Homélie pour la fête de la Présentation de Jésus au Temple
Grand Séminaire Notre-Dame
Section philosophique
Homélie pour la fête de la Présentation de Jésus au Temple
Mardi 2 février 2021
Père Diesel PHAT, directeur spirituel et professeur.
« Ecce Dóminus noster, cum virtúte véniet, ut illúminet óculos servórum suórum, alléluia » -, (Voici notre Seigneur qui vient pour illuminer les yeux de ses serviteurs, alléluia).
1. Très chers frères, comme le veut la liturgie, où nous sommes unis à la prière du Christ et de l’Église, quarante jours après la célébration de la Naissance de Jésus, aujourd’hui, 2 février, nous célébrons sa Présentation au Temple comme complément du cycle de Noël. En réalité, cette fête est une manifestation du Seigneur, elle s’insère dans l’ensemble de ses mouvements épiphaniques.
2. Cette fête appelée autrefois, fête de la « Chandeleur » vient d’une grande fête païenne romaine, la Festa candelarum, une célébration en l’honneur du dieu Pan. Le mot « Chandeleur » vient du mot « Candela – la chandelle). Du temps des Romains, on appelait cette fête païenne « la fête des chandelles » parce que toute la nuit, les dévots du dieu Pan parcouraient les rues de Rome en agitant des flambeaux. C’est le Pape Gélase Ier, qui, en l’an 472, a christianisé cette fête païenne en la faisant coïncider avec la fête de la Présentation du Seigneur au Temple. D’où, vient aussi la liturgie lucernaire que nous avons célébrée au début de cette Divine liturgie. La fête de la Présentation du Seigneur au Temple est placée sous le signe de la Lumière : « Car mes yeux ont vu le salut que tu préparais à la face des peuples : lumière qui se révèle aux nations ». Cette fête nous oriente également vers la Pâque du Christ : « Voici que cet enfant provoquera la chute et le relèvement de beaucoup en Israël. Il sera un signe de contradiction – et toi, ton âme sera traversée d’un glaive » dit Syméon à Marie.
2. Cette fête nous introduit dans le mystère de l’Incarnation, le mystère de la rencontre entre Dieu et les hommes. Nous entrons à fonds sans risque, dans une théologie de la rencontre. Une rencontre qui ne complique pas les choses, simple, modeste, mais dialogale, respectueuse, sincère, riche et salvatrice car : « Il a plu à Dieu dans sa bonté et sa sagesse de se révéler en personne et de faire connaître le mystère de sa volonté (cf. Ep 1, 9) grâce auquel les hommes, par le Christ, le Verbe fait chair, accèdent dans l’Esprit Saint, auprès du Père et sont rendus participants de la nature divine (cf. Ep 2, 18 ; 2 P 1, 4). Par cette révélation, le Dieu invisible (cf. Col 1, 15 ; 1 Tm 1, 17) s’adresse aux hommes en son surabondant amour comme à des amis (cf. Ex 33, 11 ; Jn 15, 14-15), il s’entretient avec eux (cf. Ba 3, 28) pour les inviter et les admettre à partager sa propre vie. […]. La profonde vérité que cette Révélation manifeste, sur Dieu et sur le salut de l’homme, resplendit pour nous dans le Christ, qui est à la fois le Médiateur et la plénitude de toute la Révélation » (Dei Verbum, 2). Dans cette rencontre, Dieu et l’homme s’engagent mutuellement dans une histoire sainte. Ils deviennent partenaires de l’Alliance même si l’initiative est toujours du côté de Dieu. Le premier pas est du côté de Dieu qui veut toujours consoler son peuple. Cependant, à ce Dieu qui vient à la rencontre de l’homme « est due "l’obéissance de la foi" (Rm 16, 26 ; cf. Rm 1, 5 ; 2 Co 10, 5- 6), par laquelle l’homme s’en remet tout entier et librement à Dieu dans "un complet hommage d’intelligence et de volonté à Dieu qui révèle" et dans un assentiment volontaire à la révélation qu’il fait. Pour exister, cette foi requiert la grâce prévenante et adjuvante de Dieu, ainsi que les secours intérieurs du Saint-Esprit qui touche le cœur et le tourne vers Dieu, ouvre les yeux de l’esprit et donne " à tous la douce joie de consentir et de croire à la vérité" (Dei Verbum, 5).
3. Une telle rencontre nous fait regarder et imiter la figure de Syméon et d’Anne comme les Anawim, les « Pauvres du Seigneur ». La caractéristique fondamentale des Pauvres de Dieu est donc leur foi profonde, leur confiance, leur abandon à Dieu comme « fons et origo » (la source et l’origine) de toute lumière. Comme Syméon et Anne, nous sommes invités à devenir en toutes choses, en toutes circonstances, hommes de l’attente, hommes de l’Esprit, prophètes c’est-à-dire des connaisseurs du mystère de Dieu et révélateurs de sa parole sans aucune prétention, avec humilité. Nous devons témoigner de la joie de l’Évangile qui n’est autre qu’une réelle et véritable rencontre avec le Christ. Nous devons témoigner de la proximité du salut de Dieu et être des hommes d’espérance. Malgré tout ce que nous vivons dans notre pays, dans ce monde, nous devons garder une ferme espérance, avoir une foi solide, inébranlable : le Mal n’aura pas le dernier mot. Le Christ a déjà vaincu la mort et le péché.
4. Face à toutes ces agitations frénétiques que nous vivons aujourd’hui, nous devons récuser toute forme de résignation et d’indifférence. Nous devons demander à Celui qui est la Lumière des nations, une grâce sereine et apaisée, capable de nous pousser à prendre position pour le « Royaume », capable de nous aider à faire option préférentielle pour les Pauvres comme le Christ l’a fait lui-même.
5. Très chers frères, nous aussi, nous sommes venus à la rencontre de notre Dieu, et nous l’accueillons déjà dans sa Parole. Toute à l’heure, nous allons le recevoir sacramentellement dans nos mains, dans notre bouche et dans notre cœur, ce salut que Dieu nous avait préparé d’avance : son Fils éternel, le Verbe fait chair, né de la Vierge Marie, Pain de la vie. Désormais, nous pouvons clamer avec allégresse : « Voici l’os de mes os, la chair de ma chair ». Pour cela, nous sommes donc invités à rendre grâce à Dieu pour ce don ineffable qu’il nous fait et devenir à notre tour, comme Syméon et Anne des prophètes pour notre temps. Découvrons en Jésus, le Sauveur de toute l’humanité. Celui en qui et par qui la race des hommes est restaurée pour faire de chaque être humain, de chacun de nous : « une merveille de Dieu », « une offrande agréable à Dieu ».
6. La fête d’aujourd’hui nous pousse à une réelle espérance. Une espérance à annoncer à notre peuple haïtien qui souffre et qui a besoin d’entendre une parole de salut, une parole prophétique : que sa délivrance est dans le nom de Jésus, sa libération vient de Lui moyennant notre engagement dans le concret de ce peuple pour que le message de l’Évangile puisse vraiment le traverser et le faire devenir un peuple de louange, un peuple de bénédiction, un peuple transfiguré, libre et ami de la paix, de la justice et de l’amour fraternel. Pour que chacun puisse dire : « maintenant mes yeux ont vu le salut que tu préparais à la face des peuples ». Car la rencontre avec Jésus apporte la nouveauté. C’est en l’accueillant véritablement que nous pouvons freiner cette vie frénétique qui nous tue et qui nous pousse parfois au découragement et à la médiocrité. Le Fils de Dieu est entré dans notre histoire pour que nous ne menions plus une vie médiocre mais une vie pascale, pleine de lumière et de liberté des enfants de Dieu. Pour que nous passions de l’« eros » à l’« agapê », de la « haine » à « l’amour ».
7. Il suffit de nous laisser rencontrer par lui. Le rencontrer, c’est avoir la vie en lui. C’est se laisser éclairer par sa présence, par sa lumière. C’est reconnaître qu’en Jésus, Dieu a montré toute son attention pour son peuple, toute son attention pour chacun de nous. Syméon qui signifie « Dieu a écouté » est notre attitude, notre posture devant Dieu : ce Dieu qui se penche sur notre misère, qui prête l’oreille à nos demandes et à nos supplications. Mais, en disant cela, nous sommes appelés à ouvrir notre cœur et notre volonté aux multiples surprises inédites de l’Esprit en reconnaissant nos pauvretés.
8. En ce jour, prions pour nos pasteurs, les consacrés et pour tous ceux qui se disent chrétiens, afin que tous, nous cherchions « à plaire uniquement à Celui devant qui nous avons trouvé grâce » (cf. Homélie du bienheureux Guerric d’Igny). Que le Seigneur nous illumine, éclaire notre foi, fasse resplendir nos œuvres, nous inspire les mots à dire aux hommes et aux femmes de ce temps, remplisse de ferveur notre prière et purifie notre intention et nous aide à discerner son appel en toute liberté. « Humbles et pauvres, nous te supplions, Seigneur, accueille-nous : que notre sacrifice, en ce jour, trouve grâce devant toi ». Amen.
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