PNEUMATOLOGIE/NOTES DE COURS/2021-2022
GRAND SÉMINAIRE NOTRE-DAME
SECTION DE THÉOLOGIE
LA PNEUMATOLOGIE
« Et in Spiritum sanctum, Dominum, et vivificantem :
qui ex Patre et Filioque »
NOTES DE COURS
Diesel PHAT, professeur
Contact : dieselphaiti@yahoo.com/ p.diesel.haiti@gmail.com
2021-2022
Fiche pédagogique
Argumentaire :
Ce cours consiste en une étude profonde et détaillée de la personne et l’œuvre de l’Esprit Saint dans l’Ancien et le Nouveau Testament. Son rôle en tant qu’agent de puissance dans la vie de l’homme et de l’Église sera également étudié. Comme Caritas Dei, nous prendrons le temps de discerner sa présence et de voir comment il nous habite. Pour cela, nous nous laisserons guider par les Saintes Écritures, la Patristique, les documents magistériels et les travaux des théologiens.
Mode d’évaluation :
Un travail sur table à la fin du cours.
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PLAN DU COURS
INTRODUCTION
PREMIÈRE PARTIE
THÉOLOGIE BIBLIQUE
ARTICLE I : L’ESPRIT SAINT SELON LE PILIER BIBLIQUE
1.1. L’esprit Saint dans l’Ancien Testament
1.2. L’Esprit Saint dans le Nouveau Testament
ARTICLE II : L’ESPRIT SAINT COMME RÉVÉLATION
EN L’HOMME DE L’INEXPRIMABLE DE DIEU
2.1. L’indispensable intervention de l’Esprit Saint
2.2. L’Esprit Saint comme actualisation en nous de la Parole révélée
2.2.1. Le fait : L’Esprit actualise en nous la Révélation du Fils
2.2.2. Le mode : une conjonction « sui generis » de l’activité de l’Esprit et de l’activité de l’homme
2.2.3. Le résultat : l’homme naît sans cesse de Dieu selon chaque bonne action par laquelle Dieu l’engendre
DEUXIÈME PARTIE
THÉOLOGIE SPÉCULATIVE
ARTICLE III : L’ESPRIT SAINT ET LE MYSTÈRE TRINITAIRE
3.1. Quelques points de repères dogmatiques
3.1.1. L’apport doctrinal du concile de Nicée (325)
3.1.2. L’apport du concile de Constantinople (381)
3.1.3. Remarque autour de la question du Filioque
3.2. De l’Esprit Saint comme lien d’amour,
à l’Esprit Saint comme mouvement d’extase
3.2.1. Considération préalable : de la liberté en Dieu
3.2.2. Esprit Saint comme lien d’amour
3.2.3. L’Esprit Saint comme mouvement d’extase
ARTICLE IV : VERS UNE ÉTUDE SYSTÉMATIQUE
DE LA THÉOLOGIE DE L’ESPRIT SAINT
4.1. Status questionis : la divinité de l’Esprit Saint, une réalité contestée
4.1.1 L’Esprit Saint n’est pas une créature
4.1.2. La procession de l’Esprit Saint : il « procède du Père et du Fils »
4.1.3. Le témoignage du Credo : « Je crois en l’Esprit Saint »
4.2. L’Esprit Saint, amour entre le Père et le Fils
4.3. La mission et le rôle de l’Esprit Saint
4.3.1. L’Esprit Saint mène au Christ intérieur
4.3.2. L’Esprit Saint sanctifie les fidèles
4.3.3. L’Esprit Saint construit l’Église
4.3.4. L’Esprit Saint construit le Royaume de Dieu
4.4. Les dons de l’Esprit Saint
4.5. Les fruits de l’Esprit Saint
ARTICLE V : L’ESPRIT SAINT
SELON LE CONTEXTE HUMAIN
ET ECCLÉSIAL
5.1. Yves Congar et l’Esprit Saint
5.2. Bernard Sesboüé et l’Esprit Saint
5.3. Le concile Vatican II et l’Esprit Saint
5.4. Le témoignage de la liturgie
CONCLUSION
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BIBLIOGRAPHIE
01. Beauchamp Paul et Wolinski Joseph, « Esprit Saint », Dictionnaire critique de théologie, Jean-Yves Lacoste (dir.), Paris, PUF, « Référence » 374, 1998, 404-411.
02. Blank Joseph et Knauer Peter, « Esprit Saint/Pneumatologie », Dictionnaire de théologie, Peter Eicher (dir.), Paris, Cerf, 1988, 182-191.
03. Congar Yves, Je crois en l’Esprit Saint. Tome 1 [L’Esprit Saint dans l’Économie, révélation et expérience de l’Esprit], Paris, Cerf, 1979 ; Tome 2, Il est Seigneur et il donne la vie, 1979 ; Tome 3, Le fleuve de Vie (Ap 22,1) coule en Orient et en Occident, 1980.
04. Congar Yves, « Pneumatologie Dogmatique », dans Bernard Lauret, François Refoulé (dir.), Initiation à la pratique de la théologie, vol. 2, Dogmatique I, Paris, Cerf, 1982, 483-514.
05. Congar Yves, « Le troisième article du Symbole. L’impact de la pneumatologie dans la vie de l’Église », Dieu, Église et société, Paris, le Centurion, 1985.
06. Congar Yves, Je crois en l’Esprit Saint, Paris, Cerf, 19954.
07. Dupuy Michel, L’Esprit, souffle du Seigneur, Paris, Desclée, « Jésus et Jésus Christ », Résonnances 3, 1988.
08. Durrwell François-Xavier, L’Esprit du Père et du Fils, Paris, Médiaspaul et Montréal, Éditions Paulines, 1989.
09. Guillet Jacques, « Esprit/Esprit de Dieu », Vocabulaire de théologie biblique, Xavier Léon-Dufour et al. (dir.), Deuxième édition révisée et augmentée, Paris, Cerf, 1970, 388-401.
10. Humann François-Marie, « Christologie pneumatique et foi trinitaire chez Yves Congar», Vincent Holzer, Emmanuel Durand (dir.), Les réalisations du renouveau trinitaire au xxe siècle, Paris, Cerf, « Cogitatio Fidei », 2010,163-174.
11. Humann François-Marie, La relation de l’Esprit Saint au Christ : une relecture d’Yves Congar, Paris, Cerf, « Cogitatio fidei », 2010.
12. Jean-Paul II, Lettre encyclique Dominum et vivificantem, 18 mai 1986.
13. Journet Charles, Entretien sur le Saint-Esprit, Paris, Parole et Silence, 1997.
14. Kasper Walter, Le Dieu des chrétiens, Paris, Cerf, « Cogitatio Fidei » 128, 1985.
15. Malaspina Elena, « Esprit Saint », Dictionnaire encyclopédique du christianisme ancien, Angeli Di Berardino (dir.), François Vial (dir.), Adaptation française,Tome I, Paris, Cerf, 1990, 864-873.
16. Milano Andrea, « Esprit Saint », Dictionnaire de théologie chrétienne, Joseph Doré (dir.), Paris, Desclée, 1979, 129-134.
17. Pacot Simone, Ouvrir la porte à l’Esprit, Paris, Cerf, 2011.
18. Sesboüé Bernard, Croire. Invitation à la foi catholique pour les femmes et les hommes du XXIe siècle, Paris, Droguet & Ardant, 1999.
INTRODUCTION
Ô toi qui procèdes du Père et du Fils,
Divin Paraclet, Lumière éblouissante et chérie,
Tu dissipes nos ténèbres intérieures, tu manifestes la vérité.
Tu montres la voie de la paix et celle de la justice ;
Si tu es présent à l’âme, rien ne reste impur en elle ;
Tu lui apportes la joie et l’allégresse,
Et la conscience que tu as purifiée goûte enfin le bonheur.
Feu sacré, tu embrases le cœur sans le consumer,
Daigne nous visiter aussi
Et répandre ta consolation
Sur nous et sur le peuple fidèle.
De la séquence « Qui procedis »
Adam de Saint-Victor (XIIe s.)
L’Esprit Saint a été longtemps négligé dans la théologie occidentale. Les théologiens ont beaucoup écrit sur Dieu, sur le Christ, mais moins sur l’Esprit Saint. L’une des deux mains du Père[1] (l’Esprit Saint), au cours de l’histoire, a subi une sorte de paralysie constante. Heureusement, depuis quelques décennies, nous assistons à une mise en branle de la pneumatologie comme une réelle discipline théologique, comme l’étude de la personne et de l’œuvre de la troisième personne de la Trinité. Car la doctrine de la Trinité est incomplète sans la pneumatologie. En ce sens, Yves Congar tient qu’« il n’y a pas de christologie sans la pneumatologie ». On peut même dire qu’il n’y a pas de théologie sans pneumatologie.
Cette évolution est remarquable. La mission de l’Esprit Saint s’est donc comprise comme une mission universelle, non centrée sur les seules frontières de l’Église avec son rôle sanctifiant. Parlant de cette évolution, Jean-Paul II nous en a fait une synthèse remarquable :
La présence et l'activité de l'Esprit ne concernent pas seulement les individus, mais la société et l'histoire, les peuples, les cultures, les religions. En effet, l'Esprit se trouve à l'origine des idéaux nobles et des initiatives bonnes de l'humanité en marche: « Par une providence admirable, il] conduit le cours des temps et rénove la face de la terre ». Le Christ ressuscité « agit désormais dans le cœur des hommes par la puissance de son Esprit; il n'y suscite pas seulement le désir du siècle à venir, mais, par là même, anime aussi, purifie et fortifie ces aspirations généreuses qui poussent la famille humaine à améliorer ses conditions de vie et à soumettre à cette fin la terre entière ». C'est encore l'Esprit qui répand les « semences du Verbe », présentes dans les rites et les cultures, et les prépare à leur maturation dans le Christ[2].
En dépit de tout, parler de la mystérieuse personne de l’Esprit n’est pas facile. La personne de l’Esprit est plus mystérieuse encore pour nous que celle du Père et du Fils[3]. Et pourtant, le don de l’Esprit Saint constitue l’achèvement même de la révélation du Dieu de la Trinité. Il est, comme on vient de le dire, la main gauche du Père. Nous abordons la personne mystérieuse de l’Esprit avec distance puisqu’il est le côté « anonyme » de Dieu. Au sein de la Trinité immanente, il n’a pas de nom propre. Il est tout simplement l’Esprit du Père et du Fils – leur « trait d’union » personnifié, nous dit Hans Urs Von Balthasar[4].
Alors nous pouvons nous poser ces questions légitimes : qui est l’Esprit Saint ? Où le trouver ? Comment se manifeste-t-il ? Comment agit-il ? Il semble que « nommer » l’Esprit Saint est un grand défi pour la théologie contemporaine. Ce cours, tout en prenant en compte le caractère énigmatique de l’Esprit Saint, cherchera à mettre en lumière ces questions, à revitaliser la pneumatologie et tentera de développer un discours chrétien sur l’Esprit Saint. Pour cela, nous diviserons le cours en deux parties. Dans la première partie, consacrée à la théologie biblique, l’Esprit Saint sera abordé selon le pilier biblique et comme révélation en l’homme de l’inexprimable de Dieu. La deuxième partie du cours, considérée comme la théologie spéculative, mettra en lumière l’Esprit Saint et le mystère trinitaire ; projettera vers une étude systématique de la théologie de l’Esprit Saint et, enfin, le présentera selon le contexte humain et ecclésial.
PREMIÈRE PARTIE
THÉOLOGIE BIBLIQUe
ARTICLE I : L’ESPRIT SAINT SELON LE PILIER BIBLIQUE
Nous allons faire une enquête biblique pour voir comment la Bible nous parle de l’Esprit Saint.
1.1. L’esprit Saint dans l’Ancien Testament
Dans l’A.T, l’Esprit de Dieu n’y est pas encore révélé comme une personne, mais comme une force divine liée toujours à une mission. L’Esprit de Dieu est donné en vue de transformer des personnalités humaines et les rendre capables de gestes exceptionnels[5]. Pour mieux comprendre cet aspect, il faut partir du mot hébreu ruah – רוּחַ , traduit en grec (pneuma) et en latin (spiritus), qui signifie « souffle », « vent ». On peut voir que ces termes insistent bien plus sur l’aspect dynamique que sur les idées de spiritualité ou de réflexion. De toute façon, il y a beaucoup de textes bibliques de l’A.T qui parlent de l’Esprit de Dieu[6]. La ruah de l’A.T. est le « souffle de Yahwé – Ruah Elohim ». Cette ruah est la force créatrice et vivifiante de Dieu « telle que l’homme en fait l’expérience de la manière la plus spontanée dans le vent et dans le souffle en tant que force de vie »[7]. C’est par cette ruah que Dieu agit aussi dans l’histoire d’Israël. Dans l’A.T., le peuple hébreu avait une expérience de l’Esprit sans jamais le personnifier. Il l’avait découvert comme souffle de vie anime, féconde la création tout entière[8]. Dans l’A.T., la ruah désigne concrètement Dieu lui-même en action. Ce Souffle divin, puisqu’il vient de Dieu est Saint ; et puisqu’il conforme la volonté de l’homme à celle de Dieu, il est Sanctificateur. Dès l’A.T., même de manière ponctuelle, la ruah de Dieu établit une relation vitale entre Dieu et son peuple, entre Dieu et l’homme. Disant cela, on ne peut pas oublier l’expérience des résistances et des infidélités du peuple d’Israël qui empêche cette relation vitale entre Dieu et son peuple. Les prophètes sont donc au rendez-vous pour annoncer une grande espérance : « Je vous donnerai un cœur nouveau, je mettrai en vous un esprit nouveau, j'ôterai de votre chair le cœur de pierre et je vous donnerai un cœur de chair. Je mettrai mon esprit en vous et je ferai que vous marchiez selon mes lois et que vous observiez et pratiquiez mes coutumes » (Ez 36, 26-27). Il s’agit ici d’une effusion future de l’Esprit de Dieu. Elle sera donc universelle : « Après cela je répandrai mon Esprit sur toute chair. Vos fils et vos filles prophétiseront, vos anciens auront des songes, vos jeunes gens, des visions. Même sur les esclaves, hommes et femmes, en ces jours-là, je répandrai mon Esprit » (Jl 3, 1-2). En bref, selon l’Ancien Testament, Dieu a du souffle, l’Esprit suscite des libérateurs et parle par les prophètes. C’est progressivement que l’Esprit Saint se révèle comme une force divine transformant les personnalités humaines, pour transformer le peuple dans sa vocation, en faire le serviteur et le partenaire du Dieu de l’Alliance.
· L’Esprit Saint a joué son rôle dans la création en tant que l’une des trois personnes de la Trinité :
— Gn 1, 2 : « Or la terre était vide et vague, les ténèbres couvraient l’abîme et un souffle de Dieu agitait la surface des eaux ».
— Gn 1, 26 : « Faisons l’homme à notre image ».
— Jb 33, 4 : « C’est l’esprit de Dieu qui m’a fait, le souffle de Shaddaï qui m’anime ».
· L’Esprit Saint était donné pour une mission particulière comme par exemple à :
— Beçaléel : « Je l’ai comblé de l’esprit de Dieu en habileté, intelligence et savoir pour toutes sortes d’ouvrages » (Ex 31, 3).
— David : « Samuel prit la corne d’huile et l’oignit au milieu de ses frères. L’esprit de Yahvé fondit sur David à partir de ce jour-là et dans la suite » (1 S 16, 13).
— Isaïe : « L’esprit du Seigneur Yahvé est sur moi, car Yahvé m’a donné l’onction … » (Is 61, 1).
· L’Esprit était donné temporairement, et il pouvait être retiré. C’était le cas par exemple pour :
— Samson : « La femme mit au monde un fils et elle le nomma Samson. L’enfant grandit, Yahvé le bénit, et l’esprit de Yahvé commença à l’agiter au camp de Dan, entre Çoréa et Eshtaol » ( Jg 13, 24-25), puis l’esprit retiré (Jg 16, 20).
— Saül : « Quand ils arrivèrent là, à Gibéa, voici qu’une troupe de prophètes venait à sa rencontre ; l’esprit de Dieu fondit sur lui et il entra en transe avec eux » (1 S 10, 10), puis retiré : « L’esprit de Yahvé s’était retiré de Saül et un esprit mauvais, venu de Yahvé, le tourmentait » (1 S 16, 14).
Mais c’est surtout sur le Messie de l’avenir, le descendant de David attendu que l’Esprit doit reposer pleinement : « Un rejeton sortira de la souche de Jessé… Sur lui reposera l'Esprit de Yahvé, esprit de sagesse et d'intelligence, esprit de conseil et de force, esprit de connaissance et de crainte de Yahvé » (Is 11, 1-3).
Citée 378 fois dans l’A.T., la ruah est le plus employée pour indiquer l’appartenance divine de l’Esprit : la ruah de Yahvé. Ainsi, le caractère immatériel et personnel de la ruah la rend propre à signifier la circulation, l’intimité, la communication de l’intimité[9]. Toutefois, on peut le remarquer dans certains textes tardifs de l’A.T., l’Esprit est donc associé aux temps eschatologiques, mais toujours en lien avec l’Alliance. L’effusion de l’Esprit caractérise l’ère nouvelle et le jour de Yahvé (Jl 3, 2s). L’action de l’Esprit se situe dans le cadre de la promesse. Il sera donné pour toujours (Is 59, 21). Il habitera dans le cœur de l’homme pour le faire vivre et le sanctifier (Ez 37, 14). Le peuple d’Israël « attendait dans une grande espérance la venue des temps messianiques, une effusion générale de l’Esprit se manifestant le renouvellement du cœur des humains et une pratique authentique de la justice envers les pauvres et les opprimés »[10]. En définitive, il reposera sur le Messie, le Médiateur de la Nouvelle Alliance (Is 11, 2). C’est pourquoi saint Paul appelle la Nouvelle Alliance « l’Alliance de l’Esprit » (cf. 2 Co 3, 6).
1.2. L’Esprit Saint dans le Nouveau Testament
Si dans l’A.T. l’Esprit effectue sa fonction en rapport avec le Dieu d’Israël, dans le N.T[11]., il l’effectue en relation avec Jésus de Nazareth. L’Esprit que la tradition biblique appelait « esprit de Dieu » est désormais attribué à Jésus comme les prophètes l’avaient déjà annoncé.
La révélation de l’Esprit Saint (en tant que Personne distincte du Père et du Fils, qui était voilée dans l’Ancien testament, devient claire et explicite dans le Nouveau Testament.
Il est vrai que les écrits néo-testamentaires ne nous donnent pas un enseignement systématique sur l’Esprit Saint. Cependant, en rassemblant les multiples données présentes dans les écrits de Luc, de Paul et de Jean, il est possible de saisir la convergence de ces trois grands filons de la révélation néo-testamentaire au sujet de l’Esprit Saint.
La venue de l’Esprit marquera le temps nouveau en lien avec Jésus comme son vecteur eschatologique et messianique (le Messie est attendu comme porteur de l’Esprit). Jésus est investi de l’Esprit Saint et le possède en plénitude ; il ne mesure pas le don de l’Esprit (cf. Jn 3, 34). Il est « la figure eschatologique de celui qui accomplit toute chose, le "Messie", l’"Oint du Seigneur". Dès lors Jésus se trouve sous l’emprise du pneuma divin qui le pousse au désert (Mc 1, 12 ; Mt 4, 1 ; Lc 4, 1) et détermine en général toute son action »[12].
La ruah hébraïque de l’A.T. est remplacée par le terme grec Pneuma dans le N.T. (πνεῦμα qui littéralement signifie souffle), pour désigner la puissance de Dieu comme le font voir les Évangiles synoptiques, venant et demeurant sur Jésus[13]. Selon Joseph Wolinski, le substantif grec Pneuma, cité 379 fois dans le N.T. signifie « souffle » ou « vent » (sens littéral), « esprit » désignant alors le souffle, l’esprit de vie, mais aussi l’homme dans son intégralité ou encore l’homme vu sous l’aspect de son intériorité (sens anthropologique), « mauvais esprits » ou « esprits impurs » (sens démonologique), « Esprit transcendant de Dieu ou du Christ » environ 275 fois (sens théologique). « Selon Paul, la Pneuma est à l’origine de la foi des croyants ; selon Luc, de l’activité missionnaire de l’Église ; selon Jean, de l’inculturation de la vie chrétienne. Dans l’eschatologie, l’agir du Pneuma réalisera la résurrection des morts ». À l’exception des écrits lucaniens, le terme « Esprit Saint – « πνεῦμα άγιον », n’est pas dominant dans le N.T. Toutefois, « la personne et l’histoire de Jésus, forcément indissociables, constituent l’événement eschatologique de l’accomplissement, dans lequel l’Esprit de Dieu en plénitude fait irruption dans le monde »[14]. Jésus tient sa pleine autorité de l’Esprit Saint. Il y a une logique certaine dans le fait que le N.T. fait remonter le don de l’Esprit à Jésus au début de son devenir humain, soulignant en cela l’identité primordiale de Jésus et du Messie[15]. Il s’agit donc d’une pneumatologie christologique. De sa naissance à sa glorification, l’Esprit Saint est le pivot de la vie de Jésus.
Bernard Sesboüé a fait remarquer que dans les Actes des Apôtres, l’Esprit Saint apparaît aussi comme une force divine, qui « fond » sur les disciples et les païens de manière subite, comme il fondait sur les prophètes dans l’Ancien Testament[16]. L’Évangile de Luc nous le présente plus comme un principe d’activité que comme une personne. Cependant, tout le ministère de Jésus est placé sous le signe de l’Esprit. Sa mission est foncièrement pneumatologique tout comme sa naissance. Il vit dans et par l’Esprit Saint. Lors de son baptême, l’Esprit se manifeste à Lui « sous une apparence corporelle, comme une colombe » (Lc 3, 22). L’Esprit habite en Lui dès sa conception virginale et faire de Lui le Fils de Dieu (cf. Mt 1, 20 ; Lc 1, 35). Jésus n’est pas seulement « consacré » comme c’était le cas pour les rois et les prophètes de l’A.T., mais il est le « Saint » par son être même. Il dit et agit toujours sous l’emprise de l’Esprit qui le fait vivre en relation avec le Père (cf. Lc 4, 18 ; 10, 21). Il a reçu l’Esprit sans mesure (cf. Jn 3, 34). Dès lors, nous pouvons dire que l’Esprit Saint est « l’expression de l’amour mutuel du Père et du Fils et que, don parfait, il n’a rien à lui »[17].
Dans l’Évangile de Jean et dans les lettres de Paul, l’Esprit a le caractère d’un sujet. Paul le présente comme l’Esprit du Fils de Dieu envoyé en nos cœurs et qui crie : « Abba, Père » (Ga 4, 6 ; Rm 8, 15) ; « qui fait mourir les œuvres du corps » (Rm 8, 13) ; « qui se joint à notre esprit pour attester que nous sommes enfants de Dieu » (Rm 8, 16) ; « qui vient au secours de notre faiblesse et intercède pour nous en des gémissements ineffables » (Rm 8, 26) ; « qui opère et distribue ses dons à chacun en particulier comme il l’entend » (1 Co 12, 11) ; « qui est l’Esprit de liberté » (2 Co 3, 17) etc.
L’Évangile de Jean qui est une lecture postpascale de l’événement de la mort et de la résurrection de Jésus clarifie très nettement l’aspect-sujet de l’Esprit. Jésus y a annoncé le caractère personnel de l’Esprit. Il avait promis aux Apôtres qu’il leur enverrait un autre « Paraclet », un autre « Défenseur », l’Esprit de vérité qui leur permettrait de comprendre en profondeur tout ce qu’il leur avait dit et qu’il n’avaient pas encore assimilé (Jn 14, 18 ; 14, 26 ; 16, 12). C’est bien pour cela qu’il ajoute : « C’est votre intérêt que je parte, car si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous ; mais si je pars, je vous l’enverrai » (Jn 16, 7). Bernard Sesboüé mentionne avec raison que « cet ensemble de données doit être retenu comme tel : l’Esprit est bien un sujet et pourtant il ne l’est pas à la manière du Père et du Fils. Car il est insaisissable »[18].
Dans le N.T., il y a ce qu’on peut appeler le temps de la « grande promesse », c’est-à-dire le temps de l’envoi de l’Esprit après la mort et la résurrection de Jésus : l’Esprit de vérité sera donné en plénitude : « Je ne vous laisserai pas orphelin, je viendrai vers vous » (Jn 14, 18), « Je prierai le Père et il vous donnera un autre Paraclet, pour qu’il soit avec vous à jamais, l’Esprit de vérité » (Jn 14, 16), « Quand viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous guidera dans la vérité tout entière » (Jn 16, 13). Cette grande promesse se réalise dans le don de l’Esprit Saint au jour de la Pentecôte dans laquelle les Apôtres reçoivent la force d’En Haut. Dans l’événement de la Pentecôte, l’Esprit Saint a fait irruption dans la maison où se trouvaient les Apôtres :
Le jour de la Pentecôte étant arrivé, ils se trouvaient tous ensemble dans un même lieu, quand, tout à coup, vint du ciel un bruit tel que celui d'un violent coup de vent, qui remplit toute la maison où ils se tenaient. Ils virent apparaître des langues qu'on eût dites de feu ; elles se partageaient, et il s'en posa une sur chacun d'eux. Tous furent alors remplis de l'Esprit Saint et commencèrent à parler en d'autres langues, selon que l'Esprit leur donnait de s'exprimer. Or il y avait, demeurant à Jérusalem, des hommes dévots de toutes les nations qui sont sous le ciel (Ac 2, 1-5).
Les Apôtres deviennent alors capables de témoigner du Christ ressuscité avec force et courage. Ils sont pleinement emplis de lumière, renouvelés parce qu’ils ont reçu la Présence vivifiante qui était en Jésus. Le jour de la Pentecôte est le jour de la reconnaissance de l’Esprit Saint par les Apôtres, l’Esprit Saint dont leur parlait Jésus avant son retour au Père. Ils sont maintenant prêt à le recevoir, la force d’En Haut, le feu que Jésus est venu jeter sur la terre (cf. Lc 12, 49), l’Esprit de paix qui remplit l’univers :
Le soir, ce même jour, le premier de la semaine, et les portes étant closes, là où se trouvaient les disciples, par peur des Juifs, Jésus vint et se tint au milieu et il leur dit : « Paix à vous ! » Ayant dit cela, il leur montra ses mains et son côté. Les disciples furent remplis de joie à la vue du Seigneur. Il leur dit alors, de nouveau : « Paix à vous ! Comme le Père m'a envoyé, moi aussi je vous envoie ». Ayant dit cela, il souffla sur eux et leur dit : « Recevez l'Esprit Saint. Ceux à qui vous remettrez les péchés, ils leur seront remis ; ceux à qui vous les retiendrez, ils leur seront retenus » (Jn 20, 19-23).
Il y a donc un lien étroit entre la venue de l’Esprit et le pardon des péchés. Ils sont inséparables. L’Esprit Saint conduit l’être humain sur les chemins du pardon et de la réconciliation. Et, il propulse les Apôtres à sortir, à aller en mission. Il est la force intérieure donnée aux croyants pour l’annonce de la joie de l’Évangile (il sort de la poitrine de Jésus pour être donné aux Apôtres).
· L’action de l’Esprit Saint en Jésus Christ :
- Il est conçu du Saint-Esprit (Lc 1, 35 ; Mt 1, 20).
- Il a été oint du Saint-Esprit (Lc 4, 18 ; Ac 10, 38).
- Il a été marqué du Saint-Esprit (Jn 6, 27).
- L’Esprit Saint habitait en Lui (Jn 1, 33).
- Il était rempli du Saint-Esprit (Lc 4, 1).
- Il était revêtu de la puissance du Saint-Esprit (Lc 4, 14).
- Il était mené par l’Esprit Saint (Lc 4, 1).
- Il s’est offert en sacrifice par l’Esprit Saint (Hé 9, 14).
- Il a été ressuscité par l’Esprit Saint (Rm 1, 4 ; 8, 11 ; cf. 1 Tm 3, 16).
De cette enquête menée dans le N.T. sur l’Esprit Saint, nous découvrons que son caractère personnel est nouveau. Il est envoyé par Jésus du Sein du Père où il (Jésus) est remonté[19]. Nous constatons à travers les textes étudiés que la résurrection de Jésus (le mystère pascal) est l’épicentre du don de l’Esprit. Comme le souligne Marie-Joseph Nicolas, l’annonce de la résurrection de Jésus fut en même temps celle de l’avènement de l’Esprit (Ac 2, 33)[20]. Du coup, la Pneumatologie du N.T. est à la fois christologique et ecclésiologique : christologique du point de vue de l’action de l’Esprit Saint dans le mystère du Christ. Le don de l’Esprit à ceux qui croient se situe donc dans l’avènement et la plénitude de l’union de Jésus à son Père ; ecclésiologique du point de vue de l’action de l’Esprit Saint dans la vie de l’Église. Nous reprendrons ces aspects dans la deuxième partie du cours.
ARTICLE II : L’ESPRIT SAINT COMME RÉVÉLATION
EN L’HOMME DE L’INEXPRIMABLE DE DIEU[21]
Dieu se donne à connaître aux hommes à partir de l’événement Jésus Christ. Le Dieu de la révélation chrétienne est un Dieu qui s’est fait proche. Il ne se présente plus comme un Dieu lointain : « Il a plu à Dieu dans sa bonté et sa sagesse de se révéler en personne et de faire connaître le mystère de sa volonté (cf. Ep 1, 9) grâce auquel les hommes, par le Christ, le Verbe fait chair, accèdent dans l’Esprit Saint, auprès du Père et sont rendus participants de la nature divine (cf. Ep 2, 18 ; 2 P 1, 4). Par cette révélation, le Dieu invisible (cf. Col 1, 15 ; 1 Tm 1, 17) s’adresse aux hommes en son surabondant amour comme à des amis (cf. Ex 33, 11 ; Jn 15, 14-15), il s’entretient avec eux (cf. Ba 3, 28) pour les inviter et les admettre à partager sa propre vie » (Dei Verbum, n° 2).
Joseph Wolinski apporte un éclairage remarquable sur le sens de « connaître » dans la perspective de la révélation de Dieu en Jésus Christ. Pour lui, dans ce contexte, le verbe « connaître » n’est en aucune façon la simple réplique inversée de l’adjectif inconnaissable, comme si une saisie directe de Dieu par l’esprit humain était redevenue soudain possible à partir de Jésus Christ. Le verbe « connaître », poursuit-il, suppose que Dieu reste inconnaissable au sens d’inexprimable en termes humains, et que pourtant, mais d’une autre façon, quelque chose de lui est réellement révélé à l’homme dans l’économie du salut. C’est dans ce contexte historique de la révélation effective de Dieu aux hommes que se manifeste au croyant l’existence de l’Esprit Saint, conclut-il[22]. Cette connaissance de Dieu est l’acte de l’Esprit Saint. C’est Lui qui nous conduit dans la connaissance de la vérité. Il actualise en nous « l’inexprimable de Dieu ».
2.1. L’indispensable intervention de l’Esprit Saint
« C’est pourquoi, je vous le déclare : personne, parlant avec l’Esprit de Dieu, ne dit : "Anathème à Jésus ", et nul ne peut dire : " Jésus est Seigneur ", s’il n’est avec l’Esprit Saint » (1 Co 12, 3). Suivant ces mots de saint Paul, nous découvrons une vérité fondamentale sur la pratique de la foi chrétienne : tout comme on ne peut pas être chrétien sans confesser que « Jésus est Seigneur », tout comme on ne peut pas accomplir cette démarche sans une grâce spéciale de l’Esprit. La vie de foi est une vie dans l’Esprit Saint. C’est l’Esprit Saint qui ouvre l’intelligence du croyant à la révélation pascale de Dieu. Car « l’événement pascal constitue pour les chrétiens un moment de l’histoire au cours duquel le visage de Dieu se révèle »[23]. Disant cela, le croyant reconnaît que « Pâques constitue également l’événement du don de l’Esprit »[24]. L’Esprit Saint est « l’être-au-monde pascal de Dieu ». Dans le mystère pascal, c’est Lui qui assure l’expansion universelle du Christ ressuscité dans le monde de ce temps. Désormais, Jésus est présent sous le mode de l’Esprit[25].
Même si l’Esprit Saint n’est pas pour nous un vis-à-vis, il n’est pas un TU, il demeure un IL[26], il nous anime de l’intérieur et nous garde dans la foi en Dieu qui se révèle à nous dans son Fils Jésus. L’Esprit Saint agit dans l’âme du croyant. Autrement dit, le croyant est sous l’emprise de l’Esprit Saint qui le fait connaître le secret de l’amour du Dieu trinitaire. Même si l’Esprit Saint agit dans le croyant, il n’est en rien son partenaire. Comme le souligne Bernard Sesboüé, il appartient au NOUS du Père et du Fils[27]. Sa mission c’est de mettre le croyant en relation avec ce NOUS. Il fait accéder le croyant à la vérité tout entière (cf. Jn 16, 13). Il prépare, accompagne et poursuit la mission de Jésus dans la vie de « celui qui fait sienne la formule Kύριος Ἰησοῦς », celui qui reconnaît que le Christ est Seigneur. Ainsi, « la reconnaissance de Jésus comme Seigneur constitue alors l’expression même de l’adhésion du croyant à l’œuvre salvifique de Dieu telle qu’elle s’offre concrètement à lui dans le mystère pascal »[28]. C’est l’Esprit qui révèle ce que l’œil ne peut ni voir ni entendre :
Mais, selon qu’il est écrit, nous annonçons ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme, tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment. Car c’est à nous que Dieu l’a révélé par l’Esprit ; l’Esprit en effet sonde tout, jusqu’aux profondeurs de Dieu (1 Co 2, 9-10).
Le croyant partage l’intimité de Dieu par « l’intermédiaire de l’Esprit » (δια του πνευματος). Et cet Esprit est « l’Esprit de Dieu » que le croyant reçoit comme « l’Esprit qui provient de Dieu » (το πνευμα το εκ του Θεου), qui sonde tout, « même les profondeurs de Dieu » (cf. 2 Co 2, 10-12). Il y a une relation qui s’établit entre l’Esprit Saint et le croyant à qui s’adresse « la révélation ». C’est par l’action de l’Esprit Saint que le Christ ressuscité nous introduit dans la vie nouvelle. La vie chrétienne, la vie de foi en Jésus Christ, est une vie découlant de la résurrection, animée par l’Esprit Saint : « En effet, tous ceux qu’anime l’Esprit de Dieu sont fils de Dieu » (Rm 8, 14). L’Esprit Saint est activement présent dans l’esprit et le cœur du croyant dès les premiers instants de l’accueil de l’œuvre salvifique de Dieu réalisée en Jésus Christ Seigneur. Cela nous pousse à faire deux considérations :
· Avec nos propres forces, nous ne pouvons pas recueillir authentiquement la Révélation que Dieu nous adresse en Jésus Christ. Il nous faut le don de l’Esprit Saint.
· Sans l’Esprit Saint, nous ne pouvons pas accueillir la Parole de Dieu et avoir le pouvoir de la proclamer valablement.
Comme le précise Karl Barth, l’événement de la Révélation de Dieu à l’homme, outre son aspect objectif qui est la personne de Jésus Christ, comporte un aspect subjectif qui n’est autre que l’Esprit Saint communiqué à l’homme. L’insertion du message salvifique de Jésus dans le cœur des croyants est l’œuvre de l’Esprit Saint. Il est en conséquence, l’Hôte permanent qui prend possession du chrétien au point que celui-ci cesse de s’appartenir pour appartenir à l’Esprit[29] : « Ne savez-vous pas que votre corps est un temple du Saint-Esprit, qui est en vous et que vous tenez de Dieu ? Et que vous ne vous appartenez pas ? » (1 Co 6, 19). Il conduit le chrétien comme il conduisait Jésus (cf. Mt 4, 1 ; Lc 4, 1. 14) ; et cela prouve que le chrétien est vraiment fils de Dieu[30], car « tous ceux qu’anime l’Esprit de Dieu sont fils de Dieu » (Rm 8, 14).
Enfin, puisque l’Esprit Saint est l’Esprit du Christ et que sans lui on n’appartient pas à Jésus, vivre dans le Christ et vivre dans l’Esprit sont une seule et même chose. Aussi, sans pour autant confondre le Fils et l’Esprit saint Paul attribue-t-il à l’un et à l’autre, dans une communauté d’opération, la sanctification de l’homme : dans le Christ et dans l’Esprit on est justifié, sanctifié, marqué d’un sceau, circoncis, rempli de joie et d’amour. Le chrétien est la demeure du Christ et de l’Esprit[31].
L’Esprit Saint est Don. Il est la vie et la paix du chrétien car :
La loi de l’Esprit qui donne la vie dans le Christ Jésus t’a affranchi de la loi du péché et de la mort. De fait, chose impossible à la Loi, impuissante du fait de la chair, Dieu, en envoyant son propre Fils avec une chair semblable à celle du péché et en vue du péché, a condamné le péché dans la chair, fin que le précepte de la Loi fût accompli en nous dont la conduite n’obéit pas à la chair mais à l’esprit. En effet, ceux qui vivent selon la chair désirent ce qui est charnel ; ceux qui vivent selon l’esprit, ce qui est spirituel. Car le désir de la chair, c’est la mort, tandis que le désir de l’esprit, c’est la vie et la paix, puisque le désir de la chair est inimitié contre Dieu : il ne se soumet pas à la loi de Dieu, il ne le peut même pas, et ceux qui sont dans la chair ne peuvent plaire à Dieu. Vous, vous n’êtes pas dans la chair mais dans l’esprit, puisque l'Esprit de Dieu habite en vous. Qui n’a pas l’Esprit ne lui appartient pas, mais si le Christ est en vous, bien que le corps soit mort déjà en raison du péché, l’Esprit est vie en raison de la justice. Et si l’Esprit de Celui qui a ressuscité Jésus d’entre les morts habite en vous, Celui qui a ressuscité le Christ Jésus d’entre les morts donnera aussi la vie à vos corps mortels par son Esprit qui habite en vous. Ainsi donc, mes frères, nous sommes débiteurs, mais non point envers la chair pour devoir vivre selon la chair. Car si vous vivez selon la chair vous mourrez. Mais si par l’Esprit vous faites mourir les œuvres du corps, vous vivrez (Rm 8, 2-13).
L’Esprit Saint transforme le chrétien et le fait devenir « l’homme spirituel » capable de comprendre les choses divines, et, dès lors, lui révèle la sagesse et les secrets de Dieu, que lui, l’Esprit, est seul à connaître. En bref, l’Esprit Saint est la lumière divine qui nous donne le « sens du Christ »[32].
2.2. L’Esprit Saint comme actualisation en nous de la Parole révélée
« J’ai encore beaucoup à vous dire, mais vous ne pouvez pas le porter à présent. Mais quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous introduira dans la vérité tout entière ; car il ne parlera pas de lui-même, mais ce qu’il entendra, il le dira et il vous dévoilera les choses à venir » (Jn 16, 12-13). Ces paroles de saint Jean attirent notre attention sur un des aspects caractéristiques du rôle que joue l’Esprit Saint dans l’événement de la révélation. Il ne « double » pas la révélation du Christ, mais il l’actualise en nous.
Pour aller plus loin dans notre réflexion, nous envisagerons successivement : 1. le fait de l’Esprit Saint comme révélation du Fils en nous ; 2. le mode de cette révélation en tant qu’elle est médiatisée par l’activité libre de l’homme ; 3. son résultat, enfin, qui est notre continuel engendrement comme fils par le Père dans le Christ Jésus[33].
2.2.1. Le fait : L’Esprit actualise en nous la Révélation du Fils
L’Esprit Saint ne vient pas ajouter de nouvelles paroles à celles déjà prononcées par le Christ et transmises par les Apôtres. Son œuvre c’est de nous « introduire dans la vérité tout entière » de ces paroles (cf. Jn 16, 12). L’Esprit Saint est envoyé « pour annoncer et accomplir ce qui a été prêché et accompli pour tous dans le Christ Jésus : "Ce qui a été une fois prêché par le Seigneur ou accompli en lui pour le salut du genre humain doit être proclamé et répandu jusqu’aux extrémités de la terre" (Ac 1, 8) »[34]. Aussi dévoile-t-il la profondeur de la révélation déjà accomplie dans le Christ et il lui donne sa parfaite actualité à chaque instant de l’histoire : « Quand il viendra, lui, l’Esprit de vérité, il vous conduira vers la vérité tout entière ; car il ne parlera pas de lui-même ; mais tout ce qu’il entendra, il le dira et il vous annoncera les choses à venir. Il me glorifiera, car c’est de mon bien qu’il prendra pour vous en faire part » (Jn 15, 13-14)[35].
De ce point de vue,
l’Esprit Saint est une personne de communion, de convivialité, de suppléance ; il est en nous la présence du Maître absent, qu’il remplace sans prendre sa place, et il est en Jésus le don que nous lui faisons de nous-mêmes par la foi ; il est semblablement en nous tour à tour la voix du Père qui nous appelle ses fils et la voix du Fils qui met sur nos lèvres le nom de Père (Ga 4, 6) ; il est en Dieu celui qui tient Père et Fils à part l’un de l’autre en les ramenant à l’unité, et celui qui leur donne d’habiter tous deux en nous et nous en eux comme en un seul (17, 23). Il vient à notre aide sans s’imposer, se donne à nous en nous conduisant à un autre, il trouve sa joie et sa gloire à être le double d’un autre, tantôt du Père tantôt du Fils, il s’efface en mettant du liant entre l’un et l’autre, traverse toutes les frontières, celles de l’éternité et celles du temps, il remplit l’univers de la présence de son Créateur, et Dieu du souci de sa créature[36].
Alors comment l’Esprit Saint actualise-t-il la révélation du Fils en nous ? Pour faire bref et être plus concret, prenons l’exemple de l’impression d’une image dans la cire : pour la réaliser, il faut lui appliquer un sceau porteur de cette image. De même, pour imprimer en l’homme qui s’ouvre à la foi le contenu de la parole de Vérité, la Bonne Nouvelle du Salut, Dieu « marque » l’homme comme d’un sceau par l’Esprit Saint (cf. Ép 1, 13 ; 2 Co 1, 21-22). Il n’y a pas deux Révélations divines, une du Fils et une autre de l’Esprit Saint : il y a une seule Révélation divine que le don de l’Esprit Saint achève et actualise en nous. Il n’y a pas deux Paroles du Père, mais une seule que l’Esprit Saint fait fructifier en nous. Illuminateur de notre vie, l’Esprit Saint « constitue les arrhes de notre héritage, et prépare la rédemption du Peuple que Dieu s’est acquis, pour la louange de sa gloire » (Ép 1, 14).
2.2.2. Le mode : une conjonction « sui generis » de l’activité de l’Esprit
et de l’activité de l’homme
Pour préciser de quelle manière l’Esprit Saint actualise en nous la Parole de Dieu objectivement proposée à nous en Jésus Christ, il est bon de revenir à l’affirmation paulinienne que nous avons évoquée ci-dessus : « C’est pourquoi, je vous le déclare : personne, parlant avec l’Esprit de Dieu, ne dit : "Anathème à Jésus ", et nul ne peut dire : " Jésus est Seigneur ", s’il n’est avec l’Esprit Saint » (1 Co 12, 3). Il ne s’agit pas de la présence de l’Esprit dans un lieu. L’Esprit Saint n’est pas localisable ni même saisissable. Cela nous montre qu’il ne s’agit pas purement d’un effort humain, l’actualisation de la Parole en nous. Il s’agit d’un acte de l’Esprit Saint. Comme Jésus lui-même, les chrétiens, se conformant à la Parole de Dieu, agissent sous l’impulsion de l’Esprit Saint, en recevant de lui une force qui leur donne d’accomplir ce qu’ils ne pourraient pas réaliser par eux-mêmes (cf. Rm 15, 13-19 ; 1 Co 2,4 ; 1 Th 1, 5 ; Ac 1, 8). C’est la force même de Dieu qui élève l’homme au-dessus de ses possibilités naturelles. Cependant, l’être chrétien n’est pas une entité amorphe dans l’intervention de l’Esprit Saint actualisant en nous la Révélation divine. Il passe par le biais de notre propre activité. Il faut de la part de l’être chrétien, l’ouverture à l’Esprit Saint et à ses dons. Il est vrai que dans ce domaine toute l’initiative revient à l’Esprit Saint et que la justification de l’homme et son accession à la dignité de fils adoptifs sont un pur don de Dieu nous accordant son Esprit. Mais la vie « dans l’Esprit » exige notre engagement à la suite du Christ, souligne Wolinski. Elle suppose, poursuit-il une « activité » de notre part, et c’est là précisément que se manifeste une autre « activité », celle même de l’Esprit Saint. L’Esprit Saint vient au secours de notre faiblesse. Disant cela, il faut préciser que l’« activité » de l’homme ne fait pas nombre avec celle de l’Esprit Saint. Il suscite en nos cœurs le désir filial. Son œuvre consiste à faire naître au cœur de notre liberté un mouvement de désir vers Dieu et vers ce qu’il nous dit, un mouvement d’adhésion filiale à sa volonté[37]. Cependant, l’Esprit Saint ne contraint pas notre liberté. Il opère son œuvre en nous sans diminuer en rien notre liberté. De ce fait, comme le fait remarquer Wolinski, nous pouvons le négliger, résister au mouvement qui invite à « être plus », et « contrister l’Esprit Saint » (Ép 4, 30). Il y a donc un rapport entre l’Esprit Saint et la personne humaine comme centre de liberté qu’il a pour mission de toucher d’une manière divine pour l’éveiller à une vie divine vécue sous le mode filial, non dans la crainte, mais dans l’amour (Ga 4, 6-7 ; Rm 8, 15-17)[38]. De toute façon, l’Esprit reste libre de ses mouvements : « Le vent souffle où il veut et tu entends sa voix, mais tu ne sais pas d’où il vient ni où il va. Ainsi en est-il de quiconque est né de l’Esprit » (Jn 3, 8). Voilà la pédagogie de l’Esprit Saint, voilà comment il actualise en nous la Parole révélée. L’Esprit est en nous comme le germe divin. En revanche, ce germe peut demeurer inexploité, ne pas se développer, si l’être humain n’en a pas conscience, ne s’éveille pas à cette Présence en lui[39]. Il est le guide intérieur du chrétien, de tous ceux qui ouvrent leur cœur à Lui. C’est Lui qui « entretient vivante la mémoire de Jésus et de ses paroles, dont il donne l’intelligence »[40]. Il ouvre les baptisés à la connaissance de Dieu[41].
2.2.3. Le résultat : l’homme naît sans cesse de Dieu
selon chaque bonne action par laquelle Dieu l’engendre
L’agir de l’Esprit Saint en nous, est un acte libérateur. L’Esprit Saint ne fait pas de nous des esclaves. Il respecte notre liberté et sa présence n’est pas la résultante de nos actions, elle précède et, en quelque sorte, surplombe celles-ci. L’agir du chrétien doit s’ouvrir par une épiclèse[42], c’est-à-dire se laisser emplir de l’Esprit Saint qui suscite en nous le désir d’accomplir ce qui est bon, ce qui plaît à Dieu. Ainsi, « la révélation que constitue l’Esprit Saint, entièrement subordonnée à la révélation du Père dans le Fils, dont elle n’est qu’un "aspect", atteint l’homme par le biais de sa liberté, suscitant une activité qui est un fruit de l’Esprit tout en restant parfaitement libre »[43]. À ce point, il y a le commerce entre Dieu et l’homme pour que le contenu de la révélation de Dieu devienne peu à peu un don acclimaté à l’homme. L’Esprit Saint fait de l’homme un « partenaire » de Dieu, un « partenaire » de l’Alliance.
Avec l’Esprit Saint, il y a toujours un « naître de nouveau » qui implique une « vie épiclétique » c’est-à-dire une vie pleine de la présence vivifiante de l’Esprit. Comme l’a fait remarquer Bernard Maitte, « l’Esprit tend à faire de chacun de nous, dans toute notre vie, une épiclèse »[44]. Ceci étant dit, l’action de l’Esprit Saint en nous s’arrange du côté de ce que nous pouvons appeler « la cause efficiente ». L’Esprit Saint n’apporte pas une révélation nouvelle, mais nous fait part de cela même qu’il reçoit du Fils, Lui qui est don par excellence du Père et qui accomplit en nous l’œuvre du Fils. Il y a connivence entre la « cause efficience », (l’Esprit Saint agissant en nous comme don du Père par le Fils) et la « cause matérielle », (le croyant comme récepteur du don de l’Esprit). L’Esprit Saint réalise sa mission de sanctification dans notre vie humaine. Cette humanité, ou cette chair est le lieu de déploiement de la puissance de l’Esprit selon la parole de Dieu à Paul : « Ma grâce te suffit, car ma puissance se déploie dans la faiblesse » (2 Co 12, 9)[45].
Le croyant, en accueillant le mouvement de l’Esprit Saint, met en en pratique ce qui lui vient de la révélation et se trouve peu à peu transformé à l’image de ce qu’il pratique. L’homme croyant connaît Dieu par la lumière de la foi suscitée par l’Esprit Saint en lui. C’est par Lui que le croyant mène une existence filiale, au cours de laquelle la qualité de fils va connaître une actualisation et une « croissance » progressives liées à la pratique des bonnes actions[46]. Ce que le croyant énonce de sa bouche est traduit ou mis en pratique dans la vie. Et cela constitue un acte même de l’Esprit. Il s’agit pour le chrétien d’un « dire » et d’un « faire » sous l’emprise de l’Esprit Saint qui sanctifie et régénère. L’Esprit Saint rend le chrétien conforme à l’image du Fils (cf. Rm 8, 29). Alors, dire que « Jésus est Seigneur » engage toute la vie du chrétien et signifie beaucoup plus que la connaissance de sa souveraineté sur lui. C’est tout le mystère pascal que la formule 1 Co 12, 3 résume, et que la vie du chrétien doit traduire dans les faits[47]. C’est la pratique de la vie nouvelle dans et par l’Esprit : « Comme le Christ est ressuscité des morts par la gloire du Père, nous vivons nous aussi dans une vie nouvelle » (Rm 6, 4). En menant cette vie nouvelle, l’Esprit Saint nous fait passer de l’homme physique (φυσικός) à l’homme spirituel (πνευματικός)[48]. Nous pouvons en tout état de cause tirer plusieurs conclusions pour fermer notre enquête biblique :
1. L’Esprit Saint est de fait re-créateur par sa présence. Il fait de l’homme une « créature nouvelle » ou une « créature filiale ».
2. Cette récréation comme processus, inaugurée dans le mouvement décisif du baptême, s’actualise par une « métamorphose » progressive du chrétien (Rm 8, 29 ; cf. Rm 6, 4) qui s’accomplit tout au long de la vie et s’achèvera dans la résurrection du corps[49].
3. L’Esprit Saint joue un rôle primordial dans cette « métamorphose ». « C’est en lui que l’homme une première fois (baptême), puis sans cesse (au cours de son existence) est mis en mouvement pour un devenir qui permet à sa liberté de s’actualiser en un mode d’être filial, à la faveur de quoi il est progressivement assimilé au Fils devenu homme et glorifié par la résurrection » écrit Wolinski[50].
4. L’Esprit Saint actualise au cœur de l’homme la révélation que Dieu lui fait de lui-même en Jésus Christ dans la mesure où il opère en l’homme une véritable transformation. Au terme de ce travail de transformation, l’Esprit Saint est alors véritablement présent dans notre vie comme le révélateur de l’inexprimable de Dieu[51].
5. Et finalement, au terme de ce travail de transformation, l’Esprit Saint n’est pas seulement présent en nous comme celui qui nous transforme, mais encore comme celui qui est donné (Rm 5, 5 ; 1 Co 2, 2 ; He 6, 4)[52].
Ces réflexions mériteraient d’être développées plus amplement. Nous concluons cette partie en posant une question importante. L’Esprit Saint est Don que Dieu nous fait par son Fils, Don qui n’est pas extérieur à nous puisqu’il nous atteint à la racine de notre être en dégageant notre liberté de tout état d’enfermement pour la faire devenir une liberté « filiale », car nous sommes vraiment libres quand nous correspondons notre volonté à celle de Dieu, Don qui a une double signification : la gratuité absolue du don et sa plénitude, puisque, par ce Don qu’est l’Esprit Saint, c’est Dieu lui-même qui nous est donné. Alors si tel est le cas, une question doit nous porter : qui est donc ce Don qu’on appelle l’Esprit Saint ?
DEUXIÈME PARTIE
THÉOLOGIE SPÉCULATIVE
ARTICLE III : L’ESPRIT SAINT ET LE MYSTÈRE TRINITAIRE
Un jésuite qui n’était pas un théologien patenté mais un « père spirituel » écrivait un ouvrage sur l’Esprit Saint qu’il intitula Au Dieu inconnu ; disait ceci dans son introduction :
Esprit Saint ! J’essaie de vous saisir, de vous isoler dans le divin où je plonge. Mais la main tendue ne me ramène rien, et je glisse insensiblement à genoux devant le Père, ou penché sur mon Christ intérieur familier. […] Vous êtes trop près, je ne puis pas savoir. Seigneur, montrez-moi un peu votre visage, faites que je voie. Apprenez-moi comment je ne puis pas me passer de vous […]. On ne vous intègre pas dans la vie totale qui anime notre christianisme. Vous êtes un mot, un titre, une expression compliquée. On se figure que seuls peuvent vous comprendre les savants ès choses divines […]. Comme si vous n’étiez pas une personne. Une personne comme nous, et comme le Père, et comme le Fils, exactement comme eux, et donc une personne attachante avec tout son mystère d’impénétrable centre et de fascinant rayonnement[53]
Joseph Moingt souligne un double aveu dans ces lignes. Pour lui,
il s’agit d’un fait d’histoire d’abord : le Saint-Esprit a longtemps été mal connu, on en parlait peu dans les prédications, on écrivait peu sur lui à l’usage des fidèles, et ce qu’on en disait était trop compliqué pour bien s’intégrer à la connaissance et à la pratique de la religion chrétienne. Ensuite, un point plus profond de vie spirituelle : les chrétiens prient le Père, aiment contempler le Fils dans son humanité, mais beaucoup s’en tiennent là ; ils n’éprouvent pas spontanément le besoin de pousser plus loin, jusqu’à l’Esprit, et, si son nom vient à leur pensée, il ne la retient pas longtemps, il ne leur donne rien à penser, il ne les invite pas au dialogue, tellement l’Esprit paraît « anonyme », incompréhensible, inapprochable. Or, si les chrétiens ne peuvent plus guère se plaindre de nos jours qu’on ne leur parle pas assez de lui, la seconde difficulté demeure, à peine entamée. Osons l’avouer à notre tour : on se contenterait assez facilement d’une Trinité à deux personnes ; elle paraît facile à comprendre, elle est familière à notre prière, d’autant plus que l’une des deux ne va pas sans l’autre. Mais la troisième, on ne sait trop qu’en dire, ni surtout qu’en faire[54].
Une question principale est de grande actualité au sujet de la Troisième Personne de la Trinité : l’Esprit Saint. Comment le nommer et parler de Lui aujourd’hui ? Peut-on développer un discours chrétien sur l’Esprit Saint en dehors de la Trinité ? Cette deuxième partie du cours a pour tâche de répondre à ces questions en sachant que les discours théologiques sont historiques, relatifs et contingents. Mais la sûreté de notre réflexion porte sur les éléments fondamentaux de la foi chrétienne.
3.1. Quelques points de repères dogmatiques
Le XXe siècle fait une large place à l’Esprit Saint en théologie. On peut le remarquer à travers les traités de christologie et d’ecclésiologie, sans oublier la liturgie de Vatican II. Et s’il en est ainsi en théologie, c’est parce que l’Esprit Saint a déjà fait l’objet de débat théologique au niveau de l’Église ancienne. Il faut penser à la critique classique que l’Orient adresse à l’Occident d’oublier l’Esprit Saint qui a provoqué d’heureuses réactions[55]. Une connaissance plus approfondie de l’Esprit Saint apparaît dès lors comme une grande nécessité dans le champ d’étude théologique du XXe siècle. Avec le concile Vatican II, il y a donc un grand retour à la Personne de l’Esprit comme « l’objet d’une expérience chrétienne vivante à travers nombre de mouvements spirituels »[56]. À la question « qui est l’Esprit Saint ? », il est difficile de donner une réponse que nous tirerions de notre propre fonds. L’Esprit Saint n’est pas pour nous un vis-à-vis ; il est quelqu’un qui nous habite de l’intérieur, qui fait résider en nous le don même de Dieu, nous inspire, nous fait agir et parler selon Dieu[57]. « L’existence et l’identité de l’Esprit ne s’imposent pas à nous au terme d’un raisonnement, même si, cette existence une fois admise, la raison éclairée par la foi cherche à dire, dans un second temps, comment l’Esprit se situe par rapport au Père et au Fils, et comment son existence manifeste une logique d’un ordre supérieur, relevant du mystère de Dieu »[58].
La réponse à la question « qui est l’Esprit Saint ? », le chrétien répond par la certitude de sa foi baptismale : il fonde sa réponse sur le fait du baptême donné « au nom du Père, et du Fils, et du Saint-Esprit ». Il reconnaît que l’Esprit Saint est la Troisième Personne de la Trinité après le Père et le Fils. La finale de l’Évangile de saint Matthieu (Mt 28, 19-20) a eu une grande importance dans l’élaboration de la « théologie trinitaire » et de la « pneumatologie » de l’ère patristique en particulier. Cette finale a une portée théologique d’une grande importance. « Elle signifie à la fois l’égalité des Trois et un certain ordre entre eux. Le Père, le Fils et le Saint-Esprit sont mis sur le même plan, comme le souligne la conjonction de coordination et ; mais d’autre part, le Père vient en tête, il est le premier ; le Fils est nommé en second lieu ; l’Esprit ne vient qu’après les deux autres et suppose donc leur existence »[59]. Mais de toute évidence, la tradition chrétienne réfléchira sur le mystère de l’Esprit Saint à partir de ce qui aura été dit sur le Fils (en particulier avec saint Athanase). La christologie est le lieu de compréhension de la pneumatologie. Une telle vision nécessite de passer en revue quelques points de repère dogmatiques. En bref, de Nicée (325) à Constantinople (381), la pneumatologie a connu diverses prises de positions. Cela a conduit à une spéculation plus systématique et plus articulée sur la doctrine et la Personne de l’Esprit Saint chez les grands théologiens du IVe siècle, d’abord chez Athanase et ensuite chez Basile, Grégoire de Nazianze et surtout Grégoire de Nysse (les Pères cappadociens). Ils réfutent avec argument théologique solide, l’hérésie sur l’Esprit Saint appelée « pneumatomaque ».
3.1.1. L’apport doctrinal du concile de Nicée (325)
Dans la finale de saint Matthieu (28, 19), l’Esprit Saint occupe la troisième place après le Père et le Fils. « Lorsqu’on en vient à nommer l’Esprit, on a déjà franchi le seuil le plus difficile pour la pensée humaine. Passant du Fils à l’Esprit, nous passons du chiffre deux au chiffre trois. Or ce qui constitue le passage décisif, c’est le passage du chiffre un au chiffre deux : c’est en proclamant que le Fils est distinct du Père tout en lui étant parfaitement égal, sans compromettre en rien l’unité de Dieu, que le pas décisif est franchi »[60]. Comme le disait déjà Denys d’Alexandrie, « chacun d’eux est dans l’autre en étant autre que l’autre, et ils sont un tout en étant deux »[61]. Le concile de Nicée, premier concile œcuménique, a donc fait un choix éclairé par la foi pour parler du Fils sans remettre en cause l’unicité de Dieu. Le Fils « est Dieu, né de Dieu, vrai Dieu, né du vrai Dieu, Engendré non pas créé, consubstantiel au Père ». Nicée établit nettement une différence radicale entre le Fils, engendré, et la réalité créée et pointe d’emblée, la transcendance absolue de Dieu. L’hérésie d’Arius qui niait la divinité du Fils porterait atteinte sur la Personne même de l’Esprit Saint. Pour celui-ci, le Fils est une super-créature du Père qui occupe une place intermédiaire entre le divin et la créature. Par conséquent, il ne peut pas partager pleinement la nature divine. Arius n’admet que la seule divinité du Père. Il considère le Fils comme inférieur au Père, postérieur au Père, différent par nature, non pas engendré, mais créépar Lui[62]. Cette hérésie a sa source dans le gnosticisme et la philosophie grecque de l’époque plus précisément[63]. Il y a avait aussi d’autres chrétiens qui acceptaient la divinité du Fils mais tenaient l’Esprit pour une créature (les macédoniens ou les pneumatomaques). En plein milieu du 4e siècle, se déclencha la controverse sur la Personne et la divinité de l’Esprit. Athanase monta au créneau pour réfuter la doctrine de ceux qui s’opposaient à la divinité de l’Esprit. Il énonce sa doctrine sous forme négative : pour lui, l’Esprit n’est pas une créature. Mais il n’en reconnaît pas moins à l’Esprit des attributs qui en font un égal du Père et du Fils : l’Esprit, dit-il, est unique, immuable, immense, éternel, et a un rôle actif dans la création (Sa lettre à Sérapion). Il affirme que la divinité du Saint-Esprit se révèle dans sa relation au Fils[64]. La doctrine d’Athanase influe sur la mise en garde contre l’arianisme et sur le développement de la section consacrée au Christ au cours du concile de Nicée. Il faut toutefois reconnaître que la doctrine sur l’Esprit Saint n’est pas encore arrivée à un stade de formulation théologique claire. Dans la formulation de Nicée, l’Esprit Saint est à peine mentionné sans être précisé théologiquement.
Les nicéens condamnant l’arianisme, confessent que le Fils est consubstantiel au Père, c’est-à-dire « ayant la même essence » – « ousia ». Alors, pour combattre l’hérésie sur le terrain de la culture grecque –, les Pères furent obligés d’adopter le terme « homoousios, co-essentiel ». Le recadrage doctrinal de Nicée sur la divinité de Jésus re-situe le mystère de l’incarnation et le mystère de la Trinité au cœur même de la foi chrétienne. Nicée montre également que le Fils est le Dieu créateur avec le Père. Cela nous amène à déduire que :
- la création n’est pas une nécessité interne de Dieu pour se manifester. Elle est une pure gratuité de l’amour de Dieu. Dieu crée par amour. S’il y avait une raison en Dieu de créer, ce serait de préférence sa pure bonté.
- Dieu s’engage vis-à-vis de nous, de par lui-même, tel qu’il est, c’est-à-dire comme un Dieu « Père et Fils ». Il vient à nous en tant que le « Dieu Trinité ». Mais là encore, tout dépend de lui. Lui seul peut décider par amour de nous rejoindre, se manifester à nous.
- compris ainsi, l’homme a un avenir nouveau, puisque Dieu, dans son amour, prend l’initiative de faire de l’homme un fils en son Fils. L’homme, désormais, sera élevé au sein même de la Trinité. Seul Dieu peut choisir d’agir ainsi selon sa propre volonté.
Il convient de dire que, dans le credo de Nicée, l’égalité du Père avec le Fils se fonde sur une relation d’origine, exprimée dans le texte du symbole par la préposition de (ἐκ en grec), « qui, de ce fait, prend un sens très fort d’origine "à partir de la substance même" du Père (ἐκ τῆς οὐσίας τοῦ πατρός). Arius, partant de l’expérience humaine, n’a pas pu découvrir qu’il y a en Dieu une véritable génération qui dépasse l’entendement humain. Du coup, nous pouvons dire que la crise doctrinale christologique entraine aussi la crise doctrinale pneumatologique. La divinité de l’Esprit est mise en cause. En revanche, depuis le premier concile de Nicée, il est reconnu comme la troisième hypostase (terme traduit aujourd'hui par le mot « personne ») de la Trinité, distinct du Père et du Fils (Jésus Christ), mais consubstantiel à eux, c’est-à-dire partageant la même essence (οὐσία / ousía).
3.1.2. L’apport du concile de Constantinople (381)
La pneumatologie ou tout simplement la théologie de l’Esprit Saint, s’intéresse aux questions qui concernent la Troisième Personne (Hypostase) de la Trinité. Ces questions ont fait l’objet de débats théologiques au cours des siècles. Il s’agit de l’identité de l’Esprit Saint au sein de la Trinité. Le concile de Constantinople auquel participaient les grands Cappadociens défenseurs de l’Esprit Saint : Grégoire de Nysse et Grégoire de Nazianze, ainsi que Cyrille de Jérusalem, jouait un rôle important dans la résolution de la crise arienne sur l’Esprit Saint. Tout comme la divinité du Fils, celle de l’Esprit suscita de grands débats et occasionna de grandes hérésies.
Au concile de Nicée, la question de l’origine de l’Esprit Saint ne faisait pas de débat théologique. Elle est donc une question post nicéenne. « Dans le contexte du genitum non factum où faut-il situer l’Esprit Saint ? Faut-il admettre, sur la base de Mt 28, 19, qu’appartenant à la Trinité, il est Dieu lui aussi, tirant lui aussi son existence « de » Dieu, comme le Fils ? Mais, alors, s’il se rattache à ce mode divin d’existence, il se trouve du côté du genitum ; tirant son être "de" Dieu, ne sera-t-il pas "Fils" lui aussi, et donc frère du Christ ? Et puisqu’il reçoit aussi du Christ, ne sera-t-il pas fils du Fils, et donc petit fils du Père ? Ces étranges élucubrations se lisent effectivement sous la plume de certains penseurs de l’époque qui s’efforcent de montrer par là qu’il est impossible d’admettre la divinité de l’Esprit Saint »[65].
Les Pères du IVe siècle ont vite réagi et défendu la divinité de l’Esprit Saint. Ils ont affirmé que l’adoration suprême doit être adressée à l’Esprit comme au Père et au Fils. Le concile de Constantinople « nomme tout d’abord l’Esprit Saint à propos de l’incarnation : "le Fils de Dieu… descendu du ciel, incarné de l’Esprit Saint (σαρκωθέντα έκ πνεῦμαιος άγίου) et de la Vierge Marie". Puis on proclame la foi "en l’Esprit Saint, celui qui est (littéralement : "ce qui est, cette réalité qui est" : pour exprimer le neutre τό préposé à κύριον) Seigneur et qui donne la vie (ξωοποιόν), celui qui procède (έκπορευόμενον) du Père (έκ τού Πατρος), celui qui, ensemble avec le Père et le Fils est adoré (συμπροσκυνούμενον) et glorifié (συνδοξαξόμενον), celui qui a parlé par (δια) les prophètes" »[66]. L’article formulé par les Pères conciliaires de Constantinople pour affirmer la divinité de l’Esprit Saint est foncièrement néotestamentaire[67]. Toutefois, les expressions « adoré avec » et « glorifié avec » ne sont pas de sources bibliques. Elles sont de préférence le fruit des différentes polémiques contre les courants pneumatomaques[68]. En bref, le développement de l’article formulé par les Pères est une prise de position doctrinale bibliquement construite pour défendre la divinité de l’Esprit Saint contre les macédoniens. Reprenons quelques thèmes théologiques clés : l’Esprit Saint « procède du Père » (Jn 15, 26) c’est-à-dire il s’origine à partir de « la substance du Père » comme le Fils (cela témoigne au premier sa divinité); il est « Seigneur » (titre divin) et il vivifie (action divine) ; il est adoré et glorifié avec le Père et le Fils (il a même rang qu’eux) : ce que Basile appelle la connumération). L’Esprit Saint est une Personne divine recevant comme le Père et le Fils et avec eux, le même culte.
Cependant, il faut noter deux remarques importantes sur ce que nous venons de dire sur les grands débats théologiques à propos de la divinité de l’Esprit Saint élaborés par le concile de Constantinople. Des remarques qui s’imposent certes, et qui ont de grande portée pour l’histoire ultérieure de la théologie comme le précise Michel Fédou :
Tout d’abord, une évolution se dessine très vite: en 382, donc un an seulement après le concile de Constantinople, le « Tome de Damase » (rédigé à la suite d’un synode romain) emploie les formules suivantes: l’Esprit « possède une seule puissance, une seule substance avec le Père et le Fils », il est « de la substance divine » et il est « vrai Dieu » (DH, n. 154). Cette évolution ne manque pas d’étonner, si l’on se rappelle que le concile de Constantinople, suivant la doctrine de Basile, n’avait pas voulu appliquer à l’Esprit l’expression « de même substance » ni ne l’avait qualifié comme « Dieu ». Peut-être s’explique-t-elle avant tout par la préoccupation de bien marquer l’opposition à l’arianisme, en insistant sur l’unité de la substance divine qui est commune au Père, au Fils et à l’Esprit.
La seconde remarque concerne l’expression du concile de Constantinople: « L’Esprit procède du Père ». Comme on le précisera bientôt, l’Occident latin va être de plus en plus porté à la fameuse addition: « et du Fils » (« Filioque »), tandis que l’Orient grec restera attaché à la formule du concile. Nous suivrons bientôt les premières étapes de ce qui allait devenir une véritable controverse entre « Latins » et « Grecs » – controverse qui (parmi d’autres raisons) conduirait au schisme de 1054[69].
3.1.3. Remarque autour de la question du Filioque
Depuis le premier concile de Nicée, l’Esprit Saint est reconnu comme la troisième hypostase (terme traduit aujourd’hui par le mot « personne ») de la Trinité, distinct du Père et du Fils (Jésus Christ), mais consubstantiel à eux, c’est-à-dire partageant la même essence (οὐσία). Le symbole de Nicée-Constantinople, tel qu’il a été fixé à ces conciles, affirme à propos du Saint-Esprit : « Je crois en l’Esprit Saint, qui est Seigneur, qui donne la vie, qui procède du Père, il est adoré et glorifié conjointement au Père et au Fils, Il a parlé par les prophètes ». Cependant, il faut mentionner la célèbre querelle du filioquisme et du monopatrisme qui a aboutit au schisme de l’Orient, au IXesiècle, avec Photius, patriarche de Constantinople. La question portait sur la procession de l’Esprit Saint dans la Trinité : procède-t-il du Père seul (monopatrisme), ou du Père et du Fils (filioque) ? L’après des grands conciles trinitaires du IVe siècle est marqué par des objections ou des ajouts au sujet de la doctrine pneumatologique. C’est ainsi que la théologie latine a introduit dans le symbole de Nicée-Constantinople que le Saint-Esprit procède du Père « et du Fils ». C’est la fameuse formule « ab utroque » du concile de Latran, 1215, « non pas comme deux principes, mais comme d’un seul principe ; non par deux opérations, mais par une seule opération ». Au concile de Florence en 1439, les théologiens latins réaffirment que l’Esprit Saint « procède du Père et du Fils » comme d’un seul principe (tamquam ab uno principio).
L’expression théologique de la nature de l’Esprit Saint a été l’une des causes du Grand Schisme d’Orient et d’Occident en 1054 à la suite de la « querelle du Filioque ». Les orthodoxes estiment cette innovation contraire à l’enseignement des Pères de l’Église. L’Église latine qui a adopté cette modification à la suite de saint Augustin, déclare n’y voir que le développement d’un élément non explicite de la foi des Pères. Ce point est l’un des obstacles majeurs dans la réconciliation entre l’Église latine et l’Église orientale. Toutefois, nier le « filioque » a une certaine conséquence sur la manière de concevoir le rapport entre les missions divines et les processions, entre ce que Dieu réalise en faveur de l’homme et ce qu’il est en lui-même[70].
3.2. De l’Esprit Saint comme lien d’amour,
à l’Esprit Saint comme mouvement d’extase
Ce point vise, à juste titre, la relation qui s’établit dans la vie nouvelle entre le chrétien et le Dieu Trinité. Cela nous permettra de formuler cette hypothèse : parler de l’Esprit Saint comme lien d’amour doit présenter un caractère trinitaire. Nous ne pouvons pas penser l’action de l’Esprit Saint en nous en dehors de son rapport avec le Père et le Fils. Nous ne pouvons pas penser une théologie de l’Esprit Saint par son action en nous d’abord, mais plutôt par sa connaissance en lui-même, c’est-à-dire dans ses rapports au Père et au Fils, dans ses rapports avec Dieu et avec le Christ. D’où le sens de la question du Filioque que nous venons de voir. Tout comme le « Père » et le « Fils », l’« Esprit Saint » est un nom relatif[71]. Comme l’a bien souligné saint Augustin, l’Esprit Saint est un nom relatif puisqu’il se réfère et au Père et au Fils, puisque l’il est l’Esprit du Père et du Fils[72]. Une telle vision théologique impacte la pratique de la vie chrétienne. Même si l’Esprit Saint « est principe d’interprétation, donneur de sens par rapport au vécu spirituel » comme l’a fait remarquer Jean Richard, il « reçoit lui-même son sens chrétien de sa relation au Père et au Fils »[73]. La vie chrétienne est certes, une vie dans l’Esprit, pour autant que l’Esprit est référé au Christ, Esprit du Père et du Fils. Une question nous préoccupe en ce sens : quel est le rapport étroit de l’Esprit Saint avec l’expérience chrétienne ? On comprend dès lors combien l’expérience de la vie chrétienne est comme la pierre de touche de la théologie de l’Esprit Saint, comme son critère de vérification. L’expérience chrétienne doit être toujours une expérience pentecostale. Le chrétien vit et agit dans et par l’Esprit.
3.2.1. Considération préalable : de la liberté en Dieu
C’est Athanase qui, à la suite des débats théologiques du concile de Nycée à propos de la divinité du Fils, a remis à l’honneur la génération éternelle du Fils à partir de la substance du Père. La deuxième Personne de la Trinité, le « Fils » n’est pas le fruit d’une nécessité, mais celui de la volonté délibérante même de Dieu. Le Fils est voulu et désiré par le Père comme l’Écriture le dit : « Le Père aime le Fils et il a tout remis dans sa main » (Jn 3, 35). Le Père a engendré son Fils non pas malgré lui et dans l’indifférence, mais dans l’amour et le désir. Dieu a désiré son Fils depuis toujours puisqu’il aime depuis toujours. Il n’y a pas l’engendrement du Fils d’un côté et l’amour d’un autre côté. L’engendrement du Fils est l’amour même de Dieu.
Toutefois, le Fils n’est pas engendré malgré lui dans une pure passivité. Il participe activement à son propre engendrement. Il est vrai que le Fils reçoit tout du Père, mais cela ne le réduit pas à une pure passivité. Même si sa génération se fait par « la puissance du Père » (potentia Patris), le Père lui donne aussi d’actualiser activement sa génération, sans y être contraint : il s’engendre lui-même à partir de lui-même[74]. Il faut, en ce sens, souligner qu’au sein de la Trinité, le Père et le Fils ne sont ni « inactifs » ni « indifférents », même s’il faut préciser qu’ils ne sont pas « actifs » ou « passionnés » en un sens anthropomorphique[75]. Cette constatation nous sert de tremplin pour envisager certains aspects de la procession de l’Esprit Saint qui « procède du Père et du Fils (à Patre Filioque) comme d’un seul principe (tamquam ab uno principio) »[76].
3.2.2. Esprit Saint comme lien d’amour
C’est à partir du caractère actif de la génération du Fils que nous pouvons procéder à une relecture du « Filioque » en parlant de l’Esprit Saint comme « l’Amour mutuel » du Père et du Fils ou comme du « lien d’Amour » (Nexus amoris) des deux[77]. Nous le constatons, la jubilation du Fils pour le Père et la complaisance du Père dans l’action du Fils réclament toujours la présence de l’Esprit : « Il tressaillit de joie sous l’action de l’Esprit Saint et il dit : "Je te bénis Père, Seigneur du ciel et de la terre…" » (Lc 10, 21). Augustin, en ce sens, a raison de dire que l’Esprit Saint constitue le lien entre le Père et le Fils, car il est l’« ineffable communion de l’un et de l’autre »[78]. L’Esprit Saint est donc amour unificateur.
À la suite d’Augustin, nous pouvons dire que l’Esprit Saint, agissant à l’intérieur de nous-mêmes, est charité. Il est le plus grand Don que Dieu nous donne. Cette charité provient de l’amour du Père et du Fils. Il est à la fois charité en propre, mais aussi en commun avec le Père et le Fils. Cela nous renvoie à plusieurs considérations[79] :
1. La procession des personnes divines comme une évidence théologique : le Père étant à l’origine de la déité toute entière, il est la déité-source (principaliter) ;
2. L’inter-communion et la circulation entre les personnes trinitaires, appelée en théologie la périchorèse[80]. L’Esprit Saint est le moteur de notre vie chrétienne et spirituelle. C’est lui qui nous fait entrer à notre tour dans le mystère de la Croix de notre Seigneur, le Christ, dans un mouvement filial d’action de grâces. C’est lui qui nous conforme au mystère pascal du Christ et l’actualise en nous.
3.2.3. L’Esprit Saint comme mouvement d’extase
La procession de l’Esprit Saint s’enracine dans le fait que l’être de Dieu est Bonté absolue. Dire que l’Esprit Saint procède du « Père et du Fils » demande une considération théologique :
La Bonté première dont procède l’Esprit Saint comme Amour est aimée par le Père et le Fils de telle façon qu’elle est aimée, ici et là, pour elle-même mais dans un autre. Le Père et le Fils aiment la même Bonté, mais le Père l’aime dans le Fils, et le Fils, dans le Père. Chacun d’eux aime dans l’autre ce qui se présente à lui comme le Bien suréminent qui ne se limite ni à la personne de celui qui aime, ni à la particularité de l’autre qui est aimé, mais est identique à l’essence même de Dieu. C’est ce fait de saisir le Bien suréminent dans l’autre et au-delà qui nous suggère de parler de l’Esprit Saint comme d’un mouvement d’amour extatique, bien que ce mouvement reste, cela est évident, immanent à la Sainte Trinité[81].
L’Esprit Saint, comme Don, habite en nous (1 Co 3, 16), mais de manière subtile. Il y a un mouvement d’amour, un mouvement de cœur. L’Esprit Saint s’apparente à notre conscience, à notre cœur. Il va vers nous comme les battements d’un cœur. Ainsi, parler de l’Esprit Saint comme mouvement d’extase convient-il à réaffirmer que rien n’est approprié à aucune des trois personnes divines, puisque le Père n’a conscience de soi que dans le Fils, le Fils que dans le Père et que l’Esprit repose sur le Père et le Fils. Il n’y a pas de narcissisme en Dieu. L’amour de Dieu n’est pas stérile. « Aimer, nous dit Maurice Zundel, c’est être un autre, c’est habiter un autre. N’être plus soi, à soi, mais à un autre. Il n’est donc pas difficile de penser qu’en Dieu, il en est ainsi à un degré de sainteté infini ». L’Esprit Saint est un mouvement d’extase. Il procède du Père et du Fils pour être donné à nous. Le mot extase, étymologiquement, veut dire « sortir de soi ». L’Esprit Saint se donne à nous afin de nous faire entrer dans le mystère des deux autres personnes divines.
3.2.4. Les symboles de l’Esprit Saint
Outre la Ruah et le Pneuma de l’Ancien et du Nouveau Testament, divers autres noms sont attribués à l’Esprit Saint. Nous référant aux données scripturaires, arrêtons-nous plus longtemps sur les différentes manières de symboliser l’Esprit Saint :
· l’onction : l’Esprit saint agit à travers l’onction lors des sacrements du Baptême, de la Confirmation (μύρον), Ordination et de l’onction des malades (dans l’Église catholique, les Églises orthodoxes et anglicane) ;
· le Feu : ; le (a) chrétien(ne) = celui, celle qui a réellement donné sa vie, son cœur à Jésus (= conversion de l’âme), reçoit ensuite le baptême de feu (le baptême du Saint Esprit) Lc 3: 16 Ac 2: 3-4 ;
· la nuée et la lumière : ces deux symboles sont inséparables dans les manifestations de l’Esprit Saint. Ils sont apparus lors de la Transfiguration « Celui-ci est mon Fils, mon Élu, écoutez-le », Lc 9: 4-35) ;
· le sceau : c’est un symbole proche de l’onction en ce sens que le sceau marque de façon indélébile pour authentifier un acte ;
· - La main : l’acte d’imposer les mains est un acte fréquent dans les évangiles : Jésus guérit les malades (Marc 6, 5), bénit les enfants (Marc 10, 16) en leur imposant les mains. C’est aussi par l’imposition des mains que l’Esprit est donné (Actes 8, 17-19). Et c’est ce geste que l’on retrouve dans les sacrements (baptême, mariage, ordre…) ;
· Le doigt : c’est aussi une image biblique, en particulier lorsque nous lisons dans le livre de l’Exode que la Loi a été écrite sur des tables de pierre par le doigt de Dieu (Exode 31, 18). Pour en comprendre la portée, retenons que ce mot doigt, en hébreu comme en arabe, a pour origine une racine signifiant "plonger dans", " teindre". On retrouve l’image du sceau, de l’huile ou encore de l’eau. Nous pouvons aussi faire appel au tableau de Michel-Ange, "La création d’Adam", où nous voyons le doigt de Dieu qui lève l’homme. ;
· La colombe : pour saisir toute la portée de ce symbole, il faut savoir que depuis des millénaires, la colombe est porteuse de vertus protectrices : une colombe peut vous avoir accompagné silencieusement et être là alors qu’on ne s’en doute pas. D’ailleurs elle est offerte lors des sacrifices de purification (Luc 2, 24) par les fidèles les plus modestes. Rien donc d’étonnant à ce qu’elle descende sur Jésus lors de son baptême dans les eaux du Jourdain et qu’elle y demeure.
ARTICLE IV : VERS UNE ÉTUDE SYSTÉMATIQUE
DE LA THÉOLOGIE DE L’ESPRIT SAINT
4.1. Status questionis : la divinité de l’Esprit Saint, une réalité contestée
Malgré une certaine ambiguïté enregistrée sur le caractère personnel de la Troisième Personne de la Trinité dans le Nouveau Testament, jusqu’au milieu du IVe siècle, sa divinité n’a pas été pour autant mise en cause. Contrairement à celle de Jésus. C’est petit à petit, après le concile de Nicée (325) que les problèmes théologiques au sujet de la divinité de l’Esprit Saint se posent. Pour certains chrétiens, l’Esprit Saint n’est pas Dieu, il est créé et a un statut inférieur à celui de Dieu. Comme le souligne Bernard Sesboüé, l’Écriture privilégie, au moins au premier regard, la préposition dans pour parler de l’Esprit Saint : tout se passe « dans l’Esprit ». Ce « dans l’Esprit » crée chez certains un « malaise théologique » qui débouche sur une réelle contestation de la divinité de l’Esprit Saint.
4.1.1 L’Esprit Saint n’est pas une créature
Nous avons déjà commencé à esquisser ce problème. Mais il faut le prendre par le bon bout, c’est-à-dire commencer à relire la Bible puisque le doute vient de là. Déjà l’Ancien Testament utilise le même mot ruah pour désigner et le vent et le souffle de Dieu. L’argument de certains paraît simpliste mais suscite un réel discernement au niveau de la compréhension et de la signification d’un même mot. Par exemple, dans Am 4, 13, il est dit que « Dieu crée le vent (ruah) ». Or le vent créé par Dieu et l’Esprit sont exprimés par le même mot. On peut déduire facilement que celui qui crée l’un crée aussi l’autre[82]. C’est le contexte qui permet de discerner s’il s’agit du vent (dimension cosmologique) ou de l’Esprit (Souffle de Yahvé). Par exemple, le mot grec pneuma, d’une manière générale, désigne le vent. Quand il renvoie à l’Esprit Saint, souligne Bernard Sesboüé, il y a toujours une détermination ou une qualification qui le précise : « Esprit de Dieu », « Esprit de vérité » etc[83].
L’Esprit Saint est Seigneur (2 Co 3, 17-18) ; Saint (Jn 14, 26) et Esprit. Pourtant, nous confessons que Dieu seul est Saint et Esprit. L’Esprit Saint est Paraclet comme le Fils (un autre Paraclet comme le précise saint Jean)[84]. Il est glorifié et adoré comme le Père et le Fils. C’est donc la question de la fameuse « égalité d’honneur » dont parle saint Basile. L’Esprit Saint n’est pas une créature. Il est celui qui est « avec » le Père et le Fils et donc « comme » eux[85].
4.1.2. La procession de l’Esprit Saint : il « procède du Père et du Fils »
Nous avons déjà creusé ce sujet en abordant la question du « Filioque ». Dans le Credo, nous disons « Je crois » et non « Je crois que » pour montrer qu’il y a une relation de confiance que nous établissons avec l’Esprit Saint. L’Écriture ne dit rien de manière explicite sur son origine. Elle nous permet de dire avec cohérence que l’Esprit Saint est Dieu, alors qu’il n’est ni créé ni engendré[86].
4.1.3. Le témoignage du Credo : « Je crois en l’Esprit Saint »
Comme nous l’avons largement vu au point précédent, les Pères conciliaires de Constantinople n’avaient pas élaboré un autre Credo, ils ont tout simplement développé le troisième article sur l’Esprit Saint : « Je crois en l’Esprit Saint, qui est Seigneur et qui donne la vie ; il procède du Père [et du Fils] ; avec le Père et le Fils, il reçoit même adoration et même gloire ; il a parlé par les prophètes ». L’Esprit Saint est « Seigneur », « source de vie et de grâce » ; il « vivifie »[87]. Il agit au cœur des hommes et au cœur du monde.
...qui est Seigneur... Dans une grande fidélité aux textes bibliques, les Pères conciliaires de Constantinople, en empruntant le langage de Basile, font un inventaire des attributs de l’Esprit Saint. Pour affirmer la divinité de l’Esprit, ils déclarent qu’il est SEIGNEUR (« Kyrion » – la forme neutre du mot « Kyrios » qui, dans la Bible désigne Dieu). Pour le coup, affirmer qu’il est Seigneur c’est reconnaître qu’il est Dieu au même titre que le Père et le Fils. Dieu n’est pas que créateur et sauveur, il est aussi sanctificateur, inspirateur au plus intime de la personne et de l’univers. Les trois ne forment qu’une seule nature divine et ne sont donc qu’un seul Dieu.
…il vivifie… Comme le Père et le Fils, l’Esprit donne la vie. Indispensable à la vie, l’Esprit (Ruah – Pneuma), anime tous ceux qui vivent sur cette terre. Il est le souffle créateur déjà présent, planant au dessus des eaux, lors de la création, qui va féconder le sein de Marie, « la couvrant de son ombre » pour lui donner la Vie de Jésus. À la fin de sa vie, Jésus rend au Père l’Esprit, ayant accompli sa mission ! C’est Lui encore qui anime de son souffle, l’Église de Jésus Christ, fait de chaque baptisé, un membre vivant du Corps du Christ (l’Église), pousse ceux et celles qui y sont dedans à sortir pour appeler ceux et celles qui sont dehors à y entrer.
...il procède du Père... C’est ce qui le différencie des êtres créés. Affirmant cela, nous voyons l’ampleur de l’apport du langage biblique utilisée par les Pères des conciles de Nicée et Constantinople dans l’élaboration de leur doctrine christologique et pneumatologique. Particulièrement, le texte du quatrième Évangile (Jn 15, 26), les a inspirés en affirmant que « l’Esprit procède du Père ». Les Pères affirment du même coup que l’Esprit n’est pas plus que le Fils, dans sa relation au Père, l’un est engendré (le Fils) et l’autre procède, il est envoyé du Père, il vient du Père, autrement dit, il est de même substance, il lui est égal. Procéder veut dire venir de. L’Esprit Saint est envoyé par le Père, il vient de lui comme le Fils. L’Esprit Saint n’est pas une créature, il est le don du Père. Il n’est pas dans l’ordre créé, mais dans l’ordre divin, affirme Bernard Sesboüé[88]. Ceci étant dit, nous pouvons reprendre ces arguments de Bernard Sesboüé concernant l’origine de l’Esprit : « L’Écriture ne nous parle pas clairement de l’origine de l’Esprit. De manière négative, elle nous montre que l’Esprit n’est ni créé comme le monde, ni engendré comme le Fils »[89]. Dire que l’Esprit « procède du Père », signifie qu’il tient son origine du Père et qu’il est Dieu sans être créé ni engendré[90].
... avec le Père et le Fils, il reçoit même adoration et même gloire... La parfaite identité entre les trois personnes divines trouve encore une nouvelle expression ; tous trois reçoivent « même adoration et même gloire », autre façon d’affirmer l’égalité des personnes et la nature divine de chacune et des trois. C’est la fameuse « égalité d’honneur » écrit Bernard Sesboüé[91].
...il a parlé par les prophètes... Les Pères du Concile de Constantinople affirment l’inspiration divine de ceux que Dieu a envoyé comme prophètes à son peuple Israël. Il n’y a pas plusieurs Esprit. C’est le même qui agit chez les prophètes comme à la Pentecôte ! L’Esprit Saint est présent, comme germe de Dieu, dans toute l’histoire des croyants. Il est celui qui inspire et qui éclaire, il donne intelligence et discernement, il donne force et vérité à l’enseignement de ceux qui « parlent au nom de Dieu » c’est-à-dire les prophètes.
4.2. L’Esprit Saint, amour entre le Père et le Fils
Nous l’avons déjà affirmé en suivant saint Augustin : l’Esprit Saint est Amour, Charité. Amour entre le Père et le Fils. Il n’est ni du Père seul, ni du Fils seul, mais des deux affirme saint Augustin[92]. La Charité, l’Amour est égal au Père et au Fils. C’est l’Esprit Saint partageant leur même substance. Le Pape Benoît XVI va dans le même sens en affirmant que « l’Esprit Saint, c’est l’Esprit de Jésus, l’Esprit qui réunit le Père et le Fils dans l’amour ». C’est Lui qui scelle l’union entre le Père et le Fils ; il est donc au cœur de la vie trinitaire.
Pour le Pape Jean-Paul II, l’Esprit Saint est la Personne-Amour, en qui converge l’amour du Père et du Fils[93]. Revenons à saint Augustin. Il montre que c’est le don de l’Esprit Saint à l’homme qui fait que celui-ci demeure en Dieu et Dieu en lui. Or cela ne s’effectue que par l’amour. Donc l’Esprit Saint est Amour. Saint Augustin explique :
La Dilection, qui procède de Dieu et qui est Dieu, est donc proprement le Saint-Esprit, qui répand dans nos cœurs la charité de Dieu, par laquelle habite en nous la Trinité tout entière. C’est pourquoi le Saint-Esprit, tout en étant Dieu, est appelé le Don de Dieu. Et par ce Don que faut-il entendre proprement sinon la charité, qui conduit à Dieu, et sans laquelle aucun autre don de Dieu ne conduit à Dieu[94].
L’Amour est le nom propre, personnel de l’Esprit Saint parce qu’il est l’Amour mutuel du Père et du Fils, donc commun aux deux. Comme le précise saint Augustin, l’Esprit Saint n’est pas seul à être Charité dans la Trinité tout comme il n’est pas seul à être Esprit ou Saint dans la Trinité. Le Père est Esprit tout comme le Fils est Esprit ; le Père est Saint tout comme le Fils est Saint. Cependant, on ne donne pas sans raison le nom propre « d’Esprit Saint » à la Troisième Personne puisqu’elle est commun aux deux[95].
4.3. La mission et le rôle de l’Esprit Saint
4.3.1. L’Esprit Saint mène au Christ intérieur
L’Esprit Saint est appelé « l’Hôte intérieur », Celui qui habite en nous. C’est Lui qui conduit au Christ. Il nous donne de vivre une relation personnelle avec le Père et le Fils. Il est véritablement l’intimité de l’amour. Nous ne pouvons pas mener une vie christique si nous ne sommes pas animés par l’Esprit Saint. Il est la Personne qui se tient auprès de nous, qui ne nous quitte pas et qui nous fortifie dans notre vie de chrétien. Comme « Personne lien », « Personne communion », il fait entrer dans l’intimité de l’amour de Dieu. Comme l’a rappelé saint Augustin, ceux que l’Esprit Saint n’enseigne pas au dedans, s’en retourneront ignorants. En fait, l’Esprit Saint fait sa demeure dans le cœur du croyant. Nous sommes donc son temple (Cf. 1 Co 3, 16). Le Pape François a raison de dire que « l’Esprit Saint est Dieu, mais c’est Dieu actif en nous, qui nous fait nous souvenir. Dieu qui fait se réveiller la mémoire. L’Esprit Saint nous aide à faire mémoire ».
Au soir de sa vie, Jésus parle plus largement de l’Esprit Saint en ces termes : « Je prierai le Père et il vous donnera un autre Paraclet, pour qu’il soit avec vous à jamais, l’Esprit de Vérité, que le monde ne peut pas recevoir, parce qu’il ne le voit pas ni ne le reconnaît. Vous, vous le connaissez, parce qu’il demeure auprès de vous et qu’il est en vous » (Jn 14, 16-17) – « Cependant je vous dis la vérité : c’est votre intérêt que je parte ; car si je ne pars pas, le Paraclet ne viendra pas vers vous ; mais si je pars, je vous l’enverrai » (Jn 16, 7). Ces deux textes suffisent pour nous montrer comment est manifestée la présence de l’Esprit Saint en nous. Il n’effectue pas une visite de courtoisie dans notre vie. Il est toujours présent, discret, réel dans la vie des croyants. Il fait sa demeure en nous en Hôte permanent. C’est une présence d’amour à laquelle il faut tenir pour découvrir l’agir du Christ en nous. C’est une présence qui nous christifie. C’est l’Esprit Saint qui fait naître en nous la présence même du Christ[96]. Il nous met en contact avec le Christ pascal, Celui en qui notre vie est pleinement métamorphosée et qui devient pro nobis, Passeur de vie. Avec l’Esprit Saint, la présence eros, devient la présence agapê. Nous ne contemplons plus Jésus dans sa forme humaine, mais dans sa forme pascale, Christ et Seigneur. Pour cela, il nous donne l’Esprit qui habitait en Lui en enlevant sa forme physique (passage de l’eros à l’agapê). Le même Esprit qui a permis au Logos de Dieu de s’incarner en Marie « engendre en nous le Christ intériorisé » pour reprendre ce terme de Simone Pacot[97]. C’est par l’activité de l’Esprit dans notre vie, que nous sommes capables de nous tourner vers l’horizon du Christ. C’est grâce à l’Esprit Saint que nous pouvons vivre la Présence spirituelle intérieure, personnelle du Christ en nos cœurs[98]. C’est l’Esprit Saint qui nous donne la Présence intérieure du Christ. C’est par Lui que ceux et celles qui adhèrent au Christ par la foi deviennent fils et filles de Dieu dans l’unique Fils, le Christ. Tout ce qui fait le chrétien est l’œuvre de l’Esprit Saint. Le Seigneur ressuscité et exalté rejoint l’homme par son Esprit[99]. C’est bien l’Esprit qui suscite en nous le sentiment filial et qui fait de notre vie une offrande agréable à Dieu le Père par le Fils qu’il révèle aux hommes. Car la foi au Christ est l’œuvre de l’Esprit : « Nul ne peut appeler Jésus Seigneur sinon dans l’Esprit Saint » (1 Co 12, 3).
4.3.2. L’Esprit Saint sanctifie les fidèles
L’Esprit Saint sanctifie ou divinise l’homme. Saint Jean-Paul II lors de l’audience générale du 22 juillet 1998 disait :
L’Esprit Saint est « Personne-Amour; il est Personne-don » (Dom. et viv., n. 10). Cet amour donné par le Père, accueilli et rendu par le Fils, est communiqué à l’homme racheté, qui devient ainsi un « homme nouveau » (Ep 4, 24), une « créature nouvelle » (Ga 6, 15). Nous chrétiens, sommes non seulement purifiés du péché, mais nous sommes également régénérés et sanctifiés. Nous recevons une vie nouvelle, car nous sommes rendus « participants de la divine nature » (2 P 1, 4): nous sommes « appelés enfants de Dieu. Et nous le sommes! » (1 Jn 3, 1). C’est la vie de la grâce: le don gratuit avec lequel Dieu nous rend participants de sa vie trinitaire.
Il poursuit,
La présence de l’Esprit Saint opère une transformation qui touche vraiment et intimement l’homme: c’est la grâce sanctifiante ou déifiante, qui élève notre être et notre agir, en nous habilitant à vivre en relation avec la Sainte Trinité. Cela se produit à travers les vertus théologales de la foi, de l’espérance et de la charité, « qui adaptent les facultés de l’homme à la participation de la nature divine » (CEC, n. 1812). Ainsi, avec la foi, le croyant considère Dieu, ses frères, l’histoire, non seulement selon la perspective de la raison, mais du point de vue de la révélation divine. Avec l’espérance, l’homme considère l’avenir avec une certitude confiante et agissante, espérant contre toute espérance (cf. Rm 4, 18), en gardant le regard tourné vers l’objectif de la béatitude éternelle et de la pleine réalisation du Royaume de Dieu. Avec la charité, le disciple est engagé à aimer Dieu de tout son cœur et les autres comme le Seigneur Jésus nous a aimés, c’est-à-dire jusqu’au don total de soi.
L’Esprit Saint pénètre notre vie pour que nos pensées et nos actes deviennent semblables à ceux de Jésus. Pour cela, constamment, le croyant est appelé à la conversion et à la purification. Comme tout amour qui nous habite de l’intérieur, l’Esprit est l’Amour venant de Dieu qui est présent en nous et nous appelle[100]. L’Esprit Saint est le « Don » accordé aux croyants, aux baptisés pour animer leur vie (cf. Rm 8, 9-11 ; Ga 4, 6 ; 1 Co 12, 13). Notre relation à l’Esprit Saint est comparable à une marque indélébile frappée par un sceau. C’est l’Esprit Saint qui est l’Agent principal de notre sanctification. Il ouvre nos cœurs et les dispose favorablement à la grâce ; il nous permet de croire et de nous ouvrir au salut. Il renouvelle, il sanctifie, il conduit et il inscrit dans nos cœurs la loi de Dieu. Il est la condition même de l’actualisation de la vie nouvelle, fruit de la Passion et de la Résurrection de notre Seigneur Jésus, le Christ. Il nous sanctifie tout entier. Il joue un rôle permanent dans notre vie en respectant notre personnalité. Ce rôle permanent, souligne Aaron Kayayan, ne laisse pas l’homme dans une position passive. L’Esprit Saint permet à toutes nos facultés affectives, volitives et intellectuelles de coopérer afin d’atteindre le but final. Dans le travail de la sanctification, l’Esprit Saint nous donne toujours de tenir un rôle actif.
4.3.3. L’Esprit Saint construit l’Église
L’Esprit Saint est l’âme de l’Église[101], c’est-à-dire c’est l’Esprit Saint qui fait vivre l’Église. Il construit l’Église. Sans l’Esprit Saint, l’Église se réduirait à une simple organisation humaine. Il fait de l’Église un mystère c’est-à-dire une réalité dans laquelle entrent en contact et communion Dieu et les hommes. L’Esprit Saint est la vie de l’Église, il est son principe vital, non seulement pour lui donner la vie mais comme son principal vital agissant. Il construit et dirige l’Église en tout. Il « habite dans l’Église et dans le cœur des fidèles comme dans un temple » (Lumen Gentium 11). L’Esprit Saint dans l’Église est la force d’unité de la communauté et l’énergie qui détruit les divisions. Cette insistance sur l’Église « Temple de l’Esprit » rappelle qu’en fait, le temps de l’Église est le temps de l’Esprit saint. Cet Esprit travaille et vivifie l’Église pour qu’elle remplisse la mission que le Christ lui a confiée au nom de son Père. Nous ne pouvons plus continuer à croire comme si la Pentecôte n’avait pas eu lieu ! Les trois images trinitaires font plus que se compléter, elles s’interpénètrent. Il est donc important et c’est un vrai défi que de tenir ensemble les trois images sans en privilégier une par rapport aux deux autres.
L’Église est spirituelle par le fait même que l’Esprit Saint est son âme. Je crois en Dieu, en Jésus Christ, en l’Esprit Saint…; je crois aussi en l’Église. Il ne faut pas oublier que l’Église est née au jour de la Pentecôte du don du Saint-Esprit, Lui qui a pour mission d’inspirer, de diriger, de renforcer et de faire vivre l’Église[102]. Sans l’Esprit Saint, l’Église ne serait pas missionnaire. C’est Lui qui rassemble les baptisés pour « faire Église ». On ne peut pas vouloir le Christ sans l’Église ni l’Église sans l’Esprit Saint. C’est Lui qui fait de l’Église, une communauté confessante. L’Église, comme le souligne François Varillon, est à la fois confession et communion. Elle est confession de Jésus Christ et communion de ceux qui confessent Jésus Christ[103]. Il n’y a pas d’Église sans l’Esprit Saint. En ce sens, Simon-Pierre Arnold a raison de dire ceci : « Il est temps de faire confiance, toutes et tous ensemble, à l’Esprit qui se manifeste dans notre capacité de Dieu, dans notre véritable art de réinventer le christianisme en notre temps »[104]. Être Église, vivre l’Église, c’est faire l’expérience de l’Esprit du Christ ressuscité. Cet Esprit qui l’enrichit des dons et des charismes pour la transformation du monde.
4.3.4. L’Esprit Saint construit le Royaume de Dieu
Le facteur principal à la construction du Royaume c’est l’Esprit Saint. C’est Lui qui constitue le peuple de Dieu comme signe de salut au cœur de la grande communauté humaine. C’est Lui qui conduit l’Église vers l’accomplissement du Royaume final en lui donnant la grâce d’assumer l’épaisseur de l’histoire dans laquelle elle chemine. L’Esprit Saint sanctifie l’Église dans le monde de ce temps et oriente sa marche vers le Retour de son Seigneur. Il unit intimement les fidèles avec le Christ de sorte qu’ils forment un seul corps, l’Église, dans laquelle il existe une diversité de membres et de fonctions. Le premier mot de Jésus dans le discours inaugural de sa mission concerne le Royaume : « Le temps est accomplit et le Royaume de Dieu est proche : convertissez-vous et croyez à Bonne Nouvelle » (Mc 1, 15). Ce Royaume dont parle Jésus est la manifestation de la Gloire et de la Seigneurie de Dieu en faveur des hommes. C’est sous l’emprise de l’Esprit Saint que Jésus a annoncé le Royaume et c’est encore sous son emprise que l’Église continue à l’annoncer aujourd’hui. L’annonce et l’avènement du Royaume sont une œuvre constante de l’Esprit Saint. Là où il agit, commence dès maintenant le Royaume : « L’Esprit du Seigneur est sur moi… Cette parole que vous venez d’entendre, c’est aujourd’hui qu’elle s’accomplit » (Lc 4, 18-21). L’Esprit Saint construit le Royaume d’une manière mystérieuse à travers les aléas de l’histoire et parfois sans progrès apparent, à la façon d’une graine de sénevé comme l’a fait remarquer Jésus lui-même dans l’Évangile. C’est Lui qui permet à l’Église de « redécouvrir de façon plus profonde et vitale que Jésus Christ, le Seigneur crucifié et ressuscité, est "la clé, le centre et la fin de toute l’histoire humaine" »[105].
Cependant, même si nous avons la certitude que l’Esprit Saint construit le Royaume, nous ne pouvons pas déterminer quand il s’accomplira définitivement. La réponse de Jésus aux Apôtres nous concerne aujourd’hui : ce n’est pas à nous « de connaître les temps (chronoi) et les moments (kairoi) que le Père a fixés de sa seule autorité (exousia) »[106]. Ce qui est important aussi pour nous, c’est d’accueillir la force de l’Esprit Saint pour une vie plus missionnaire et plus enclin à rendre témoignage à l’amour du Christ dans le monde.
4.4. Les dons de l’Esprit Saint[107]
« A l’un, c’est un discours de sagesse qui est donné par l’Esprit ; à tel autre un discours de science, selon le même Esprit ; à un autre la foi, dans le même Esprit ; à tel autre les dons de guérisons, dans l’unique Esprit ; à tel autre la puissance d’opérer des miracles ; à tel autre la prophétie ; à tel autre le discernement des esprits ; à un autre les diversités de langues, à tel autre le don de les interpréter. Mais tout cela, c’est l’unique et même Esprit qui l’opère, distribuant ses dons à chacun en particulier comme il l’entend. De même, en effet, que le corps est un, tout en ayant plusieurs membres, et que tous les membres du corps, en dépit de leur pluralité, ne forment qu’un seul corps, ainsi en est-il du Christ. Aussi bien est-ce en un seul Esprit que nous tous avons été baptisés en un seul corps, Juifs ou Grecs, esclaves ou hommes libres, et tous nous avons été abreuvés d’un seul Esprit » (1 Co 12, 8-13).
Le Saint-Esprit constitue l’âme, la sève vitale de l’Église et de chaque chrétien : c’est l’Amour de Dieu qui fait de notre cœur sa demeure et entre en communion avec nous. Le Saint-Esprit est toujours avec nous, il est toujours en nous, dans notre cœur.
L’Esprit lui-même est « le don de Dieu » par excellence (cf. Jn 4, 10), il est un cadeau de Dieu, et à son tour il communique à celui qui l’accueille divers dons spirituels. L’Église en identifie sept, un nombre qui symboliquement signifie plénitude, totalité; ce sont ceux que l’on apprend quand on se prépare au sacrement de la confirmation et que nous invoquons dans l’antique prière dite « Séquence au Saint-Esprit ». Les dons du Saint-Esprit sont : sagesse, intelligence, conseil, force, science, piété et crainte de Dieu.
1. Le don de la Sagesse[108].
Le premier don du Saint-Esprit, selon cette liste, est donc la sagesse. Mais il ne s’agit pas simplement de la sagesse humaine, qui est le fruit de la connaissance et de l’expérience. Dans la Bible, on raconte que Salomon, au moment de son couronnement comme roi d’Israël, avait demandé le don de la sagesse (cf. 1 R 3, 9). Et la sagesse est précisément cela : elle est la grâce de pouvoir voir chaque chose avec les yeux de Dieu. Elle est simplement cela: voir le monde, voir les situations, les conjonctures, les problèmes, tout, avec les yeux de Dieu. Cela est la sagesse. Parfois, nous voyons les choses selon notre plaisir ou selon la situation de notre cœur, avec amour ou avec haine, avec envie… Non, cela n’est pas l’œil de Dieu. La sagesse est ce que le Saint-Esprit accomplit en nous afin que nous voyions toutes les choses avec les yeux de Dieu. Tel est le don de la sagesse.
Et cela dérive bien évidemment de l’intimité avec Dieu, du rapport intime que nous avons avec Dieu, du rapport des enfants avec leur Père. Et le Saint-Esprit, quand nous avons cette relation, nous fait le don de la sagesse. Quand nous sommes en communion avec le Seigneur, c’est comme si le Saint-Esprit transfigurait notre cœur et lui faisait percevoir toute sa chaleur et sa prédilection.
Le Saint-Esprit rend alors le chrétien « sage », mais pas au sens où il a une réponse pour chaque chose, qu’il sait tout, mais au sens qu’il « sait » à propos de Dieu, il sait comment Dieu agit, il reconnaît quand une chose est de Dieu et quand elle n’est pas de Dieu; il possède cette sagesse que Dieu donne à nos cœurs.
C’est dans ce sens que le cœur de l’homme sage possède le goût et la saveur de Dieu. Et comme il est important que dans nos communautés, il y ait des chrétiens de cette sorte ! Tout en eux parle de Dieu et devient un signe beau et vivant de sa présence et de son amour. Et cela est une chose que nous ne pouvons pas improviser, que nous ne pouvons pas nous procurer par nous-mêmes : c’est un don que Dieu fait à ceux qui deviennent dociles à son Saint-Esprit. Nous avons en nous, dans notre cœur, le Saint-Esprit ; nous pouvons l’écouter ou nous pouvons ne pas l’écouter. Si nous écoutons le Saint-Esprit, Il nous enseigne cette voie de la sagesse, il nous offre la sagesse qui est de voir avec les yeux de Dieu, d’entendre avec les oreilles de Dieu, d’aimer avec le cœur de Dieu, de juger les choses avec le jugement de Dieu. Cela est la sagesse que nous offre le Saint-Esprit, et nous pouvons tous l’avoir. Seulement, nous devons la demander au Saint-Esprit.
Pensez à une mère, chez elle, avec ses enfants, quand l’un d’eux fait une bêtise, l’autre est déjà en train d’en imaginer une autre, et cette pauvre mère va d’un côté et de l’autre, avec les problèmes des enfants. Et quand les mères se fatiguent et crient après leurs enfants, est-ce de la sagesse ? Crier après ses enfants — je vous le demande — est-ce de la sagesse ? Qu’en dites-vous : c’est de la sagesse ou pas ? Non ! En revanche, quand la mère parle à son enfant et le reprend avec douceur et lui dit : “Cela ne se fait pas pour cette raison…”, et lui explique avec beaucoup de patience, est-ce la sagesse de Dieu ? Oui ! C’est ce que le Saint-Esprit nous donne dans la vie ! Ensuite, dans le mariage par exemple, les deux époux — le mari et la femme — se disputent, et ensuite ne se regardent pas, ou s’ils se regardent, se regardent de travers : est-ce la sagesse de Dieu ? Non ! En revanche, si l’un dit : « Bon, la tempête est passée, faisons la paix », et recommençons à aller de l’avant en paix : est-ce la sagesse ? [la foule : oui !]. Voilà, cela est le don de la sagesse. Qu’elle vienne à la maison, qu’elle vienne avec les enfants, qu’elle vienne avec nous tous !
Et cela ne s’apprend pas : cela est un cadeau du Saint-Esprit. C’est pourquoi nous devons demander au Seigneur qu’il nous donne le Saint-Esprit et qu’il nous fasse le don de la sagesse, de cette sagesse de Dieu qui nous enseigne à regarder avec les yeux de Dieu, à sentir avec le cœur de Dieu, à parler avec les paroles de Dieu. Et ainsi, avec cette sagesse, allons de l’avant, construisons la famille, construisons l’Église, et nous nous sanctifions tous. Demandons aujourd’hui la grâce de la sagesse. Et demandons-la à la Vierge, qui est le Siège de la sagesse, de ce don : qu’Elle nous donne cette grâce. Merci !
- L’intelligence[109]
Je voudrais attirer aujourd’hui l’attention sur le deuxième don, c’est-à-dire l’intelligence. Il ne s’agit pas de l’intelligence humaine, de la capacité intellectuelle dont nous pouvons plus ou moins être pourvus. Il s’agit en revanche d’une grâce que seul l’Esprit Saint peut donner et qui suscite chez le chrétien la capacité d’aller au-delà de l’aspect extérieur de la réalité et scruter les profondeurs de la pensée de Dieu et de son dessein de salut.
L’apôtre Paul, s’adressant à la communauté de Corinthe, décrit de façon efficace les effets de ce don — c’est-à-dire ce que fait le don de l’intelligence en nous — et Paul dit ceci : « Ce que l’œil n’a pas vu, ce que l’oreille n’a pas entendu, ce qui n’est pas monté au cœur de l’homme, tout ce que Dieu a préparé pour ceux qui l’aiment […] C’est à nous que Dieu l’a révélé par l’Esprit » (1 Co 2, 9-10). Bien sûr, cela ne signifie pas qu’un chrétien puisse comprendre toute chose et avoir une pleine connaissance des desseins de Dieu: tout cela reste en attente de se manifester dans toute sa limpidité quand nous nous trouverons face à Dieu et que nous serons véritablement un en Lui. Mais, comme le suggère la parole elle-même, l’intelligence permet de « intus legere », c’est-à-dire de « lire à l’intérieur » : ce don nous fait comprendre les choses comme Dieu les comprend, avec l’intelligence de Dieu. Parce que l’on peut comprendre une situation avec l’intelligence humaine, avec prudence, et cela va bien. Mais comprendre une situation en profondeur, comme Dieu la comprend, est l’effet de ce don. Et Jésus a voulu nous envoyer l’Esprit Saint afin que nous ayons ce don, afin que nous puissions tous comprendre les choses comme Dieu les comprend, avec l’intelligence de Dieu. C’est un beau cadeau que le Seigneur nous a fait à tous. C’est le don avec lequel l’Esprit Saint nous introduit dans l’intimité de Dieu et nous fait participer à son dessein d’amour qu’il a pour nous.
Il est clair alors que le don de l’intelligence est étroitement lié à la foi. Quand l’Esprit Saint habite notre cœur et illumine notre esprit, il nous fait croître jour après jour dans la compréhension de ce que le Seigneur a dit et a fait. Jésus lui-même a dit à ses disciples: je vous enverrai l’Esprit Saint et il vous fera comprendre tout ce que je vous ai enseigné. Comprendre les enseignements de Jésus, comprendre sa Parole, comprendre son Évangile, comprendre la Parole de Dieu. On peut lire l’Évangile et comprendre quelque chose, mais si nous lisons l’Évangile avec ce don de l’Esprit Saint, nous pouvons comprendre la profondeur des paroles de Dieu. Et cela est un grand don, un grand don que nous devons tous demander et demander ensemble: Seigneur, donne-nous le don de l’intelligence.
Il y a un épisode de l’Évangile de Luc qui exprime très bien la profondeur et la force de ce don. Après avoir assisté à la mort sur la croix et à la sépulture de Jésus, deux de ses disciples, déçus et affligés, partent de Jérusalem et retournent dans leur village du nom d’Emmaüs. Alors qu’ils sont en chemin, Jésus ressuscité marche à leur côté et commence à parler avec eux, mais leurs yeux, voilés par la tristesse et le désespoir, ne sont pas en mesure de le reconnaître. Jésus marche avec eux, mais eux sont si tristes, si désespérés qu’ils ne le reconnaissent pas. Mais lorsque le Seigneur leur explique les Écritures, afin qu’ils comprennent qu’Il devait souffrir et mourir pour ensuite ressusciter, leurs esprits s’ouvrent et dans leur cœur se rallume l’espérance (cf. Lc 24, 13-27). Et c’est ce que fait l’Esprit Saint avec nous : il nous ouvre l’esprit, nous ouvre pour mieux comprendre, pour mieux comprendre les choses de Dieu, les choses humaines, les situations, toutes les choses. Le don de l’intelligence est important pour notre vie chrétienne. Demandons-le au Seigneur, qu’il nous donne, qu’il nous donne à tous ce don pour comprendre, comme Il comprend Lui, les choses qui arrivent et pour comprendre surtout, la Parole de Dieu dans l’Évangile. Merci.
- Le conseil[110]
Nous avons entendu dans la lecture, ce passage du livre des Psaumes qui dit : « Je bénis Yahvé qui s’est fait mon conseil, et même la nuit, mon cœur m’instruit » (Ps 16, 7). Et cela est un autre don du Saint-Esprit : le don du conseil. Nous savons combien il est important, dans les moments les plus délicats, de pouvoir compter sur les suggestions de personnes sages et qui nous aiment. Or, à travers le don du conseil, c’est Dieu lui-même, avec son Esprit, qui illumine notre cœur, de manière à nous faire comprendre la juste manière de parler et de se comporter et le chemin à suivre. Mais comment agit ce don en nous ?
- Au moment où nous l’accueillons et nous le recevons dans notre cœur, l’Esprit Saint commence immédiatement à nous rendre sensibles à sa voix et à orienter nos pensées, nos sentiments et nos intentions selon le cœur de Dieu. Dans le même temps, il nous conduit à porter toujours plus notre regard intérieur sur Jésus, comme modèle de notre manière d’agir et de nous mettre en relation avec Dieu le Père et avec nos frères. Le conseil est donc le don par lequel l’Esprit Saint rend notre conscience capable de faire un choix concret en communion avec Dieu, selon la logique de Jésus et de son Évangile. De cette manière, l’Esprit nous fait grandir intérieurement, nous fait grandir positivement, nous fait grandir dans les communautés et nous aide à ne pas tomber en proie à l’égoïsme et à notre propre manière de voir les choses. Ainsi, l’Esprit nous aide à grandir et aussi à vivre en communauté. La condition essentielle pour conserver ce don est la prière. Nous revenons toujours sur le même thème : la prière ! Mais la prière est très importante. Prier avec les prières que nous savons tous depuis notre enfance, mais aussi prier avec nos propres mots. Prier le Seigneur : “Seigneur, aide-moi, conseille-moi, que dois-je faire à présent ? ». Avec la prière nous faisons place afin que l’Esprit vienne et nous aide dans ce moment, nous conseille sur ce que tous nous devons faire. La prière ! Ne jamais oublier la prière. Jamais ! Personne, personne ne se rend compte quand nous prions dans le bus, dans la rue : nous prions en silence avec notre cœur. Profitons de ces moments pour prier, prier pour que l’Esprit nous donne le don du conseil.
- Dans l’intimité avec Dieu et dans l’écoute de sa Parole, nous mettons peu à peu de côté notre logique personnelle, dictée le plus souvent par nos fermetures, par nos préjugés et par nos ambitions, et nous apprenons en revanche à demander au Seigneur : que désires-tu ? Quelle est ta volonté ? Qu’aimes-tu ? De cette manière mûrit en nous une profonde harmonie, presque connaturelle dans l’Esprit et nous expérimentons à quel point sont vraies les paroles de Jésus rapportées dans l’Évangile de Matthieu : « Ne cherchez pas avec inquiétude comment parler ou ce que dire : ce que vous aurez à dire vous sera donné sur le moment, car ce n’est pas vous qui parlerez, mais l’Esprit de votre Père qui parlera en vous » (Mt10, 19-20). C’est l’Esprit qui nous conseille, mais nous devons laisser place à l’Esprit pour qu’il puisse nous conseiller. Et laisser place signifie prier, prier afin qu’Il vienne et nous aide toujours.
- Ensuite, comme tous les autres dons de l’Esprit, le conseil constitue lui aussi un trésor pour toute la communauté chrétienne.Le Seigneur ne nous parle pas seulement dans l’intimité du cœur, il nous parle en effet, mais pas seulement là ; il nous parle également à travers la voix et le témoignage de nos frères. C’est vraiment un grand don de pouvoir rencontrer des hommes et des femmes de foi qui, en particulier dans les passages les plus compliqués et importants de notre vie, nous aident à faire la lumière dans notre cœur et à reconnaître la volonté du Seigneur !
Je me souviens qu’une fois, au sanctuaire de Luján, j’étais dans le confessionnal, devant lequel se trouvait une longue queue. Il y avait aussi un jeune garçon à la mode, avec des boucles d’oreille, des tatouages, toutes ces choses-là… Et il est venu me dire ce qui lui arrivait. Il avait un gros problème, difficile. Et il m’a dit : j’ai raconté tout cela à ma mère, et ma mère m’a dit : va voir la Vierge et elle te dira ce que tu dois faire. Voilà une femme qui avait le don du conseil. Elle ne savait pas comment sortir du problème de son fils, mais elle a indiqué la bonne route : va voir la Vierge et elle te le dira. Cela est le don du conseil. Cette femme humble, simple, a donné à son fils le meilleur conseil. En effet, ce jeune homme m’a dit : j’ai regardé la Vierge et j’ai senti que je devais faire cela, cela et cela… Je n’ai pas dû parler, sa mère et le jeune garçon lui-même avaient tout dit. Cela est le don du conseil. Vous mamans, vous possédez ce don, demandez-le pour vos enfants. Le don de conseiller les enfants est un don du Dieu.
Chers amis, le Psaume 16, que nous avons entendu, nous invite à prier avec ces mots : « Je bénis Yahvé qui s’est fait mon conseil, et même la nuit, mon cœur m’instruit. J’ai mis Yahvé devant moi sans relâche ; puisqu’il est à ma droite je ne bronche pas » (vv. 7-8). Que l’Esprit puisse toujours donner cette certitude à notre cœur et nous combler ainsi de son réconfort et de sa paix ! Demandez toujours le don de conseil.
- La force[111]
Il y a une parabole, racontée par Jésus, qui nous aide à saisir l’importance de ce don. Un semeur sort pour semer ; mais toute la semence qu’il répand ne porte pas du fruit. Ce qui finit sur la route est mangé par les oiseaux ; ce qui tombe sur le terrain caillouteux ou au milieu des buissons germe, mais se trouve rapidement séché par le soleil ou étouffé par les ronces. Seul ce qui finit sur le bon terrain peut croître et donner du fruit (cf. Mc 4, 3-9 // Mt 13, 3-9 // Lc 8, 4-8). Comme l’explique Jésus lui-même à ses disciples, ce semeur représente le Père, qui répand en abondance la semence de sa Parole. La semence, toutefois, se heurte souvent à la sécheresse de notre cœur et, même lorsqu’elle est accueillie, elle risque de rester stérile. Avec le don de la force, en revanche, le Saint-Esprit libère le terrain de notre cœur, il le libère de la torpeur, des incertitudes et de toutes les craintes qui peuvent le freiner, de manière que la Parole du Seigneur soit mise en pratique, de façon authentique et joyeuse. C’est un vrai secours ce don de la force, il nous rend plus forts, il nous libère aussi de nombreuses entraves.
Il y a aussi des moments difficiles et des situations extrêmes où le don de la force se manifeste de manière extraordinaire, exemplaire. C’est le cas de ceux qui doivent affronter des expériences particulièrement dures et douloureuses, qui bouleversent leur vie et celle de leurs proches. L’Église resplendit du témoignage de très nombreux frères et sœurs qui n’ont pas hésité à donner leur vie, pour rester fidèles au Seigneur et à son Évangile. Aujourd’hui aussi, il ne manque pas de chrétiens qui, dans de très nombreux endroits du monde, continuent à célébrer et à témoigner de leur foi, avec une profonde conviction et sérénité, et qui résistent même lorsqu’ils savent que cela peut coûter un prix plus élevé. Nous aussi, nous connaissons tous des gens qui ont vécu des situations difficiles, tant de douleurs. Mais pensons à ces hommes, à ces femmes, qui conduisent une vie difficile, luttent pour faire vivre leur famille, éduquer leurs enfants : ils font tout cela parce que l’esprit de force les aide. Combien d’hommes et de femmes — nous ne connaissons pas leurs noms — qui honorent notre peuple, honorent notre Église, parce qu’ils sont forts : forts pour mener de l’avant leur vie, leur famille, leur travail, leur foi. Ces frères et sœurs sont des saints, des saints dans le quotidien, des saints cachés parmi nous : ils ont justement le don de la force pour accomplir leur devoir de personnes, de pères, de mères, de frères, de sœurs, de citoyens. Il y en a tant ! Rendons grâce au Seigneur pour ces chrétiens qui sont d’une sainteté cachée : c’est le Saint-Esprit qu’ils ont à l’intérieur qui les fait avancer ! Et cela nous fera du bien de penser à ces personnes: si elles font tout cela, si elles peuvent le faire, pourquoi pas moi ? Et cela nous fera du bien aussi de demander au Seigneur qu’il nous donne le don de la force.
Il ne faut pas penser que le don de la force soit nécessaire uniquement dans certaines occasions ou dans des situations particulières. Ce don doit constituer la note de fond de notre être chrétien, dans l’ordinaire de notre vie quotidienne. Comme je l’ai dit, chaque jour de notre vie quotidienne, nous devons être forts, nous avons besoin de cette force, pour mener de l’avant notre vie, notre famille, notre foi. L’apôtre Paul a dit une phrase qu’il nous fera du bien d’entendre : « Je peux tout en celui qui me donne la force » (Ph 4, 13). Quand nous affrontons la vie ordinaire, quand viennent les difficultés, rappelons-nous ceci : « Je peux tout en celui qui me donne la force ». Le Seigneur donne la force, toujours, il ne nous la fait pas manquer. Le Seigneur ne nous met pas à l’épreuve au-delà de ce que nous pouvons supporter. Lui est toujours avec nous. « Je peux tout en celui qui me donne la force ».
Chers amis, parfois, nous pouvons être tentés de nous laisser gagner par la paresse ou pire, par le découragement, surtout face aux difficultés et aux épreuves de la vie. Dans ces cas-là, ne baissons pas les bras, invoquons l’Esprit Saint, pour qu’avec le don de la force, il puisse soulager notre cœur et communiquer une force nouvelle et de l’enthousiasme à notre vie et à notre sequela de Jésus.
- La science[112]
Aujourd’hui, je voudrais mettre en lumière un autre don de l’Esprit Saint, le don de science. Lorsque l’on parle de science, la pensée se tourne immédiatement vers la capacité de l’homme de connaître toujours mieux la réalité qui l’entoure et de découvrir les lois qui régissent la nature et l’univers. La science qui vient de l’Esprit Saint, toutefois, ne se limite pas à la connaissance humaine : c’est un don spécial, qui nous conduit à saisir, à travers la création, la grandeur et l’amour de Dieu et sa relation profonde avec chaque créature.
Lorsque nos yeux sont illuminés par l’Esprit, ils s’ouvrent à la contemplation de Dieu, dans la beauté de la nature et dans la grandeur de l’univers, et nous conduisent à découvrir que toute chose nous parle de Lui et de son amour. Tout cela suscite en nous un très grand émerveillement et un profond sentiment de gratitude ! C’est la sensation que nous éprouvons également lorsque nous admirons une œuvre d’art ou toute autre merveille qui est le fruit du génie et de la créativité de l’homme : face à tout cela, l’Esprit nous conduit à louer le Seigneur du plus profond de notre cœur et à reconnaître, dans tout ce que nous avons et sommes, un don inestimable de Dieu et un signe de son amour infini pour nous.
Dans le premier chapitre de la Genèse, précisément au début de toute la Bible, est mis en évidence le fait que Dieu est satisfait de sa création, en soulignant de façon répétée la beauté et la bonté de chaque chose. Au terme de chaque journée, il est écrit : « Dieu vit que cela était bon » (1, 12.18.21.25) : si Dieu voit que la création est une bonne chose, est une belle chose, nous aussi nous devons adopter cette attitude et voir que la création est une chose bonne et belle. Tel est le don de science qui nous fait voir cette beauté, louons donc Dieu, en lui rendant grâce de nous avoir donné tant de beauté. Et lorsque Dieu finit de créer l’homme, il ne dit pas : « Dieu vit que cela était bon », mais il dit que cela était « très bon » (v. 31). Aux yeux de Dieu, nous sommes la chose la plus belle, la plus grande, la meilleure de la création : les anges aussi sont au-dessous de nous, nous sommes plus que les anges, comme nous l’avons entendu dans le livre des Psaumes. Le Seigneur nous aime ! Nous devons lui rendre grâce pour cela. Le don de la science nous place en profonde harmonie avec le Créateur et nous fait participer à la limpidité de son regard et de son jugement. Et c’est dans cette perspective que nous réussissons à saisir dans l’homme et la femme le sommet de la création, comme accomplissement d’un dessein d’amour qui est imprimé en chacun de nous et qui nous fait reconnaître comme frères et sœurs.
Tout cela est un motif de sérénité et de paix et fait du chrétien un témoin joyeux de Dieu, sur les pas de saint François d’Assise et de nombreux saints qui ont su louer et chanter son amour à travers la contemplation de la création. Dans le même temps, toutefois, le don de la science nous aide à ne pas tomber dans certains comportements excessifs ou erronés. Le premier est constitué par le risque de nous considérer comme les propriétaires de la création. La création n’est pas une propriété, que nous pouvons dominer à notre guise ; ni la propriété de quelques-uns, d’une poignée de personnes : la création est un don, c’est un don merveilleux que Dieu nous a fait, afin que nous en prenions soin et que nous l’utilisions au profit de tous, toujours avec un grand respect et gratitude. Le deuxième comportement erroné est représenté par la tentation de nous arrêter aux créatures, comme si celles-ci pouvaient offrir la réponse à toutes nos attentes. À travers le don de la science, l’Esprit nous aide à ne pas tomber dans cette erreur.
Mais je voudrais revenir sur la première voie erronée : dominer la création au lieu de la protéger. Nous devons protéger la création parce qu’il s’agit d’un don que le Seigneur nous a fait, c’est le don que Dieu nous a offert ; nous sommes gardiens de la création. Lorsque nous exploitons la création, nous détruisons le signe de l’amour de Dieu. Détruire la création signifie dire à Dieu « cela ne me plaît pas ». Et cela n’est pas bon : voilà le péché.
La protection de la création est précisément la protection du don de Dieu et cela signifie dire à Dieu : « Merci, je suis gardien de la création mais pour la faire progresser, jamais pour détruire ton don ». Cela doit représenter notre attitude à l’égard de la création : la protéger parce que si nous détruisons la création, la création nous détruira ! N’oubliez pas cela. Un jour, j’étais à la campagne et j’ai entendu un dicton prononcé par une personne simple, qui aimait beaucoup les fleurs et qui en prenait soin. Elle m’a dit : « Nous devons protéger ces belles choses que Dieu nous a données ; la création nous a été donnée pour que nous l’utilisions bien ; pas pour l’exploiter, mais pour la préserver, parce que Dieu pardonne toujours, nous les hommes nous pardonnons parfois, mais la création ne pardonne jamais et si on n’en prend pas soin, elle nous détruira ».
Cela doit nous faire réfléchir et doit nous faire invoquer de l’Esprit Saint le don de la science pour bien comprendre que la création est le plus beau don de Dieu. Il a fait tant de bonnes choses pour la meilleure chose qu’est la personne humaine.
- La piété[113]
Nous voulons aujourd’hui nous arrêter sur un don du Saint-Esprit qui très souvent n’est pas bien compris ou considéré de manière superficielle, et qui touche le cœur de notre identité et de notre vie chrétienne: il s’agit du don de la piété. Il faut immédiatement préciser que ce don ne signifie pas avoir compassion de quelqu’un, avoir pitié de son prochain, mais il indique notre appartenance à Dieu et notre lien profond avec Lui, un lien qui donne un sens à toute notre vie et qui nous maintient solides, en communion avec Lui, également dans les moments les plus difficiles et compliqués.
1. Ce lien avec le Seigneur ne doit pas être entendu comme un devoir ou une imposition. C’est un lien qui vient de l’intérieur. Il s’agit d’une relation vécue avec le cœur : c’est notre amitié avec Dieu, qui nous a été donnée par Jésus, une amitié qui change notre vie et qui nous remplit d’enthousiasme, de joie. C’est pourquoi le don de la piété suscite tout d’abord en nous la gratitude et la louange. Tel est en effet le motif et le sens le plus authentique de notre culte et de notre adoration. Quand le Saint-Esprit nous fait percevoir la présence du Seigneur et tout son amour pour nous, il réchauffe notre cœur et nous incite presque naturellement à la prière et à la célébration. La piété est donc synonyme d’un authentique esprit religieux, d’une proximité filiale avec Dieu, de cette capacité de le prier avec amour et simplicité qui est propre aux personnes humbles de cœur.
2. Si le don de la piété nous fait croître dans la relation et la communion avec Dieu et nous conduit à vivre comme ses enfants, il nous aide dans le même temps à déverser cet amour aussi sur les autres et à les reconnaître comme des frères. C’est alors que nous serons en effet animés par des sentiments de piété — pas de piétisme ! — à l’égard de ceux qui sont à nos côtés et de ceux que nous rencontrons chaque jour. Pourquoi ai-je dit : pas de piétisme ? Car certains pensent que faire preuve de piété signifie fermer les yeux, prendre le visage d’une image pieuse, faire semblant d’être comme un saint. En piémontais nous disons : faire la « mugna quacia». Cela n’est pas le don de la piété. Le don de la piété signifie être vraiment capables de se réjouir avec qui est dans la joie, de pleurer avec qui pleure, d’être proche de qui est seul ou angoissé, de corriger qui est dans l’erreur, de consoler qui est affligé, d’accueillir et de secourir qui est dans le besoin. Il existe un lien très étroit entre le don de la piété et la douceur. Le don de la piété que nous donne le Saint-Esprit nous rend doux, nous rend calmes, patients, en paix avec Dieu, au service des autres avec douceur.
Chers amis, dans la Lettre aux Romains, l’apôtre Paul affirme : « En effet, tous ceux qui se laissent conduire par l’Esprit de Dieu, ceux-là sont fils de Dieu. Vous n’avez pas reçu un esprit qui fait de vous des esclaves et vous ramène à la peur ; mais vous avez reçu un Esprit qui fait de vous des fils ; et c’est en lui que nous crions « Abba ! », c’est-à-dire: Père ! » (Rm 8, 14-15). Demandons au Seigneur que le don de son Esprit puisse vaincre notre crainte, nos incertitudes, également notre esprit inquiet, impatient, et qu’il puisse faire de nous des témoins joyeux de Dieu et de son amour, en adorant le Seigneur en vérité et également au service de notre prochain avec douceur et avec le sourire que le Saint-Esprit nous donne toujours dans la joie. Que le Saint-Esprit nous donne à tous ce don de piété.
- La crainte de Dieu[114]
Le don de la crainte de Dieu, dont nous parlons aujourd’hui, conclut la série des sept dons de l’Esprit Saint. Cela ne signifie pas avoir peur de Dieu : nous savons bien que Dieu est Père, et qu’il nous aime et veut notre salut, et qu’il pardonne, toujours ; c’est pourquoi il n’y a aucune raison d’avoir peur de Lui ! La crainte de Dieu, au contraire, est le don de l’Esprit qui nous rappelle combien nous sommes petits face à Dieu et à son amour et que notre bien réside dans l’abandon, avec humilité, avec respect et confiance, entre ses mains. Telle est la crainte de Dieu : l’abandon dans la bonté de notre Père qui nous aime tant.
Lorsque l’Esprit Saint établit sa demeure dans notre cœur, il nous transmet réconfort et paix, et nous conduit à nous sentir tels que nous sommes, c’est-à-dire petits, avec cette attitude — tant recommandée par Jésus dans l’Évangile — de celui qui place toutes ses préoccupations et ses attentes en Dieu et se sent entouré et soutenu par sa chaleur et sa protection, précisément comme un enfant avec son papa ! C’est ce que fait l’Esprit Saint dans nos cœurs: il nous fait sentir comme des enfants dans les bras de notre papa. Dans ce sens, alors, nous comprenons bien que la crainte de Dieu prend en nous la forme de la docilité, de la reconnaissance et de la louange, en emplissant notre cœur d’espérance. En effet, tant de fois, nous ne réussissons pas à saisir le dessein de Dieu, et nous nous apercevons que nous ne sommes pas capables de garantir pour nous-mêmes le bonheur et la vie éternelle. C’est précisément dans l’expérience de nos limites et de notre pauvreté, toutefois, que l’Esprit nous réconforte et nous fait percevoir que la seule chose importante est de nous laisser conduire par Jésus entre les bras de son Père.
Voilà pourquoi nous avons tant besoin de ce don de l’Esprit Saint. La crainte de Dieu nous fait prendre conscience que tout vient de la grâce et que notre véritable force réside uniquement dans le fait de suivre le Seigneur Jésus et de laisser le Père déverser sur nous sa bonté et sa miséricorde. Ouvrir son cœur, afin que la bonté et la miséricorde de Dieu pénètrent en nous. C’est ce que fait l’Esprit Saint avec le don de la crainte de Dieu : il ouvre les cœurs. Un cœur ouvert afin que le pardon, la miséricorde, la bonté, les caresses du Père viennent à nous, car nous sommes ses fils infiniment aimés.
Lorsque nous sommes envahis par la crainte de Dieu, alors nous sommes portés à suivre le Seigneur avec humilité, docilité et obéissance. Mais cela, non pas à travers une attitude résignée et passive, ou même de lamentation, mais avec l’émerveillement et la joie d’un fils qui se reconnaît servi et aimé par le Père. La crainte de Dieu, donc, ne fait pas de nous des chrétiens timides, soumis, mais engendre en nous courage et force ! C’est un don qui fait de nous des chrétiens convaincus, enthousiastes, qui ne sont pas soumis au Seigneur par peur, mais parce qu’ils sont émus et conquis par son amour ! Être conquis par l’amour de Dieu ! Et cela est une belle chose. Se laisser conquérir par cet amour de papa, qui nous aime tant, qui nous aime de tout son cœur.
Mais soyons attentifs, parce que le don de Dieu, le don de la crainte de Dieu est également une « alarme » face à la ténacité du péché. Lorsqu’une personne vit dans le mal, lorsqu’elle blasphème contre Dieu, lorsqu’elle exploite les autres, lorsqu’elle les tyrannise, lorsqu’elle ne vit que pour l’argent, pour la vanité, ou le pouvoir, ou l’orgueil, alors la sainte crainte de Dieu nous met en garde : attention ! Avec tout ce pouvoir, avec tout cet argent, avec tout ton orgueil, avec toute ta vanité, tu ne seras pas heureux. Personne ne peut apporter avec soi dans l’au-delà ni l’argent, ni le pouvoir, ni la vanité, ni l’orgueil. Rien ! Nous ne pouvons apporter que l’amour que Dieu le Père nous donne, les caresses de Dieu, acceptées et reçues par nous avec amour. Et nous pouvons apporter ce que nous avons fait pour les autres. Attention à ne pas placer l’espérance dans l’argent, dans l’orgueil, dans le pouvoir, dans la vanité, parce que tout cela ne nous promet rien de bon! Je pense, par exemple, aux personnes qui ont une responsabilité sur les autres et qui se laissent corrompre ; vous pensez qu’une personne corrompue sera heureuse dans l’au-delà ? Non, tout le fruit de sa corruption a corrompu son cœur et il sera difficile d’aller vers le Seigneur. Je pense à ceux qui vivent de la traite des personnes et du travail d’esclave ; vous pensez que ces gens qui sont impliqués dans la traite des êtres humains, qui exploitent les personnes à travers le travail d’esclave ont dans leur cœur l’amour de Dieu ? Non, ils n’ont pas la crainte de Dieu et ne sont pas heureux. Ils ne le sont pas. Je pense à ceux qui fabriquent des armes pour fomenter les guerres ; mais pensez un peu au genre de métier que c’est. Je suis certain que si je vous pose à présent la question : combien de vous sont fabricants d’armes ? Personne, personne. Ces fabricants d’armes ne viennent pas écouter la Parole de Dieu ! Ils fabriquent la mort, ils sont marchands de mort et font un commerce de mort. Que la crainte de Dieu leur fasse comprendre qu’un jour, tout finit et qu’ils devront rendre compte à Dieu.
4.5. Les fruits de l’Esprit Saint[115]
Dans les notes précédentes, nous avons parlé des dons de l’Esprit Saint ; dans les points qui suivent, nous parlerons des fruits de l’Esprit Saint. Les fruits de l’Esprit, C’est l’Apôtre Paul qui nous en parle dans sa lettre aux Galates : « Mais le fruit de l’Esprit est charité, joie, paix, longanimité, serviabilité, bonté, confiance dans les autres, douceur, maîtrise de soi » (Ga 5, 22-23). Si l’on compte, cela fait 9 fruits selon l’approche paulinienne.
Mais le Catéchisme de l’Église catholique en énumère : « Les fruits de l’Esprit sont
des perfections que forme en nous le Saint-Esprit comme des prémices de la gloire
éternelle. La tradition de l’Église en énumère douze : « charité, joie, paix, patience, longanimité, bonté, bénignité, mansuétude, fidélité, modestie, continence, chasteté » (Ga 5, 22-23 vulg.) » (n°1832).
Pourquoi cette différence de nombre ?
Le Nouveau Testament était écrit au départ en grec ; lorsqu’il a été traduit en latin, par Saint Jérôme, le texte de Galates s’est « enrichi » avec la traduction de 3 fruits supplémentaires (on arrive ainsi au chiffre de 12, chiffre qui symboliquement exprime la plénitude !).
Quelle différence peut-on faire entre les dons de l’Esprit et les fruits de l’Esprit ?
Il ne faut pas trop vouloir séparer ces réalités, mais on peut faire la distinction suivante :
- Les dons de l’Esprit sont des dons de Dieu qui sont donnés à tous, comme des cadeaux que Dieu nous fait ; on peut recevoir tout d’un coup un don.
- Le terme « fruit » évoque non pas un don, mais une action progressive de Dieu en nous ; les fruits de l’Esprit mettent l’accent sur notre vie intérieure, qui se développe peu à peu et qui irrigue notre existence ; on ne reçoit pas tout d’un coup un fruit comme si c’était un don achevé que Dieu mettrait dans le cœur ; un fruit est le développement de la grâce de Dieu.
Les dons et les fruits sont complémentaires, et sont tous nécessaires à notre vie chrétienne. Souvenons-nous de ce que nous dit l’Apôtre Paul : « J’aurais beau avoir tous les dons, si je n’ai pas l’amour, cela ne sert à rien (1 Co 13,1ss)
Les fruits de l’Esprit Saint sont très liés les uns aux autres, au point que saint Paul dans sa lettre aux Galates parle au singulier du « fruit de l’Esprit », pour manifester l’unité de ce que donne le Saint Esprit (tandis que ce qui vient du diable divise au contraire ; le mot diable d’ailleurs veut dire « ce qui divise »). Passons en revue ces fruits de l’Esprit Saint, en commençant par ceux de la lettre aux Galates :
1) L'amour (ou la charité)
C’est un amour gratuit, un amour inconditionnel (sans conditions), un amour généreux (on donne sans compter). C’est le renoncement à l’égoïsme. Cet amour recherche ce qui est le meilleur pour l’autre. L’amour n’est pas un don de Dieu ; c’est un fruit : la participation à l’amour même de Dieu pour les hommes (en grec, agapè) ; on grandit peu à peu dans l’amour, au fur et à mesure du développement de notre vie spirituelle ; et c’est à nous de mettre les conditions pour qu’il grandisse.
2) La joie
C’est une joie plus profonde que la gaieté ou le sentiment de bonheur éprouvé lors d’événements heureux. La joie donnée par Dieu ne dépend pas des circonstances extérieures de notre vie. Elle s’ancre dans la certitude d’être aimé de Dieu, quoi qu’il arrive.
3) La paix
Ce n’est pas l’absence de conflits. C’est une tranquillité de notre être intérieur, une tranquillité de l’âme ; comme nous sommes en bord de mer, on peut prendre une comparaison : même si la mer est agitée, si je plonge sous l’eau, je trouve le calme. Même si nous traversons des choses difficiles, nous savons que nous sommes dans la main de Dieu. Nous pouvons reprendre ce beau refrain de Taizé : « Mon âme se repose en paix sur Dieu seul ; de lui vient mon salut ; oui, sur Dieu seul, mon âme se repose, se repose en paix ». Nous pouvons aussi penser à la béatitude : « heureux les artisans de paix... ».
4) La patience
C’est la capacité que nous avons de pouvoir traverser les moments plus difficiles sans nous énerver, sans mécontentement, sans ressentiment ni murmure. La capacité de tolérer les imperfections, les contrariétés et les contre-temps, et aussi la capacité d’attendre, parfois très longtemps, ce que l’on désire.
5) La bonté
La bonté, c’est la capacité de voir à la manière de Dieu, c’est-à-dire avec amour ; être compatissant. Elle rime avec la générosité. La bonté n’est pas un signe de faiblesse mais au contraire un signe de force : nous croyons en la force de l’amour qui peut transformer les vies.
6) La bienveillance
C’est ne vouloir faire aucun mal à personne ; on veut le bien de l’autre (bienveillance = on veille au bien de l’autre) ; elle rime avec l’indulgence, la non-condamnation et l’empathie, la compréhension de la souffrance et de l’ignorance qui sous-tendent le mal, et la volonté de leur guérison. Elle rime avec la capacité à pardonner généreusement.
7) La fidélité (ou encore la confiance, la foi)
Dieu est fidèle à son Alliance avec les hommes ; nous aussi, nous grandissons dans la confiance et dans la fidélité à Dieu et aux autres. Cela passe notamment par le respect de la parole donnée, des engagements pris. On peut compter sur nous.
8) La douceur
Les personnes douces sont calmes, donnent une impression reposante ; elles sont facilement abordables ; on sent auprès d’elles que l’on est accueilli. « Mettez-vous à mon école, car je suis doux et humble de cœur. » nous dit Jésus (Matthieu 11,29) ; il nous dit aussi dans les béatitudes : « heureux les doux... ».
9) La maîtrise de soi (ou encore la tempérance)
Ce n’est pas une maîtrise de soi à la force du poignet, mais une vertu intérieure qui se développe et qui fait que l’on est maître de soi chaste, sobre et modéré.
Ajoutons pour finir les 3 fruits issus de la tradition :
10) La modestie
C’est une attitude d’humilité : on est à sa juste place ; elle rime avec la pudeur (le fait de garder pour soi comme son trésor le plus précieux, son intimité physique et sentimentale).
11) La chasteté
C’est vivre une relation saine avec les autres qui nous entourent ; ni trop proche, ni trop distante ; ne pas chercher à mettre la main sur l’autre mais au contraire le faire grandir en liberté ; et à l’inverse préserver soi-même sa liberté.
12) La continence (ou la contenance)
Savoir se priver parfois pour vérifier sa liberté ; être raisonné, réfléchi et raisonnable.
En bref, regardons les fruits de nos arbres fruitiers qui mûrissent peu à peu, et rappelons-nous qu’un fruit ne mûrît pas du jour au lendemain. Il en est de même pour nous. Il faut du temps pour qu’un chrétien grandisse en maturité spirituelle. De mois en mois, nous produisons des fruits nouveaux ! (Apocalypse 22, 2)
Notre but doit être de toujours rechercher les fruits de l’Esprit, nous rappelant que c’est le Saint-Esprit qui est responsable de leur croissance, mais qu’il nous revient de mettre de la bonne terre, de l’engrais, d’arroser et de mettre au soleil !
Et n’oublions pas que le fruit grandit s’il reste rattaché à l’arbre : restons rattachés à Dieu !
Jour après jour, Dieu donnera aux fruits de grandir en nous, pour nous conformer toujours davantage à l’image de son Fils ! « Ce n’est pas vous qui m’avez choisi, c’est moi qui vous ai choisis et établis, afin que vous alliez, que vous portiez du fruit, et que votre fruit demeure » (Jn 15,16).
ARTICLE V : L’ESPRIT SAINT
SELON LE CONTEXTE HUMAIN
ET ECCLÉSIAL
5.1. Yves Congar et l’Esprit Saint[116]
Nous ne pouvons pas réfléchir sur la théologie de l’Esprit Saint sans prendre en compte le riche apport d’Yves Congar, ecclésiologue français qui a marqué la théologie du XXe siècle notamment par sa pneumatologie. Il est considéré par beaucoup comme le principal théologien de l’Esprit Saint depuis le haut Moyen-Âge. Sa pensée pneumatologique est d’une clarté théologique indiscutable. Nous pouvons citer son fameux ouvrage intitulé Je crois en l’Esprit Saint[117], initialement publié en trois volumes, et qui constitue une somme sans équivalent sur Celui qui exprime l’essence même de Dieu : l’amour et la communion, et donc l’âme de l’Église, c’est-à-dire l’Esprit Saint. Pour Congar, l’Esprit Saint est l’acteur principal de la vie de l’Église et de chacune de nos vies. Sa pensée pneumatologique est une réelle interrogation du mystère de Dieu-Trinité dans sa vie intime et dans son œuvre de régénération par les sacrements. Pour lui également, l’Esprit Saint est le principe de vie de l’histoire humaine et le centre de l’expérience personnelle de la foi. Sa théologie pneumatologique dépeint une réelle activité permanente de l’Esprit dans le concret de notre vie comme gage de la proximité de Dieu. Nous pouvons dire sans réserve que le mystère de l’Esprit Saint a beaucoup préoccupé son itinéraire théologique. À sa suite, beaucoup d’autres sont investis dans le travail constant de l’élaboration d’une théologie pneumatologique qui met en exergue le mystère de l’Esprit Saint, son rapport au Christ et son rôle dans l’économie du salut et dans l’Église.
Yves Congar a développé sa pneumatologie autour de trois piliers importants : l’œcuménisme, l’ecclésiologie et la christologie[118].
- L’œcuménisme : pour cet ecclésiologue français (Congar), l’œcuménisme est un acte de l’Esprit Saint. Il soutient lui-même dans ses écrits que l’œcuménisme est un lieu primordial pour le développement de la théologie pneumatologique. Il trouve que le dialogue avec les protestants et les orthodoxes nous ouvre à la pneumatologie longtemps négligée dans nos approches théologiques.
- L’ecclésiologie : Congar est un passionné de l’Église. Son ecclésiologie est foncièrement pneumatologique. Il fait passer d’une « vision juridique et hiérarchique de l’Église en tant societas perfecta à un regard plus religieux de communion du Peuple de Dieu, corps du Christ Vivant »[119]. Une ecclésiologie pneumatologique qui permet de valoriser la place centrale du peuple de Dieu dans la vie de l’Église et de comprendre mieux que celle-ci se construit par l’Esprit Saint.
- La christologie : c’est le troisième pilier dans l’élaboration de la théologie de l’Esprit Saint du cardinal français Yves Congar. On a longtemps accusé la christologie catholique d’être christomoniste, c’est-à-dire une christologie exagérément centrée sur le Christ au détriment des autres Personnes trinitaires. Pour lui, on peut admettre que le concile Vatican II est très christocentrique mais non christomonique. Il a beaucoup étudié le rôle de l’Esprit Saint en christologie et en théologie chrétienne en général[120].
5.2. Bernard Sesboüé et l’Esprit Saint
Le théologien jésuite Bernard Sesboüé, décédé récemment, a beaucoup écrit, lui aussi, sur l’Esprit Saint. La pneumatologie occupe ses réflexions théologiques avec acuité. Son ouvrage le plus récent sur la Personne de l’Esprit Saint date de 2009[121]. Il admet que la possibilité de définir l’Esprit Saint, ― « sujet paradoxal » et sans visage », est limitée. Saint Thomas d’Aquin lui-même fait part de la pauvreté de son vocabulaire pour cerner la troisième personne de la Trinité. Ainsi, Bernard Sesboüé parle-t-il de « méta-personne » ou de « supra personne ».
Le terme de « meta » signifie ce qui est au-delà de la personne, comme métaphysique signifie ce qui est au-delà de la physique. Appeler l’Esprit « méta-personne » ou « supra-personne », c’est dire qu’il n’est pas une chose. En outre, il nomme l’Esprit Saint comme « une personne originale ». Pour lui, l’Esprit Saint est celui dont on parle, mais il n’est pas un partenaire à qui on s’adresse. Il apparaît dans le NOUS du Père et du Fils[122]. Berrnard Sesboüé soutient que par rapport à nous, l’Esprit est donc une « méta-personne » ; puisqu’il agit au plus profond sujet personnel humain. Il est un Il méta-personnel, puisqu’il fait de nous des personnes adoptées et filiales à l’égard du Père et des personnes fraternelles à l’égard du Fils[123]. S’appuyant sur Augustin et Congar qu’il cite régulièrement dans ses travaux théologiques sur l’Esprit Saint, il parle de Celui-ci comme Amour personnifié du Père et du Fils, comme Don mutuel du Père et du Fils.
5.3. Le concile Vatican II et l’Esprit Saint
Le concile Vatican II, pour reprendre le saint Pape Jean-Paul II[124], nous enseigne que « l’Esprit du Seigneur », qui comble de ses dons le Peuple de Dieu en pèlerinage dans l'histoire, « replet orbem terrarum », remplit tout l’univers (cf. Gaudium et Spes, n. 11). Il guide sans cesse les hommes vers la plénitude de la vérité et de l’amour que Dieu le Père a communiquée en Jésus-Christ.
Le concile Vatican II suit « cette conscience profonde de la présence et de l’action de l’Esprit Saint » qui « illumine depuis toujours la conscience de l’Église », pour une plus grande ouverture au monde. L’Esprit Saint est à l’origine de Vatican II. C’est lui qui a inspiré « le bon pape », Jean XXIII, comme on le surnommait, dont toute la personne exprimait la bonté à convoquer le concile. Dans la bulle d’indiction du Concile du 25 décembre 1961 il écrit : « C’est pourquoi, obéissant à une voix venue de Notre cœur comme une inspiration surnaturelle, Nous avons pensé que les temps étaient mûrs pour donner à l’Église catholique et à toute la famille humaine un nouveau concile œcuménique…La joie avec laquelle les catholiques du monde ont accueilli son annonce, les prières incessantes de toute l’Église à cette intention, l’ardeur manifestée dans le travail de préparation ont confirmé abondamment Notre espérance ».
On voit bien là l’action de l’Esprit Saint, Jean XXIII répond à une motion de l’Esprit qui se trouve ensuite confirmée. Et le pape avait demandé aux catholiques du monde entier de faire cette prière : « Ô Esprit Saint envoyé par le Père au nom de Jésus, qui assistes l’Église de ta présence et la diriges infailliblement, daigne nous t’en prions, répandre la plénitude de tes dons sur l’Église universelle. Renouvelle en notre époque, comme en une nouvelle Pentecôte, tes merveilles ».
Paul VI, lors du discours de clôture du Concile, le 7 décembre 1965, souligne : « L’Église s’est recueillie pour retrouver en elle-même la Parole du Christ, vivante et opérante dans l’Esprit Saint, pour scruter plus à fond le mystère, c’est-à-dire le dessein et la présence de Dieu… Le Concile s’est tenu, en l’honneur de Dieu, au nom du Christ et sous l’impulsion de l’Esprit Saint. Cet Esprit « qui pénètre toute chose », qui ne cesse d’animer l’Église « afin de nous faire connaître les dons de Dieu sur nous » (1 Cor., 2, 10-12), c’est lui qui donne à l’Église la vision à la fois profonde et totale de la vie et du monde. Non, l’Église n’a pas dévié, mais elle s’est tournée vers l’homme. L’Église se penche sur l’homme et sur la terre, mais c’est vers le Royaume de Dieu que son élan la porte ».
En fait les 16 documents conciliaires sont tous traversés par cette foi dans la Promesse de Jésus qui continue à faire Don de son Esprit Saint à l’Église, Corps du Christ par la grâce de l’Esprit. Enfin c’est Lui qui nous donne de vivre en chrétien par la Vie dans l’Esprit. Cette vie dans l’Esprit, si elle est accueil du don de Dieu, ne peut pourtant se passer de nos efforts pour chercher Dieu dans nos vies. C’est le Père Tardif, guéri d’une grave affection pulmonaire, auquel l’Esprit Saint avait accordé un grand charisme de guérison, qui racontait cette histoire à propos d’un prêtre haïtien qui avait fait une forte expérience de l’Esprit Saint : « Tu sais père, avec l’Esprit Saint qui mettra dans mon cœur tout ce que j’aurais à dire à mes paroissiens, je n’aurais même plus besoin de préparer mes homélies. Et le Père Tardif, du tac au tac lui répond, « tu sais ce qu’il te dit l’Esprit Saint ? » « non… » répond l’autre, « Eh bien, Il te dit que tu es un paresseux ! »
Ces simples opinions que nous venons de passer en revue, nous permettent d’apprécier la pneumatologie du concile Vatican II pour plusieurs raisons. D’abord, l’Esprit Saint trouve une place importante dans l’ecclésiologie conciliaire[125]. Puis, la constitution Lumen Gentiumest remplie de termes pneumatiques dans des lieux stratégiques[126]. Enfin, le concile Vatican II reconnaît que l’Esprit Saint ne se confine pas dans l’Église, mais celui-ci agit en dehors de ses frontières. Cela explique la mention de l’Esprit dans d’autres domaines cruciaux ou d’autres constitutions ou décrets issus du concile.
5.4. Le témoignage de la liturgie
S’il y a un lieu authentique où l’homme doit adresser à Dieu une parole qui est pleinement docile à l’inspiration de l’Esprit Saint, c’est dans la liturgie. L’Esprit Saint évite de tomber dans le « formalisme ». Il permet à notre esprit de s’accorder à notre cœur pour que notre prière liturgique soit une vraie prière qui nous élève vers Dieu. Il n’y a pas de liturgie sans l’Esprit Saint. Le catéchisme de l’Église Catholique (CEC), précise : « Dans la liturgie l’Esprit Saint est le pédagogue de la foi du peuple de Dieu, l’artisan des "chefs-d’œuvre de Dieu" que sont les sacrements de la Nouvelle Alliance. Le désir et l’œuvre de l’Esprit au cœur de l’Église est que nous vivions de la vie du Christ ressuscité » (CEC, n° 1091). Ceci dit, l’Esprit Saint est l’acteur principal de toutes les actions liturgiques et sacramentelles de l’Église : « L’Esprit et l’épouse disent : "Viens ! " » (Ap 22, 17).
La célébration de tout sacrement comporte une dimension épiclétique soit par l’imposition des mains soit par une prière pneumatologique. C’est par l’Esprit Saint que le Christ « vient-en-présence » dans l’assemblée liturgique et dans les actes sacramentels de l’Église proprement dits. C’est l’Esprit Saint qui est à l’œuvre dans la transformation du pain et du vin dans le sacrement de l’Eucharistie pour la subsistance de notre vie chrétienne : « C’est pourquoi nous te supplions, Seigneur, de consacrer toi-même les offrandes que nous apportons : sanctifie-les par ton Esprit pour qu’elles deviennent le Corps et le Sang de ton Fils, Jésus Christ, notre Seigneur » (Prière eucharistique III), « Quand nous serons nourris de son Corps et de son Sang, et remplis de l’Esprit Saint, accorde-nous d’être un seul corps et un seul esprit dans le Christ » (PE III). C’est l’Esprit Saint qui réalise la communion. Le corps eucharistique ne va pas sans le corps ecclésial : union opérée par l’Esprit Saint qui continue l’œuvre du Christ dans le monde et achève toute sanctification (cf. PE IV).
La constitution sur la liturgie, Sacrosanctum concilium (SC) précise que « la liturgie édifie chaque jour ceux qui sont au-dedans pour en faire un temple saint dans le Seigneur, une habitation de Dieu dans l’Esprit » (SC, n° 2). Cette édification de l’être chrétien est façonnée par la grâce qui est le don de l’Esprit Saint reçu dans chaque sacrement[127]. La croissance spirituelle du chrétien est une croissance dans l’Esprit. L’existence sacramentelle que suscite la liturgie pour le chrétien est une activité de l’Esprit Saint. Chaque sacrement, souligne Bernard Maitte, est une manière d’être rempli de l’Esprit Saint et d’y puiser comme à une source qui ne se tarit pas[128]. L’Esprit Saint inspire et nourrit la prière de l’Église et celle de chaque chrétien. Et, « c’est dans toute la liturgie que nous est donné l’Esprit Saint, qui déploie la Pâque du Seigneur dans notre vie. Cela se vérifie au plus intime de nous-mêmes quand nous prions »[129]. C’est l’Esprit Saint qui donne à la liturgie d’être missionnaire. Conduite par l’Esprit Saint, elle une action en faveur de tout le peuple de Dieu. Elle est donc le lieu du travail de l’Esprit qui « offre à tous, d’une façon que Dieu seul connaît, la possibilité d’être associé au mystère pascal du Christ »[130]. La liturgie est un engagement dans la foi, selon ce que dit saint Paul : « "Personne ne peut dire : "Jésus est Seigneur", s’il n’est avec l’Esprit Saint » (1 Co 12, 3)[131].
CONCLUSION
Tout au long de ce parcours, nous avons approfondi notre connaissance sur la théologie de l’Esprit Saint. Mais, avons-nous tout compris par rapport à l’Esprit Saint ? Certainement pas ! L’Esprit Saint, comme les deux autres Personnes qui sont le Père et le Fils d’un seul Dieu trine, est un mystère. Aucun être humain ne peut épuiser le mystère de Dieu. Nous pouvons comprendre davantage la largeur, la longueur, la hauteur et la profondeur du mystère de Dieu qui est trine sans jamais l’épuiser. Le Père, le Fils et l’Esprit Saint, sont co-égaux, coéternels et coglorifiés. Les trois personnes divines, d’un seul Dieu peuvent être distinguées sans être séparées. Elles ont la même substance divine mais elles sont trois hypostases distinctes.
Dans cette dynamique, il est bon de reprendre ce que dit le Père Daniel Blaj appelant lui aussi à la prudence quand à parler ou à définir la Troisième Personne de la Trinité : l’Esprit Saint : « Je ne sais pas s’il est bon d’enfermer l’Esprit Saint dans une définition, car il est toujours lié à quelque chose de relationnel qui ouvre l’homme vers le Christ», explique-t-il. D’où l’importance des témoignages de foi pour appréhender la troisième personne de la Trinité. L’Esprit Saint est associé à l’histoire de Jésus. Il est évoqué dès les toutes premières professions de foi.
Luc nous dit qu’il est lié à l’incarnation (Le 1, 35), Jean parle du Paraclet (Jn 14-16). Toutes ces occurrences textuelles nous permettent de dire quelque chose de l’Esprit Saint, sans pouvoir le saisir complètement. C’est en regardant le Nouveau Testament qu’il est possible de déduire que l’Esprit Saint « est bien un agent divin ». L’Esprit Saint est celui qui nous aide à passer vers l’intériorité ; c’est celui qui nous aide à approfondir notre « moi ». C’est pour cela qu’il est lié au cheminement intérieur.
Saint Augustin disait que c’est à l’intérieur de l’homme que Dieu se laisse rencontrer. Le théologien allemand Heribert Mûhlen parle de l’Esprit en disant « le grand moi » du Christ. Mûhlen veut dire que chacun d’entre nous a une relation avec le Christ grâce à l’Esprit Saint dans une communion qui n’est autre que le corps de l’Église. Le théologien Louis Bouyer, enfin, définit l’Esprit Saint comme « la pulsation du cœur de Dieu ».
[1] Saint Irénée parlait des deux mains du Père (le Christ et l’Esprit) : cf. Aversus Haeresus 4, 6, 7.
[2] Jean-Paul II, Lettre encyclique Redemptoris Missio sur la valeur permanente du précepte missionnaire, Rome, le 7 décembre 1990, n° 28.
[3] Cf. Sesboüé Bernard, Croire. Invitation à la foi catholique pour les femmes et les hommes du XXIe siècle, Paris, Droguet & Ardant, 1999, p. 386.
[4] H.-U.-V.- Balthasar, « Le Saint Esprit. L’Inconnu au-delà du Verbe », Lumière et Vie, 67 (1964), p. 115-126.
[5] Cf. Jacques Guillet, « Esprit/Esprit de Dieu », Vocabulaire de théologie biblique, Xavier Léon-Dufour et al. (dir.), Deuxième édition révisée et augmentée, Paris, Cerf, 1970, p. 391.
[6] Cf. Gn 1, 2 ; 6, 3-7 ; 19, 13.24.25 ; 41, 38 ; Ex 31, 3 ; 35, 31 ; Nb 11, 17 ; 14, 26-45 ; 24, 2 ; 27, 18 ; Dt 1, 42 ; 28, 15-68 ; 31, 17.18 ; Ne 9, 20 ; Jb 16, 19; 32, 8; 33, 4; Ps 51, 11.12; 103, 9; 139, 7; Is 4, 4; 6, 8 ; 11, 2 ; 28, 6 ; 30, 1 ; 32, 15 ; 40, 13 ; 42, 1 ; 44, 3.4 ; 48, 16 ; 51, 12 ; 54, 13 ; 59, 19.21 ; 61, 1 ; 63, 10.11.14 ; Ez 8, 3 ; 11, 1.5.24 ; 36, 27 ; 37, 9,14 ; 39, 29 ; Jl 2, 28.29 ; Mi 2, 7 ; 3, 8 ; Hg 2, 5 ; Jg 3, 10 ; Jd 6, 34 ; 11, 29 ; 13, 25 14, 6.19 ; 16, 20 ; 1 Ch 28, 11,12 ; 2 Ch 15, 1 ; 2 Ch 24, 20 ; Dn 4, 8 ; 1 S 16, 14 ; 18, 10-12 ; 19, 9-11 ; 20, 30-33 ; 22, 7-19 ; 28, 15.16 ; 2 S 7, 15.
[7]Joseph Blank et Peter Knauer, « Esprit Saint/Pneumatologie », Dictionnaire de théologie, Peter Eicher (dir.), Paris, Cerf, 1988, p.183.
[8] Simone Pacot, Ouvrir la porte à l’Esprit, Paris, Cerf, 2011, p. 18.
[9] Cf. Paul Beauchamp et Joseph Wolinski, « Esprit Saint », Dictionnaire critique de théologie, Jean-Yves Lacoste (dir.), Paris, PUF, « Référence » 374, 1998, p. 404.
[10] Simone Pacot, Ouvrir la porte à l’Esprit, Paris, Cerf, 2011, p. 19.
[11] Il y a beaucoup de textes dans le Nouveau Testament qui parlent de l’Esprit Saint : Mt 1, 18.20 ; 3, 11.16.17 ; 4, 1; 10, 2 ; 12, 28.31.32 ; 28, 19 ; Mc 1, 10 ; 12, 36 13, 11 ; Lc 1, 15.35.41.67 ; 2, 10.25-27 ; 3, 22.29 ; 4, 18 ; 11, 13 ; 12, 10.12 ; 24, 49 ; Jn 1, 9.32.33 ; 3, 5.6.34 ; 4, 14 ; 6, 45.63 ; 7, 38,39 ; 14, 16.17.26 ; 15, 26 ; 16, 7-14 ; 20, 22 ; Ac 1, 2.5.8.16 ; 2, 2-4.33.38 ; 4, 8.31 ; 5, 3.4.9.32 Ac 5, 3,9 ; 7, 51 ; 6, 3.5 ; 7, 51.55 ; 8, 15-22.29 ; 9, 17.31 ; 10, 19.20.44-47 ; 11, 15.16.24 ; 13, 2.4.9.52 ; 15, 8.28 ; 16, 6.7 ; 19, 2-6 ; 20, 28 ; Rm 1, 4 ; 5, 3-5 ; 8, 1-27 ; 9:1 ; 11:33.34 ; 14:17 ; 15:13.16.18.19.30 ; 1Co 2:4.10-14 ; 3:16 ; 6:11.19 ; 12:3-11 ; 2Co 1:22 ; 3, 3.6.8.17.18 ; 5, 5 ; 6, 4.6 ; 13, 14 ; Ga 3, 2.3.14 ; 4, 6 ; 5, 5.17.18.22.23.25 ; 6, 8 ; Ep 1, 12- 14.17 ; 2, 18.22 ; 3, 5.16 ; 4, 3.4.30 ; 5, 9.18 ; 6, 17.18 ; Ph 1, 19 ; 2, 1 ; Col 1, 8 ; 1Th 1, 5.6 ; 4, 8.9 ; 5, 19 ; 2Th 2, 13 ; 1Tm 4, 1 ; 2 Tm 1, 7.14 ; Tt 3, 5.6 ; Hé 2, 4 ; 3, 7 ; 6, 4 ; 9, 14 ; 10, 15.29 ; 1P 1, 2.11.12.22 ; 3, 18 ; 4, 14 ; 2 P 1, 21 ; 1 Jn 2, 20 ; 3, 24 ; 4, 2.13 ; 5, 6-8.16 ; Jd 1, 19.20 ; Ap 1, 4 ; 2, 7.11.29 ; 4, 5 ; 5, 6 ; 11, 11 ; 14, 13 ; 19, 10 ; 22, 17.
[12]Cf. Joseph Blank et Peter Knauer, « Esprit Saint/Pneumatologie », Dictionnaire de théologie, Peter Eicher (dir.), Paris, Cerf, 1988, p. 185.
[13] Cf. Bernard Sesboüé, Croire. Invitation à la foi catholique pour les femmes et les hommes du XXIe siècle, Paris, Droguet & Ardant, 1999, p. 388.
[14] Joseph Blank et Peter Knauer, « Esprit Saint/Pneumatologie », Dictionnaire de théologie, Peter Eicher (dir.), p. 185.
[15] Cf. Id.
[16] Bernard Sesboüé, Croire. Invitation à la foi catholique pour les femmes et les hommes du XXIe siècle, p. 388.
[17] Le nouveau Théo, L’encyclopédie catholique pour tous, Paris, Mame, 2009, p. 725.
[18] Bernard Sesboüé, Croire. Invitation à la foi catholique pour les femmes et les hommes du XXIe siècle, p. 389-390.
[19] Cf. Marie-Joseph Nicolas, Théologie de la résurrection, Paris, Desclée, 1982, p. 254.
[20] Ibid., p. 251.
[21] Les notes de ce troisième article de notre cours sont quasiment tirées dans Joseph Wolinski, « Chapitre V. Le mystère de l’Esprit Saint », L’Esprit Saint, (en ligne), Bruxelles, Presses de l’Université Saint-Louis, 1984, http://books.openedition.org, consulté le 26 octobre 2021.
[22] Joseph Wolinski, « Chapitre V. Le mystère de l’Esprit Saint », L’Esprit Saint, (en ligne), op. cit.
[23] Cf. Michel Deneken, La foi pascale. Rendre compte de la résurrection de Jésus aujourd’hui, Paris, Cerf, 2002, p. 541.
[24] Id.
[25] Ibid., p. 578.
[26] Bernard Sesboüé, Croire. Invitation à la foi catholique pour les femmes et les hommes du XXIe siècle, Paris, Droguet & Ardant, 1999, p. 390.
[27] Ibid., p. 391.
[28] Joseph Wolinski, « Chapitre V. Le mystère de l’Esprit Saint », L’Esprit Saint, (en ligne), op. cit.
[29] Marie-Hugues Lavocat, L’Esprit de vérité et d’Amour, Paris, 1968, p. 50.
[30] Id.
[31] Id.
[32]Cf. Marie-Hugues Lavocat, L’Esprit de vérité et d’Amour, p. 51.
[33] Joseph Wolinski, « Chapitre V. Le mystère de l’Esprit Saint », L’Esprit Saint, (en ligne), op. cit.
[34] Marie-Joseph Le Guillou, Le visage du Ressuscité, Paris, Éditions ouvrières, 1968, p. 123.
[35] Id.
[36] Joseph Moingt, L’Évangile de la résurrection. Méditations spirituelles, Paris, Bayard, 2008, p. 73.
[37] Cf. Joseph Wolinski, « Chapitre V. Le mystère de l’Esprit Saint », L’Esprit Saint, (en ligne), op. cit.
[38] Id.
[39] Simone Pacot, Ouvrir la porte à l’Esprit, p. 25.
[40] Les évêques de France, Catéchisme pour adultes, Paris, Centurion, Cerf (all.), 1991, p. 143.
[41] Cf. Michel Deneken, La foi pascale, Paris, Cerf, 2002, p. 583.
[42] De grec ἐπί (épi) καλέω (kaléô), « appeler sur ».
[43] Joseph Wolinski, « Chapitre V. Le mystère de l’Esprit Saint », L’Esprit Saint, (en ligne), op. cit.
[44] Cité par Jean-Philippe Revel dans son ouvrage Traité des sacrements, I. Baptême et sacramentalité, vol. 2, Don et réception de la grâce baptismale, Paris, Cerf, 2005, p. 55-56.
[45] Cf. Jean-Philippe Revel, Traité des sacrements, I. Baptême et sacramentalité, vol. 2, Don et réception de la grâce baptismale, p. 59.
[46]Cf. Joseph Wolinski, « Chapitre V. Le mystère de l’Esprit Saint », L’Esprit Saint, (en ligne), op. cit.
[47] Id.
[48] Voir 1 Co 15, 44-49.
[49] Cf. Joseph Wolinski, « Chapitre V. Le mystère de l’Esprit Saint », L’Esprit Saint, (en ligne), op. cit.
[50] Id.
[51] Nous nous sommes inspirés ici de Wolinski.
[52] Id.
[53] Cité par Joseph Moingt dans son article : « L’Esprit Saint : le Troisième », article disponible en ligne à l’adresse : https://www.cairn.info/revue-etudes-2003-6-page-777.htm, consulté le 14/02/2022.
[54] J. Moingt, « L’Esprit Saint : le Troisième », op. cit.
[55] Cf. Bernard Sesboüé, Croire. Invitation à la foi catholique pour les femmes et les hommes du XXIe siècle, p. 397.
[56] Id.
[57] Ibid., p. 398.
[58] Joseph Wolinski, « Chapitre V. Le mystère de l’Esprit Saint », L’Esprit Saint, (en ligne), op. cit.
[59] Id.
[60] Joseph Wolinski, « Chapitre V. Le mystère de l’Esprit Saint », L’Esprit Saint, (en ligne), op. cit.
[61] Voir Wolinski, fragment cité par Athanase d’Alexandrie dans Au sujet de l’opinion de Denys 23, 2, Athanasius Werke II, p. 63 ; PG. 26, 212 13.
[62] Cf. René Laurentin, L’Esprit Saint, cet inconnu, Fayard, 1998, p. 376.
[63] Voir Ibid., p. 375-381.
[64] Voir jacques Liébaert, Les Pères de l’Église, Vol. 1, Ier au IVe siècle, Paris, Desclée, 1986, p. 168. Ce texte est annexé aux notes de cours.
[65] Joseph Wolinski, « Chapitre V. Le mystère de l’Esprit Saint », L’Esprit Saint, (en ligne), op. cit.
[66] Malaspina Elena, « Esprit Saint », Dictionnaire encyclopédique du christianisme ancien, Angeli Di Berardino (dir.), François Vial (dir.), Adaptation française,Tome I, Paris, Cerf, 1990, p. 870.
[67] Voir (dans l’ordre) : Mt 1, 20 ; Lc 1, 35 ; Ac 28, 25 ; 1 P 2, 21 ; 2 Co 3, 17-18 ; 1 Co 15, 45 ; 2 Co 3, 6 ; Jn 6, 63 ; Jn 15, 26 ; 1 Co 2, 12.
[68]Cf. Elena Malaspina, « Esprit Saint », Dictionnaire encyclopédique du christianisme ancien, Angeli Di Berardino (dir.), François Vial (dir.), Adaptation française,Tome I, Paris, Cerf, 1990, p. 870.
[69] Michel Fédou, « L’Esprit Saint selon les Pères de l’Église : de la théologie prénicienne aux premières controverses sur le filioque (2e – 8esiècles) », https://www.scielo.br, consulté le 1/03/2022.
[70] Joseph Wolinski, « Chapitre V. Le mystère de l’Esprit Saint », L’Esprit Saint, (en ligne), op. cit.
[71] Cf. Jean Richard, « Pour une théologie de l’Esprit Saint », Laval théologique et philosophique, 36 (1), 47-75. https://doi.org/10.7202/705774ar, consulté le 21 mars 2022, p. 52.
[72] Cf. Saint Augustin, « La Trinité », 1. V, ch. XI, n. 12 ; Œuvres de saint Augustin, t. 15, D.D.B., 1955, p. 43.
[73] Cf. Jean Richard, « Pour une théologie de l’Esprit Saint », Laval théologique et philosophique, p. 52.
[74] Cf. Joseph Wolinski, « Chapitre V. Le mystère de l’Esprit Saint », L’Esprit Saint, (en ligne), op. cit.
[75] Id.
[76] Id.
[77] C’est ce sens qu’on retrouve chez Augustin et chez Thomas d’Aquin.
[78] Saint Augustin, De Trinitate, 15, 37.
[79] Pour une meilleure compréhension de ces deux aspects, voir Yves Congar, Je crois en l’Esprit, t. 3, Paris, Cerf, 1980, p. 116-134.
[80] Le mot périchorèse signifie « danse autour ». Il se fonde par exemple sur cette parole de Jésus : « Je suis dans le Père et le Père est en moi » (Jn 15, 16).
[81] Joseph Wolinski, « Chapitre V. Le mystère de l’Esprit Saint », L’Esprit Saint, (en ligne), op. cit.
[82] Nous nous inspirons largement de l’ouvrage de Bernard Sesboüé intitulé : Croire. Invitation à la foi catholique pour les femmes et les hommes du XXIe siècle, p. 394-396.
[83] Ibid., p. 394.
[84] Cf. Jn 14, 16.
[85] Bernard Sesboüé, Croire. Invitation à la foi catholique pour les femmes et les hommes du XXIe siècle, p. 394.
[86] Cf. Bernard Sesboüé, Croire. Invitation à la foi catholique pour les femmes et les hommes du XXIe siècle, p. 396.
[87] Nous traiterons ces thèmes au quatrième article de notre cours.
[88] Bernard Sesboüé, Croire. Invitation à la foi catholique pour les femmes et les hommes du XXIe siècle, p. 395.
[89] Ibid., p. 396.
[90] Nous nous sommes inspirés de Bernard Sesboüé, p. 396.
[91] Bernard Sesboüé, Croire. Invitation à la foi catholique pour les femmes et les hommes du XXIe siècle, p. 395.
[92] Saint Augustin, De la Trinité, liv. XV, n° 27.
[93] Pape Jean-Paul II, Audience générale, Vatican, Mercredi 10 juin 1990.
[94] Saint Augustin, De la Trinité, liv. XV, n° 32.
[95] Cf. Ibid., n° 37.
[96] Cf. Simone Pacot, Ouvrir la porte à l’Esprit, p. 34.
[97] Ibid., p. 35.
[98] Id.
[99] Michel Deneken, La foi pascale, p. 582.
[100] Bernard Sesboüé, Croire. Invitation à la foi catholique pour les femmes et les hommes du XXIe siècle, p. 403.
[101] Cette expression est du Pape Pie XII.
[102] Cf. « Le Saint-Esprit est l’âme de l’Église qui la divinise », https://evangeliser.net, consulté le 01/05/2022.
[103] François Varillon, Vivre le christianisme, l’humilité de Dieu, la souffrance de Dieu, Paris, Bayard, 2002, p. 693.
[104] S-.P. Arnold, Dieu derrière la porte, la foi au-delà des confessions, Canada, Paulines, 2016, p. 166.
[105] Jean-Paul II, Audience générale, Mercredi 23 septembre 1998, n° 2.
[106] Ibid., n° 5.
[107] Ces notes sont tirées intégralement de toute une série de catéchèse du Pape François sur les dons du Saint-Esprit, https://www.chatelard-sj.org, consulté le 6/05/2022.
[109] Pape François, Catéchèse du 30 avril 2014.
[110] Pape François, Catéchèse du 7 mai 2014.
[111] Pape François, Catéchèse du 14 mai 2014.
[112] Pape François, Catéchèse du 21 mai 2014.
[113] Pape François, Catéchèse du 4 juin 2014.
[114] Pape François, Catéchèse du 11 juin 2014.
[115] Ces notes sont tirées de : https://bayeuxlisieux.catholique.fr, consulté le 7/05/2022.
[116] Cette partie reprend le titre de l’article de Pablo Arteaga Echeverría, « Yves Congar et l’Esprit Saint », www.cairn.info, consulté le 28/10/2021. Cet article vous annexé aux notes de cours pour un meilleur approfondissement de notre approche sur l’itinéraire théologique d’Yves Congar sur l’Esprit Saint.
[117] Ce livre s’ouvre par l’expérience de l’Esprit dans l’Écriture et l’histoire du christianisme, de l’Église antique à Vatican II ; cette première partie est essentiellement historique et fortement documentée. L’auteur présente ensuite, du point de vue théologique, l’action de l’Esprit dans l’Église et dans nos vies personnelles ; il insiste particulièrement sur le « renouveau » dit charismatique. Une troisième partie, enfin, reprend à la fois l’histoire et la réflexion théologique, pour interroger le mystère du Dieu-Trinité dans sa vie intime et dans son œuvre de régénération par les sacrements. Cette synthèse historique et théologique est le fruit d’une vie exceptionnelle au service de l’Église, marquée par la connaissance intime et large des grandes sources de la foi, en particulier de l’Écriture, des Pères et de l’histoire chrétienne. L’Esprit Saint apparaît ici, en effet, comme le principe de vie de l’histoire humaine et le centre de l’expérience personnelle de la foi. Là où règnent la paix, la joie, la compassion, la résistance au mal et l’illumination, l’Esprit Saint se manifeste à nous, gage de la proximité de Dieu.
[118] Cf. Pablo Arteaga Echeverría, « Yves Congar et l’Esprit Saint », op. cit.
[119] Id., p. 87.
[120] Cf. Id., p. 88.
[121] Bernard Sesboüé, L’Esprit sans visage et sans voix, brève histoire de la théologie du Saint-Esprit, Paris, Desclée De Brouwer, 2009.
[122] Bernard Sesboüé, Croire. Invitation à la foi catholique pour les femmes et les hommes du XXIe siècle, p. 390.
[123] Ibid., p. 399.
[124] Cf. Jean-Paul II, Audience générale du 16 septembre 1998, https://www.vatican.va, consulté le 8/05/2022.
[125] Pour mieux approfondir cette approche, je vous conseille de lire l’article de Gilles Routier : « La pneumatologie de Vatican II » que vous trouverez en annexe de ces notes.
[126] La même consigne doit être observée pour la même raison énoncée ci-dessus.
[127] Cf. Bernard Maitte, « L’Esprit Saint dans la liturgie », https://liturgie.catholique.fr, consulté le 16/05/2022.
[128] Id.
[129] Id.
[130] Cf. Gaudium et spes, n° 22.
[131] Jean-Michel Maldamé, « Pas de liturgie sans l’Esprit Saint », https://croire.la-croix.com, consulté le 16/05/2022.
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