godfried Danneels, « Il y a un temps pour chaque chose », Parole de vie, Belgique, Service de Presse de l’Archevêché, 2001.
[55] Cf. Card. Godfried Danneels, « Il y a un temps pour chaque chose », Parole de vie, p. 5-6.
[56] Ibid., p. 5.
[57] Id.
[58] Elbatrina Clauteaux, « Rite et récit, une narrativité active », LMD, 287, 2017/1, p. 95.
[59] Ibid., p. 95-96.
[60] Ces propos s’inspirent de G. Danneels dans l’œuvre déjà citée, p. 35.
[61] Cf. Marie-Christine Bernard, Au rythme des fêtes chrétiennes, une année à méditer, p. 12.
[62] Cf. ibid., p. 13.
[63] Cardinal Godfried Danneels, « Il y a un temps pour chaque chose », Parole de vie, p. 17.
[64] Cf. Marie-Christine Bernard, Au rythme des fêtes chrétiennes, une année à méditer, p. 13.
[65] J. Ratzinger, L’Esprit de la liturgie, Genève, Ad Solem, 2001, p. 51.
[66] Cf. La liturgie des Heures, 3e vol., temps ordinaire, semaines VII-XXI, antienne du Magnificat, p. 37.
[67] SC, n° 102.
[68] Id.
[69] Id.
[70] Daniel Moulinet, La liturgie catholique au XXe siècle, Paris, Beauchesne, 2017, p. 188.
[71] SC, n° 108.
[72] Paul De Clerck, L’intelligence de la liturgie, Paris, Cerf, 1995, p. 144.
[73] SC, n° 103.
[74] Paul De Clerck, L’intelligence de la liturgie, p. 143.
[75] Cf. Augusto Bergamini, « Année liturgique », Dictionnaire encyclopédique de la liturgie, t. 1, Brepols, 1992, p. 55.
[76] Cf. https://liturgie.catholique.fr, consulté le 5 mai 2021.
[77] Cf. http://chants.ilestvivant.com, consulté le 5 mai 2021.
[78] Cf. https://www.diocese-annecy.fr, consulté le 5 mai 2021.
[79] Cf. Marie-Christine Bernard, Au rythme des fêtes chrétiennes, une année à méditer, Paris, Cerf, 2014, p. 22.
[80] Cf. http://chants.ilestvivant.com, consulté le 5 mai 2021.
[81] SC, n° 108.
[82] SC, n°111.
[83] SC, n° 106.
[84] François Favreau (Mgr), La liturgie, Paris, Desclée, 1983, p. 103.
[85] SC, n° 107.
[86] Cf. La nouvelle traduction du Missel romain, p. 325.
[87] SC, n° 102.
[88] Cf. SC, n° 102.
[89] SC, n° 7.
[90] Cette partie reprend quasi intégralement le travail du Fr. Anselme Y. Beaudelet, o.s.b., Introduction à la liturgie, Monastère du « Mòn Sen Benwa », Haïti, le 15 octobre 2002, p. 65-76.
[91] Fr. Vandenbroucke, « Liturgie », Catholicisme, VII, fasc.. 31, col. 884.
[92] L. Bouyer, Le mystère pascal, p. 9.
[93] M. Deneken, La foi pascale, p. 19.
[94] Fr. Anselme Y. Beaudelet, o.s.b., Introduction à la liturgie, p. 66.
[95] Cf. Irénée-Henri Dalmais, Initiation à la liturgie, Paris, Desclée de Brouwer, 1958, p. 99.
[96] SC, n° 7.
[97] Irénée-Henri Dalmais, Initiation à la liturgie, p. 49.
[98] SC 32.
[99]Cf. Irénée-Henri Dalmais, Initiation à la liturgie, p. 49.
[100] Id.
[101] Cf. François Favreau, « La pastorale liturgique », Gélineau Joseph (dir.), Dans vos assemblées, manuel de pastorale liturgique, p. 24.
[102] Id.
[103] Placide Pernot, « La notion de communauté dans les actes de Vatican II. Un thème théologique fondamental », LMD, 91, 65-75.
[104] Cf. LG, n° 11 et PO, n° 5.
[105] Cf. Guido Marini (Mgr), La liturgie, gloire de Dieu et sanctification de l’homme, p. 42.
[106] Cf. ibid.., p. 48.
[107] Cf. R. Guardini, L’Esprit de la liturgie, Paris, Parole et Silence, 2007, p. 8.
[108] Célébrer vient du mot latin celebrare, qui signifie « réunir en foule ». Cette définition ou signification, avouons-nous, convient à notre compréhension actuelle de nos assemblées liturgiques en Haïti où nous cherchons de plus en plus à situer avec engouement et force, la place centrale de l’assemblée dans la liturgie comme sujet intégral de l’action liturgique.
[109] SC, n° 34.
[110] Cf. François Favreau, « La pastorale liturgique », Gélineau Joseph (dir.), Dans vos assemblées, manuel de pastorale liturgique, p. 25.
[111] Cette partie du cours aurait pu avoir pour titre : Le droit liturgique.
[112] Autorité renvoie au mot latin augere, qui signifie « faire grandir, faire croître ».
[113] Cf. Aimé-Georges Martimort, « Structure et lois de la célébration liturgique », L’Église en prière. Introduction à la liturgie, Aimé-Georges Martimort (dir.), Belgique, Desclée & Co., 1961, p. 64.
[114] Cf. Paul De Clerck, « Existe-t-il une loi de la liturgie ? », Revue de théologie de Louvain, 2007 / 38-2, p. 188, persee.fr, consulté le 24 octobre 2022.
[115] Cf. Patrick Prétot, « Autorité en matière de liturgie. Perspectives pour un défi actuel », Du bon usage des normes en liturgie, HélèneBricout (dir.), Paris, Cerf, « Lex Orandi, nouvelle série » 9, 2020, p. 53.
[116] Cf. id.
[117] Cf. ibid.., p. 64.
[118] Cf. ibib., p. 53.
[119] Cf. L.-M. Chauvet, « La Bible dans son site liturgique », dans : Jean-Louis Souletie et Henri-Jérôme Gagey (dir.), La Bible, Parole adressée, Paris, Cerf, 2001, p. 60.
[120] Cf. ibid.., p. 66.
[121] Cf. id.
[122] Cf. SC, n° 24.
[123] SC, n° 23.
[124] Joseph Ratzinger, Liturgie et mission, Paris, Éditions Artège, 2007, p. 84.
[125] Cf. SC, n° 22.
[126] Cf. Albert Jacquemin, « Normes liturgiques et droit, le point de vue d’un canoniste », Du bon usage des normes en liturgie, Hélène Bricout(dir.), Paris, Cerf, « Lex Orandi, nouvelle série » 9, 2020, p.228.
[127] Cf. id.
[128] « 1. L’Église remplit sa fonction de sanctification d’une manière particulière par la sainte liturgie qui, est considérée comme l’exercice de la fonction sacerdotale de Jésus Christ ; la sanctification des hommes y est signifiée par des signes sensibles et réalisée selon le mode propre à chacun d’eux, et le culte public intégral de Dieu y est célébré par le Corps mystique de Jésus Christ, Tête et membres. 2. Ce culte est rendu quand il est offert au nom de l’Église par les personnes légitimement députées, et par les actes approuvés par l’autorité de l’Église ».
[129] Cf. ibid.., p. 328-329.
[130] Ibid., p. 233-234.
[131] SC, n° 22.
[132] Cf. J. Ratzinger, La liturgie est-elle modifiable, Paris, Éditions Téqui, 2012, p. 96.
[133] Cf. Jean-Paul II, Constitution apostolique Pastor bonus, 28 juin 1988, art. 62, 63 et 66 ; Cf. CCDDS, Instruction Redemptionis Sacramentum, 25 mars 2004, n° 17.
[134] Cf. SC, n° 22 et 25 ; CCDDS, Instruction Redemptionis Sacramentum, 25 mars 2004 ; Le Motu proprio Magnum principium du Pape François, le 9 septembre 2017 etc.
[135] Cf. Paul De Clerck, « Existe-t-il une loi de la liturgie ? », p. 302.
[136] Paul de Clerck, L’Intelligence de la liturgie, p. 68.
[137] Ibid., p. 85.
[138] PGMR, n° 2.
[139] Textes compilés pour l’ensemble de ce chapitre.
[140] PGMR, n° 46.
[141] PGMR, n° 47-48.
[142] PGMR, n° 49-50.
[143] PGMR n° 51.
[144] PGMR n° 52.
[145] PGMR, n° 53.
[146] PGMR, n° 55.
[147] PGMR, n° 56.
[148] VD, 56.
[149] PGMR n° 57.
[150] PGMR n° 61.
[151] Cf. PGMR 62.
[152] PGM n° 65-66.
[153] Cf. PGMR, 69-71.
[154] Cf. Pacal Desthieux, La messe… enfin je comprends tout !, Éditions Saint-Augustin, 2005, p. 203.
[155] Cf. Diesel Phat, « Les richesses théologiques et doctrinales de la prière "per huius aquae" et de l’adjonction d’eau au vin dans le calice », diehaititheoliturgiesacrements.blogspot.com, consulté le 15/03/2020.
[156] PGMR, n° 77.
[157] PGMR, n° 77.
[158] PGMR, n° 78.
[159] Outre les quatre Prières eucharistiques dites principales, s’ajoutent deux Prières eucharistiques pour la Réconciliation, trois pour les Assemblées d’enfants, et quatre pour les circonstances particulières.
[160] Voir Enrico Mazza, L’Action eucharistique, Paris, Cerf, 2005, p. 287.
[161] Id.
[162] Annibale Bugnini, La réforme liturgique, Paris, Desclée de Brouwer, 2015, p. 482. Cité aussi par Enrico Mazza, L’Action eucharistique, op. cit., p. 287.
[163] Annibale Bugnini, La réforme liturgique, p. 484.
[164] Cf. Paul De Clerck, « La Prière eucharistique », Dans vos assemblées, Joseph Gélineau (dir.), Vol. II, Paris, Desclée, 1989, p. 472.
[165] Cf. id.
[166] Cf. id.
[167] Cf. ibid.., p. 374.
[168] Le texte de la Didakè est pris au Père Dominique Bertrand, Les Pères Apostoliques. Texte intégral, Paris, Cerf, « Sagesses chrétiennes », 2001, 54-57. Les textes juifs sont pris à Paul De Clerck, « La Prière eucharistique », Dans vos assemblées, Joseph Gélineau (dir.), Vol. II, p. 474-475.
[169] Cf. Paul De Clerck, « La Prière eucharistique », Dans vos assemblées, Joseph Gélineau (dir.), Vol. II, 475-476.
[170] Cf. ibid.., p. 477.
[171] Cf. ibid.., 478.
[172] Cf. id.
[173] Cf. id.
[174] Cf. Saint Ambroise, Des Sacrements, IV, 5, 21-27.
[175] Hélène Bricout, « La traduction, un acte de la transmission vivante de la prière ecclésiale », Service National de la Pastorale liturgique et sacramentelle / Conférence des évêques de France, Vivre la messe. La nouvelle traduction du Missel romain, Paris, Mame, 2021, p. 50.
[176] De έπι (epi) καλέω (kaléô), « appeler sur ».
[177] E. Mazza, L’Action eucharistique, p. 312.
[178] Cf. PGMR, n° 79.
[179] Cf. Bénédicte-Marie de la Croix Mariolle, psdp, « Il est grand le mystère de la foi », Vivre la messe. La nouvelle traduction du Missel romain, p. 132.
[180] SC, n° 7.
[181] [181] Hélène Bricout, « La traduction, un acte de la transmission vivante de la prière ecclésiale », Vivre la messe. La nouvelle traduction du Missel romain, p. 51.
[182] Cf. Bénédicte-Marie de la Croix Mariolle, psdp, « Il est grand le mystère de la foi », Vivre la messe. La nouvelle traduction du Missel romain, p. 135.
[183] Cf. id.
[184] Cf. Centre national de pastorale liturgique, L’art de célébrer, t. 2, Paris, Cerf, « Guides Célébrer » 10, 2003, p. 60.
[185] Cf. id.
[186] Cf. ibid.., p. 61.
[187] Cf. id.
[188] PGMR, n° 79.
[189] Cf. Achiel Peelman, La communion des saints, approche chrétienne et amérindienne, Canada, Médiaspaul, 2016, p. 6.
[190] PGMR, n° 95.
[191] Cf. PGMR, n° 2016-236.
[192] Cf. Pascal Desthieux, La messe… enfin je comprends tout !, p. 249.
[193] Cf. Col 1, 16.
[194] Cf. Pascal Desthieux, La messe… enfin je comprends tout !, p. 250.
[195] Cf. E. Mazza, L’action eucharistique, p. 314.
[196] Cf. Ces propos s’inspirent largement de E. Mazza déjà cité ci-dessus.
[197] Cf. Centre National de Pastorale Liturgique, Du bon usage de la liturgie, Paris, Cerf, « Guides Célébrer » 4, 1999, p. 61.
[198] PGMR n° 81.
[199] Cf. Adalbert Hamman, Le Pater expliqué par les Pères, Paris, Éditions franciscaines, 1962, Nouvelle édition considérablement augmentée, p. 21.
[200] Cf. ibid.., p. 24.
[201] Cf. ibid.., p. 29.
[202] Cf. ibid., p. 61.
[203] Cf. ibid., p. 102.
[204] Du bon usage de la liturgie, p. 62.
[205] Ibid., p. 61.
[206] Cf. Olivier Praud, « De la "lex orandi" à la "lex credendi" », Vivre la messe. La nouvelle traduction du Missel romain, p. 34.
[207] Ibid., p. 36.
[208] PGMR n° 82.
[209] Cf. Lettre circulaire de la Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des Sacrements sur le rite de la paix, nº 6, https://www.vatican.va, (8 juin 2014), consulté le 28 octobre 2022.
[210] PGMR, n° 83.
[211] Ibid., n° 321.
[212] L’art de célébrer, t. 2, p. 76.
[213] Cf. Du bon usage de la liturgie, p. 64.
[214] L’art de célébrer, t. 2, p. 76.
[215] Cf. Pascal Desthieux, La messe… enfin je comprends tout !, p. 286
[216] L’art de célébrer, t. 2, p. 76.
[217] Cf. PGMR, n° 86.
[218] PGMR, n° 85.
[219] PGMR, n° 88.
[220] L’art de célébrer, t. 2, p. 85.
[221] PGMR, n° 89.
[222] PGMR, n° 166.
[223] Cf. L’art de célébrer, t. 2, p. 85.
[224] Cf. Pascal Desthieux, La messe… enfin je comprends tout !, p. 305.
[225] Cf. Office des célébrations liturgiques du Souverain Pontife, Les prières « apologétiques » durant la célébration de la messe, https://www.vatican.va, consulté le 29 octobre 2022.
[226] Cf. Laurence Freeman, OSB, « L’Eucharistie et silence », Conférence donnée à l’École de Prière de l’archidiocèse de Melbourne, 20 avril 2005, http://www.wccm.fr, consulté le 29 octobre 2022.
[227] Cf. id.
[228] Cf. Xavier Accart, Comprendre et vivre la liturgie, signes et symboles expliqués à tous, Paris, Presses de la Rennaissance, 2009, p. 201.
[229] Cf. ibid., p. 202.
[230] Aimon-Marie Roguet, « Qu’est-ce que le mystère pascal ? », LMD, 67, 1961, 5-22.
[231] La notion de « mystère pascal » s’est élaborée dans le mouvement liturgique. D’origine casélienne, elle s’est développée dans la théologie du XXe et du XXIe siècle. Voir Louis Bouyer, Le mystère pascal, Paris, Cerf, « Foi vivante » 6, 1965 ; Raniero Cantalamessa, « Le mystère pascal dans la liturgie », Dictionnaire critique de la théologie, Paris, Presses universitaires de France, 1998, 853-854 ; Pietro Sorci, « Mystère pascal », Dictionnaire encyclopédique de la liturgie, t. 2, Turnhout, Brepols, 2002, 69-84 ; Romano Guardini, La résurrection du Christ, fondement de notre foi, Paris, « collection du Laurier » 235, 2005.
[232] Aimon-Marie Roguet, « Qu’est-ce que le mystère pascal ? », p. 6.
[233] Ibid., p. 9.
[234] Id.
[235] Ibid., p. 13.
[236] Ibid., p. 15.
[237] Id.
[238] Id.
[239] Ibid., p. 17.
[240] Paul De Clerck, L’Intelligence de la liturgie, p. 159.
[241] Cf. « Réponses à un groupe de questions sur les Sacrements », https://www.cursillos.ca; consulté le 29 octobre 2022.
[242] Cf. id.
[243] Cf. Pontifical romain, Rituel de la dédicace, chapitre II : Rituel de la dédicace d’une église, Préliminaires, n° 1, Paris, AELF /Desclée, 1988, p. 17.
[244] Cf. ibid., n° 2, p. 17.
[245] Cf. Paul De Clerck, L’Intelligence de la liturgie, p. 160.
[246] Cf. id.
[247] SC, n° 124.
[248] Cf. Jean-Marie Duthilleul, « Des espaces pour l’Église », dans Gilles Drouin (dir.), L’espace liturgique, un espace d’initiation, Paris, Cerf, 2019, p.112.
[249] Cf. ibid., p. 115.
[250] Cf. Xavier Accart, op. cit., p. 32.
[251] Cf. Centre national de pastorale liturgique, L’art de célébrer, t. 1, Paris, Cerf, « Guides Célébrer » 9, 2003, p. 63.
[252] PGMR, n°295.
[253] Cf. Nous devons la quasi totalité de cette partie à Maud de Beauchesne, « Un lieu pour baptiser », https://liturgie.catholique.fr, consulté le 29 octobre 2022.
[254] Notes doctrinales et pastorales, n° 22.
[255] RICA, n° 209.
[256] Certains critères sont issus de l’article de Louis-Marie Chauvet dans les Chroniques d’art sacré n° 44.
[258] Cf. Fr. Anselme Y. Beaudelet, o.s.b., Introduction à la liturgie, p. 54.
[259] Cf. Rituel du baptême des petits enfants, n° 25.
[260] Cf. id.
[261] Cf. Sophie Roubertie, « Comprendre une église : l’ambon, le pupitre réservé à la lecture de la parole de Dieu », (publié le 27 septembre 2021), https://fr.aleteia.org, consulté le 29 octobre 2022.
[262] PGMR, n° 309.
[263] Cf. Association épiscopale liturgique pour les pays francophones, Découvrir le Lectionnaire romain. Présentation générale du Lectionnaire romain incluse dans son intégralité, Paris, AELF-MAME-Magnificat, 2014, n° 32, p. 38.
[264] Voir le Livre des bénédictions, bénédiction pour inaugurer un ambon, n° 900-918.
[265] C’est la teva de la synagogue, ce meuble plat en forme de table sur lequel on pose et déroule les rouleaux de la Torah. Elle est entourée de portes-cierges, servant à éclairer le texte, et aussi à manifester que la « Parole est la lumière de mes pas, la lampe de ma route » (Ps 118, 105) ; Cf. Jean-Baptiste Nadler, Les racines juives de la messe, Paris, Éditions de l’Émmanuel / Éditions Transmettre, 2015, p. 74.
[266] PGMR, n° 296.
[267] Cf. Du bon usage de la liturgie, p. 85.
[268] PGMR, n° 314 ; cf. Rituel romain, Livre des bénédictions, bénédiction pour inaugurer un tabernacle, n° 919-929.
[269] Cf. Pontifical romain, Rituel de la dédicace, chapitre IV : Rituel de la dédicace d’un autel, Préliminaires, n° 2, p. 69.
[270] Cf. ibid., Prière de dédicace, n° 48, p. 84.
[271] Cf. Du bon usage de la liturgie, p. 86.
[272] Il convient que cette croix demeure près de l’autel même en dehors des célébrations liturgiques, pour rappeler aux fidèles la passion rédemptrice du Seigneur. On évitera le doublet. S’il y a une croix déjà fixée dans l’abside de l’église bien visible pour l’assemblée, on n’observera pas cette norme.
[273] Cf. PGMR, n° 306.
[274] Cf. PO, n° 13.
[275] PGMR, n° 310.
[276] Pour approfondir la question de la présidence, voir Michel Scouarnec, Présider l’assemblée du Christ, peut-on se passer de prêtres ?, Paris, Les Éditions de l’Attelier/Éditions Ouvrières, « Vivre, croire, célébrer », 1996.
[277] Cf. L’art de célébrer, t.1, p. 101.
[278] Cf. SC, n° 34.
[279] PGMR, n° 311.
[280] Cf. PGMR, n° 294.
[281] Cf. L’art de célébrer la messe, t. 1, p. 67.
[282] Cf. Sophie Roubertie, « Pourquoi la nef d’une église a souvent la forme d’une coque de bateau ? », https://fr.aleteia.org, consulté le 31 octobre 2022.
[283] Cf. SC, n° 30.
[284] Cf. Pape François, Lettre apostolique Desiderio desideravi sur la formation liturgique du peuple de Dieu, (29 juin 2022), n° 21, https://www.vatican.va, consulté le 31 octobre 2022. Désormais, nous emploierons DD en référence à cette lettre.
[285] Une inspiration issue du numéro cité ci-dessus.
[286] Cf. DD, n° 37.
[287] Cf. SC, n° 26.
[288] Cf. SC, n° 41.
[289] Cf. François Moog, La participation des laïcs à la charge pastorale, Paris, Desclée de Brouwer, « Théologie à l’Université » 14, 2010, p. 200.
[290] Cf. SC, n° 48.
[291] On peut facilement constater le mépris de certains missionnaires pour tout ce qui était de l’ordre culturel parce qu’ils l’associèrent au vodou. Dans leur pensée et leur agir pastoral, le vodou était considéré comme une réalité dangereuse à combattre parfois violemment. Voir W. Smarth, Histoire de l’Église catholique d’Haïti, t. 1, p. 309-317 ; Kawas François, L’Église catholique en Haïti à l’épreuve du pluralisme religieux. Recherche documentaire sur la situation actuelle de l’Église catholique par rapport aux autres religions, Port-au-Prince, Imprimerie Henri Deschamps, « Les Cahiers du CRI » 1, 2003, p. 63-71.
[292] Voir W. Smarth, Histoire de l’Église catholique d’Haïti, t. 2, p. 451-459.
[293] Cf. Emilio Alberich, « Inculturer et indigéniser le christianisme », Précis de théologie pratique, Gilles Routhier et Marcel Viau (dir.), Bruxelles, Lumen Vitae, 2004, p. 440.
[294] Sur ce sujet, je vous réfère à une belle contribution de Père William Smarth, « Quand nous disons "Dieu" en Haïti », Bouske : Revue de théologie du CIFOR, 1er semestre 2010, n° 2, p. 15-64.
[295] Paul VI, Exhortation apostolique, Evangelii Nutiandi, sur l’évangélisation dans le monde moderne, 8 décembre 1975, n° 63, https://www.vatican.va, consulté le 1er novembre 2022. Désormais appelé EN.
[296] Emilio Alberich, « Inculturer et indigéniser le christianisme », Précis de théologie pratique, Gilles Routhier et Marcel Viau (dir.), p. 441.
[297] Achiel Peelman, Les nouveaux défis de l’inculturation, Ottawa-Bruxelles, Novalis-Lumen Vitae, 2007, p. 11.
[298] GS, n° 58.
[299] SC, n° 37-40.
[300] SC, n° 37.
[301] Cf. SC, n° 38.
[302] Les chapitres I et II de notre parcours confirment ce propos.
[303] EN, n° 20.
[304] P. Arrupe, « Lettre aux Jésuites » (14 mai 1978), Écrits pour évangéliser, présentés par J.-Y. Calvez, Paris, Desclée de Brouwer et Bellarmin [« Christus »], 1985, p. 169-170.
[305] Jean-Paul II, Encyclique Slavorum Apostoli, publiée le 2 juin 1985, n. 21 ; IVe Instruction de la Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des sacrements pour une juste application de la Constitution conciliaire sur la liturgie, Varietates Legitimae, publiée le 25 janvier 1994, n. 4. Pour ce dernier document, dans les prochaines citations nous le dénommerons VL.
[306] Pape Jean-Paul II, Discours aux évêques de la Conférence épiscopale d’Haïti en visite Ad limina apostolorum, en date du 18 mars 1994, n. 7, w2.vatican.va, consulté le 3 avril 2017.
[307] Pape Jean-Paul II, Encyclique Redemptoris missio sur la valeur permanente du précepte missionnaire, 7 décembre 1990, n° 52, https://www.vatican.va, consulté le 1er novembre 2022.
[308] Cf. Philippe Barras, « Liturgie et inculturation », LMD 296, 2019/2, p. 19.
[309] Claude Geffré, « Le Christianisme face à la pluralité des cultures », Conférence sur le dialogue interreligieux, http://www.dominicains.c/Documents/Articles/geffrel.htm, consulté le 16 mars 2017.
[310] J. Ratzinger, Valeurs pour un temps de crise, relever les défis de l’avenir, Paris, Éditions Parole et Silence, 2005, 20172, p. 92.
[311] A. Peelman, Les nouveaux défis de l’inculturation, p. 35.
[312] Nous empruntons ces deux termes à Achiel Peelman. Voir son ouvrage Les nouveaux défis de l’inculturation, p. 35.
[313] Cf. Philippe Barras, « Liturgie et inculturation », p. 20.
[314] Cf. ibid., p. 21.
[315] Cf. Philippe Barras, « L’inculturation dans la liturgie », https://migrations.catholique.fr, consulté le 1er octobre 2022.
[316] Cf. VL, n° 3.
[317] VL, n° 14.
[318] VL, n° 19.
[319] Cf. SC, n° 38.
[320] VL, n° 37.
[321] Ph. Barras, « Liturgie et inculturation », p. 28.
[322] Cf. ibid., p. 15.
[323] Cf. ibid., p. 30
[324] Emilio Alberich, « Inculturer et indigéniser le christianisme », Précis de théologie pratique, Gilles Routhier et Marcel Viau (dir.), p. 444-446.
[325] Cf. Ph. Barras, « Liturgie et inculturation », p. 30-31.
[326] Cf. Achiel Peelman, Les nouveaux défis de l’inculturation, Canada, Novalis – Lumen Vitae, 2007, p. 21.
[327] Évidemment, ces écueils feront l’objet du cours des pratiques liturgiques et pastorales qui sera dispensé en 4e année de théologie.
[328] Voir James Mallon, Manuel de survie pour les paroisses. Pour une conversion pastorale, Paris, Artège, 2015, p. 81.
[329] P. Ricœur, Temps et récit. Le temps raconté, tome 3, Paris, Seuil, « Points » 229, 1985, p. 9.
[330] François Favreau, « La pastorale liturgique », Gélineau Joseph (dir.), Dans vos assemblées, manuel de pastorale liturgique, p. 22.
[331] 6e préface des dimanches.
[332] 4e préface pascale.
[333] Toute cette partie est puisée dans François Favreau, « La pastorale liturgique », Gélineau Joseph (dir.), Dans vos assemblées, manuel de pastorale liturgique, p. 22.
[334] Id.
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