Les fêtes patronales, une réalité multiforme comme expression de la piété populaire
Les fêtes patronales, une réalité multiforme
comme expression de la piété populaire
La célébration des fêtes patronales comme expression de la piété populaire demande de distinguer des pratiques qui relèvent de la liturgie et celles qui relèvent d’autres formes de piété que celle-ci n’encadre pas explicitement.
1. Des pratiques de piété populaire relevant de la liturgie
La célébration des fêtes patronales est jalonnée d’activités ou de pratiques de piété populaire que la liturgie essaye d’encadrer pour permettre au peuple chrétien de mieux vivre sa foi de manière communautaire. On peut noter les neuvaines, le jeûne, les triduums, ou d’autres formes d’activités spirituelles communément appelées Jéricho, La mer rouge, Débloquer ou Caravane etc.[1]. Il y a aussi des processions avec la statue ou l’image du saint, des pèlerinages organisés par les mouvements charismatiques ou d’autres mouvements paroissiaux. Ces activités spirituelles sont parfois suivies soit d’une célébration eucharistique ou d’une célébration de la Parole, soit d’une célébration pénitentielle ou d’un temps d’adoration eucharistique. Ces pratiques, à mon avis, peuvent s’aligner du côté de ce que Pedro Rubens Ferreira de Oliveira appelle la « constellation dévotionnelle », c’est-à-dire par ces pratiques, les pèlerins ou les fidèles cherchent à obtenir des faveurs spirituelles de la part de Dieu[2].
On peut aussi souligner la bénédiction de l’eau que les fidèles apportent pour leur usage personnel, la bénédiction des images ou des statues (le plus souvent l’image ou la statue du saint Patron) ou d’autres objets de piété autorisés par l’Église. Il y a aussi la bénédiction du feu soit sur la place publique soit sur le parvis de l’église la veille de la fête patronale. Par ces différentes pratiques encadrées par la liturgie, les fidèles expriment leur confiance en Dieu et découvrent son action dans leur vie. Par les pratiques de la piété populaire relevant de la liturgie, les fidèles célèbrent leur foi en Dieu en manifestant une quête de salut, une quête de libération et prolongent la vie liturgique de l’Église dans leur réalité quotidienne.
2. Des pratiques relevant d’autres formes de piété populaire
Dans la célébration des fêtes patronales, il y a d’autres formes de piété populaire qu’on pourrait classer du côté de ce que Pedro Rubens Ferreira de Oliveira, dans ses approches sur la religiosité populaire nomme « la constellation protectrice »[3]. À travers ces pratiques, les fidèles ou les pèlerins font appel à l’intervention du saint Patron pour demander sa protection ou son aide face aux difficultés rencontrées dans ce monde : maladies, accidents, calamités, problèmes sentimentaux et familiaux, chômage et d’autres situations où ils se sentent impuissants[4]. De manière formelle, la liturgie de la fête patronale n’encadre pas ces pratiques. Cela ne veut pas dire qu’elles ne sont pas importantes. On peut être touché par la qualité de la foi d’une maman qui vient prier devant la statue de saint Joseph avec la photo de son enfant malade, la touche, lui parle avec tendresse et confiance. Symboliquement, il y a une grande proximité entre le saint comme intercesseur et le croyant en quête de sens pour sa vie. Certains pèlerins viennent offrir des bouteilles de rhum, de parfum ou des bougies (cierges) avec leur demande. Il y en a qui portent des habits particuliers en signe de pénitence ou de reconnaissance. On peut souligner aussi les oraisons jaculatoires, les saintes images que les pèlerins rapportent chez eux etc.
On peut aussi noter les danses et les chants vodouesques accompagnés de prières dans les parages de l’église paroissiale non reconnus par la liturgie, mais qui sont d’autres formes de piété populaire traduisant une autre manière de vivre la foi et, montrant l’identité culturelle du peuple. Il y a toujours des signes de l’amour de Dieu manifestés dans ces différentes formes de piété populaire à travers lesquelles les pèlerins manifestent leurs besoins humains et spirituels. Le chrétien haïtien expérimente Dieu et dit sa foi dans les réalités simples qui constituent la trame de sa vie. Par exemple, même s’il ne peut pas participer à toutes les célébrations liturgiques de la fête, le pèlerin haïtien cherche un moment propice pour passer à l’église ou même à proximité de l’église afin de faire un signe de croix, de s’adresser à Dieu et lui demander de le bénir en disant : Dieu est bon. D’ailleurs « l’Haïtien l’appelle ²Bon Dieu² car pour lui, il est de la nature même de Dieu d’être bon et Dieu dans son amour est la source même de la bonté à qui on répond par l’amour » pour dire comme le théologien jésuite haïtien Godefroy Midy[5]. La simplicité de la foi du peuple exprimée à travers les pratiques de la piété populaire peut aider à faire une théologie en aval et non en amont, c’est-à-dire une théologie qui commence à partir du vécu de la foi, une théologie concrète qui n’est pas uniquement intellectuelle ou rationnelle.
P. Diesel PHAT
[1] Ces activités spirituelles relevant de la piété populaire en Haïti aident parfois les fidèles à méditer la Parole de Dieu, prier les Psaumes, faire une démarche pénitentielle suivies d’une prédication et l’adoration du Saint Sacrement. Ces activités pour la plupart durent trois à neuf jours.
[2] Pedro Rubens Ferreira de Oliveira, « Religiosité populaire », Dictionnaire historique de la théologie de la libération, Belgique, Éditions jésuites, « Lessius », 2017, p. 400.
[3] Id.
[4] Id.
[5] Cité par Alain Mondésir dans son article, « La théologie de la libération en Haïti », Dictionnaire historique de la théologie de la libération, p. 248.
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