LA CÉLÉBRATION DES FÊTES PATRONALES EN HAÏTI, ENJEUX THÉOLOGIQUES ET PASTORAUX


INSTITUT CATHOLIQUE DE PARIS
Theologicum 
Faculté de Théologie et de Sciences Religieuses
Institut Supérieur de Liturgie

LA CÉLÉBRATION DES FÊTES PATRONALES EN HAÏTI,
ENJEUX THÉOLOGIQUES ET PASTORAUX
Dans une société marquée par des drames récurrents et une réelle précarité de la vie, comment les fêtes patronales peuvent-elles être un lieu d’annonce du mystère pascal en sa totalité?

Par

Diesel PHAT


Mémoire de Licence canonique en théologie 
Présenté au Jury des Licences canoniques du 
Theologicum de l’Institut Catholique de Paris en vue de 
l’obtention de la Licence canonique en théologie
Avec spécialisation en théologie sacramentaire et liturgie






Premier lecteur : Hélène BRICOUT

                          Deuxième lecteur : Père Laurent DE VILLEROCHÉ




Juillet 2017
Dédicace

Aux victimes du tremblement de terre du 12 janvier 2010 et du cyclone Matthew de 2016,
à mes parents décédés et à tous ceux qui luttent pour un changement de vie en Haïti





















Sigles et abréviations

 

DPPLDirectoire sur la piété populaire et la liturgie.

EN Evangelii Nuntiandi(Exhortation apostolique sur l’évangélisation dans le monde moderne)
LGLumen Gentium  (Constitution dogmatique sur l’Église)
LMDRevue La Maison-Dieu
SCSacrosanctum Concilium (Constitution sur la sainte liturgie)
PGMRPrésentation générale du Missel romain
PGLRPrésentation générale du Lectionnaire romain
EGEvangelii Gaudium(Exhortation apostolique sur l’annonce de l’Évangile dans le monde d’aujourd’hui)
GSGaudium et Spes (Constitution pastorale su l’Église dans le monde de ce temps)
VDVerbum Domini (Exhortation apostolique sur la Parole de Dieu)
CELAMConseil épiscopal Latino-Américain
DMDocument final de Medellín
DPDocument final de Puebla
CSDConclusion de Santo Domingo
DADocument Aparecida 
DVDei Verbum(Constitution dogmatique sur la Révélation divine)
SASlavorum Apostoli(Encyclique à l’occasion du onzième centenaire de l’œuvre de l’évangélisation des saints Cyrille et Méthode)
VLVarietates LegitimaeIVeInstruction de la Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des sacrements pour une juste application de la Constitution conciliaire sur la liturgie
CTICommission théologique internationale 
ILInstrumentum Laboris du Synode des évêques, XIIIeAssemblée générale ordinaireLa nouvelle évangélisation pour la transmission de la foi chrétienne 
LsLLa sainte Liturgie, Lettre apostolique pour le 25eanniversaire de la Constitution conciliaire « Sacrosanctum Concilium »

Introduction générale
L’un des événements religieux majeurs qui façonnent la vie de beaucoup d’Haïtiens, aujourd’hui, qu’ils soient croyants ou non-croyants, catholiques ou protestants, chrétiens ou vodouisants, est la fête patronale[1]. Cette fête remonte à la première évangélisation, à l’époque coloniale, avec l’arrivée des missionnaires, pour la plupart français. Toutefois, les aléas de l’histoire de l’Église en Haïti ne nous permettent pas d’étudier plus avant la fête patronale dans son amplitude historico-sociale et religieuse (ce n’est pas l’objet de notre étude)[2]. Car l’Église catholique en Haïti ne commença à s’étendre qu’à partir de la signature du Concordat entre le Gouvernement haïtien et le Saint-Siège signé le 28 mars 1860[3]. Déjà, le 19 novembre 1859, le Plénipotentiaire haïtien, Pierre Faubert, remit au Pape un document confidentiel dans lequel il déplorait l’état critique de la religion catholique en Haïti, la montée du protestantisme, l’incrédulité et l’indifférence religieuse[4]. Ce ne fut pas une période florissante pour la célébration des fêtes patronales. Car les fêtes patronales sont liées à la fondation et à la structure d’une paroisse. Il a fallu attendre la maturation de l’Église en Haïti pour parler d’une telle réalité. On peut aussi souligner le manque d’intérêt de certains missionnaires pour les diverses formes de piété populaire, la lente inculturation de l’Évangile et de la liturgie en Haïti. Cela peut s’expliquer par le fait que les formes de piété populaire et les valeurs culturelles du peuple étaient considérées comme diaboliques[5].
La signature du Concordat fut un moment décisif pour l’histoire de l’Église en Haïti. L’Église catholique devenait la religion protégée par l’État et elle était plus ou moins en mesure d’étendre ses structures et même son pouvoir. Elle a commencé par promouvoir un clergé autochtone. Les grandes orientations du Concile Vatican II avaient modestement leur place dans la vie de l’Église locale haïtienne[6]. L’inculturation de l’Évangile a pris un essor considérable après l’Assemblée deMedellín(1968) et de Puebla(1979) avec l’apparition des Communautés ecclésiales de base(les CEB). On peut penser quand même à la place de la liturgie dans la vie de cette jeune Église dans le sillage de la réforme de Vatican II. Bien sûr, la célébration des fêtes patronales allait prendre aussi un essor considérable et jouer un rôle important dans la culture haïtienne. Aujourd’hui, comme expression de la piété populaire la plus visible et la plus grandiose, elle rassemble toutes les couches sociales et religieuses du pays. Elle rapproche davantage les chrétiens de leurs communautés et renforce chez eux un sentiment religieux. Mais nous y constatons des pratiques qui ne sont pas très bien soignées, et dont la conformité à la vérité de la foi et à la grandeur des mystères chrétiens présente des difficultés[7]. La célébration des fêtes patronales, parsemée parfois de pratiques superstitieuses et syncrétiques, est une réalité complexe. Le plus souvent, c’est le côté profane et ludique de la fête qui paraît le plus important. Pour d’autres, c’est le côté mystique et magique qui prime. La tendance à instrumentaliser la fête des saints pose problème. En fait, ces mots du Pape Jean-Paul II lors de sa visite en Haïti peuvent encore nous parler par rapport à la célébration des fêtes patronales dans leur déploiement : 
Que votre dévotion soit intelligente et active, digne de ceux et de celles qui ont reçu dans leurs cœurs l’Esprit du Fils de Dieu, qui crie : « Abba, Père » ! (Gal 4, 7) Qu’elle ne soit pas une nouvelle forme de soumission « aux éléments du monde » (Gal 4, 3), un nouvel esclavage » (Gal 4, 3) comme certaines pratiques syncrétistes, inspirées par la peur et l’angoisse devant des forces que l’on ne comprend pas[8].

  Cependant, dans la célébration des fêtes patronales, quelque chose d’extraordinaire se passe, me semble-t-il, au niveau de l’expérience de foi, même si la perception du cœur de cette foi est plus focalisée sur la passion et la mort que sur la résurrection. Ce peuple marqué par des catastrophes, des drames politiques, la précarité de la vie, la souffrance de toutes sortes, ne rejette pas sa foi peu importe les faiblesses qu’on peut y déceler. Il le manifeste aussi à travers les fêtes patronales. Cette attirance des participants n’est pas anodine. Il semble qu’il y ait des enjeux théologiques et pastoraux sous-tendus qui méritent d'être mieux compris. Il y a une extrême richesse et complexité pour la foi chrétienne. D’où ma question: dans une société marquée par des drames récurrents et une réelle précarité de la vie, comment les fêtes patronales peuvent-elles être un lieu d’annonce du mystère pascal en sa totalité? Cette recherche voudrait commencer en posant l’hypothèse suivante : les fêtes patronales ne peuvent pas être un lieu pour la foi pascale sans les penser avec le versant « résurrection » du mystère pascal du Christ. Le parcours théologique que nous allons faire cherchera à vérifier cette hypothèse et à répondre à ma question.
Dans le cadre de ce travail, le Directoire sur la piété populaire et la liturgienous servira de guide pour entrer dans l’intelligence d’une telle pratique en Haïti, faire un travail de discernement, car il donne des principes directeurs pour mieux analyser la piété populaire et la liturgie. La célébration des fêtes patronales embrasse tout cela. D’autres documents magistériels comme la Constitution sur la liturgieEvangelii Nuntiandi,Evangelii Gaudiumet les documents duCELAMen particulier seront pris en compte pour chercher à comprendre la fête des saints dans une articulation entre piété populaire et liturgie. Mes expériences pastorales comme curé de paroisse et président de la célébration de plusieurs fêtes patronales nous seront utiles. Les ouvrages théologiques, ecclésiologiques et liturgiques sur le culte des saints et le mystère pascal nous serviront de support pour mener à bien cette recherche. Aussi, nous prendrons appui sur des ouvrages qui ont trait à Haïti pour nous aider à mieux approfondir et apprécier les apports de la culture haïtienne dans laquelle s’insère la vie liturgique de l’Église et ses différentes célébrations, dont les fêtes patronales. Nous nous laisserons guider par l’Écriture puisque celle-ci est la grammaire de toute théologie et que la liturgie ne fait que célébrer ce qu’elle raconte. 
Ce travail comprendra deux grandes parties. Dans la première partie, nous étudierons les fêtes patronales comme expression populaire de la foi en Haïti et chercherons des repères magistériels pour les comprendre à partir de la jonction de la piété populaire et la liturgie sans toutefois les systématiser. La deuxième partie proposera d’étudier des points de repères théologiques et pratiques pour que ces fêtes puissent être un lieu d’annonce du mystère pascal du Christ dans sa totalité, un lieu habité par la foi pascale. Cela pourra nous amener à vérifier les conséquences  des possibilités esquissées dans l’ensemble du parcours. 




PREMIÈRE PARTIE

Les fêtes patronales, une expression populaire de la foi en Haïti
les comprendre dans l’articulation entre piété populaire et liturgie

Cette première partie englobe deux chapitres dans lesquels nous concentrerons notre étude sur les fêtes patronales comme célébration de la foi populaire et sur quelques repères magistériels qui nous permettront de mieux les comprendre dans l’articulation de la piété populaire et la liturgie. Car on ne peut pas penser les fêtes patronales comme lieu d’annonce du mystère pascal du Christ sans les comprendre comme une expression de la piété populaire[9]. Dans son ouvrage intitulé L’esprit de la liturgie, Joseph Ratzinger souligne que « En Amérique Latine, la foi chrétienne s’est enracinée dans les âmes, en dépit de toutes les insuffisances des missions chrétiennes, parce que la piété populaire a fait du mystère du Christ une réalité proche de l’homme, et a reconnu le Christ comme l’un des leurs »[10]. Ne peut-on pas dire pareillement pour la célébration des fêtes patronales en Haïti ? Nous chercherons en fait à comprendre la foi populaire exprimée dans une telle célébration comme une réalité d’Église, une expérience liturgique. 
Le Pape François rappelle que « la foi populaire est un précieux trésor pour l’Église car elle est une spiritualité, une mystique, un espace de rencontre avec Jésus Christ »[11]. On peut encore dire la même chose pour la célébration des fêtes patronales. Aussi, nous nous appuierons sur le Directoire sur la piété populaire et la liturgie, laConstitution Sacrosanctum Concilium, les Exhortations apostoliques Evangelii Nuntiandiet Evangelii Gaudium, les documents du CELAMet des travaux des théologiens afin de trouver des repères pour penser une théologie des fêtes patronales. 








Chapitre I
Les fêtes patronales, une expression populaire de la foi en Haïti 

La célébration des fêtes patronales peut aider à comprendre comment le peuple haïtien vit la foi qu’il a reçue et comment cette foi s’enracine dans sa culture. C’est pourquoi, comme expression populaire de la foi, elle est un lieu d’étude théologique pour discerner ses pratiques et découvrir ses limites et sa force évangélisatrice. C’est dans cette dynamique que nous mettrons en évidence, dans ce premier chapitre, une fête patronale dans ses différentes composantes afin d’en dégager les principaux enjeux. Notre but principal ici n’est pas de faire un historique de la fête patronale, mais plutôt de montrer ce qu’elle est aujourd’hui en Haïti afin de mieux comprendre sa place dans la vie et la culture du peuple haïtien, de voir comment elle les façonne et exprime la foi. C’est sa dimension liturgique qui nous intéresse le plus. 
Bref, en premier lieu, pour partir d’une réalité concrète, nous ferons la description d’une fête patronale en présentant son déroulement pour comprendre ce qu’elle signifie dans la vie de l’Église et du peuple haïtien, comment elle est vécue et pratiquée, tout ce qui caractérise sa liturgie. 
Dans un deuxième temps, nous essaierons de l’analyser afin de montrer en quoi et comment elle est caractéristique de la piété populaire en Haïti. En troisième lieu, nous tâcherons de discerner les pratiques en vue de mettre en exergue les chances et les limites de cette célébration. Après cela, nous présenterons quelques pratiques de la piété populaire qui font de la fête patronale, une réalité multiforme. 


11. La description d’une fête patronale en Haïti

Une fête patronale est une grande célébration annuelle qui mobilise toutes les couches sociales pour faire mémoire du saint à qui une paroisse ou une chapelle est dédiée. Cette fête annuelle donne lieu à des festivités religieuses et populaires qui marquent la vie de la communauté et créent une grande proximité entre l’Église et les autres entités sociales. Elle est une grande occasion de retrouvailles. Ceux qui vivent à l’extérieur de la région ne ratent pas ce moment pour venir fraterniser avec les membres de leur famille et montrer leur appartenance, soit à la paroisse, soit à la communauté. Le plus souvent, la fête est préparée conjointement par la paroisse et la mairie[12]. En réalité, une telle activité attire beaucoup de pèlerins. 
La fête patronale, événement majeur de la vie d’une paroisse et d’une communauté en général, se prépare d’une année sur l’autre. Après une évaluation de ce qui s’est fait, on prévoit déjà ce qui devra se faire l’année suivante. Étant un jour de grâce pour l’ensemble de la paroisse et de la communauté tout entière, elle se déroule sur fond d’une scène liturgique et rituelle qu’il faut d’abord appréhender.


11.1 Le déroulement de la célébration de la fête patronale de la cathédrale saint Joseph de Fort-Liberté

Tous les préparatifs mènent à la célébration liturgique de la fête patronale. Sacrosanctum Conciliumne manque pas de souligner le primat de la liturgie sur toutes les activités de l’Église. Il la désigne comme « sommet vers lequel tend l’action de l’Église, et en même temps la source où découle toute sa vertu »[13]. Dans cette dynamique, nous présentons le déroulement d’une célébration de la fête de saint Joseph, Époux de la Vierge Marie, fêté le 19 mars selon le calendrier liturgique. Notre choix s’est porté vers celui-ci que nous connaissons et appréhendons le mieux. Il est le Patron de la cathédrale et du diocèse de Fort-Liberté[14]. Cette solennité rassemble les fidèles de toutes les paroisses du diocèse. Présidée par l’évêque, elle évoque aussi l’unité de l’Église particulière et, le plus souvent, la liturgie qu’elle célèbre a une influence sur la vie des fidèles et des paroisses. Dans le cadre de cette solennité, deux types de célébrations liturgiques sont à prendre en considération : la célébration de la veille de la fête (la messe de vigile) et celle du jour de la fête (la solennité). 




11.1.1   La veille de la fête
La coutume de célébrer l’Eucharistie la veille de la fête patronale devient ainsi l’entrée dans la solennité de la fête[15]. Depuis quelques années, on a pris l’habitude de confier la messe de la veille de la fête de saint Joseph à la paroisse de N-D de la Délivrance qui fut une chapelle de la cathédrale. Ce geste est significatif pour la communion ecclésiale et montre le rayonnement de la fête sur toute la ville et sur toutes les paroisses du diocèse. Cette célébration s’ouvre parfois par une procession d’entrée, avec de l’encens, des mimes et, à la fin, on observe des gestes de piété comme, par exemple, brûler un cierge, toucher la statue, déposer des gerbes de fleurs, des demandes écrites mises dans des enveloppes, des dons etc.
La veille de la fête est un moment fort pour les pèlerins qui viennent de partout pour honorer leur saint Patron. Pour cela, les portes de la cathédrale restent ouvertes tard dans la nuit pour permettre à tous ceux qui le désirent de trouver un temps de prière ou de poser un geste de foi, de piété, et de reconnaissance envers Dieu par les mérites des vertus de saint Joseph. 
L’Eucharistie célébrée la veille de la fête clôture la neuvaine préparatoire. Ce que nous évoquons ici est spécial pour la fête. Le Missel romainne mentionne pas de vigile pour la solennité de saint Joseph. C’est une adaptation de l’Église particulière pour la circonstance. C’est pourquoi, les formulaires et les textes pour la messe de la veille sont tirés des propres de la solennité. 

11.1.2   Le jour de la solennité
La solennité de saint Joseph rassemble beaucoup de fidèles venus de tous les coins du diocèse et de l’ensemble du presbyterium autour de l’évêque pour célébrer l’Eucharistie. Elle est une messe stationale. Les chorales, les servants d’autel, les lecteurs, ceux qui miment les chants, les prêtres se rassemblent à l’évêché. Tout commence par les mots de l’évêque et les cérémoniaires donnant les consignes pour le déroulement de la célébration.
Quand tout est prêt, la procession démarre par un chant solennel[16]pendant que, pour marquer la solennité, les cloches sonnent à toute volée. L’encensoir fumant, la croix entre les deux cierges allumés, la prestation de la chorale, le diacre portant l’Évangéliaire, les prêtres et les diacres portant les ornements blancs, l’évêque mitré, avec sa crosse et ses plus beaux vêtements liturgiques donnent un éclat particulier à cette solennité[17]. Les autres fidèles et les officiels attendent l’arrivée de la procession en chantant. Tout se déroule dans une atmosphère de prière et de recueillement par des rites qui caractérisent cette solennité comme une réalité épiphanique paroissiale et diocésaine. 


11.2Les rites, les textes et les formulaires liturgiques de la fête

11.2.1   Les rites
Le jour de la fête patronale, dès que la procession arrive à l’entrée de la cathédrale, tous les fidèles se lèvent et se tournent vers elle. À l’arrivée de l’évêque, le curé l’encense et lui présente le bénitier pour l’aspersion. Il se signe et asperge l’assemblée. Après, sans être mitré, il s’incline et vénère l’autel ainsi que les prêtres et les diacres. Il regagne sa cathèdre et tout le monde s’assoit. Un commentateur, ou, à défaut, le curé lui-même, souhaite la bienvenue à tous et fait une brève monition pour aider les fidèles à entrer dans l’esprit de la fête. Après cela, tout le monde se lève et la chorale entonne le chant d’entrée pendant que l’évêque encense l’autel et la statue de saint Joseph ornée de fleurs et de cierges allumés. Pendant l’exécution de ce chant, des enfants ou des jeunes miment en s’avançant vers l’autel. Après le chant, l’évêque commence la célébration comme à l’ordinaire pour toutes les célébrations eucharistiques.
Le chant du Gloria est mimé, ce qui apporte une touche particulière à la liturgie du jour puisqu’à travers la danse, le peuple haïtien exprime sa joie et fait participer tout son corps à la gloire de Dieu et cela donne un caractère solennel à la fête. Même si tous les fidèles ne dansent pas au cours de l’exécution du chant du Gloria, ils s’y associent. On ne peut pas ne pas mentionner la belle et solennelle procession qui se fait avec l’Évangéliaire au moment de la proclamation de l’Évangile ainsi que celle qui se fait au moment de la préparation des dons ou offrandes avec des produits locaux[18]. Par la danse, les fidèles expriment leur joie et leur gratitude envers Dieu qui leur parle à travers la Parole proclamée. Par la danse encore, ils expriment leur reconnaissance envers ce Dieu qui crée toute chose et nous en fait le don. D’où le sens de la procession des dons. Après la communion, un chant d’action de grâce est solennellement exécuté et mimé. Tout se termine par la bénédiction solennelle de l’évêque utilisant les formulaires pour la fête des saints et, la procession retourne à l’évêché comme au début dans une ambiance de fête.  

11.2.2   Les textes et les formulaires liturgiques
Les textes bibliques sont tirés du lectionnaire pour la fête des saints, en particulier aux propres de la solennité de saint Joseph[19]. Les lectures du jour de la fête de saint Joseph sont tirées, en grande partie, du lectionnaire en créole[20]. Le Missel romaintraduit en créole comporte des fêtes propres à Haïti. Mais, pour la solennité de saint Joseph, on utilise, soit le Missel francophone, soit le Missel en créole avec le souci  de promouvoir la participation active des fidèles. Les prières pour la célébration de la fête peuvent être tirées des deux. 
La liturgie du jour focalise l’attention des fidèles sur les mystères du Christ et le grand dévouement de Joseph, son attitude et son sens des responsabilités. Pour le Christ et la Vierge Marie, il a connu la persécution, l’angoisse, l’exil et la pauvreté qui en découle parce qu’il n’a pas voulu se dérober à sa responsabilité. 
Cette description, faite à partir de la célébration de la fête de saint Joseph à Fort-Liberté, nous ouvre sur une analyse de la fête patronale en général.



12. L’analyse de la célébration de la fête patronale

La célébration des fêtes patronales occupe une place de choix dans la vie des paroissiens[21]. Elle fait l’objet d’une longue préparation spirituelle. Le plus souvent, elle débute par une neuvaine ou d’autres activités spirituelles qui peuvent rassembler, mobiliser, préparer les fidèles à entrer dans l’esprit de la fête. Sans oublier le côté profane de la fête qui rassemble aussi beaucoup de sympathisants, la dimension spirituelle trouve son apogée le jour même de la Patronale. Un jour d’action de grâce à Dieu pour ce qu’il a réalisé dans la vie de saint Joseph et pour ce qu’il réalise pour nous aujourd’hui. 
En célébrant la fête de saint Joseph, les chrétiens célèbrent leur propre joie et leur propre grâce du salut. L’antienne de la communion de cette fête proposée dans le Missel romainest un stimulant pour les chrétiens : « Bon serviteur dans les petites choses tu t’es montré fidèle, je t’en confierai de plus grandes, dit le Seigneur ; entre dans la joie de ton Maître »[22]. L’entrée dans le Royaume n’est pas au-dessus de nos forces. Elle passe par le concret de notre vie. Comme l’exprime l’antienne : « dans les petites choses ».  
La célébration des fêtes patronales nous invite à accueillir le Royaume de Dieu dans les « petites choses » de notre vie. Elle est l’épiphanie d’un Dieu qui ne complique pas sa relation avec les hommes. Par la célébration du saint Patron, les fidèles célèbrent la grandeur de Dieu. La fête patronale est une reconnaissance de la gratuité du don de Dieu dans la vie de ses élus. Elle est une épiphanie de l’amour de Dieu qui appelle tous les hommes et toutes les femmes à la sainteté. C’est la gloire de Dieu qui est manifestée en célébrant la fête des saints. Tout en rappelant cela, nous ne pouvons pas oublier qu’elle est aussi caractérisée par différentes formes de piété populaire exprimant un besoin d’entrer en relation avec Dieu. Ce souhait de rencontrer Dieu passe par la médiation du culte, des gestes et des rites. Ainsi, à travers les fêtes patronales, le croyant se met-il devant Dieu avec tout ce qui caractérise son identité chrétienne. 
Les fêtes patronales sont une expression de la foi des fidèles sous différentes formes. Dans certaines paroisses, elles sont l’occasion de pèlerinages, d’exercices de piété, de dévotions comme : neuvaines, heures saintes, triduum, récitation de chapelet, adoration du Saint Sacrement et aussi le lucernaire ou la procession avec la statue du saint à la veille de la fête. Ces expressions de la foi qui préparent les fêtes patronales sont des moments importants dans la vie de la communauté. C’est aussi l’occasion pour les prêtres d’aider les fidèles à mieux comprendre la vie du saint Patron et à entrer dans l’esprit de la fête à travers des enseignements catéchétiques qui jalonnent ces activités. Les croyants, pour certains, honorent le saint Patron pour les faveurs reçues et d’autres pour demander de nouvelles faveurs. Le jour des fêtes patronales, dans certains cas, est un jour férié pour toute la ville ou le village. Cette célébration liturgique est d’une solennité exceptionnelle. Je pense que c’est la célébration la mieux préparée de toutes les célébrations de l’année liturgique. Elle met en valeur les multiples activités qui réjouissent les participants. Dans le cadre de la célébration des fêtes patronales, personne n’est exclu. Les croyants et les non-croyants se retrouvent unis et profitent, chacun selon ses intérêts, des moments de grâce que proposent ces fêtes. Ce jour-là, le culte liturgique est proposé à un plus large public socialement diversifié.
Faisant partie du patrimoine culturel d’Haïti, les fêtes patronales entraînent la pratique de la piété populaire. Trois composantes des fêtes patronales sont à prendre en compte pour parler de la piété populaire: les traditions catholiques dans leur grande complexité, les réjouissances populaires que crée le culte des saints dans l’imaginaire haïtien, les croyances vodoues dues à l’amalgame de croyances africaines et d’éléments religieux du catholicisme à l’époque coloniale.   

12.1La fête patronale, lieu de rencontre entre piété populaire et liturgie 
Nous constatons le foisonnement des expressions de la piété populaire dans la célébration des fêtes patronales. En 2016, dans le diocèse de Fort-Liberté, pour vérifier l’évolution d’une telle pratique, nous avons mené une enquête. Sur 71 personnes interrogées, 62 ont confirmé avoir participé à des processions religieuses lors des fêtes patronales ; 75 personnes sur 102 ont participé à la célébration eucharistique et sur 65, 40 ont affirmé qu’elles avaient l’habitude de brûler un cierge devant la statue d’un saint. 
Les pèlerins affluent dans les églises ou dans les lieux de célébration des fêtes patronales pour exprimer leur sentiment religieux mais pas de manière isolée comme si la liturgie de l’Église leur paraissait extérieure à leur démarche[23]. Il y a en tout cas, une rencontre des deux. Les pèlerins viennent participer à la fête patronale pour faire une démarche de foi avec les catégories ou les expressions de la piété populaire. Cette rencontre peut être bénéfique pour l’Église si elle les accueille pour les orienter vers une réalité liturgique. Car la liturgie est sa visibilité propre, c’est son langage. Si la piété populaire et la liturgie convergent, c’est pour conduire les pèlerins à la vraie rencontre avec le Christ. C’est pour les aider à accueillir la vie du Christ. Parler de rencontre entre piété populaire et liturgie, dans le cadre de la célébration des fêtes patronales, ne repose pas sur un terrain d’opposition, mais sur un terrain d’ouverture. D’ailleurs c’est peut-être le cas pour la liturgie et la piété populaire en général. Ce terrain d’ouverture permet à la piété populaire de ne pas être considérée comme superflue ou méprisable, mais comme une réalité pleine de l’Église, une réalité qui est à purifier bien sûr. La piété populaire, en rencontrant la liturgie, peut lui permettre de ne pas être abstraite et incompréhensible. Elle peut faciliter une entrée dans l’intelligence de la liturgie. Elle peut permettre à la liturgie d’être simple et humble. On peut constater dans la célébration des fêtes patronales une meilleure participation des fidèles à la vie liturgique sans se sentir marginalisés puisque parfois la liturgie devient trop intellectuelle et moins sensible à ce qu’ils sont. Une liturgie qui ne prend pas en compte l’homme dans son humanité ne peut pas être un lieu de louange à Dieu. Cependant, comme le souligne le DPPL, il ne faut pas survaloriser la piété populaire au détriment de la liturgie de l’Église[24].  
C’est de ce point de vue qu’on peut voir la célébration des fêtes patronales comme un lieu de rencontre entre la piété populaire et la liturgie. Il est important de faire un travail de discernement des pratiques de la piété populaire qui cohabitent avec la liturgie pour que cette rencontre ne soit pas une entrave pour la vie de foi des fidèles[25]. Il est important d’aider les fidèles à se libérer des fausses croyances qui peuvent entraver leur foi chrétienne et à mieux comprendre que « toute célébration liturgique, en tant qu’œuvre du Christ prêtre et de son Corps qui est l’Église, est l’action sacrée par excellence dont nulle autre action de l’Église ne peut atteindre l’efficacité au même titre et au même degré » (SC 7). Si la piété populaire s’accorde avec la liturgie, c’est pour qu’elle soit un acte liturgiquement ordonné vers la foi, vers la véritable piété de l’Église qui célèbre, loue et chante son Seigneur. Cette ordonnance liturgique de la piété populaire prend en compte le développement historique de la foi enracinée dans la culture du peuple haïtien. Dans cette dynamique, il n’y a pas d’opposition entre la piété populaire et la liturgie puisque cette dernière est, d’une certaine façon, le prolongement de la liturgie dans le quotidien de la vie de foi (fides qua) des fidèles. La piété populaire prolonge dans la vie du peuple chrétien, ce que la liturgie célèbre.
La liturgie doit travailler à faire de la piété populaire une vraie fides qua[26](la foi théologale) qui n’est pas en opposition avec la fides quae[27]de l’Église. Il ne doit y avoir ni obscurcissement, ni mépris, mais une prise en charge des formes de la piété populaire pour faire grandir la foi du peuple chrétien. Aussi, ne devons-nous pas inverser l’ordre des choses. Il ne faut pas que les formes de la piété populaire priment sur la liturgie[28]et que la liturgie ne soit considérée comme le gendarme pour contrôler la piété populaire. De manière distincte, la piété populaire et la liturgie forment un lieu pour la foi. Et, c’est dans cette relation que se situent les fêtes patronales. 

12.2La fête patronale, lieu de médiation entre la liturgie de l’Église et la foi populaire
La fête patronale provoque une coexistence entre la façon dont l’Église célèbre le saint Patron et la façon dont le peuple s’approprie le rite de cette célébration. Il est remarquable de voir au cours de la célébration eucharistique des fêtes patronales que des pèlerins, des chrétiens, des vodouisants se retrouvent, chacun avec ses propres idées de Dieu, de l’Église et du saint honoré. Ils entrent dans une liturgie ecclésiale que chacun comprend à la lumière de sa propre croyance, c’est-à-dire, de sa propre façon d’entrer en communication avec Dieu, avec le saint mais pas forcément avec la vision spirituelle et théologique proposée par l’Église à travers les différents rites de la célébration. Le peuple a sa propre manière de procéder pour vivre sa foi et entrer en liturgie lors des fêtes patronales. Par exemple, le pèlerin qui, pendant la célébration, rentre à l’église, se signe et va directement aux pieds de la statue du saint, lui adresse sa prière et y dépose son bouquet de fleurs, sa bouteille de parfum ou de rhum, puis, revient et prend place parmi les autres pour participer à la célébration, démontre clairement que les fêtes patronales sont un lieu de médiation entre la liturgie de l’Église et la foi populaire. Cette médiation prend en compte le rôle de la culture dans les modes d’expressions de la foi populaire comme phénomène religieux. Et comme le dit Willem Frijhoff, tout ce qui touche aux phénomènes religieux peut être l’objet d’une analyse en terme de culture[29]. Si les pèlerins affichent leur croyance avec une telle liberté, c’est à cause de la prise en compte de la culture haïtienne qui façonne la foi populaire et que la liturgie comme prière authentique de l’Église cherche à encadrer. 
De ce fait, sans chercher à systématiser, nous pouvons dire que dans la célébration des fêtes patronales, il y a une synergie entre la liturgie de l’Église et les croyances du peuple. Même si elle (cette synergie) peut être un risque pour la foi, elle peut être parfois considérée comme une chance des fêtes patronales. Cela peut faire voir une certaine hospitalité de la liturgie. C’est une véritable question qui doit interpeller l’Église au sujet de la célébration des fêtes patronales : comment le peuple peut-il vraiment être satisfait de ses démarches de piété, de dévotions envers le saint Patron dans une véritable liturgie commune? Comment l’aider à travailler sa croyance à travers ses gestes, ses rites et ses médiations culturelles et corporelles pour qu’elle soit totalement assumée par la liturgie de l’Église? En tout cas, cette médiation n’est pas négative en soi. Elle semble exprimer une démarche de foi que l’Église et le peuple doivent parcourir ensemble pour arriver à une confession de la vraie foi dans une unique liturgie comme opus Dei. Ainsi, est-il important de travailler à orienter la démarche des fidèles pèlerins vers une véritable démarche de foi, une véritable rencontre avec le Christ, le seul Médiateur entre Dieu et les hommes, les aider à vivre une vie de foi authentique et active. Une foi qui se nourrit en communauté, en ecclesia Deipar la Parole de Dieu et les sacrements de la vie nouvelle. Si la célébration des fêtes patronales est une synthèse entre la liturgie et la foi populaire, c’est parce qu’elle est le lieu où la foi rencontre la culture.
Une liturgie qui nierait la dimension de la culture serait une liturgie désincarnée, magique et ésotérique. De même, une liturgie trop plongée dans le culturel sans lien avec la Révélation divine et le mystère pascal serait une liturgie pour les hommes et non pour Dieu. Ce serait une liturgie idolâtrique et mondaine. 




12.3 Les besoins et les attentes exprimés dans les fêtes patronales comme expression de la piété populaire

Beaucoup de saints après la Vierge Marie attirent les pèlerins, comme saint Jacques le Majeur, fêté le 25 juillet, les saints Anne et Joachim le 26 juillet, saint Joseph, époux de la Vierge Marie, le 19 mars, la naissance de saint Jean-Baptiste le 24 juin. Dans l’imaginaire haïtien, ils sont considérés comme des saints « à miracles ». Ces fêtes connaissent finalement une sorte de phénomène syncrétiste. On peut constater le foisonnement de cierges ou de chandelles qui brûlent devant les statues de ces saints. Ils sont considérés comme des saints protecteurs ou guérisseurs. Les pèlerins viennent leur demander des protections dans leurs difficultés, la guérison dans leurs maladies, le succès dans leur travail ou dans leur vie quotidienne[30]. A travers le saint Patron, ils sont à la recherche d’une faveur, d’un secours, d’une solution à un problème. Le saint qu’ils prient est perçu et considéré comme quelqu’un qui détient la solution à un problème ponctuel. C'est une conception presque magique qui peut correspondre aussi à une vision utilitariste. Mais en réalité, les chrétiens cherchent le secours divin à travers les intercessions du saint Patron de la communauté ou de la paroisse. 
Dans les différentes expressions liturgiques caractérisant les fêtes patronales, il y a un besoin d’entretenir les dons divins dans le cœur des croyants et de tous les hommes. L’actuelle prière après la communion pour la fête de saint Joseph exprime cela en disant :      « Par cette nourriture reçue à ton autel, Seigneur, tu as rassasié ta famille, heureuse de fêter saint Joseph ; garde-la toujours sous ta protection et veille sur les dons que tu lui as faits »[31]. L’Église demande à Dieu de nous protéger toujours et d’entretenir ses grâces divines en nous. Autrement dit, elle lui demande de nous garder dans sa sainteté. Toutefois, la célébration des fêtes patronales en Haïti, avec ses richesses spirituelles et sociales, est un phénomène socio-religieux à évaluer pour continuer à aider le peuple chrétien à vivre la foi réelle, la foi au Christ pascal


13. L’évaluation de la  célébration de la fête patronale

La célébration des fêtes patronales présente des difficultés qu’il nous faut chercher à mieux comprendre par une étape d’évaluation. Car d’autres réalités socio-culturelles et anthropologiques l’influencent et peuvent la transformer en fête purement profane. On peut facilement constater cela lors de la célébration des fêtes patronales pendant les vacances d’été qualifiées de « fêtes champêtres » par ceux qui n’en voient que le côté ludique. Si pour les chrétiens, la fête patronale est avant tout une fête chrétienne, pour les autres, elle est tout simplement un moment de plaisir. Il est difficile parfois de porter la correction qu’il faut. Car la fête patronale en Haïti a trop de facettes culturelles, religieuses, sociales et même politiques qui la caractérisent. Ces multiples aspects sont difficiles à harmoniser avec l’esprit de la fête du saint Patron. Ces facteurs peuvent être considérés comme des risques pour la liturgie des fêtes patronales[32]. Notons-en ici quelques-uns.

1) Un activisme religieux trop englobant, mais moins percutant pour la foi 
Dans certaines paroisses, en préparant les fêtes patronales, on tombe souvent dans une sorte d’excès d’activités spirituelles ou sociales qui n’aident pas vraiment les fidèles à faire une bonne préparation. Parfois, il y a tellement d’activités qui coïncident, que le jour de la fête est moins apprécié par les fidèles. Avant la fête, ils sont déjà fatigués ou rassasiés. Pour le triduum ou les neuvaines, les gens y viennent en nombre, mais parfois pour se « défouler » c’est-à-dire, danser, chanter, sans entrer dans une démarche de conversion, d’une préparation spirituelle. Les animations de ces activités donnent l’impression qu’elles ne sont pas préparées ou construites : ce sont toujours les mêmes choses. Quelle place pour la Parole de Dieu, approfondie dans ces moments d’animations spirituelles? On lit un texte biblique suivi d’une homélie qui n’est pas toujours cohérente pour éduquer la foi, des homélies qui parfois répètent les mêmes paroles moralisantes et qui blessent la conscience.  
D’autres s’intéressent à la prestation qu’ils ont à faire et non à la profondeur de leur foi chrétienne. Le jour de la fête apparaît comme un jour de spectacle. La célébration liturgique de la fête, dans certaines paroisses, est une manifestation culturelle ou folklorique avec des apparats démesurés, de longs couplets de chants parfois inadaptés, des mimes donnant l’impression qu’on assiste à une pièce de théâtre, de longs commentaires qui déroutent souvent les membres de l’assemblée, sans oublier de longues homéliesqui alourdissent la célébration. D’où l’importance pour les responsables d’aider les fidèles à mieux vivre la célébration de l’Eucharistie qui est le sommet de toutes les activités chrétiennes des fêtes patronales. 

2) Le syncrétisme religieux et sa compréhension
Les fêtes patronales en Haïti, dans leur quasi-totalité, sont parsemées de pratiques syncrétiques ou superstitieuses. Ce phénomène religieux, observable plus concrètement lors d’une telle célébration, vient de loin. Ce sont les séquelles de l’histoire de la cohabitation du catholicisme et du vodou en Haïti depuis l’époque de la colonisation. 
L’Église, tout au début, n’a pas su apprécier les apports du vodou comme élément culturel de l’ethos haïtien. Elle l’a toujours combattu violemment. On a assez longtemps diabolisé et marginalisé les vodouisants. Laënnec Hurbon parle d’une incidence culturelle du christianisme. Il dit :

Le Christianisme tel qu’il se présente en Haïti, a imposé un nouveau système de référence qui a commencé par dévaloriser les coutumes ancestrales et les modes originaux d’exister de l’Haïtien. On comprend que l’Haïtien vaudouisant soit livré pieds et poings liés à toute domination possible. Puisqu’on lui coupe tout langage, puisqu’on l’exile de lui-même, il ne dispose pas de défense. Il n’a plus d’existence originale. Il est comme disait Fanon, désubstantialisé. 
D’un autre côté, si la religion catholique est présentée comme la religion de la civilisation, de « la sociabilité », c’est le vaudouisant qui est renvoyé à sa primitivité, à ses superstitions, à Satan[33].     

Ces mots de Laënnec Hurbon peuvent nous aider à mieux percevoir la complexité de la célébration des fêtes patronales du point de vue syncrétique. À force de vouloir combattre le vodou on pousse ses adeptes à développer des mécanismes de résistance pour se ranger aux côtés du catholicisme. En revanche, les fêtes patronales sont des lieux majeurs où s’expriment ces mécanismes. C’est là que réside le plus grand malaise de certains pasteurs catholiques. Et quand on voit les manifestations ou les prestations vodoues aux parages ou à l’entrée des églises lors des fêtes patronales, on peut facilement poser le problème de la cohabitation du vodou et du catholicisme en Haïti. 
La campagne anti-vodou dite campagne antisuperstitieuse de 1941-1942 déclenchée par l’Église catholique avec l’appui du gouvernement d’alors, charrie derrière elle des complications religieuses que nous ne pouvons pas développer ici. Au lieu d’y chercher des semences du Verbe (pierres d’attente) pour l’annonce de l’Évangile, on a cherché à l’éliminer[34]. Il y a eu une sorte de peur. La peur d’exposer la foi chrétienne aux prismes de la foi populaire du vodou. Comme le souligne William Smarth, « l’Église n’agit pas avant tout au nom de la civilisation, mais au nom de la foi qu’elle veut protéger contre le mélange, c’est-à-dire la pratique de catholiques qui recourent au vodou dans certaines circonstances et aussi l’usage de sacrements et de sacramentaux de l’Église catholique par les vodouisants »[35]. C’est vraiment ce problème qui existe encore aujourd’hui dans le cadre de la célébration des fêtes patronales. Il y a une question de mélange et de peur. Le vodouisant se reconnaît aussi bien que le catholique dans la vertu du saint même si chacun cherche à l’appréhender à sa manière. Micial Nérestant, réfléchissant à la question des religions et politique en Haïti, écrit :

L’erreur du clergé d’alors, c’est d’avoir posé le problème du vaudou d’une façon isolée, sans chercher à le situer dans le problème global du pays, et ensuite de n’avoir pas bien posé toutes les exigences de l’évangélisation. Car une bonne évangélisation a comme base une maîtrise de la langue des gens qu’on veut évangéliser, la formation des catéchistes, des laïcs engagés qui peuvent assurer la permanence chrétienne, l’utilisation de la culture et la compréhension des coutumes, et enfin la constitution d’un clergé local[36].

Il y a eu cette tendance à combattre toute forme d’expression des éléments culturels de la foi du peuple et sa façon de vivre sa foi populaire. On était évidemment sous l’influence du Concile Vatican I. On a fait du vodou une religion syncrétique. En fait, le syncrétisme religieux en Haïti est une sorte de mélange d’éléments du catholicisme et d’éléments des religions africaines qui résistent encore. Pour dépasser le problème du syncrétisme religieux qui se pose essentiellement dans la célébration des fêtes patronales, il nous faut travailler la question de la sensibilité et de la tolérance religieuse, le processus de l’inculturation de l’Évangile en Haïti. Toute religion a son côté syncrétique. En ce qui concerne le syncrétisme religieux qu’on observe dans la célébration des fêtes patronales, mieux vaudrait parler des incidences culturelles, rituelles et religieuses du culte des saints dans l’agir de l’Haïtien. Le vodouisant se reconnaît aussi bien dans notre univers catholique que dans son univers vodou. 
Cela reste une difficulté majeure pour les catholiques et les vodouisants qui partagent une même valeur culturelle, anthropologique et sociale. Les vodouisants s’approprient certains saints catholiques et les fêtent en même temps que les catholiques. À titre d’exemple, la Vierge Marie, dans le vodou est considérée comme « Erzulie », un « lwa »[37]qui « représente la beauté et la grâce et dont la vie amoureuse est tissée de malheurs »[38]. C’est sûr que, quand une paroisse célèbre la fête de Notre-Dame du Perpétuel Secours ou celle de Notre-Dame du Mont Carmel (fêtées respectivement le 27 juin et le 16 juillet), les vodouisants célèbrent Erzulie. De même saint Patrice (fêté le 17 mars) représente un « lwa » qui est maître des sources et des rivières et qui s’appelle « Dambala Wedo » ou « lwa couleuvre ». Saint Pierre (fêté le 29 juin) correspond à « Papa Leba », un « Lwa » qui s’occupe de la barrière qui sépare les hommes et les esprits dans la mentalité religieuse vodoue. Un autre « lwa » très puissant dans le monde du vodou s’appelle « Ogou Feray ». Il est représenté par saint Jacques le Majeur (célébré le 25 juillet). Saint Joseph, Époux de la Vierge Marie (fêté le 19 mars) a son double dans le vodou qui s’appelle « Papa Loko ».  Le « Lwa Chango » est associé à saint Jean-Baptiste (fête patronale 24 juin et 29 août). 
Ces quelques exemples montrent qu’aux côtés de chaque saint, il y a un « lwa » qui lui est associé et que le vodouisant vénère. Pour toutes ces fêtes, les vodouisants offrent des sacrifices ou du « manger lwa ». Certains offrent de la nourriture ou des cadeaux aux pauvres. D’autres apportent des offrandes à l’église pour remercier le saint pour telle ou telle grâce reçue ou pour une guérison obtenue. D’autres encore portent des vêtements qu’on appelle « vœux » pour honorer le saint associé au « lwa » qu’ils servent.
Le numéro 227 du DPPL semble bien s’appliquer à la célébration des fêtes patronales en Haïti : « La détermination du "jour de la fête" du saint est une décision très importante sur le plan cultuel, mais elle est souvent complexe, parce qu’elle dépend de nombreux facteurs d’ordre historique, liturgique et culturel, qui ne sont pas faciles à harmoniser »[39]. Une telle harmonisation est un grand défi pastoral et un chemin de la transmission de la foi. 

3) La magie ou la recherche de miracles 
Certains croyants n’arrivent pas « à discerner la valeur et la signification véritables des fêtes de ces saints et de ces saintes, dont la mission particulière a marqué l’histoire du salut, et qui ont vécu dans une relation étroite avec le Seigneur Jésus »[40]. Il suffit de s’intéresser à leur mode de prière et on comprend tout de suite qu’ils ont une idée fausse du saint. Le plus souvent ce sont des prières à caractère magique ou superstitieux. Il y a là une relation marchande que le pèlerin cherche à établir avec le saint : « si tu me donnes un enfant, je reviendrai te remercier, je t’apporterai un beau bouquet pour ta fête »[41]. Tout repose sur les épaules du saint. Il doit résoudre les conflits, aider à trouver un visa, une maison, une voiture, un travail, un mari ou une femme etc. Il doit rendre justice. Beaucoup de gens viennent pour demander justice pour une situation angoissante qu’ils subissent. Le phénomène religieux observable dans plusieurs fêtes patronales exprime une compréhension magique du rôle des saints et un certain déséquilibre dans la piété populaire en Haïti. 
Il convient davantage de procéder à « la valorisation des exercices de piété et des pratiques de dévotion » par « un travail de purification, en vue de les harmoniser avec le mystère chrétien » comme l’indique le DPPL[42].

4) La relation entre vie politique et fête patronale
Les politiciens haïtiens profitent de cette grande occasion de rassemblement pour mener leur campagne et attirer la sympathie du peuple. Certains d’entre eux viennent à l’église le jour de la fête pour se donner une visibilité politique. La fête patronale est un lieu d’attraction et d’ancrage pour eux. C’est là qu’ils peuvent rencontrer beaucoup plus de citoyens de la communauté et d’ailleurs. Parfois, ils offrent de l’argent à la paroisse pour que leur nom soit cité par celui qui est chargé de faire les remerciements à la fin de la célébration. 
Dans certains cas aussi, comment ne pas souligner le manque de discernement de certains responsables religieux ou de certains membres du comité des finances dans leur recherche d’argent pour la réalisation de la fête ? Il y a des abus liturgiques qui sont très visibles dans la façon dont on cherche à encenser les politiciens qui ont aidé ou financé certaines activités de la paroisse à l’occasion de la fête patronale. Mis à part ces remarques, il faut noter, entre autres :

5) La cohésion sociale et religieuse
Dans beaucoup d’endroits, les fêtes patronales sont une occasion pour des milliers de gens de se ressourcer spirituellement, de se divertir, de visiter les lieux sacrés et de rendre un culte au saint Patron. 
Célébrer le saint Patron d’une paroisse répond aussi à un besoin de socialisation, d’humanisation et de religiosité. Le jour de la fête patronale est un jour de rencontres. On peut facilement comprendre ce besoin d’être ensemble, de faire corps dans les différentes activités profanes et spirituelles qui sont organisées pour que la fête soit belle et profitable à tous. Un besoin de transcender son monde s’en dégage. Celui qui y prend part cherche à valoriser son humanité et son milieu ambiant. On entend souvent les Haïtiens dire lors de la fête patronale : « c’est notre fête, nous nous réjouissons »[43]. Une telle célébration contribue à l’épanouissement des participants et « exprime à la fois la recherche d’une liberté sans entraves, l’aspiration à un bonheur parfait et l’exaltation de la pure gratuité »[44]. À travers la célébration patronale, les Haïtiens expriment leur identité et leur génie. La culture haïtienne n’est pas absente dans tout ce qui façonne les fêtes patronales. On peut le constater la veille de la fête. Les groupes et les mouvements populaires ou associations organisent des kermesses, des courses de chevaux, de véhicules, des jeux et des danses folkloriques, des expositions de tableaux et d’œuvres d’art qui mettent en valeur la culture et la philosophie du peuple haïtien. L’Eucharistie est le centre de toutes les activités qui sous-tendent la fête patronale. Elle est le point de ralliement de toutes les couches sociales et met en valeur l’altérité. Toutes les classes sociales haïtiennes sont regroupées dans un même lieu de culte. 


14. Les fêtes patronales, une réalité multiforme comme expression de la piété populaire

La célébration des fêtes patronales comme expression de la piété populaire demande de distinguer des pratiques qui relèvent de la liturgie et celles qui relèvent d’autres formes de piété que celle-ci n’encadre pas explicitement. 

14.1 Des pratiques de piété populaire relevant de la liturgie 
La célébration des fêtes patronales est jalonnée d’activités ou de pratiques de piété populaire que la liturgie essaye d’encadrer pour permettre au peuple chrétien de mieux vivre sa foi de manière communautaire. On peut noter les neuvainesle jeûneles triduums, ou d’autres formes d’activités spirituelles communément appelées JérichoLa mer rougeDébloquerou Caravaneetc.[45]. Il y a aussi des processions avec la statue ou l’image du saint, des pèlerinages organisés par les mouvements charismatiques ou d’autres mouvements paroissiaux. Ces activités spirituelles sont parfois suivies soit d’une célébration eucharistique ou d’une célébration de la Parole, soit d’une célébration pénitentielle ou d’un temps d’adoration eucharistique. Ces pratiques, à mon avis, peuvent s’aligner du côté de ce que Pedro Rubens Ferreira de Oliveira appelle la « constellation dévotionnelle », c’est-à-dire par ces pratiques, les pèlerins ou les fidèles cherchent à obtenir des faveurs spirituelles de la part de Dieu[46].
On peut aussi souligner la bénédiction de l’eau que les fidèles apportent pour leur usage personnel, la bénédiction des images ou des statues (le plus souvent l’image ou la statue du saint Patron) ou d’autres objets de piété autorisés par l’Église. Il y a aussi la bénédiction du feu soit sur la place publique soit sur le parvis de l’église la veille de la fête patronale. Par ces différentes pratiques encadrées par la liturgie, les fidèles expriment leur confiance en Dieu et découvrent son action dans leur vie. Par les pratiques de la piété populaire relevant de la liturgie, les fidèles célèbrent leur foi en Dieu en manifestant une quête de salut, une quête de libération et prolongent la vie liturgique de l’Église dans leur réalité quotidienne. 

14.2 Des pratiques relevant d’autres formes de piété populaire
Dans la célébration des fêtes patronales, il y a d’autres formes de piété populaire qu’on pourrait classer du côté de ce que Pedro Rubens Ferreira de Oliveira, dans ses approches sur la religiosité populaire nomme « la constellation protectrice »[47]. À travers ces pratiques, les fidèles ou les pèlerins font appel à l’intervention du saint Patron pour demander sa protection ou son aide face aux difficultés rencontrées dans ce monde : maladies, accidents, calamités, problèmes sentimentaux et familiaux, chômage et d’autres situations où ils se sentent impuissants[48]. De manière formelle, la liturgie de la fête patronale n’encadre pas ces pratiques. Cela ne veut pas dire qu’elles ne sont pas importantes. On peut être touché par la qualité de la foi d’une maman qui vient prier devant la statue de saint Joseph avec la photo de son enfant malade, le touche, lui parle avec tendresse et confiance. Symboliquement, il y a une grande proximité entre le saint comme intercesseur et le croyant en quête de sens pour sa vie. Certains pèlerins viennent offrir des bouteilles de rhum, de parfum ou des bougies (cierges) avec leur demande. Il y en a qui portent des habits particuliers en signe de pénitence ou de reconnaissance. On peut souligner aussi les oraisons jaculatoires, les saintes images que les pèlerins rapportent chez eux etc. 
On peut aussi noter les danses et les chants vodouesques accompagnés de prières dans les parages de l’église paroissiale non reconnus par la liturgie, mais qui sont d’autres formes de piété populaire traduisant une autre manière de vivre la foi et, montrant l’identité culturelle du peuple. Il y a toujours des signes de l’amour de Dieu manifestés dans ces différentes formes de piété populaire à travers lesquelles les pèlerins manifestent leurs besoins humains et spirituels. Le chrétien haïtien expérimente Dieu et dit sa foi dans les réalités simples qui constituent la trame de sa vie. Par exemple, même s’il ne peut pas participer à toutes les célébrations liturgiques de la fête, le pèlerin haïtien cherche un moment propice pour passer à l’église ou même à proximité de l’église afin de faire un signe de croix, de s’adresser à Dieu et lui demander de le bénir en disant : Dieu est bon. D’ailleurs « l’Haïtien l’appelle ²Bon Dieu²car pour lui, il est de la nature même de Dieu d’être bon et Dieu dans son amour est la source même de la bonté à qui on répond par l’amour » pour dire comme le théologien jésuite haïtien Godefroy Midy[49]. La simplicité de la foi du peuple exprimée à travers les pratiques de la piété populaire peut aider à faire une théologie en aval et non en amont, c’est-à-dire une théologie qui commence à partir du vécu de la foi, une théologie concrète qui n’est pas uniquement intellectuelle ou rationnelle.


Conclusion du premier chapitre
Ce premier chapitre nous a amené à faire une sorte de « radiographie » de la fête patronale. S’inscrivant dans l’histoire haïtienne, elle est marquée par des traits culturels qui la caractérisent et qui la font apparaître comme une réalité riche et complexe. Les activités qui sont organisées pour la préparer ne sont pas toujours trop enrichissantes pour la foi des fidèles parce qu’elles sont parfois trop superficielles. Le « mélange » ou « le syncrétisme » crée une grande difficulté. La magie ou la recherche de miracles font basculer la fête vers une réalité instrumentalisée sans oublier la relation entre vie politique et fête patronale qui est un peu ambigüe. On perçoit une sorte de tension entre ces réalités et la dimension chrétienne de la fête patronale. Cependant, nous avons vu qu’elle joue un rôle important dans la vie du peuple haïtien et qu’elle est un point d’ancrage pour une cohésion sociale et religieuse. Elle a des enjeux théologiques et pastoraux que nous voudrions approfondir dans la poursuite de notre recherche pour voir comment elle est un lieu pour vivre la foi, un lieu d’annonce du mystère pascal en sa totalité. Car les réalités que nous venons de mentionner, loin d’être des contraintes, peuvent être des lieux d’évangélisation. Il y a lieu de discerner « les manifestations d’une vie théologale animée par l’action de l’Esprit Saint qui a été répandu dans nos cœurs (Rm 5, 5) »[50]dans tout le déroulement de la célébration des fêtes patronales. Dans plusieurs cas, après une célébration de fêtes patronales, il arrive que des adultes demandent à être baptisés, à faire un cheminement catéchuménal. C’est un bel exemple. La célébration des fêtes patronales est un lieu d’évangélisation.
Ainsi, dans les documents magistériels, l’Église donne des repères et des orientations pour aider le peuple chrétien à mieux vivre la foi dans ses multiples formes. On y trouve des formulations doctrinales et pastorales à mettre en application pour que la foi chrétienne progresse et s’intègre dans les réalités culturelles des baptisés. Chercher à vérifier le rapport entre piété populaire et liturgie à travers ces documents officiels de l’Église serait un grand apport pour l’avancement de notre recherche parce que, nous l’avons déjà dit, la célébration des fêtes patronales entre aussi dans la catégorie de la piété populaire. Pour le faire, nous comptons interroger des documents ecclésiaux qui parlent de la liturgie, de la piété populaire, de l’inculturation de la foi et du culte des saints afin de trouver des repères théologiques pour penser une théologie des fêtes patronales. C’est ce que nous nous proposons de travailler dans le chapitre suivant. 


Chapitre II
Des repères magistériels pour comprendre les fêtes patronales 
dans l’articulation entre piété populaire et liturgie

Dans le premier chapitre, en analysant le déroulement et le contenu de la solennité de saint Joseph que nous avons présentée en exemple pour commencer à travailler notre sujet, nous avons constaté que la fête patronale, dans son déploiement, se situe entre la piété populaire et la liturgie. On ne peut pas la comprendre en dehors de ce rapport fructueux puisque celle-ci relève de la piété populaire et de la liturgie. J’ai déjà montré que le moment attendu de tous, est la célébration eucharistique du jour de la fête. Car la fête patronale faisant partie de la piété populaire a comme source la foi, mais cette foi doit être fondée sur le Christ et son mystère pascal.
Alors, sans vouloir ni reprendre ce qui a été déjà fait et dit partiellement à ce sujet dans le premier chapitre, ni faire une étude systématique de la  piété populaire et la liturgie (il y a d’autres théologiens ou liturgistes comme Aldo Natale Terrin, Jesus Castellano,RobertPeloux et Christian PianGuissepe Mattai, BalthasarFischer,pour ne citer que ceux-là, qui l’ont déjà fait)[51], il me semble important d’interroger quelques documents magistériels qui abordent cette question comme la Constitution Sacrosanctum Conciliumsur la liturgiel’Exhortation de Paul VI sur l’Évangélisation dans le mondele Directoire sur la piété populaire et la liturgie,les documents de la Conférence des évêques Latino-Américains et des Caraïbes (CELAM) et l’Exhortation apostolique du Pape François sur La joie de l’Évangilepour non seulement continuer à vérifier l’articulation entre la piété populaire et la liturgie, mais surtout, trouver des repères magistériels pour penser les fêtes patronales comme un lieu pour l’annonce du mystère pascal du Christ dans son intégralité, un lieu où se vit la foi pascale du peuple chrétien. Tel est l’objectif principal de ce chapitre. 





21. La Constitution Sacrosanctum Concilium

À première vue, on peut se demander pourquoi interroger Sacrosanctum Conciliumpuisqu’il ne parle pas officiellement du rapport entre liturgie et piété populaire. Que peut-il apporter à notre enquête pour trouver des repères théologiques pour la suite de cette recherche ? En fait, tout l’enjeu de cette Constitution est la participation active des fidèles à la liturgie à cause de leur condition baptismale[52]. Il faut souligner aussi l’importance du retour aux sources de la grande tradition de l’Église notamment biblique et patristique. Donc, il est important, dans le cadre de notre travail, de prendre en compte cette Constitution pour ce qu’elle représente en matière doctrinale et pastorale. Car la célébration des fêtes patronales mobilise des textes et des rites qui « expriment avec plus de clarté les réalités saintes qu’ils signifient » (SC 21) et facilite « la participation pieuse et active des fidèles » (SC 50). Dans le premier chapitre, nous avons mis en évidence quelques défis et limites par rapport à la place de la Parole de Dieu et l’homélie, la simplicité des rites, la relation entre vie politique et fête patronale que nous pouvons mieux appréhender à partir de ce que l’Église nous enseigne sur la liturgie. 

·      L’importance de la liturgie dans la vie de l’Église
Le Concile Vatican II souligne, tout au début de la Constitution SC, l’importance de la liturgie dans la vie de l’Église, dans la vie chrétienne : 

Aussi, puisque la liturgie édifie chaque jour ceux qui sont au-dedans pour en faire un temple saint dans le Seigneur, une habitation de Dieu dans l’Esprit, jusqu’à la taille qui convient à la plénitude du Christ, c’est d’une façon admirable qu’elle fortifie leurs énergies pour leur faire proclamer le Christ, et ainsi elle montre l’Église à ceux qui sont dehors comme un signal levé sur les nations, sous lequel les enfants de Dieu dispersés se rassemblent dans l’unité jusqu’à ce qu’il y ait un seul bercail et un seul pasteur (SC 2).

La foi chrétienne se nourrit de la liturgie que l’Église célèbre afin qu’elle soit solidement enracinée dans le mystère pascal du Christ. La liturgie édifie les membres du Corps du Christ puisqu’à travers elle, le Christ manifeste sa présence dans ses formes diverses (SC 7)[53]. Cette manifestation du Christ passe par la médiation de l’Église dans ses activités missionnaires. Cela nous aide à comprendre que la liturgie est la vie de l’Église, la vie des baptisés. Il n’y a pas d’Église sans liturgie, tout comme il n’y a pas de liturgie sans l’Église. Si le Christ est présent dans l’action liturgique de l’Église, c’est pour rejoindre son peuple, l’enseigner, le nourrir et le sauver. La liturgie nourrit la vie missionnaire et la rend fructueuse. 
De ce point de vue, on peut admettre que la fête patronale n’a pas de fondement christologique, pneumatologique et ecclésiologique si elle n’est pas pensée sous l’angle de la liturgie. C’est la liturgie qui donne forme et consistance à la fête patronale comme « prière collective » pour reprendre l’expression de Romano Guardini[54]. La fête patronale, à travers sa célébration liturgique, n’est pas un culte que le chrétien rend à Dieu personnellement. Elle est un culte de la communauté de foi à Dieu puisque « la personne liturgique est tout autre chose ; c’est l’union de la communauté croyante, comme telle, c’est quelque chose qui dépasse et déborde la simple addition numérique des individus – d’un mot, c’est l’Église »[55]. La valeur de la fête patronale ne réside pas d’abord dans les milliers de pèlerins qui affluent vers la paroisse, mais dans son rassemblement liturgique. Elle n’a de la valeur que s’ils forment une communauté célébrante[56]. Dire cela, fait penser à l’Eucharistie du jour de la fête et aux autres sacrements qui peuvent être célébrés en cette occasion. La fête patronale est une réalité qui exprime le caractère pérégrinant de la vie chrétienne car « en vénérant la mémoire des saints, nous espérons partager leur communauté » (SC 8). Il y a une tension eschatologique. Dans la célébration eucharistique de la fête (mais pas seulement), l’assemblée liturgique partage déjà la communauté des saints, et en même temps, ce partage n’est pas encore total. Il est conditionné par le temps et l’espace. Dans la perspective qui est la nôtre, à savoir comment la fête patronale intègre la liturgie, sa célébration eucharistique nous la fait percevoir comme une entrée dans le mystère pascal. Cependant, elle ne peut pas reposer sur la seule liturgie. D’où l’importance des formes de piété populaire, des activités spirituelles qui aident à préparer les fêtes patronales pour ne pas instrumentaliser la liturgie puisqu’elle « n’est pas toute l’activité de l’Église » et que ceux qui viennent participer à la fête doivent être appelés à la foi et à la conversion avant d’accéder à la liturgie (SC 9). 
Au numéro 10 de SC, le Concile précise que la liturgie est la source et le sommet de la vie de l’Église. Ainsi, la célébration des fêtes patronales est-elle aussi un acte liturgique de l’Église. Ce qui est dit pour la liturgie en général, peut être un éclairage pour vérifier le  fondement théologique de la célébration des fêtes patronales puisque celle-ci repose sur les bases de la liturgie pour qu’elle soit un lieu pour la foi, un lieu d’annonce du mystère pascal du Christ. 

·      L’harmonisation de la liturgie et les expressions de la piété populaire
Les numéros 12 et 13 de SC nous éclairent sur l’harmonisation de la liturgie et des pieux exercices : 

Cependant, la vie spirituelle n’est pas enfermée dans la participation à la seule liturgie. Car le chrétien est appelé à prier en commun : néanmoins, il doit aussi entrer dans sa chambre pour prier le Père dans le secret, et, même, enseigne l’Apôtre, il doit prier sans relâche. Et l’Apôtre nous enseigne aussi à toujours porter dans notre corps la mortification de Jésus, pour que la vie de Jésus se manifeste, elle aussi, dans notre chair mortelle. C’est pourquoi, dans le sacrifice de la messe, nous demandons au Seigneur « qu’ayant agréé l’oblation du sacrifice spirituel » il fasse pour lui « de nous-mêmes une éternelle offrande ». Les « pieux exercices » du peuple chrétien, du moment qu’ils sont conformes aux lois et aux normes de l’Église, sont fort recommandés, surtout lorsqu’ils se font sur l’ordre du Siège apostolique (SC 12).
Les « exercices sacrés » des Églises particulières jouissent aussi d’une dignité spéciale lorsqu’ils sont célébrés sur recommandation des évêques, selon les coutumes ou les livres légitimement approuvés. Mais les exercices en question doivent être réglés en tenant compte des temps liturgiques et de façon à s’harmoniser avec la liturgie, à en découler d’une certaine manière, et à y introduire le peuple parce que, de sa nature, elle leur est de loin supérieure (SC13).

La liturgie, tout en gardant sa valeur propre, ne remplace pas les autres formes de piété qui peuvent alimenter la foi du peuple chrétien si elles sont conformes à la foi de l’Église. Nous pouvons penser ici aux différentes formes de piété populaire que pratiquent les chrétiens tels que les pèlerinages, le culte des saints, le culte eucharistique, le culte marial etc. La liturgie initie à la foi et à la conversion celui qui y participe vraiment. En revanche, pour les autres, il n’est pas évident de commencer par elle. Il faut peut-être passer par d’autres célébrations qui ne sont pas forcément eucharistiques ou même sacramentelles. On peut penser aux neuvaines, aux exercices de piété, aux pèlerinages dans le cadre de la fête du saint Patron etc. Toutefois, la liturgie comme prière de l’Église est le point de repère pour toutes les formes d’expression de la piété populaire ou de pieux exercices.  Comme le fait remarquer Romano Guardini, c’est la liturgie qui reflètera toujours les lois fondamentales et immuables de la saine piété, de la piété fondamentale[57].

·      L’harmonisation des rites liturgiques
SC parle de l’harmonie des rites : « Les rites manifesteront une noble simplicité, seront d’une brièveté remarquable et éviteront les répétitions inutiles ; ils seront adaptés à la capacité de compréhension des fidèles et, en général, il n’y aura pas besoin de nombreuses explications pour les comprendre » (SC 34). Cela demande une certaine sobriété « pour qu’apparaisse clairement l’union intime du rite et de la parole dans la liturgie » (SC 35). La liturgie s’explique par elle-même, et on ne la comprend qu’en la pratiquant et en la vivant. Dans la liturgie, on comprend ce qu’on fait et vit si on est dedans. La pédagogie de la liturgie, c’est la participation qui est le fait de se laisser saisir par le mystère qu’elle célèbre et d’y adhérer dans sa corporéité. 
Parfois, on participe à des fêtes patronales très agitées et très étouffantes pour la foi des fidèles. La célébration ne leur permet pas de s’approprier ce qui se fait à cause du manque de simplicité des rites, des répétitions inutiles. Nous pouvons prendre en exemple, des mimes qui font rire au lieu de faire prier, des processions d’offrande qui durent trop longtemps et perturbent l’assemblée etc. Dans ce sens, l’harmonisation des rites demandée par SC est inhérente à la célébration des fêtes patronales. 

·      L’importance de l’homélie découlant de la proclamation et de l’écoute de la Parole
Le Concile, au numéro 43 de SC replace l’homélie dans sa fonction explicative des mystères de la foi et des normes de la vie chrétienne[58]. Elle découle de la Parole de Dieu proclamée et écoutée qui est une bénédiction[59]. Car le Christ manifeste sa présence dans la Parole qu’il adresse à l’assemblée liturgique : « Il est là présent dans sa parole, car c’est lui qui parle tandis qu’on lit dans l’Église les Saintes Écritures » (SC 7). Cette présence est l’œuvre de l’Esprit Saint puisque c’est par Lui que « la Parole vient à nous dans le Corps du Christ, dans le Corps eucharistique et dans le Corps des Écritures »[60]. Dans cette optique, l’homélie doit être réalisée avec soin car la Parole de Dieu ne peut être accueillie et comprise pleinement que grâce à l’Esprit Saint (VD 16). Toute homélie est « une prédication dans la liturgie qui demande une sérieuse évaluation de la part des pasteurs »[61]. Elle l’est davantage pour la célébration des fêtes patronales car celle-ci est un lieu privilégié pour l’annonce de l’Évangile et la transmission de la foi. Les pasteurs se doivent d’accorder une grande importance à l’homélie de la fête patronale puisqu’elle « peut être vraiment une intense et heureuse expérience de l’Esprit, une rencontre réconfortante avec la Parole, une source constante de renouveau et de croissance » (EG 135). Benoît XVI, dans l’Exhortation Verbum Domini, retrace l’importance de l’homélie dans la liturgie pour le peuple de Dieu qui écoute et médite la Parole et pour les pasteurs qui ont la charge de la présenter (VD 59). C’est par l’homélie que l’Église actualise le message biblique pour qu’il devienne une parole qui concerne les chrétiens et leur parle aujourd’hui. En ce sens, Benoît XVI précise : 

L’homélie est en effet une actualisation du message scripturaire, de telle sorte que les fidèles soient amenés à découvrir la présence et l’efficacité de la Parole de Dieu dans l’aujourd’hui de leur vie. Elle doit aider à la compréhension du Mystère qui est célébré, inviter à la mission, en préparant l’assemblée à la profession de foi, à la prière universelle et à la liturgie eucharistique (VD 59). 


C’est en tenant compte de cela que la fête patronale peut être un lieu où l’on écoute la Parole qui éclaire les expressions de la piété populaire et donne sens à la démarche spirituelle des fidèles. L’homélie a un rôle capital dans la transmission de la foi, dans l’œuvre de la nouvelle évangélisation, dans l’annonce du mystère pascal que constituent les fêtes patronales. Mais, dans le chapitre précédent, en évaluant la fête patronale, nous avons évoqué la faiblesse de certaines homélies qui ne répondent pas aux critères liturgiques de la célébration, des homélies qui parfois blessent, offensent ou, qui sont des occasions de faire de la propagande politique etc. D’où l’importance de la revalorisation de l’homélie et d’améliorer son contenu pour aider les fidèles qui participent à la fête à mieux faire une expérience heureuse avec l’Esprit et une rencontre réconfortante avec la Parole de Dieu (EG 136-159). Bref, elle est le lieu d’une catéchèse mystagogique qui peut faire comprendre le mystère célébré et les normes de la vie chrétienne qui ont façonné la vie du saint.  

·      Le sens, le fondement et le contenu de l’année liturgique
Le chapitre cinq de SCprécise le sens, le fondement et le contenu de l’année liturgique. Et, l’Église, célébrant l’œuvre salvifique du Christ (SC 102)[62],ne met pas en cause la célébration des fêtes patronales qui est aussi une facette de la mémoire du mystère pascal du Christ. Entre le temps de la célébration du mystère salvifique du Christ et l’attente du jour de sa glorieuse manifestation, il y a aussi le temps de la communion des saints, le temps du témoignage des élus. C’est un temps qui est donné pour expérimenter la communion des saints comme « mystère de solidarité spirituelle »[63]. Pendant ce temps d’attente, l’Église se modèle et contemple ce qu’elle désire et espère dans la figure des saints, en particulier dans celle de la Vierge Marie, prototype de notre foi et de notre espérance (SC 103)[64]. De ce fait, le numéro 104 de la Constitution sur la liturgie attire l’attention directement sur la mémoire des martyrs et des autres saints dans le calendrier liturgique de l’Église[65].
La fête des saints est une fête liturgique puisqu’ils reçoivent, selon la tradition, un culte spécial dans l’Église[66]. Cependant, par rapport au culte des saints, l’Église nous demande de garder un certain équilibre afin de guider le peuple chrétien vers la rencontre avec le Christ, le Ressuscité. Concernant les saints, leur rôle dans la vie de l’Église et la théologie qui sous-tend la vénération qu’on leur accorde, SC précise : « Selon la tradition, les saints sont l’objet d’un culte dans l’Église, et l’on y vénère leurs reliques authentiques et leurs images. Les fêtes des saints proclament les merveilles du Christ chez ses serviteurs et offrent aux fidèles des exemples opportuns à imiter » (SC 111). Les deux préfaces des saints proposées dans le nouveau Missel romain éclairent cet article en mettant en évidence la gloire et le rôle des saints[67].
Donc, d’après ces notes de SC, nous pouvons tirer deux conclusions utiles pour la suite de notre travail:
¾Le culte des saints, pourvu qu’il ne porte pas préjudice à la célébration des mystères du Christ, est à encourager pour plusieurs raisons : d’abord, parce que la célébration de la fête des saints est une proclamation des merveilles du Christ accomplies en eux ; ensuite, parce qu’ils sont des modèles de foi pour le peuple chrétien. Leur naissance au ciel met le sceau à leur pérégrination baptismale et encourage les chrétiens à progresser dans la foi et dans l’espérance du salut définitif en Christ. 
¾La liturgie s’articule avec la piété populaire puisque c’est à travers celle-ci que l’âme religieuse du peuple est exprimée.  
Ces raisons théologiques sont des ressources précieuses pour discerner dans la fête patronale un lieu habité par la foi pascale pour corriger les abus qui peuvent en découler et pour conduire les fidèles à la liturgie. Elles permettent de vérifier si la foi est bien intégrée à la culture et vice versa. Car le peuple exprime son identité culturelle et religieuse, ses joies et ses souffrances dans sa façon de célébrer les saints. 


22.  Evangelii Nuntiandi

Le Pape Paul VI, dans son Exhortation Apostolique sur l’Évangélisation dans le monde moderne, Evangelii Nuntiandipubliée le 8 décembre 1975, pour la première fois, parle de la piété populaire comme aspect important de l’évangélisation. Ce texte vise à valoriser la piété populaire longtemps considérée comme « moins pure » à cause de ses nombreuses limites. Il s’agit d’une redécouverte de cette réalité pour l’orienter vers une « pédagogie d’évangélisation » (EN 48). Il déclare : « Ici Nous touchons à un aspect de l’évangélisation qui ne peut pas laisser insensible. Nous voulons parler de cette réalité que l’on désigne souvent aujourd’hui du terme de religiosité populaire » (Id.). Pour le Pape Paul VI, la piété populaire est un facteur important pour le peuple chrétien dans sa quête de Dieu et de la foi et il invite l’Église à la redécouvrir sans pour autant en nier les limites. Ces approches sont éclairantes pour questionner la pratique de la piété populaire aujourd’hui, et aussi celle de la célébration des fêtes patronales qui n’est pas séparée de cette prise en compte. Cela nous demande de reprendre l’ensemble du numéro 48 de EN pour sa profondeur théologique et pastorale toujours actuelle:

Aussi bien dans les régions où l’Église est implantée depuis des siècles que là où elle est en voie d’implantation, on trouve chez le peuple des expressions particulières de la recherche de Dieu et de la foi. Regardées longtemps comme moins pures, quelquefois dédaignées, ces expressions font aujourd’hui un peu partout l’objet d’uneredécouverte. Les Évêques en ont approfondi la signification, au cours du récent Synode, avec un réalisme pastoral et un zèle remarquables.
La religiosité populaire, on peut le dire, a certainement ses limites. Elle est fréquemment ouverte à la pénétration de maintes déformations de la religion voire de superstitions. Elle reste souvent au niveau de manifestations culturelles sans engager une véritable adhésion de foi. Elle peut même mener à la formation de sectes et mettre en danger la vraie communauté ecclésiale.
Mais si elle est bien orientée, surtout par une pédagogie d’évangélisation, elle est riche de valeurs. Elle traduit une soif de Dieu que seuls les simples et les pauvres peuvent connaître. Elle rend capable de générosité et de sacrifice jusqu’à l’héroïsme, lorsqu’il s’agit de manifester la foi. Elle comporte un sens aigu d’attributs profonds de Dieu : la paternité, la providence, la présence amoureuse et constante. Elle engendre des attitudes intérieures rarement observées ailleurs au même degré : patience, sens de la croix dans la vie quotidienne, détachement, ouverture aux autres, dévotion. En raison de ces aspects, Nous l’appelons volontiers “ piété populaire ”, c’est-à-dire religion du peuple, plutôt que religiosité.
La charité pastorale doit dicter, à tous ceux que le Seigneur a placés comme chefs de communautés ecclésiales, les normes de conduite à l’égard de cette réalité, à la fois si riche et si menacée. Avant tout, il faut y être sensible, savoir percevoir ses dimensions intérieures et ses valeurs indéniables, être disposé à l’aider à dépasser ses risques de déviation. Bien orientée, cette religiosité populaire peut être de plus en plus, pour nos masses populaires, une vraie rencontre avec Dieu en Jésus-Christ.

Ce numéro, dès le départ, souligne cet aspect fondamental de l’évangélisation, de l’implantation de l’Église dans les différentes régions du monde : le respect de la culture des peuples parce que, dans ces cultures, il y a la recherche de Dieu et de la foi en germination ou en gestation. Les réalités culturelles peuvent devenir des lieux de rencontres avec Dieu si elles se laissent éclairer par l’Évangile du Christ. Ce numéro de EN demande de valoriser les cultures comme terrain d’accueil pour l’annonce de l’Évangile. Mais la culture n’est pas une ligne d’orientation pour l’Évangile[68]. De ce fait, l’évangélisation des cultures qui est l’insertion de l’Évangile en elles pour les consolider, les renforcer et les assumer devient une réalité incontournable pour que l’Église puisse aider le peuple chrétien à progresser dans la foi. En revanche, cette évangélisation des cultures n’est pas un acte de compromission, mais une libération des cultures. Libération contre toutes les formes d’idolâtrie qui peuvent polluer les cultures et donner une fausse image de Dieu et de l’homme. Toutes formes de piété populaire qui ne sont pas orientées vers la croissance de la foi ne sont pas à encourager. 
Cependant, dans les différentes expressions de la piété populaire, il y a une soif de Dieu. À travers elles, le peuple chrétien peut exprimer et vivre sa foi de manière simple et réelle. Dans la piété populaire, la raison et la foi se rencontrent véritablement. Mais, il faut savoir découvrir les limites et les valeurs de ces expressions pour leur donner une dimension évangélique. C’est quand l’Évangile les pénètre qu’elles peuvent devenir des sources pour la foi. En ce sens, il faut évaluer les pratiques de la piété populaire pour corriger les déviations et encourager le peuple chrétien à garder l’équilibre dans sa façon de vivre la foi dans sa propre culture en se conformant davantage au message du Christ. En ce sens, Mgr Norberto Rivera Carrera, lors de son intervention à l’Assemblée plénière de la Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des sacrements, tenue à Rome du 21 au 29 septembre 2001, a souligné qu’il est « évident que pèlerinages et processions, neuvaines et triduums en vue de préparer les fêtes sont des exercices de piété extrêmement précieux pour vivre la liturgie encore plus pleinement »[69]. D’où l’importance d’articuler la piété populaire et la liturgie. Car la piété populaire est invitée à s’orienter toujours vers la célébration de la foi en s’alimentant de la vie sacramentelle et liturgique, lieu privilégié de la rénovation de la foi populaire[70]. Comme l’a fait remarquer Mgr Norberto Rivera Carrera, « nombreux sont les pieux exercices qui découlent de la liturgie et qui gardent la mémoire vive de la présence du Christ dans la vie quotidienne »[71]. Donc, la piété populaire prépare le peuple chrétien à la liturgie. 


23. Le Directoire sur la piété populaire et la liturgie

Le Directoire sur la piété populaire et la liturgieest également le fruit de la réforme liturgique de Vatican II. La liturgie n’absorbe pas toutes les réalités de l’Église. Il y a d’autres moyens pour exprimer et nourrir la foi. La piété populaire est l’un de ces moyens. Elle le fait en s’harmonisant à la liturgie comme source et sommet de la vie de l’Église (SC 10). Parlant de cette harmonisation, le DPPL précise :

La liturgie et la piété populaire sont donc deux expressions cultuelles qui doivent se situer dans une relation mutuelle et féconde, même si la liturgie est toujours appelée à constituer un point de référence permettant de « canaliser avec lucidité et prudence les désirs ardents de prière et de vie charismatique » qui se manifestent dans la piété populaire. De son côté, la piété populaire, avec ses valeurs symboliques et expressives, est en mesure d’aider la liturgie à réussir son travail d’inculturation et peut aussi lui procurer des éléments stimulants en vue d’accroître d’une manière efficace son dynamisme et sa créativité[72].

Ce numéro rappelle que la liturgie et la piété populaire partagent une même réalité cultuelle et par conséquent doivent s’interpeller. Cette interpellation est une richesse pour la foi enracinée dans la culture du peuple. La piété populaire et la liturgie constituent un lieu de croissance pour la foi. C’est par leur harmonisation et leur don réciproque que la foi se trouve inculturée. 
Dans le Décret du Directoire, la Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des sacrementsaffirme que « la vie spirituelle des fidèles est aussi alimentée par ²les exercices de piété du peuple chrétien², et en particulier par ceux qui sont préconisés par le Siège apostolique et pratiqués dans les Églises particulières sur mandat de l’évêque, et avec son approbation »[73]. La fête patronale s’inscrit, elle aussi, dans la catégorie de la piété populaire. Elle n’est pas que piété populaire, mais elle est l’un des lieux où la piété populaire est le mieux exprimée et vécue. Elle est aussi le point de convergence entre la piété populaire et la liturgie. 
Dans la célébration des fêtes patronales, on trouve, bien sûr, des expressions qui ne font pas automatiquement partie de la liturgie, comme toucher ou baiser la statue ou l’image du saint, élever la photo de la personne pour qui on prie pendant la procession du saint Sacrement ou pendant l’aspersion d’eau bénite au cours des neuvaines ou autres activités qui préparent à la fête patronale, l’offrande de bouteilles de rhum, de parfum, d’huile, de lettres de demandes déposées au pied du saint. Ces expressions ne peuvent pas être rejetées. Elles expriment un besoin humain très fort et traduisent aussi le milieu social dans lequel l’Évangile se déploie. La liturgie est appelée à les accueillir pour leur donner du sens, pour les conduire vers une réalité qui exprime la vraie foi, la foi en Dieu et non vers la superstition et la magie. Car « la piété populaire accueille et exprime l’expérience chrétienne et liturgique dans la vie de tous les jours : dans la famille et au travail, dans la communauté citoyenne et au rythme de la vie, dans les moments les plus solennels comme dans les gestes les plus ordinaires »[74].  Il y a une manifestation de la foi des fidèles dans les réalités les plus simples et les plus fragiles. Car les semences du Verbe devancent la liturgie, autrement dit, l’Esprit Saint agit en dehors même des actes liturgiques que l’Église accomplit. Il précède l’Église dans la mission et prépare les cœurs à accueillir l’Évangile, à accueillir la foi. Le DPPL souligne l’importance de l’équilibre à garder entre liturgie et piété populaire en disant :

De fait, la conscience de l’importance primordiale de la liturgie et la recherche de ses expressions les plus justes ne doivent pas conduire à obscurcir la nature profonde de la piété populaire, et encore moins à la mépriser ou à la considérer comme superflue, ou même à estimer qu’elle serait préjudiciable à la vie cultuelle de l’Église[75].

Tout ce qu’on dit de la piété populaire et de la liturgie trouve son écho dans les fêtes patronales. En ce sens, il convient de suivre les consignes du Directoire qui parle de distinction et d’harmonisation avec la liturgie : « La différence objective entre, d’une part, les exercices de piété et les pratiques de dévotion, et d’autre part, la liturgie, doit apparaître clairement dans les expressions du culte chrétien »[76]. La liturgie des fêtes patronales cherche à distinguer les formes de piété populaire, les discerner, les purifier, les intégrer ou même les supprimer si elles sont incompatibles avec la foi. Elle les oriente vers le vrai culte du peuple chrétien. La liturgie des fêtes patronales est invitée à le faire sans mélange et sans confusion. C’est en ce sens que nous pouvons comprendre le Directoire quand il précise que « De plus, il faut éviter le phénomène de la superposition afin que le langage, le rythme, la configuration, les accents théologiques de la piété populaire se différencient bien des éléments correspondants dans les actions liturgiques »[77]. La liturgie des fêtes patronales a pour mission de permettre au peuple chrétien, à travers ces manifestations, d’entrer en relation intime avec Dieu. Cela nous conduira à un discernement fructueux de la célébration des fêtes patronales et à « orienter les fidèles vers la pratique des exercices de piété dont ils se sentent les participants actifs »[78]. Et ils seront à même d’entrer dans le sens profond de la célébration. 
Le DPPL peut aider à corriger certaines erreurs qui peuvent exister dans les pratiques festives des fêtes patronales et qui peuvent encourager une sorte de dévalorisation de la liturgie. On peut voir facilement les gens s’intéresser aux exercices et aux dévotions privés plus qu’à l’Eucharistie de la fête elle-même. Car le plus souvent dans les pratiques, les réalités de la piété populaire paraissent plus simples et plus compréhensibles pour les pèlerins. Ils célèbrent d’une manière plus libre et plus spontanée, ce qui peut favoriser un certain parti pris pour la piété populaire sans lien avec la liturgie elle-même qui doit avoir la primauté sur l’ensemble des pratiques. Pour cela, le Directoire souligne :

La primauté de la liturgie sur les autres formes de prières chrétiennes qui sont possibles et légitimes, doit trouver un écho dans la conscience des fidèles : si les sacrements sont indispensables pour pouvoir vivre unis au Christ, les diverses formes de la piété populaire ont en revanche un caractère facultatif[79].

Le DPPL valorise la piété populaire dans ce qu’elle est et ce qu’elle représente pour la vie de l’Église en la qualifiant de « légitime ». Il exhorte à « éviter de poser la question des rapports entre la liturgie et la piété populaire en termes d’opposition, ou même d’équivalence ou de substitution »[80]. Cette orientation est valable pour comprendre et vivre les fêtes patronales dans les communautés chrétiennes. Un juste équilibre est à établir sans pour autant supprimer tout ce qui est de l’ordre de la piété populaire ou même de l’ordre culturel. Car la piété populaire a un lien direct avec la culture du peuple avons-nous déjà souligné. Elle doit être le fruit de l’inculturation de l’Évangile dans la culture haïtienne. 
La deuxième partie du Directoire nous indique trois grands supposés fondamentaux qui doivent orienter notre recherche sur la célébration des fêtes patronales  comme lieu d’annonce du mystère pascal: 
¾tout d’abord, elle souligne le primat de la liturgie sur les autres actes cultuels,
¾ensuite, elle légitime et valorise la piété populaire capable de préparer à la liturgie,
¾et, enfin, elle appelle à éviter d’opposer la liturgie et la piété populaire, de les confondre et de tomber dans des formes de célébration hybride. 
Cette deuxième partie du DPPL nous permet également de situer la célébration des fêtes patronales au cœur de l’année liturgique qui est « la structure temporelle à l’intérieur de laquelle l’Église célèbre l’ensemble des mystères du Christ »[81]. La fête patronale est aussi une célébration du mystère du Christ déployé dans la vie des fidèles. Ainsi, le chapitre six du DPPL met-il en exergue la vénération des saints et des bienheureux après un long chapitre consacré à la vénération envers la Vierge Marie[82]. Selon le Directoire[83], le culte des saints a toujours été encouragé par l’Église qui a cherché à montrer les évidences théologiques de cette pratique, son rapport étroit avec la foi chrétienne. Elle a rédigé des normes pour « réglementer le culte des saints, dans ses expressions tant liturgiques que populaires »[84]. Elle n’a jamais cessé de souligner « la valeur exemplaire du témoignage de ces remarquables disciples du Seigneur, hommes et femmes, dans le but d’inciter les fidèles à mener comme eux une vie chrétienne authentique »[85]. Par son côté pédagogique, la célébration des fêtes patronales peut devenir  source d’initiation à la foi et à la vie missionnaire quand elle trouve sa vraie place dans l’articulation de la piété populaire et la liturgie. Quand elle se réfère au mystère pascal du Christ dans sa totalité. 
Dans les numéros 210 à 212 du DPPL, la doctrine de l’Église concernant les saints repose sur son rapport avec le Christ qui la sanctifie. L’Église reçoit la sainteté comme don de la Trinité puisque le Christ la remplit de sa présence dans l’amour du Père et la communion de l’Esprit. 
Alors, quelles ressources théologiques retenons-nous pour la suite de notre travail ? Nous pouvons en retenir six :
1. La piété populaire est une richesse pour la foi du peuple chrétien et en même temps l’expression de l’inculturation de la foi exprimée dans la célébration des fêtes patronales car elle « s’attache au sentiment de la proximité de la nature, de la terre et de toute ce qui l’entoure »[86]. Elle développe ce que Aldo N. Terrin appelle « sensibilité écologique », ce qui paraît très intéressant pour comprendre le processus d’inculturation de la foi et pour faire une théologie des fêtes patronales dans leur dimension liturgique ; ceci dans un esprit d’harmonie entre doctrines, éléments de la culture et symboles religieux fondamentaux qui les caractérisent,
2. La sainteté est un don de la Trinité que la célébration des fêtes patronales cherche à refléter,
3. La doctrine de l’Église sur le culte des saints trouve son fondement dans l’unique médiation du Christ. Donc, les fêtes patronales, si elles veulent être une célébration de la foi, doivent être fondées sur cette unique médiation,
4. Les saints communient à la Pâque du Christ. En revanche, les fêtes patronales peuvent être vues comme une entrée dans le mystère pascal du Christ, 
5. Les saints sont des modèles pour les chrétiens et le peuple chrétien peut imiter leurs vertus,
6. Ils créent une relation d’amitié avec les fidèles et intercèdent en leur faveur. On peut parler de solidarité des saints avec les fidèles (la communion des saints). 
En résumé, nous pouvons dire en tenant compte de ces ressources, que les fêtes patronales dans leur déploiement, doivent avoir une dimension communautaire et missionnaire de la foi centrée sur le mystère pascal du Christ, sur l’Écriture, sur les sacrements, en particulier sur l’Eucharistie et sur l’harmonie entre piété populaire et liturgie. 


24. Les Documents de la Conférence des Évêques Latino-Américains et des Caraïbes[87]

De la conclusion de Medellínà celle d’Aparecida, les Évêques Latino-Américains et des Caraïbes font une large place à la piété populaire dans son rapport à la liturgie. L’étude de ces documents pourra nous aider à trouver des repères pour penser une théologie des fêtes patronales en tenant compte des diverses expressions de la piété populaire qui les caractérisent. 

24.1La Conclusion de Medellín
La Conclusion de Medellín est un écho du Concile Vatican II dans la réalité des peuples latino-américains et caraïbéens dans laquelle se définissent des lignes directrices de la mission de l’Église et sa prise de position pour la libération des peuples opprimés du Continent[88]. Le thème choisi pour cette rencontre le confirme : l’Église dans la transformation actuelle de l’Amérique Latine à la lumière du Concile Vatican II. Dans la Conclusion finalede ce fructueux débat, la question de la piété populaire trouve une place prépondérante. Les évêques n’hésitent pas à déclarer que « La religiosité populaire place l’Église devant un dilemme : ou bien l’Église continue d’être universelle, ou bien elle devient une secte si elle n’intègre pas à sa vie les hommes s’exprimant religieusement de cette façon » (DM 3). Ce document invite l’Église à accueillir dans ses pratiques les diverses formes de piété populaire par lesquelles le peuple exprime et vit sa foi. Cet accueil n’est pas facultatif, il est une nécessité pour l’Église de valoriser la piété populaire pour qu’elle soit une célébration de la foi. Et celle-ci permet à la prière de l’Église de s’incarner dans la culture du peuple chrétien. 
C’est une invitation à surmonter toute séparation qui peut exister entre la piété populaire et la liturgie, entre la foi populaire et la foi officielle de l’Église. En ce sens, la liturgie et la piété populaire se rencontrent pour l’épanouissement de la foi chrétienne, une foi dynamique, capable d’être au service de la société. Quand la liturgie et la piété populaire se trouvent articulées, la foi du peuple chrétien devient une force transformatrice de la réalité humaine. Car la piété populaire est l’expression de la réalité vitale du peuple dans ce qui constitue son identité religieuse, culturelle et sociale. C’est à travers l’articulation entre la piété populaire et la liturgie que le peuple chrétien raconte et chante sa foi en Jésus Christ, prie et célèbre le Dieu de la vie. 
À la lumière de ce que nous venons de dire, nous pouvons chercher à mieux interpréter les « signes des temps » qui se présentent à l’Église dans le cadre de la célébration des fêtes patronales pour découvrir l’action de Dieu dans la vie de son peuple et l’orienter vers la célébration de la Vie, vers la célébration de la Pâque du Christ. 

24.2Le Document final de la Conférence de Puebla
Dans le Document final de la Conférence de Puebla, la piété populaire est définie comme « l’ensemble de croyances centrées sur Dieu, des comportements essentiels qui découlent de ces convictions, et des manifestations extérieures qui en sont l’expression »[89]. Les évêques la situent dans la culture en tant qu’expression de la foi catholique. Ces découvertes font ressortir l’importance de la piété populaire pour la foi afin que celle-ci s’harmonise avec l’environnement vital du croyant. Les dogmes de l’Église ne peuvent pas être compréhensibles sans la prise en compte de l’environnement vital de l’homme. Aussi, Pueblasouligne-t-il l’importance d’une harmonisation entre la liturgie et la piété populaire :

Favoriser la fécondation mutuelle de la liturgie et de la piété populaire de façon à canaliser, avec clairvoyance et prudence, les besoins de prière et de vie charismatique qui se font jour dans nos pays. Par ailleurs, la religion populaire, avec sa grande richesse de symboles et d’expressions, peut apporter à la liturgie un dynamisme créateur. Dûment identifié, celui-ci peut permettre de mieux incarner la prière de l’Église dans la culture de nos pays (DP 465).

Cette précision du Document final de Pueblaest très stimulante pour travailler le rapport entre la liturgie et les aspects culturels qui façonnent les diverses manières qu’ont les croyants cherchant à entrer en relation avec Dieu. Cette harmonisation aide le peuple chrétien à progresser dans sa vie de foi, dans sa rencontre avec le Christ, son Seigneur. Quant à la piété populaire, elle a une valeur anthropologique qu’il est souhaitable d’intégrer dans la vie liturgique des chrétiens, afin que leur piété soit enracinée dans leur culture. Cette piété dont nous parlons ici est l’expression de leur gratitude, de leur amour envers Dieu pour sa présence dans leur vie. Robert Peloux et Christian Pian ne cessent de souligner ce va et viententre liturgie et piété populaire pour prendre les fidèles là où ils sont, les accompagner afin qu’ils puissent faire un discernement et un choix personnel par la pédagogie de la foi et l’écoute de la Parole de Dieu[90].
La canalisation de manière clairvoyante et prudente des expressions culturelles qui caractérisent la piété populaire est un facteur important pour que les fêtes patronales dans leur célébration deviennent un lieu d’annonce du mystère pascal, un lieu pour la foi pascale. C’est la liturgie qui a ce rôle, sans s’ériger en ultime instance de condamnation, mais en régulatrice de la vie de foi du peuple chrétien. Car le renouvellement de la foi populaire passe par la vie liturgique de la communauté chrétienne. C’est par elle, et en elle, que la vie du peuple chrétien devient culte agréable à Dieu à la lumière du mystère pascal du Christ. Elle n’est pas, pour autant, répression de la piété populaire. À l’inverse, la piété populaire n’est pas la rivale de la liturgie. Les deux s’imbriquent, même si chacune garde son identité propre. 
Les fêtes patronales dans le cadre de la rencontre entre liturgie et piété populaire, peuvent devenir un lieu où la foi chrétienne s’exprime de manière concrète en harmonie avec les éléments culturels qui caractérisent l’identité du peuple dans lequel l’Évangile est annoncé et accueilli. Les fêtes patronales, dans cette dynamique, peuvent permettre de penser la dimension cosmothéandriquede la liturgie puisque celle-ci est le lieu où l’Évangile pénètre le cœur des croyants et leur culture avec acuité. 

24.3Les Conclusions de Saint Domingue
Du 12 au 28 octobre 1992, à Saint-Domingue (Santo Domingo) en République Dominicaine, a eu lieu la IVConférence générale de l’Épiscopat Latino-Américain et des Caraïbes sur le thème de La Nouvelle évangélisation, la promotion humaine et la culture chrétienne[91].Dans les Conclusions de cette Conférence,les évêques disent que 

La religiosité populaire est une expression privilégiée de l’inculturation de la foi. Il ne s’agit pas seulement d’expressions religieuses, mais de valeurs, de critères, conduites et attitudes qui s’enracinent dans le dogme catholique et constituent la sagesse de notre peuple, pour former sa matrice culturelle (CSD 36). 

La piété populaire est comprise comme une richesse pour la foi, une réalité vivante et incontournable à travers laquelle et dans laquelle le peuple chrétien exprime et vit sa relation avec Dieu. La foi peut pénétrer les cultures des peuples parce qu’elle est dedans. Il est certain que la piété populaire apparaît ici comme le fruit de la rencontre entre l’Évangile et les réalités culturelles du peuple. Car la foi inculturée n’est autre qu’une foi qui prend en compte les valeurs culturelles du peuple dans lequel l’Évangile est annoncé, transmis et reçu. Là où l’Évangile entre dans un dialogue sincère et fructueux avec la culture, la foi ne s’oppose pas à la piété populaire qui est une manière d’exprimer et de vivre la foi. La piété populaire exprime la valorisation de tout ce qui est positif dans les cultures des peuples. Une telle valorisation est le fruit d’un travail de purification de ces cultures lorsqu’elles présentent des réalités qui sont contraires à l’épanouissement de ces peuples selon le plan d’amour de Dieu révélé en Jésus-Christ. En ce sens, « la dévotion populaire est l’humus sans lequel la liturgie ne peut prospérer » pour reprendre Joseph Ratzinger[92].
Cet éclairage nous est utile pour mieux approfondir notre recherche sur la  célébration des fêtes patronales qui peut être un des lieux où le peuple chrétien exprime la richesse de sa foi enracinée dans sa culture, un des lieux où l’on peut vérifier la dimension de l’inculturation de la foi en Haïti, mais la foi enracinée dans le Christ mort et ressuscité. 

24.4Le Document d’Aparecida[93]
Abordant les grandes questions et les grands défis de la mission de l’Église en Amérique Latine et les Caraïbes, dans le document final de leur VConférence générale tenue à Aparecidaau Brésil du 13 au 31 mai 2007, les évêques consacrent 8 numéros à la piété populaire[94]. Ils affirment que la piété populaire joue un rôle important dans la façon dont les chrétiens de ce Continent vivent leur foi catholique. Ils la considèrent « comme un espace de rencontre avec Jésus-Christ »[95]. Dans ce document, les fêtes patronales sont clairement identifiées comme expressions de la piété populaire en terme de spiritualité. Les évêques déclarent que « Parmi les expressions de cette spiritualité, on compte : les fêtes patronales, les neuvaines, les rosaires et les chemins de croix, les processions, les danses et les cantiques du folklore religieux, l’attachement aux saints et aux anges, les vœux, les prières en famille » (DA 259). Il semble que nous pouvons nous appuyer sur ces textes pour mieux chercher à mettre en lumière comment ces fêtes peuvent être un support important pour vivre la foi en prenant en compte les tenants de la piété populaire, mais enracinée dans la culture et articulée avec la liturgie. Il y a là, me semble-t-il, un trésor du mystère de l’Incarnation qu’il faut continuer à faire ressortir. C’est la foi incarnée dans la culture, c’est-à-dire une foi qui prend racine dans la culture qui est en dialogue avec l’Évangile et qui devient un lieu de salut, un lieu de métanoiaet de kairos. Cette foi imprègne et façonne l’être du chrétien puisqu’elle est en harmonie avec sa propre culture et lui donne une identité à partager avec d’autres. Et c’est aussi un acte de l’Esprit Saint, car c’est Lui qui a préparé les cœurs et les cultures à l’accueil de l’Évangile et c’est Lui encore qui les a entretenus pour qu’ils donnent du fruit. C’est Lui qui rend la foi des fidèles plus parfaite[96]. Il y a ce que Jésus Castellano appelle l’ « intégration féconde » c’est-à-dire que le peuple trouve dans les célébrations liturgiques des aliments spirituels pour sa foi quand la liturgie réussit à intégrer les rites, les chants, les gestes populaires avec dignité[97].
Les évêques du Continent Latino-Américain et des Caraïbes montrent que « la piété populaire pénètre délicatement l’existence personnelle de chaque fidèle, et bien qu’elle se vive dans une multitude de personnes, ce n’est pas une ²spiritualité de masses² » (DA 261). Toutefois, les évêques plaident toujours pour une purification de la pratique en précisant que  celle-ci ne veut pas dire que la piété populaire est « privée de richesse évangélique » (DA 261). Si elle est une richesse évangélique, cela suppose qu’elle est un lieu où l’on vit la foi. Cela est à vérifier à partir des pratiques concrètes telles que les fêtes patronales dans une orientation liturgique. Joseph Ratzinger parlant de l’importance de la piété populaire en lien avec la liturgie écrit : « Il faut au contraire,  la chérir, tout en la dirigeant et la purifiant quand cela s’avère nécessaire ; il faut la considérer avec respect comme l’adoption de la foi dans le cœur des peuples »[98]. Puis il ajoute : « Ainsi, il est tout à fait possible de transférer les éléments éprouvés de la piété populaire dans l’élaboration de la liturgie, sans agir avec empressement, dans un processus patient d’une lente maturation »[99]. Cela nous donne à penser que la célébration des fêtes patronales comme expression de la piété populaire peut conduire les fidèles à faire l’expérience du mystère de Dieu et de l’Église. Pour le dire autrement, les fidèles peuvent prendre conscience qu’ils sont capables de Dieu puisque Dieu est capable de l’homme, c’est-à-dire qu’il est capable de communiquer avec l’homme comme avec un ami (DV 2).
Le DA souligne d’abord l’importance de la liturgie pour la croissance de la foi du peuple chrétien :

Nous rencontrons Jésus Christ de manière admirable, dans la Sainte Liturgie. En la vivant, en célébrant le mystère pascal, les disciples du Christ pénètrent davantage dans les mystères du Royaume et manifestent de manière sacramentelle leur vocation de disciples et de missionnaires (DA 250).

La liturgie est donc lieu de rencontre avec le Christ parce qu’elle célèbre le mystère pascal du Christ. C’est en cela qu’elle nous fait pénétrer les mystères du Royaume et nous donne de manifester sacramentellement notre vocation baptismale dans le monde. C’est aussi dans cet esprit que nous pouvons relire la célébration des fêtes patronales. Les fêtes patronales ne peuvent pas être comprises comme lieu pour la foi pascalesans être comprises d’abord comme un lieu liturgique, lieu de l’action du Christ par la médiation de son Église. 

25. Evangelii gaudium

Cette Exhortation apostolique du Pape François publiée le 24 novembre 2013, quelques mois après son intronisation au Siège de l’Apôtre Pierre comme évêque du diocèse de Rome et comme celui qui préside à la charité de l’Église universelle, est à lire et à travailler en lien avec Evangelii Nuntiandide Paul VI dont nous venons d’esquisser quelques traits pour notre enquête. 
Dans Evangelii Gaudium[100], le Pape François consacre cinq numéros à la piété populaire comme force évangélisatrice. Avant même de continuer, notons que ces numéros se trouvent à l’intérieur du troisième chapitre de l’exhortation intitulé L’annonce de l’Évangile. Nous évoquons cela à cause de son importance pour notre recherche parce que les fêtes patronales avec tout ce qui les caractérise sont un lieu pour l’annonce de l’Évangile dans le monde d’aujourd’hui, un lieu d’annonce du mystère pascal en sa totalité.   
Ainsi donc, après avoir étudié, interrogé les documents précédents, nous voulions faire une transition avec Evangelii Gaudiumpour situer les fêtes patronales dans la dynamique de la piété populaire dans le cadre de la nouvelle évangélisation, de l’annonce de l’Évangile en analysant de manière précise le numéro 126 dans lequel le Pape François fait remarquer :

Dans la piété populaire, puisqu’elle est fruit de l’Évangile inculturé, se trouve une force activement évangélisatrice que nous ne pouvons pas sous-estimer : ce serait comme méconnaître l’œuvre de l’Esprit Saint. Nous sommes plutôt appelés à l’encourager et à la fortifier pour approfondir le processus d’inculturation qui est une réalité jamais achevée. Les expressions de la piété populaire ont beaucoup à nous apprendre, et, pour qui sait les lire, elles sont un lieu théologiqueauquel nous devons prêter attention, en particulier au moment où nous pensons à la nouvelle évangélisation.

Quand l’Évangile entre en dialogue avec la culture, celle-ci devient une force évangélisatrice et porte des fruits pour la vie chrétienne : c’est le cas de la piété populaire. De ce point de vue, elle devient un acte de l’Esprit Saint. C’est l’Esprit Saint qui travaille la culture, la prédispose à accueillir le message du salut. Et puisque la piété populaire est l’œuvre de l’Esprit, elle est toujours en régénération, toujours en renouvellement. Car l’Esprit ne cesse de faire du neuf dans la vie des croyants, y compris dans le milieu dans lequel ils vivent. Les expressions de la piété populaire sont des signes pour aujourd’hui. Il faut savoir interpréter ces signes avec humilité. La nouvelle évangélisation que prône l’Église passe aussi par les catégories de la piété populaire qui touchent le cœur et l’intelligence pour que la foi ne soit ni une réalité intellectuelle dépourvue de consistance humaine, ni une réalité chimérique banalisant tout raisonnement théologique et scientifique. Jacques Letarte souligne que « La foi en Dieu n’est pas une loterie mais une expérience qui aide à nous humaniser et à percevoir davantage à chaque jour, le sens de notre vie »[101]. Pour ce qui concerne les pratiques de la piété populaire, « il faut garder la préoccupation de l’éducation de la foi et de l’affectivité religieuse »[102]. Néanmoins, ces pratiques, sans entrer en opposition avec la position savante de la foi, peuvent devenir un lieu de rencontre entre Dieu et ses pauvres, c’est-à-dire ceux-là même qui le cherchent en vérité et dans la simplicité de leur cœur et de leur être. C’est une belle orientation pour comprendre la célébration des fêtes patronales comme expression de la piété populaire. Car les fêtes patronales comme expression de la piété populaire sont composées de dévotions et de pieux exercices. Mais, elles sont bien plus que cela. Elles sont une réalité qui mobilise tout ce qui constitue la vie du peuple haïtien dans son histoire et dans son être profond. Elles mobilisent le symbole, le langage, l’architecture, la peinture, les mythes, la sagesse populaire (les contes), l’iconographie, les chants etc. Elles doivent être une fête chrétienne mobilisant la foi en Jésus Christ et son mystère pascal. 
Ainsi, voulons-nous chercher à comprendre la célébration des fêtes patronales comme lieu d’expérience du mystère pascal du Christ, lieu d’expérience de la sainteté, lieu d’expérience d’un Dieu qui ne complique pas sa relation avec l’homme et qui lui donne de le rencontrer de multiples manières, lieu de la révélation de Dieu dans des formes diverses et parfois complexes, lieu propice pour une nouvelle évangélisation. 
Elle peut être des sources de grâce, une réalité théandrique. Car dedans, il y a sûrement l’histoire de Dieu et de l’homme qui se conjuguent. Ces hypothèses sont à vérifier dans les prochains chapitres. 



Conclusion du deuxième chapitre
L’ensemble des documents magistériels interrogés dans ce deuxième chapitre souligne l’importance de la liturgie pour la vie du peuple chrétien et légitime la piété populaire comme expression de la foi. De ce point de vue, les textes ne cessent de montrer l’harmonie entre liturgie et piété populaire au bénéfice de l’épanouissement de la foi des chrétiens. Quand la piété populaire s’articule avec la liturgie, elle fait faire la rencontre du Christ de manière remarquable et admirable. En effet, les résultats de cette enquête sur les repères magistériels pour comprendre la célébration des fêtes patronales dans l’articulation entre piété populaire et liturgie nous conduisent à situer celle-ci dans le grand mouvement de l’année liturgique dans lequel nous célébrons les événements du salut et nous orientent vers le grand Jour à venir, le Jour eschatologique[103]. De ce fait, les pratiques de la piété populaire qui jalonnent les fêtes patronales sont des itinéraires pour rencontrer le Christ et elles sont des voies possibles parmi d’autres. À travers elles, le croyant peut faire l’expérience de la proximité d’un Dieu qui peut dire son credo en l’homme parce qu’avec la venue de son Fils dans la chair, il n’y a plus de frontière entre Lui et l’homme : il est « Dieu avec nous » (Emmanuel). S’il est avec nous, il ne peut pas ignorer la valeur de la culture de l’homme. Il ne peut pas y avoir de séparation entre la foi et les éléments culturels qui façonnent la vie de l’être croyant. Pour cela, bien sûr, il faut un discernement de la foi dans des situations socio culturelles et religieuses ambigües[104]. Dans les pratiques de la piété populaire qui marquent les fêtes patronales, « on peut extraire des éléments éprouvés pour la mise en forme de la liturgie »[105]
Cela nous amène à l’inculturation qui est une question qui suscite encore des débats et des questions. Cependant, nous n’allons pas faire une étude approfondie de cette question. Nous voulions tout simplement montrer brièvement son importance dans le cadre de notre travail à cause des différents aspects des fêtes patronales qui relèvent de la piété populaire et de l’enracinement de la foi dans la culture haïtienne. 
Le terme d’inculturation, pour bien le définir et le travailler, mériterait une étude particulière. Ce concept théologique, forgé probablement parl’abbé Pierre Charles (Belge) en 1935, est repris par le théologien jésuite Pedro Arrupe pour montrer comment le message chrétien oriente les cultures de l’intérieur tout en les transformant en vue d’une création nouvelle[106]. La catholicité de l’Église l’oblige à prendre en compte les cultures. Le Pape Jean-Paul II la définit comme « l’incarnation de l’Évangile dans les cultures autochtones et en même temps l’introduction de ces cultures dans la vie de l’Église »[107]. L’inculturation ne vise pas d’abord le culte, la liturgie, elle vise aussi les autres composantes de l’Église. Dans cette optique, VLprécise : « Elle constitue un des aspects de l’inculturation de l’Évangile, qui demande une véritable intégration dans la vie de foi de chaque peuple, des valeurs permanentes d’une culture, plus que des expressions passagères » (VL 5). La foi ne s’oppose pas à la culture, ni la culture à la foi. La foi ne cherche pas à conquérir les cultures par la force ou par la violence, mais en dialoguant avec elles et en les respectant. L’inculturation vise la croissance intégrale des cultures. Ainsi, la culture haïtienne, comme toutes les cultures, tend « vers une humanisation de l’homme et donc un dépassement de ses intérêts immédiats »[108]. De ce fait, la culture est la trame de la vérité de l’homme. Cela nous porte à dire avec Joseph Ratzinger que « la grandeur d’une culture se révèle dans son ouverture, dans sa capacité à donner et à recevoir, dans la force qu’elle a de se développer, de se laisser purifier, et de correspondre ainsi davantage à la vérité, à l’homme »[109]. L’inculturation devient un lieu de l’épanouissement de l’homme. C’est par elle que l’Église rend possible dans les cultures « ce qui s’est réalisé de façon unique et indépassable dans la vie de Jésus de Nazareth »[110]. Cette approche nous fait plonger dans la logique de l’incarnation du Fils de Dieu et son mystère pascal. On ne peut pas parler d’inculturation de la foi ou de l’Évangile sans se référer à cette vérité de foi, à cet événement historique. L’inculturation doit prendre en compte le lien étroit qui existe entre le Jésus de l’histoire et le Christ ressuscité de la foi[111]. La nouvelle évangélisation emprunte cette voie. Le Pape Jean-Paul II, dans son discours aux évêques de la Conférence épiscopale d’Haïti en visite Ad limina apostolorumen date du 18 mars 1994 disait : « La tâche de l’inculturation, c’est-à-dire le processus par lequel la foi chrétienne s’incarne dans une culture, est inhérente à l’annonce même de l’Évangile »[112].
À la lumière de ces approches, nous comprenons que les fêtes patronales dans leur globalité comme faisant partie de la piété populaire, peuvent introduire à la foi et amener le croyant à se poser des questions sur sa propre existence pour une conversion permanente[113]. Autrement dit, les fêtes patronales peuvent conduire le croyant à prendre conscience de la dimension pèlerine et pénitentielle de sa vie. Dans leurs multiples expressions culturelles et religieuses, les fêtes patronales peuvent aider le croyant à avoir une autre vision, non seulement de sa propre vie, mais aussi du monde, de son environnement et des autres. D’où l’importance de toujours chercher à faire de ces fêtes une réalité de foi qui conduit les croyants à reconnaître l’action de Dieu dans leur vie, à développer leur amour filial envers Lui, et à poursuivre leur chemin de vie spirituelle en imitant les saints qui ont fait l’expérience de l’amour de Dieu et qui leur sont proposés comme modèles[114]. En attendant d’être entrés définitivement dans la Cité sainte, les chrétiens continuent de vivre leur vie divine sur la terre avec tout le poids de leur humanité et de leur culture. 
De ce point de vue, il semble que ce chapitre peut nous permettre de fonder la célébration des fêtes patronales sur :
¾le primat de la liturgie puisque c’est vers elle que tend l’action de l’Église et qu’elle en est la source d’où découle sa vertu (SC 10) comme célébration du mystère pascal du Christ et la véritable piété de l’Église, la vraie prière du peuple chrétien,
¾une égale dignité à rendre grâce au Seigneur pour le don de la sainteté de par notre baptême, cette sainteté à laquelle nous sommes tous appelés,
 ¾une relation intime avec Dieu en intégrant les éléments culturels du peuple dans la vie de l’Église (l’inculturation de la foi ou de l’Évangile), 
¾sa dimension liturgique en considérant le saint Patron comme un guide et un compagnon pour la foi des fidèles, qui les protège, intercède pour eux et les stimule à marcher dans l’espérance eschatologique de leur vie baptismale,
¾une vérification des pratiques de la piété populaire qui s’y dégagent pour qu’elles soient compatibles avec ce que l’Église croit et enseigne à propos du culte des saints et de l’ensemble du Dogme,
¾la primauté de la célébration des mystères du Christ en Église (la Parole de Dieu, les sacrements et l’Eucharistie)[115].
À la lumière de ces repères magistériels que nous intégrons désormais dans notre cahier des charges, il est possible d’étudier plus à fond les fêtes patronales comme un lieu pour l’annonce du mystère pascal en sa totalité. C’est pourquoi, dans les chapitres qui vont suivre, nous chercherons à habiter ce lieu pour voir comment il fait faire l’expérience du mystère pascal du Christ, marcher sur le chemin de la sainteté et vivre la dimension ecclésiale, spirituelle, eschatologique et éthique de la foi chrétienne. 


Conclusion de la première partie
L’étude que nous venons de faire dans la première partie de ce travail nous montre l’importance des fêtes patronales dans la vie religieuse et sociale du peuple haïtien et leur prise en compte dans les documents officiels de l’Église en établissant un rapport équilibré entre piété populaire et liturgie. Cette étude montre que les fêtes patronales se situent entre piété populaire et liturgie. En revanche, c’est la liturgie qui leur donne tout leur sens car c’est par celle-ci que l’Église célèbre « Ceux qui sont les témoins de la résurrection »[116]. La célébration des fêtes patronales peut être considérée comme un lieu où non seulement le peuple chrétien exprime l’harmonisation entre sa foi et sa culture, mais aussi entre la piété populaire et la liturgie. Il semble qu’elle est un lieu pour la foi puisque le contact de l’Évangile avec la culture, l’articulation entre la piété populaire et la liturgie facilite une croissance réciproque, crée un « enrichissement mutuel »[117]. La foi ne s’insère pas dans la culture comme on injecte un médicament dans un corps en l’anesthésiant. Elle s’y insère dans le dialogue et le respect. C’est pourquoi, l’inculturation de la foi est un processus permanent, une réalité en développement ou l’Esprit Saint est l’agent premier pour dire à la manière du Pape François en reprenant Jean-Paul II dans EG au numéro 122. 
Ainsi, parler de la piété populaire c’est aussi parler d’inculturation de la foi ou de l’Évangile. Aussi, la célébration des fêtes patronales comme une expression de la piété populaire est-elle une inculturation de la foi. Dans les cinq numéros consacrés à la piété populaire, sans compter le nombre de fois où revient le terme culture, celui d’inculturationou du verbe inculturerrevient cinq fois et de manière très claire dans EG. Donc la piété populaire est le fruit de l’inculturation de la foi ou de l’Évangile. Les deux notions s’interpellent théologiquement. Je dis cela parce qu’elles constituent une base fondamentale pour comprendre la célébration des fêtes patronales même si en réalité, ce n’est pas l’objectif principal de notre recherche. 
En définitive, laissant ce débat sur l’articulation entre piété populaire et liturgie, il semble que les fêtes patronales fassent émerger ce qu’on pourrait appeler une anthropologie de la foi chrétienne, c’est-à-dire qu’elles permettent à la foi de ne pas être superficielle mais réaliste, concrète. Il y a une prise en compte de l’homme croyant dans sa corporéité. Elles permettent une valorisation du corps dans lequel opère la grâce. Les fêtes patronales dans leur ensemble font voir le corps comme un chemin de sainteté. Nous sommes portés à dire avec Louis-Marie Chauvet que devenir croyant, c’est apprendre à consentir à la corporéité de la foi, et que c’est dans le plus corporel que, comme sujets croyants, nous sommes appelés à advenir au plus « spirituel » ; que l’ « anthropologal » est le lieu du « théologal »[118]. La célébration des fêtes patronales, dans ses rites et ses multiples expressions, nous conduit à montrer en quoi et comment elle est un lieu pour l’annonce du mystère pascal en sa totalité, un lieu habité par la rencontre de Dieu et de l’homme. J’aurai l’occasion de le faire dans la deuxième partie de ce travail. 
Nous avons pu percevoir à travers ce parcours une simplicité de la foi et un enracinement théologique des fêtes patronales dans l’éthos ecclésial qu’il faut clarifier. Ce qui permettra une meilleure vie liturgique de la communauté paroissiale célébrant son Seigneur en faisant mémoire de son saint Patron. Cette simplicité de la foi populaire que nous évoquons ici n’est pas à opposer à la « foi officielle » de l’Église. Aucun document magistériel n’a prôné une telle opposition. Les deux se complètent. La foi des simples est une foi vivante qui a toute sa valeur et sa saveur évangélique. Jésus a proclamé la louange du Père pour avoir révélé les secrets du Royaume aux tout-petits cachés aux sages et aux savants (Mt 11, 25-27). La célébration des fêtes patronales peut ouvrir sur d’autres horizons pour la foi si elle est véritablement centrée sur l’essentiel de la vie chrétienne : le mystère pascal du Christ. Ce qui doit être révélé et célébré c’est le mystère d’un Dieu qui scelle une Alliance nouvelle avec l’homme dans son Fils. 
Ainsi, en revisitant les fêtes patronales et les documents magistériels, pouvons-nous promouvoir une théologie de ces dernières à partir de l’action liturgique elle-même. Cela permettra à la théologie que nous cherchons à développer de s’enraciner dans le concret de la foi des fidèles, une théologie qui est contextuelle en vue d’apprécier et de valoriser le sens religieux du peuple chrétien qui cherche à renforcer sa vie sacramentelle par diverses formes de piété, pourvu qu’elles soient conformes à la foi de l’Église. D’où l’importance pour nous, à travers ces analyses effectuées, de continuer à montrer le fondement théologique de la célébration des fêtes patronales et comment elle est une célébration de la foi pascale. 
Autrement dit, les significations de la célébration des fêtes patronales que nous nous proposons de montrer en utilisant les repères théologiques que nous avons retenus dans le travail précédent vérifieront notre hypothèse dans cette deuxième partie. Nous le ferons en deux chapitres en complétant les ressources déjà mobilisées avec des textes bibliques, d’autres études théologiques, ecclésiologiques et liturgiques. 



































DEUXIÈME PARTIE

Les fêtes patronales, un lieu d’annonce du mystère pascal 
une existence eschatologique et une éthique baptismale

 Dans l’introduction générale, nous avons posé cette question : dans une société marquée par des drames récurrents et une réelle précarité de la vie, comment les fêtes patronales peuvent-elles être un lieu d’annonce du mystère pascal en sa totalité ? Dans les deux premiers chapitres, nous avons posé des jalons pour tenter de répondre à cette question en étudiant les fêtes patronales comme célébration de la foi populaire et en cherchant des repères dans quelques documents du Magistère à propos de l’articulation entre la piété populaire et la liturgie. 
Le parcours théologique que nous ferons dans cette partie cherchera à comprendre la célébration des fêtes patronales comme un lieu de grâce, un lieu où l’on peut vivre la foi, faire l’expérience du mystère pascal du Christ en Église. Nous voudrions ici penser une théologie des fêtes patronales à partir des ressources puisées dans l’enseignement du Magistère de l’Église qui seront complétées par les approches de théologiens. 
Penser les fêtes patronales comme lieu pour l’annonce du mystère pascal dans sa totalité montrera que l’Église, dans ses réflexions théologiques et sa pratique pastorale, cherche à « accorder de l’importance à la vie quotidienne de la foi des chrétiens »[119]. Donc, partir de la notion de lieupour l’annonce du mystère pascal en vue d’aborder la question théologique des fêtes patronales signifie que nous voulons vérifier qu’elles sont des lieux où Dieu se manifeste, des lieux où le peuple chrétien peut le rencontrer et le célébrer. Ce sont des lieux où le peuple fait une expérience de foi pascale, découvre sa propre réalité pascale en accueillant les grâces du Christ mort et ressuscité. 
Ainsi, dans un premier temps, nous présenterons les conditions pour que les  fêtes patronales deviennent un lieu pour l’annonce du mystère pascal dans sa totalité (le chapitre III). Puis, dans un deuxième temps, dans le quatrième chapitre, nous essayerons de déployer les conséquences des possibilités esquissées dans le troisième chapitre. 






Chapitre III
Les  fêtes patronales, un lieu d’annonce du mystère  pascal en sa totalité


Ce troisième chapitre est le cœur de notre recherche. La première démarche consistera à mieux comprendre le mystère pascal à partir de la présentation d’un article d’Aimon-Marie Roguet dans lequel il analyse le concept. Cette présentation nous servira de porte d’entrée pour la suite de notre recherche. La seconde démarche nous amènera à montrer les apports du versant « résurrection » du mystère pascal au peuple haïtien et aux fêtes patronales. 
Cela nous permettra de mettre en évidence les fêtes patronales comme un lieu pour annoncer le mystère pascal du Christ dans sa totalité, un lieu pour vivre la foi pascale. Pour cela, nous nous appuierons sur quelques textes magistériels déjà étudiés, sur l’Écriture et les recherches de plusieurs théologiens, en particulier ceux qui ont travaillé la question du mystère pascal et du culte des saints dans la vie liturgique de l’Église[120].


31. Qu’est ce que le mystère pascal ?

La conception de Aimon-Marie Roguet
Aimon-Marie Roguet, en 1961, fît une synthèse de la manière dont on comprenait l’expression « mystère pascal » redécouverte récemment, et ce qu’elle apportait à la compréhension du salut et sa célébration dans la liturgie lors des sessions du Centre Pastoral Liturgique(C.P.L) tenues à Vanves-Versailles[121]. Il a montré que la notion de « mystère pascal »[122]a évolué avec des emplois différents. Le Missel (avant 1951) employait les expressions sacramentum paschale, sacramenta paschaliapour dire les sacrements célébrés à Pâques et qui procurent la grâce de Pâques. Le Missel utilisait aussi une deuxième catégorie de textes dans lesquels le mystère pascal, bien que de manière délimitée, semble désigner les grands sacrements de la Pâque, mais dans un complexe liturgique qui correspond davantage à ce que nous entendons par mystère pascal[123]. Enfin, une dernière catégorie était celle de  paschalia mysteriaqui serait la Pâque du Christ distincte de la Pâque des baptisés. Le mystère pascal n’a pas été une expression nouvelle. Il a connu différents modes d’utilisation et de compréhension dans son emploi liturgique. Selon Aimon-Marie Roguet, ce que nous appelons le mystère pascal aujourd’hui, correspond à ce que l’on appelait le dogme de la rédemption dans la théologie classique. Il montre aussi comment rédemption et mystère pascal coïncident avec un même point de départ : l’humanité dans son état de péché et de mort, un même point d’arrivée : l’humanité rendue à la vie et à la sainteté[124]. Mais en même temps, il fait remarquer la différence des mots. Pour lui, « rédemption » est un mot abstrait tandis que « mystère pascal » fait référence non seulement à un événement, mais aussi à un rite, à une fête. Le terme de « mystère pascal », note-il, parle à notre mémoire, à notre imagination et nous met en activité. La rédemption renvoie à quelque chose de systématiquement intellectuel, juridique et même commercial : il y a l’idée d’affranchissement d’un esclave, de rachat, de rançon, de paiement d’une dette etc. Or, la Pâque, souligne Aimon-Marie Roguet, « évoque à la fois le passage du Seigneur dans son peuple pour le sauver, et le passage de ce peuple, qui va de l’esclavage et de l’idolâtrie au Royaume de Dieu »[125]. La Pâque du Christ est complète, effective et achevée tandis que celle des chrétiens est en croissance, inaccomplie. 
Par son unité dynamique, il ne permet pas de créer une dualité entre la mort et la vie, entre la passion et la résurrection. Le mystère pascal, écrit Aimon-Marie Roguet,  c’est le mystère de la rédemption vu sous tous ses aspects, avec tous ses enracinements et tous ses prolongements, toutes ses résonnances, bibliques, liturgiques, morales et mystiques[126]. Alors que retenons-nous d’essentiel pour notre recherche ?
Il schématise le mystère pascal en trois articles inséparables que nous tenons à reprendre. Dans le premier article, il montre que c’est la mort qui est en situation. Cette mort, elle est vaincue par le Christ qui a donné sa vie librement pour notre propre salut. Autrement dit, c’est dans la mort du Christ comme sacrifice volontairement offert que nous sommes libérés de la mort. La mort du Christ comme don de sa vie de manière consciente et libre ne peut pas être dissociée de sa résurrection. La résurrection est la preuve de la liberté du Christ dans sa mort[127].
Le deuxième article porte sur la vie qui jaillit de la mort. Dans le Christ, la vie en plénitude se réalise dans sa mort[128]. La mort de Jésus n’est pas une utopie. C’est une mort réelle, mais dans cette mort réelle, la vie est engendrée. C’est la vie totale, la vie en plénitude. Le Christ ne connaîtra plus la mort. Il est le Vivant à jamais. Si la résurrection est le terme et la fin du mystère pascal comme l’a fait remarquer Aimon-Marie Roguet, c’est parce que, ressuscité, la mort n’a aucun pouvoir sur le Christ, « il vit à jamais d’une vie nouvelle, d’une vie divine, il est assis dans la gloire à la droite de Dieu »[129]. Enfin, dans le troisième article, le passage de la mort à la vie est abordé comme l’œuvre de Dieu. Pour Aimon-Marie Roguet, ce passage de la mort à la vie « est un mystère qui dépasse toutes les prévisions humaines, dans lequel se déverse la miséricorde gratuite et incompréhensible du Créateur »[130]. Dans cet acte libre de Dieu, la vie de l’homme est transformée, elle devient une vie pascalisée, orientée vers le Christ dans sa gloire. 
C’est à partir de cette compréhension léguée par Aimon-Marie Roguet, que nous chercherons à montrer ce que pourrait apporter le versant « résurrection » du mystère pascal au peuple haïtien et aux fêtes patronales.


32. Les apports du versant « résurrection » du mystère pascal 
        au peuple haïtien et aux fêtes patronales

Avant même de voir ce que le versant « résurrection » du mystère pascal pourrait apporter au peuple haïtien et aux fêtes patronales, il est bon de clarifier la notion de « résurrection ». Nous l’avons vu, avec Amon-Marie Roguet dans son article « Qu’est-ce que le mystère pascal ? ». La résurrection est un acte irréversible que Dieu a accompli dans l’histoire. Il a rendu à la vie son Fils mort sur la Croix. Le Christ a le pouvoir sur la mort et sur la vie. Il est capable d’engendrer la vie même dans la mort. Ainsi, la résurrection transcende l’histoire et lui donne tout son sens. La résurrection, écrit Olivier Clément, n’est pas la réanimation d’un cadavre dans les conditions de « ce monde » mais le bouleversement de ces conditions, la transformation universelle commencée dans une humanité devenue l’humanité de Dieu[131]. La résurrection devient notre condition de vie. Nous ne sommes pas des êtres pour la mort, mais des êtres pour la vie. La résurrection change tout. Notre condition de vie est déjà une résurrection. Tout comme la mort n’a plus aucun pouvoir sur le Christ, de même pour tous ceux qui sont incorporés à Lui, sur eux non plus, la mort n’a aucune emprise. De même que le Christ, par sa résurrection, vit à jamais d’une vie nouvelle et est assis dans la gloire à droite de Dieu, de même aussi, ceux qui sont plongés avec Lui dans sa mort et sa résurrection, sont appelés à vivre à jamais d’une vie nouvelle et à entrer dans cette gloire[132]. Finalement, notre réflexion sur la résurrection nous porte à dire que célébrer le mystère pascal signifie que la mort n’a aucune mainmise sur ceux qui ont suivi le Christ dans sa Pâque, dans sa mort et sa résurrection. Et cela nous pousse à affirmer que ressusciter, c’est vivre selon l’Esprit. La présence de l’Esprit est un bénéfice de la mort et la résurrection du Christ. Michel Deneken, le dit autrement en affirmant que « Pâques constitue également l’événement du don de l’Esprit »[133]. Ainsi, le versant « résurrection » du mystère pascal retrouve chaque être humain, chaque peuple, dans la condition qui est la sienne pour entrer dans une vie nouvelle. En ce sens, nous affirmons avec Armand Puig i Tàrrech que « La résurrection n’est pas seulement la survie de la personne, mais sa transformation, la récupération pleine de son humanité dans un monde nouveau »[134]. Ressusciter c’est se laisser transformer par le Christ dans son Esprit. Là où est le Christ pascal, là est la vie et non la mort. Mais il faut le reconnaître, il faut accepter de prendre son itinéraire. Dans tout cela, c’est la mort qui est en situation, c’est la vie qui jaillit de cette mort et c’est vraiment l’œuvre de Dieu[135].


32.1 Les apports du versant « résurrection » du mystère pascal au peuple haïtien 

Comment cette œuvre de Dieu est-elle vécue et accueillie dans la vie du peuple haïtien ? On est souvent stupéfait devant l’attitude, le comportement du peuple haïtien face à la souffrance, la maladie, la mort, tous les maux qui l’assaillent. Il se montre toujours capable de transcender son histoire avec ses joies et ses déboires. Comme nous l’avons souligné dans le premier chapitre, il est un peuple qui croit toujours en l’amour de Dieu, il répète sans cesse que « Dieu est bon ». Et en toute chose, il le témoigne. Il chante la vie en tout et partout. Sa manière de dire Dieu n’est jamais monolithique. Dans la liturgie, il chante, il danse et il prie. Sa foi en Dieu est spontanée et il la confesse de manière simple et avec ténacité. Pour lui, Dieu est le Dieu des pauvres, des marginalisés, des malheureux. 
Le peuple haïtien se reconnaît dans le visage du Christ crucifié. Il manifeste un grand intérêt pour les exercices de chemin de croix surtout pour ceux du Vendredi Saint[136]. Il aime bien les rassemblements charismatiques dans lesquels il exprime librement ses souffrances. Il a un amour particulier pour les fêtes patronales comme un lieu favorable pour vivre ses pratiques de piété populaire et exprimer sa foi de manière libre et spontanée. Il aime à exprimer sa misère à travers les chants profanes ou liturgiques sans négliger d’exprimer sa grande espérance. L’espérance semble être une valeur partagée par tous, chrétiens ou non chrétiens. Le sens de l’espérance, de la vie, de la dignité, de la patience ne lui manque pas. Ce sont des signes d’une grande maturité spirituelle, humaine et culturelle. Mais il semble qu’il faut aller plus loin, continuer à l’aider à mieux surmonter les drames récurrents et la précarité de la vie qui pourraient le faire basculer dans la fatalité, une piété mièvre, la mauvaise compréhension ou interprétation de l’acte salvifique du Christ, une mauvaise manière aussi de comprendre et de vivre la condition de la vie baptismale. Bref, une mauvaise manière de vivre et de proclamer la foi. Pour cela, en suivant les bases théologiques du mystère pascal posées par Aimon-Marie Roguet, il me semble qu’il faut partir davantage du versant « résurrection » pour mieux aider le peuple haïtien à vivre la foi, mais la foi en Christ mort et ressuscité qui a envoyé son Esprit et qui continue d’agir dans son Corps qui est l’Église jusqu’à son retour. La foi pascaleenglobe tout cela. La foi en Christ ne peut pas être fixée uniquement sur l’aspect de sa mort sans lien avec sa résurrection. C’est peut-être là le défi de la foi en Haïti. Il serait bon de développer une réelle prédication du mystère pascal, une vraie catéchèse unifiée autour du mystère pascal. 
Dans le discours théologique en Haïti, on n’insiste pas assez me semble-t-il sur cet aspect[137]. Micial Nérestant parlant de la foi, disait : « La foi véritable est vécue comme une fête, une rencontre, une relation »[138]. Cette foi, on l’entend bien, mais elle doit être la foi confessée en Jésus-Christ mort et ressuscité. Ce que la foi véritable nous permet de fêter, de rencontrer, d’être en relation avec, c’est le Christ pascal. Les apparitions de Jésus après sa résurrection nous le montrent avec acuité[139]. La foi professée n’est pas stable en Haïti. On peut constater cela dans le domaine des exercices spirituels, des croisades, des journées de jeûnes ou de prières organisés par les mouvements évangéliques. Certains catholiques haïtiens vivent une double appartenance religieuse, et cela crée un déplacement au niveau de la foi. Alors d’où vient ce problème et comment faire ? 
Il me semble que cela vient d’abord du fait que la foi chrétienne en Haïti repose davantage sur une formulation conceptuelle que sur une relecture de l’expérience pascale dans la vie humaine. L’aspect de souffrance, de rachat, de libération est beaucoup plus mis en évidence dans les homélies, la catéchèse, la prière, la piété populaire. Ensuite, cela vient aussi d’une forte instrumentalisation de la foi et surtout celle des faibles, des vulnérables ; une recherche de solutions magiques face aux difficultés économiques, sociales, familiales, culturelles, éducatives et affectives qui fabriquent parfois un Dieu magicien, faiseur de miracles. Cela apparaît aussi même dans la façon dont on vit et célèbre les fêtes patronales (nous en avons largement énuméré quelques limites dans le premier chapitre). 
Face à ce problème, il est important d’insister beaucoup plus sur la vie, la grâce, l’amour, la responsabilité, la vie éthique ou morale, l’espérance, la miséricorde, le pardon qui ont un caractère pascal que sur le mal, le péché, la faute, les exhortations moralisantes et narcissiques. Pour retrouver le sens du mystère pascal dans la vie de foi du peuple haïtien, le versant « résurrection » est un aspect important à privilégier dans la théologie en Haïti. Une mauvaise compréhension de la rédemption peut conduire le peuple chrétien à se résigner devant les réalités auxquelles il doit intervenir et montrer la vigueur de sa foi pascale. Une foi dynamique qui transcende les apories de la condition humaine et qui oriente vers l’eschatologie et l’éthique baptismale (le quatrième chapitre prendra cela en considération). 
Résumons : 
1) La rédemption comprise comme acte de rachat, juridique, commercial n’est pas tout à fait appropriée pour éduquer les fidèles à la foi pascale. Il faut l’associer au terme de « résurrection » ou de « mystère pascal » qui crée la cohérence du discours théologique pour aider le peuple chrétien à ne pas sombrer dans la fatalité et dans une vie chrétienne irrationnelle, idéaliste et sans issue. 
2) La notion de mystère pascal est un terme positif qui exprime l’action salvifique de Dieu pour et au milieu de son peuple. Le mystère pascal, souligne Aimon-Marie Roguet, « est une intervention libre et personnelle de Dieu dans l’histoire. Et c’est pourquoi aucune théorie, aucune théologie n’en rendra compte exhaustivement. Il demeure un mystère, librement accompli et librement révélé par Dieu »[140]. Le mystère pascal doit être reçu comme un don de Dieu avant d’être compris sous l’angle réflexif, c’est-à-dire en faire un objet d’étude. Il est d’abord de l’ordre de la rencontre avec l’Altérité de Dieu qui transcende l’histoire humaine. Le mystère pascal est de l’ordre de la relation. 
Partir du mystère pascal peut permettre au peuple haïtien de vivre une foi plus dynamique, engagée, réelle, constante et combative. C’est avec cette force qu’il peut lutter contre les forces du mal et croire que son aujourd’hui, est un moment de l’histoire du salut. Dieu marche avec lui et dans toutes les situations précaires ou vulnérables de sa vie, de son histoire et même de son environnement écologique fragilisé, il passe de la mort à la vie. Tout cela le conduira à lutter vraiment pour la vie, la vie qui jaillit de la mort du Christ et de sa propre mort. Ainsi, me semble-t-il, le peuple haïtien peut comprendre le sens de la résurrection. En toute chose, dans toutes les épreuves, le chrétien doit savoir que par la mort et la résurrection de Jésus, la vie a vaincu la mort. À ce moment aussi, le peuple haïtien peut accueillir et vivre le mystère pascal dans tous les aspects de sa vie. Il comprendra que le message de Pâques est toujours actuel et « retentit aujourd’hui avec une force renouvelée »[141]. Renouvelée parce que la Pâque du Christ et la Pâque des chrétiens sont inséparables. Le Christ continue de ressusciter dans la vie des membres de son Corps qui est l’Église. Le versant « résurrection » du mystère pascal vient dire au peuple haïtien qu’il n’est pas un peuple à genoux, toujours accablé, mais il est un peuple debout. En toute chose, il est appelé à reconnaître que « Dieu s’incarne, souffre, meurt, descend en enfer, pour écraser la mort et l’enfer et faire de nous des vivants »[142]. C’est pourquoi, la résurrection du Christ est notre propre réalité, c’est notre propre destinée. Ainsi, le versant « résurrection » du mystère pascal est une source d’espérance pour le peuple haïtien. Les souffrances, les drames récurrents et la précarité de la vie qui le tenaillent, s’il les aborde avec ce regard pascal, « vont s’identifier aux souffrances et à l’agonie du Christ et déboucher dans une vie plus forte que la mort »[143]. C’est pourquoi, l’Église en Haïti, dans le cadre de la nouvelle évangélisation, doit annoncer davantage la joie du mystère pascal du Christ. Dans les conditionnements de sa vie, le peuple peut faire son passage et continuer de laisser briller en lui la lumière de l’espérance. Chaque jour, il doit faire le passage de la mort à la vie avec le Christ qui lui est solidaire et prendre conscience aussi que le Christ passe avec lui par la mort. Le peuple haïtien doit de jour en jour, d’expérience en expérience, de catastrophes en catastrophes, de joie en joie, découvrir que la résurrection du Christ lui apporte quelque chose vraiment et que s’il vit, c’est le Christ qui vit en lui.


32.2 Les apports du versant « résurrection » du mystère pascal aux fêtes patronales 

Les fêtes patronales, dans leurs expressions populaires, liturgiques, communautaires ou ecclésiales, sont des lieux de la célébration de la foi. Mais de quelle foi s’agit-il ? Est-ce la foi pascale ? Car on observe une difficulté à harmoniser l’ensemble de la liturgie de la fête patronale avec le mystère pascal : la notion de mystère pascal paraît pour certains une notion vague et distante qu’ils ne comprennent pas pour les mêmes raisons que nous avons évoquées ci-dessus. Cette notion n’a pas encore trouvé toute sa place dans la foi chrétienne en Haïti. Cela est lié à la vie même du peuple. Il se reconnaît mieux dans la Passion et la souffrance du Christ que dans la totalité de son mystère pascal puisqu’il est un peuple qui souffre toujours. Le peuple haïtien est encore un peuple du « Vendredi Saint » sans y associer le « Dimanche de Pâques ». En effet, centrer les fêtes patronales sur le  mystère pascal est un grand défi pour l’Église. Il est toujours difficile de faire apparaître l’ampleur de la Résurrection et son caractère eschatologique dans la vie des chrétiens. Alors, dans ce contexte, qu’est-ce que le versant « résurrection » du mystère pascal peut apporter aux fêtes patronales ? 
Pour tenter de répondre à notre question, nous reprenons à notre compte la réflexion théologique de Aimon-Marie Roguet que nous avons déjà présentée tout au début de ce chapitre. Elle sera complétée par l’approche d’autres théologiens.
Dans son article, Aimon-Marie Roguet revient sur une réalité fondamentale qui semblait être difficile à son époque et qui l’est aussi pour la célébration des fêtes patronales : comment prêcher le mystère pascal. Il souligne que « la qualité d’une catéchèse pascale c’est d’être concrète »[144]. Qu’entend-on par ce terme ? Il me semble qu’on doit prêcher le mystère pascal de manière graduelle, c’est-à-dire prendre le temps de cheminer avec le peuple dans son histoire, dans sa culture, dans tout ce qui constitue la trame de sa vie, de sa foi, de sa pratique religieuse qu’il exprime dans les fêtes patronales (pas là seulement) pour l’aider à s’approprier la résurrection du Christ et l’assigner à sa propre vie, à sa propre réalité. Cela demande de le conduire sur le chemin de l’intelligence de la foi pascale, c’est-à-dire l’aider à accueillir l’Esprit du Christ ressuscité afin d’avancer avec lui dans sa Pâque. Ainsi, la figure du saint Patron est un écho de la résurrection. Le saint c’est celui qui est passé de la mort à la vie de manière définitive, complète avec le Christ. Sa Pâque est achevée. Le mystère pascal du Christ s’accomplit définitivement dans la vie des saints. Ils ont donc mené le combat de la foi pascale, le combat contre le mal et le péché pour que la vie jaillisse. Ils ont accueilli dans leur vie blessée les bénéfices du mystère pascal du Christ, c’est-à-dire la vie divine, la glorification. Autrement dit, même dans leurs épreuves, ils ont expérimenté « la vitalité du Christ vainqueur de la mort », comme le dit la collecte du deuxième mardi de Pâques. C’est cela que les fêtes patronales nous proposent. C’est cela qu’elles nous font célébrer en particulier dans l’Eucharistie de la patronale. C’est à cette condition que l’on peut considérer les fêtes patronales comme un lieu d’annonce du mystère pascal du Christ. Car « La résurrection n’est pas seulement un argument qui conduit à la foi et par elle à la justice : action de sanctifiante puissance, elle produit la foidans laquelle l’homme est justifié »[145]. La résurrection du Christ est une puissance qui ne s’impose pas mais qui s’offre et transforme celui qui l’accueille puisque c’est par la foi en Jésus-Christ mort et ressuscité qu’on est justifié, qu’on est sauvé. C’est pourquoi, le cœur de toute prédication est le mystère pascal. Les apôtres n’ont pas fait autre chose que de prêcher le Christ mort et ressuscité[146]. Cette prédication a touché le cœur de leurs auditeurs et a suscité beaucoup de conversion et la demande baptismale (Ac 2, 37-41). C’est par la mort et la résurrection de Jésus que Dieu a montré son impartialité : il veut le salut de toute l’humanité (Ac 10, 34-43). 
Le versant « résurrection » du mystère pascal devient le principe unifiant des fêtes patronales[147]. Le mystère pascal met de l’ordre dans la célébration des fêtes patronales puisqu’il « est en même temps au centre de notre foi et au carrefour du dogme et de la piété, du mystère et de la pratique »[148]. Il permet d’apprécier ou de corriger les formes d’expressions de la foi populaire que contiennent les fêtes patronales. Il permet aux fêtes patronales de ne pas être des foyers de confusion pour la croissance de la foi pascale des fidèles et de distinguer ce qui peut être considéré comme des assises pour la foi du peuple de Dieu et ce qui ne l’est pas. Un autre aspect important qui touche la célébration des fêtes patronales et que le versant « résurrection » du mystère pascal lui apporte, est l’unité. L’unité entre la foi populaire et la foi de l’Église, l’unité entre liturgie et piété populaire, l’unité entre la vie sociale du peuple et la réalité concrète de l’Évangile. Le travail réflexif que nous propose Aimon-Marie Roguet peut nous aider à mieux étayer notre hypothèse, il dit : 

En prêchant le mystère pascal, nous réalisons l’unité. Car nous prêchons le dogme central du christianisme ; nous le prêchons sans le mutiler puisque le mystère pascal implique nécessairement le problème du mal, le dogme du péché originel, et ne voit la vie nouvelle que comme le fruit d’un combat ; nous prêchons la croix glorieuse, mais la croix ; nous prêchons les fondements solides d’une morale à la fois exigeante et enthousiasmante[149].

Le mystère pascal n’est pas de l’ordre d’un concept abstrait mais de l’ordre d’une transformation, d’une intervention salvifique de Dieu dans l’histoire. Donc, il ne faut pas opposer les fêtes patronales au mystère pascal. En tant que baptisés, la vie des chrétiens est un chemin pascal : les saints en sont les premiers modèles. Les fêtes patronales, dans leur aspect liturgique, social, culturel et anthropologique, doivent montrer que le Christ, dans son mystère pascal est le libérateur de l’homme et rien de ce que l’homme vit dans sa chair ne lui est étranger. Le mystère pascal est la condition du Fils de Dieu et de celle de l’homme. Dans le cadre des fêtes patronales, le versant « résurrection » de ce mystère pascal nous fait voir que c’est la Croix du Christ qui montre la fécondité de la vie des saints et justifie leur témoignage. Mais aussi, c’est à cause de sa résurrection que le Christ devient signe d’espérance pour chacun de nous. Les fêtes patronales deviennent des lieux privilégiés où l’on doit toujours chercher à relier le Christ crucifié au Christ ressuscité et à l’actualiser par la médiation des rites liturgiques et les sacrements (en particulier l’Eucharistie) qui ponctuent la célébration de ces fêtes. Car la foi pascale repose sur l’action de Dieu. Comme le dit Michel Deneken, croire que Dieu a ressuscité Jésus, c’est croire que Dieu a agi[150]. Et on peut dire qu’annoncer la foi pascale, c’est annoncer « que l’action de Dieu a relevé Jésus d’entre les morts »[151]. C’est croire que l’action de Dieu relève l’homme aujourd’hui. 
Puisque le mystère pascal imprègne toute la vie du chrétien, il est donc un mystère à célébrer. Car c’est dans la liturgie que ce mystère devient d’abord une source de foi afin de rejaillir dans la réalité concrète de la vie du chrétien. C’est à partir de ce point de vue que nous continuerons à montrer comment les fêtes patronales font célébrer le mystère pascal à travers d’autres aspects théologiques, liturgiques et ecclésiologiques qui vont suivre et qui nous permettront de mieux comprendre ces fêtes comme lieu pour vivre la foi pascale. 



32.2.1 Célébrer le mystère pascal du Christ
Le mystère pascal est le pivot de la liturgie. C’est le mystère pascal qui rend la liturgie, sommet et source de la vie de l’Église : « Tout le culte chrétien n’est qu’une célébration continue de la Pâque »[152]. C’est pourquoi, aucune autre célébration ne peut prévaloir sur la liturgie. C’est par elle que le peuple chrétien se nourrit des mystères du Christ. Elle est le lieu du déploiement des mystères de la Pâque du Christ pour la vie nouvelle des baptisés. Notre foi liturgique est une foi pascale puisque c’est par la liturgie que nous affirmons pleinement que « La résurrection de Jésus est au centre de notre foi chrétienne »[153]. Nous devons regarder la célébration des fêtes patronales du côté de cette source si nous voulons la considérer comme un acte liturgique, un lieu d’annonce du mystère pascal dans sa totalité. 
La sainteté n’est pas la grâce du saint, mais la grâce du Christ mort, ressuscité et glorifié pour nous. Parlant de la fête de saint Joseph, le Cardinal Chibly Langlois souligne : 

Si le Christ n’est pas ressuscité, notre foi en la grâce que Dieu a accordée aux saints est sans fondement. C’est à cause de la résurrection du Christ que nous croyons que tous ceux et toutes celles qui ont fait la volonté de Dieu, sont maintenant avec Lui dans le Ciel[154].  

Célébrer les fêtes patronales nous fait découvrir que les saints sont « déjà passés de ce monde au Père, en suivant le Christ dans sa Pâque »[155]. On peut dire que célébrer les fêtes patronales, « c’est donc célébrer la Pâque de Jésus Christ qui a pénétré la vie des croyants et y a porté des fruits de sainteté à la gloire de Dieu. []. La vénération portée aux saints devient un culte rendu au Christ vivant en eux et répandant en eux la richesse de sa grâce »[156]. C’est alors qu’on peut comprendre que cette célébration est un lieu pour la foi pascale. Car notre foi chrétienne est fondée sur le mystère pascal. C’est le mystère pascal célébré en ce jour à travers la liturgie de l’Eucharistie qui valorise la fête patronale et lui donne son sens ultime.
Les fêtes patronales dépendent du « centre pascal » dont parle Patrick Prétot[157]. Et c’est ce mystère qui doit leur donner consistance et les réguler puisque « la vie chrétienne est marquée par le ²déjà là²et le ²pas encore²qui caractérise l’événement de salut pascal et sa célébration dans la liturgie »[158]. Sans cette épaisseur pascale et cette régulation, les autres aspects des fêtes patronales n’ont pas de fondement et ne peuvent pas être des ressources pour la foi. 
Dans le premier chapitre, nous avons dit qu’une fête patronale qui ne soigne pas l’Eucharistie de la fête manque l’essentiel de son contenu. C’est l’Eucharistie qui est l’acte ultime de la communauté paroissiale célébrant son saint Patron. C’est la véritable piété des fidèles vénérant le saint Patron et reconnaissant que le Seul Saint c’est Dieu. C’est lui qui donne la grâce à l’homme de participer à sa Sainteté. C’est bien le caractère pascal de notre avancée vers le Christ qui est décrit ici en filigrane. Le mystère pascal du Christ que l’Église célèbre nous permet déjà de goûter les fruits de cette perfection qui n’est pas un ensemble de règles morales à observer, mais une participation à la vie de Dieu. Sans cette dimension pascale, la fête patronale risque de basculer vers l’idolâtrie et faire du saint Patron une « star » et non un « témoin », un « modèle » pour la foi en Christ, mort et ressuscité. D’où l’importance de corriger les erreurs qui apparaissent parfois comme une atteinte grave à la foi. Nous avons déjà souligné certaines exagérations qui portent à mettre le saint au centre de la célébration. Nous pouvons voir par exemple dans certaines célébrations eucharistiques des fêtes patronales, des prières, des chants et des refrains de prières universelles qui sont directement adressés au saint Patron et non à Dieu ou au Christ. Des attitudes magiques qui sont parfois adoptées pour attirer la participation de beaucoup plus de fidèles etc. Le point de référence pour la foi et la vie de prière du peuple de Dieu se trouve dans la personne et l’œuvre du Christ, souligne le DPPL[159]. La célébration des fêtes patronales doit être centrée sur le Christ car « c’est par Lui que l’homme va vers le Père, que montent vers Dieu la louange et la supplication de l’Église et que descend sur l’humanité tout don divin »[160]. Les pèlerins doivent être orientés vers le Christ, le Médiateur unique et parfait comme le précise le DPPL. Ce n’est pas le saint Patron de la paroisse, malgré la vénération qui lui est due, qui est l’auteur de notre salut. Le seul qui donne la vie en plénitude par sa mort et sa résurrection, c’est le Christ. En Lui, pour reprendre le DPPL, nous avons le modèle d’une existence donc chaque moment reflète une attitude d’écoute de la Parole du Père et d’accueil de ses commandements[161]. Le modèle par excellence à imiter et à suivre, c’est le Christ. C’est à cause de Lui que les saints peuvent nous servir de modèles dans la foi. Le Christ par son obéissance au Père, nous apprend comment accomplir la volonté de Dieu. Néanmoins, par la célébration des fêtes patronales, l’Église continue de montrer au peuple chrétien que « Le Christ est donc le modèle parfait de la piété filiale et du dialogue continuel avec le Père, c’est-à-dire l’exemple parfait d’une recherche ininterrompue de la relation vivante, intime et confiante avec Dieu, qui illumine, soutient et guide l’homme durant toute son existence »[162]. Les fêtes patronales, dans leur célébration liturgique doivent toujours refléter ces aspects christologiques pour corriger les erreurs que nous avons déjà mentionnées. 
La célébration des fêtes patronales est une célébration du mystère pascal du Christ même si celle-ci est une célébration liturgique d’un moindre degré que le dimanche chrétien comme « ²jour de fête primordial²parce qu’il est la mémoire pascale hebdomadaire de l’Église»[163]. De ce point de vue, il est important d’établir l’équilibre entre la fête du saint Patron de la paroisse et les fêtes qui célèbrent les mystères du salut. Cette fête ne fait que rappeler un aspect de ce grand mystère. Les fêtes patronales, dans leur dimension eucharistique, prolongent la Pâque du Christ dans la vie des fidèles afin de continuer leur propre Pâque. Soulignons deux choses importantes : d’une part, le mystère pascal permet d’établir l’équilibre entre la foi populaire et la foi de l’Église dans la célébration des fêtes patronales, et d’autre part, il permet de procéder à une hiérarchisation des pratiques. Par exemple, les pratiques de piété populaire qui sont indissociables de la fête ne sont pas au même degré que la célébration eucharistique du jour. C’est par le mystère pascal que les fêtes patronales deviennent une assise pour la foi des chrétiens. Il récuse toute déviation et toute instrumentalisation de la célébration. Centrer les fêtes patronales sur le mystère pascal, c’est les fonder sur « le dogme central du christianisme »[164]. Cela permet de donner le primat au Christ comme Sauveur et Seigneur, Vainqueur du mal et de la mort, toujours vivant et agissant dans son Corps qui est l’Église. Le mystère pascal nous renvoie à ce qui s’est passé il y a plus deux mille ans ; il nous renvoie à l’aujourd’hui parce que le Christ continue son œuvre de salut à travers la médiation de l’Église, et il nous renvoie à l’avenir car notre vie pascale ne sera totale et définitive qu’au retour glorieux du Christ. 
Dans les propos qui sont les nôtres, le mystère pascal nous permet d’envisager deux considérations majeures pour la célébration des fêtes patronales[165] :
¾la première est une considération liturgique ou communautaire. La célébration des fêtes patronales comme célébration du mystère pascal du Christ doit reposer sur son aspect sacramentel : l’Eucharistie. À travers elle, les fidèles qui participent à la célébration des fêtes patronales sont nourris de la Parole de Dieu et du pain eucharistique pour être pascalisés.
¾la deuxième est une considération existentielle et personnelle. La fête patronale comme célébration du mystère pascal doit conduire les fidèles à mener une vie chrétienne authentique, à vivre leur vie selon l’Esprit. Ils sont appelés à faire leur « passage » tous les jours avec le Christ. C’est la Pâque quotidienne des chrétiens. 
La liturgie, dans le cadre des fêtes patronales, évite d’opposer ces deux considérations : « Il existe donc un mystère pascal qui se célèbre dans la liturgie et un mystère pascal qui se réalise dans la vie. Ces deux mystères sont inséparables : la Pâque de la liturgie doit alimenter la Pâque de la vie, et celle-ci doit authentifier la Pâque de la liturgie »[166]. C’est en cela que la célébration des fêtes patronales peut devenir un lieu pour l’annonce du mystère pascal, un lieu où l’on vit la foi pascale, un lieu où l’Église permet de faire « une véritable rencontre communautaire avec le Seigneur ressuscité »[167]. Les fidèles peuvent dire en participant à la fête patronale que le Christ est vraiment ressuscité, qu’il s’est manifesté à nous. Car le mystère pascal n’est pas un rêve ou une utopie, il est une réalité concrète de la vie de chaque baptisé. 

32.2.2 Mettre en exergue la communauté paroissiale comme communauté célébrante
La liturgie des fêtes patronales influence la paroisse en tant que communauté ecclésiale locale, communauté célébrante. Car « Toute célébration liturgique est d’abord et avant tout le temps où le peuple de Dieu, peuple de saints parce que baptisés, se tourne vers le Dieu trois fois saint »[168]. Comme célébration liturgique, les fêtes patronales sont une action de l’Église. SC26 souligne que « les actions liturgiques appartiennent au Corps tout entier de l’Église, elles le manifestent et elles l’affectent ». Les fêtes patronales ne sont pas un simple rassemblement sociologique. Elles sont d’abord et avant tout des rassemblements ecclésiaux dans leur dimension liturgique. La solennité de saint Joseph, patron de la cathédrale et du diocèse de Fort-Liberté, présidée par l’évêque entouré de son presbyteriumet de tous ses diocésains, est un bel exemple d’ecclésiologie des fêtes patronales, une ecclésiologie de communion. C’est l’Église comme Peuple de Dieu, Corps du Christ et Temple de l’Esprit Saint qui se met en présence de son Dieu pour lui offrir le culte d’action de grâce pour ce qu’il a réalisé dans la vie de ses élus, les membres de l’Église, glorifiés par le Christ. Une Église qui annonce le mystère pascal du Christ dans sa totalité. Elle annonce que le Christ était mort, il est vivant, il est à la droite du Père et il reviendra dans sa gloire. Un déjà-làet un pas encorequi nourrit l’espérance chrétienne. 
Dans leur célébration, les fêtes patronales, comme toutes les autres célébrations liturgiques, reflètent la foi et la mission de l’Église. Célébrer les fêtes patronales (la fête des saints) met en évidence le rapport du Christ avec son Église, les saints étant des témoins privilégiés de cette relation. Les fêtes patronales montrent donc, comme toutes les autres célébrations liturgiques, mais de manière ponctuelle, l’Église peuple des baptisés, sauvés dans le sang et la résurrection du Christ, une Église en marche vers le monde à venir, vers le ciel où la communion sera totale et définitive. 
L’Église témoigne de son espérance de salut devant tous et elle dit à tous que la vie bienheureuse n’est pas une réalité lointaine : elle nous concerne aujourd’hui. Car « L’événement pascal et le kérygme qu’il suscite constitue à la fois le fondement de la foi chrétienne et sa concentration »[169]. Le contenu de la prédication est dans le mystère pascal puisque celui-ci est le sommet de l’amour de Dieu révélé en Jésus-Christ pour nous. En célébrant les fêtes patronales, l’Église rend grâce pour le don de la sainteté dont elle est bénéficiaire. L’Église est donc sanctifiée par le Christ pour communiquer la grâce de la sainteté à tous. Louis-Marie Chauvet parle de la médiation symbolique de l’Église dans le cadre de la structure de l’identité chrétienne : « Le passage à la foi requiert le consentement à l’Église, car c’est en elle que le Seigneur Jésus se donne à rencontrer »[170]. Il faut préciser que Louis-Marie Chauvet dit cela dans un régime sacramentaire. Mais nous pouvons l’appliquer pour la célébration des fêtes patronales comme célébration de la foi pascale. Le premier lieu de l’agir du Christ, c’est l’Église. 
Une autre considération est que « les actions liturgiques ne sont pas des actions privées, mais des célébrations de l’Église qui est le ²sacrement  de l’unité² » (SC 26). La communauté chrétienne rassemblée pour célébrer la fête de son saint Patron est l’Église du Christ dans son unité : l’Église catholique, une, sainte et apostolique. L’Église dans son déploiement terrestre et céleste.
C’est pourquoi, les pasteurs et le peuple tout entier cherchent à mieux voir l’impact ecclésiologique de la célébration des fêtes patronales. La première motivation de la paroisse c’est d’abord un rassemblement concret des membres de la communauté chrétienne pour célébrer ce que le Christ réalise pour et avec ses élus. Et ce rassemblement n’est pas un « club ». Il est ouvert à tous. La paroisse qui célèbre la fête de son saint Patron manifeste à tous qu’elle est « la communauté de communautés »[171]. Elle rassemble et accueille les chrétiens, les hommes et les femmes de bonne volonté pour célébrer et vivre la foi en Jésus-Christ. C’est la liturgie qui fait que la célébration des fêtes patronales est une fête de la communauté ecclésiale et celle-ci devient aussi le lieu où le mystère pascal du Christ est annoncé de manière concrète. Cela nous renvoie à trois considérations majeures que nous voudrions retenir et approfondir : a) la paroisse est un lieu liturgique et une cellule vivante de l’Église au service de la foi pascaleb) l’Église est manifestée comme mère et éducatrice de la foi c) la mise en évidence de la communion des saints. 

a) La paroisse comme lieu liturgique et cellule vivante de l’Église au service de la foi pascale
Les fêtes patronales permettent à la paroisse de faire ressortir son rôle particulier en tant que lieu de célébration et cellule vivante de l’Église au service de la foi, c’est-à-dire missionnaire. S’il est vrai que, selon Edouard Schweizer, la vie ou la mort d’une Église dépend de la disposition de ses membres à annoncer l’Évangile au monde[172], alors, la mission est inhérente à la vie de l’Église et toute occasion lui est une chance pour cette mission. Les fêtes patronales donnent une image plus parlante et plus vivante de l’Église comme communauté de foi aux fidèles et à tous ceux qui ne viennent qu’occasionnellement pour célébrer à leur manière afin de les orienter vers une liturgie commune, une seule et même célébration de la foi. 
Les fêtes patronales permettent à la paroisse d’exprimer plus clairement sa dimension ecclésiale et d’être plus concrètement « maison et école de communion » (DA170). En célébrant les fêtes patronales, elle montre à tous que le « mystère pascal est véritablement le mystère catholique, celui qui répond aux besoins de tous les hommes, qui appartient à tous, et où tous se retrouvent unis »[173]. C’est le bon moment pour la paroisse de souligner cet aspect universel du mystère pascal qui ne concerne pas uniquement le Christ et l’Église son Corps mystique, mais toute l’humanité. Le mystère pascal n’est pas un mystère fermé, limité et conditionné pour les seuls initiés, les baptisés. Mais il doit être proclamé, proposé à tous. Les fêtes patronales sont l’un des plus grands moments où la paroisse reçoit tout le monde : croyants, non croyants, catholiques, protestants, vodouisants etc., et devient un lieu pour fréquenter Dieu, le rencontrer ; un lieu liturgique pour célébrer Dieu, expérimenter et annoncer la foi. Elle ne se contente pas d’accueillir ; elle est un lieu de transformation pour la foi, une communauté qui célèbre sa foi avec joie. Les participants aux fêtes patronales, quels qu’ils soient, peuvent découvrir quelque chose qui va beaucoup plus loin que les fastes solennels de la fête. Ils doivent trouver une communauté d’amour en prière, se réunissant pour la manducation de la Parole et de l’Eucharistie, qui les aide à faire l’expérience de la transcendance de Dieu et expérimenter véritablement l’universalité et l’unité du mystère pascal du Christ. Ils peuvent ne pas pouvoir le faire de manière explicite ou convaincante, car certains cherchent Dieu dans l’obscurité de leur vie ou de leur pratique ; c’est le rôle de l’Église de les orienter vers le Chemin, la Vérité et la Vie (Jn 14, 6), vers le Christ.
La célébration des fêtes patronales permet à la paroisse de dynamiser davantage son sens de l’accueil et du service pour la foi. Elle lui permet d’être davantage le lieu de rencontre entre le Christ et les hommes, une rencontre à la fois intime, personnelle, publique et communautaire[174]. Les fêtes patronales dans leur déploiement peuvent être des occasions propices pour la paroisse d’aider les fidèles pèlerins à entrer dans cette démarche. Les activités que réalise la paroisse pour célébrer les fêtes patronales sont faites dans une logique d’évangélisation, d’annonce du mystère pascal du Christ : on peut penser aux neuvaines préparatoires, aux triduums, aux activités de prières communément appelés « Jéricho, La mer rouge, Débloquer et les veilles de nuit etc. » Elle doit privilégier les actes liturgiques qui sont des lieux où l’on vit la foi : « Le meilleur lieu de la transmission de la foi est une communauté nourrie et transformée par la vie liturgique et par la prière. Il existe un rapport intrinsèque entre foi et liturgie ²lex orandi lex credendi² » (IL 97). Les pèlerins peuvent se replonger dans une expérience de foi profonde à partir de la liturgie et la prière. Notons que dans cette dynamique, la liturgie et la vie de prière peuvent transformer les simples participants à la patronale « en une communauté qui célèbre et transmet la foi trinitaire en Dieu Père et Fils et Esprit Saint » (IL 97). 
La célébration des fêtes patronales est une chance pour la paroisse lui permettant « d’éveiller l’identité baptismale de chacun afin qu’il sache être un témoin authentique de l’Évangile, et qu’il sache rendre raison de sa propre foi » (IL 118). Les fêtes patronales dans leur célébration liturgique décrivent la foi de la communauté, la foi des pèlerins, comme une foi dynamique. Elles font de la paroisse la servante de la foi, un lieu d’éducation à la foi ou pour la foi, la foi en Christ mort et ressuscité. 

b) Une manifestation de l’Église comme mère et éducatrice de la foi 
Notre réflexion sur la paroisse comme lieu liturgique et cellule vivante de l’Église au service de la foi nous permet de voir que l’Église réalise sa mission de mère et d’éducatrice de la foi d’abord par la liturgie de la fête du saint Patron, ensuite par les diverses formes de piété populaire qui coïncident avec cette fête qu’elle encadre. Car la liturgie nourrit et éduque la foi. Par la liturgie des fêtes patronales, l’Église cherche à alimenter la foi des fidèles. L’Église ne garde pas pour elle-même le trésor de la foi. Comme le souligne le Pape François dans Lumen Fidei, « celui qui s’est ouvert à l’amour de Dieu, qui a écouté sa voix et reçu sa lumière, ne peut garder ce don pour lui »[175]. Les fêtes patronales sont des occasions pour l’Église de communiquer sa foi à un plus large public. Elle est un lieu pour initier à la foi pascale, la foi en Jésus-Christ mort et ressuscité : « Un parcours de croyant ne commence pas forcément par le ²vivre², il peut aussi commencer par le ²célébrer² »[176]. Outre les célébrations de mariages, baptêmes, premières communions et funérailles, les fêtes patronales rassemblent toutes les catégories de fidèles ou de curieux, de gens qui n’ont peut-être aucune pratique religieuse. L’Église a pour tâche de leur témoigner sa foi et leur manifester sa sollicitude pastorale. De ce point de vue, elle invite les fidèles quels qu’ils soient à entrer dans le « nous ecclésial ». Le Pape François souligne : « Cette ouverture au ²nous²ecclésial se produit selon l’ouverture même de l’amour de Dieu, qui n’est pas seulement relation entre Père et Fils, entre ²moi²et ²toi² mais, qui est aussi dans l’Esprit un ²nous², une communion de personnes » (LF 39). Il est vital pour les pèlerins d’entrer dans une telle démarche grâce aux dispositions mises en place pour célébrer les fêtes patronales. C’est à travers l’agir et la foi de l’Église que les fidèles doivent découvrir le chemin qu’a parcouru le saint Patron de leur paroisse : un chemin pascal. 
Cela nous porte à dire que la célébration des fêtes patronales peut être un lieu pour éduquer à la foi de manière non savante. Il semble qu’elle est l’un des lieux où la foi chrétienne peut être accueillie dans une grande simplicité. Dans le premier chapitre, nous avons souligné quelques limites d’une telle célébration. En revanche, c’est une occasion pour l’Église d’aider les pèlerins à entrer dans une vraie relation avec Dieu par l’intermédiaire du saint qu’ils honorent. Ainsi, éduquer les fidèles à la foi devient une tâche inhérente pour les aider à entrer dans l’intelligence des fêtes patronales, l’intelligence du mystère pascal du Christ accompli dans la vie des saints. Le DPPL ne manque pas de nous donner des indications claires et précises pour éduquer les fidèles à la foi dans le cadre de la célébration des fêtes patronales : 

Il faut que la fête du saint soit préparée, puis célébrée avec beaucoup de soin, tant du point de vue liturgique que pastoral. 
Ce qui exige avant tout une présentation adaptée de la finalité pastorale du culte des saints, totalement destiné à célébrer la gloire de Dieu, « admirable dans ses saints », et aussi à encourager les fidèles à conformer leur vie à l’enseignement et à l’exemple du Christ, en imitant les saints, qui sont les membres éminents de son Corps mystique.
De plus, il faut que la figure du saint soit présentée d’une manière appropriée. Selon la conception très juste de notre époque, il convient qu’une telle présentation se base moins sur des faits légendaires, qui entourent parfois la vie du saint, ou sur ses qualités de thaumaturge, que sur la valeur de sa personnalité chrétienne, la grandeur de sa sainteté et l’efficacité de son témoignage évangélique, ainsi que sur le charisme personnel grâce auquel il a enrichi la vie de l’Église[177].

Ces textes du Directoire nous montrent en quoi il faut éduquer les fidèles : une bonne préparation de la fête des saints (la fête patronale), une célébration bien soignée dans sa dimension liturgique et pastorale afin d’aider les fidèles à célébrer la gloire de Dieu, les initier à conformer leur vie à l’esprit de l’Évangile, à suivre l’exemple du Christ en prenant appui sur ceux qui les ont précédés dans la gloire, à imiter leur foi ; bref, à entrer dans l’action de Dieu. Comme nous l’avons déjà souligné ci-dessus, c’est à partir de la liturgie qu’on conduira les pèlerins à faire un chemin de foi les conduisant à la rencontre du Christ mort et ressuscité. À ce titre, elle éduque les fidèles à offrir à Dieu un véritable culte liturgique. Ce culte véritable, selon Joseph Ratzinger, c’est l’intériorité de l’homme, une intériorité qui devient elle-même adoration[178]. C’est à cela que l’Église cherche à orienter l’esprit des fidèles dans la célébration des fêtes patronales dans une grande communion avec les saints, membres de la Communauté céleste. 

c) Une mise en évidence de la communion des Saints
La célébration des fêtes patronales met en évidence la communion entre les croyants, la communion entre l’Église du ciel et celle de la terre. La Constitution sur la liturgieen est une évocation : 

Dans la liturgie terrestre, nous participons par un avant-goût à cette liturgie céleste qui se célèbre dans la sainte cité de Jérusalem à laquelle nous tendons comme des voyageurs, où le Christ siège à la droite de Dieu, comme ministre du sanctuaire et du vrai tabernacle ; avec toute l’armée de la milice céleste, nous chantons au Seigneur l’hymne de gloire ; en vénérant la mémoire des saints, nous espérons partager leur communauté ; nous attendons comme Sauveur notre Seigneur Jésus Christ, jusqu’à ce que lui-même se manifeste, lui qui est notre vie, et alors nous serons manifestés avec lui dans la gloire (SC 8)[179].

La liturgie que nous célébrons nous met dans une tension eschatologique. Déjà, Hélène Bricout nous aide à distinguer entre « participation » et « avant-goût ». D’après son enquête, la notion de « participation » suppose une communauté de célébration et celle d’« avant-goût », une anticipation[180]. À travers la liturgie que nous célébrons, nous participons à la liturgie des saints. C’est une espérance pour les chrétiens. Car avant-goût ne veut pas dire totalité. Cela suppose une attente, une progression dans la foi. Toutefois, les deux liturgies s’appellent mutuellement pour chanter la gloire de Dieu : « la liturgie terrestre est une participation à la liturgie céleste, c’est-à-dire un événement commun réunissant dans l’acte de louange l’Église terrestre et les citoyens des cieux »[181]. La louange est un acte commun entre ceux qui participent au mystère pascal du Christ : les citoyens du ciel et les baptisés. Hélène Bricout précise : « La louange est l’activité principale et la spécificité des sauvés ; elle concerne donc d’abord les habitants des cieux ; mais puisque les baptisés sont des sauvés en espérance, leur louange est légitime et trouve son origine dans la louange des anges et des élus »[182]. Cela exprime la solidarité qui existe entre les baptisés qui pérégrinent sur la terre en menant le combat de la foi et ceux qui sont entrés définitivement dans la vie bienheureuse, sans oublier ceux qui se purifient après s’être endormis dans la foi car l’Église à chaque Eucharistie fait mémoire d’eux. C’est l’Église dans son déploiement comme Corps mystique du Christ, l’Église dans sa communion, l’assemblée des saints. 
Achiel Peelman la définit comme « un mystère de solidarité sans limites »[183]. La communion des saints comme mystère de solidarité, poursuit-il se réalise sur terre entre les membres de l’Église, mais elle dépasse les frontières de l’Église pour s’étendre à toute l’humanité[184]. Ce mystère de communion entre les membres de l’Église n’est pas la solidarité des membres d’un « club ». Elle a sa racine en la Trinité qui est mystère de foi et d’amour, mystère de communion. La communion entre les membres du même Corps est possible grâce à celui qui donne l’influx, le Christ Tête de l’Église. 
De ce point de vue, la célébration des fêtes patronales devient une occasion de manifester le lien de charité entre les membres de la communauté chrétienne et dépasser ses frontières. Elle rassemble les riches et les pauvres dans une même foi. Cette communion se réalise par l’Esprit Saint. C’est à chaque Eucharistie que nous mesurons la portée de cette communion. Toutes les préfaces terminent en invitant l’assemblée eucharistique à s’unir à l’Église du ciel pour bénir et chanter la gloire de Dieu. Cependant, il paraît très pédagogique de l’entendre et de l’accomplir dans la célébration des fêtes patronales comme lieu d’annonce du mystère pascal du Christ dans sa totalité. 
Plus haut nous avons dit que la communion des saints exprimée dans la célébration des fêtes patronales nous permet de comprendre que les saints sont nos compagnons de route dans la foi. Joseph Ratzinger dit que « Les saints manifestent le divin dans l’humain et l’éternel dans le temps. Ils sont nos maîtres en humanité, ils ne nous abandonnent ni dans la souffrance ni dans la solitude, et même à l’heure de la mort ils cheminent à nos côtés »[185]. En fait, ce compagnonnage est une école de foi. Les saints nous éduquent à l’obéissance de la foi et à la reconnaissance de la primauté de l’amour de Dieu sur nous. Ils nous éduquent à écouter l’Évangile et à choisir la bonne part, c’est-à-dire la vie du ciel, le Royaume à venir mais qui est déjà au milieu de nous. Ce que Dieu a réalisé pour les saints, il le déploie pour nous aussi. Car « de même que la sainteté de Dieu implique un mystère de participation et de communion, de par la nature même de l'Amour divin qui est de se donner, de se communiquer, ainsi la glorification des saints est ouverte et il n'y a pas de frontière étanche entre eux et nous »[186]. La liturgie des fêtes patronales nous rappelle cela et nous fait communier dans cette même source de la sainteté en recourant à leur intercession. Car les saints sont au service de la communion de l’Église. Ils nous entraînent dans la vie de foi en Christ et ils nous aident à intensifier notre vie ecclésiale. 




En guise de conclusion
Dans ce chapitre, le parcours que nous avons fait à l’aide de l’étude du « mystère pascal » chez Aimon-Marie Roguet et la potentialité qu’il ouvre nous a permis d’envisager la célébration des fêtes patronales comme un lieu ecclésial majeur de l’annonce du mystère pascal dans sa totalité. Cela nous a conduit à montrer en quoi le versant « résurrection » du mystère pascal apporte quelque chose au peuple haïtien et aux fêtes patronales. 
Les fêtes patronales dans leur rapport avec le mystère pascal signifient que la mort n’a aucun pouvoir sur ceux qui ont suivi le Christ dans sa Pâque. Donc, elles sont des lieux dans lesquels et par lesquels se manifeste la foi de l’Église en célébrant la victoire de la vie sur la mort accomplie dans la vie des saints. Cela fait valoir automatiquement le primat de la liturgie sur toutes les autres activités qui font partie de ces célébrations. Elles font célébrer les actes de salut de Dieu pour son peuple. En même temps, elles montrent que la Pâque du Christ continue aujourd’hui et arrivera à son achèvement « lorsque le nombre des élus sera complet, lorsque le Corps du Christ aura atteint sa stature parfaite »[187]. D’où l’importance de ces fêtes qui font progresser les fidèles dans l’espérance de cet achèvement.
Cela conduit à relire les fêtes patronales dans la dynamique de la communion des saints. Entre l’Église du ciel et l’Église de la terre, il y a une parfaite harmonie. C’est en union avec toute l’Église que le peuple chrétien rend un culte de louange à Dieu. Cette unité de l’Église (terrestre et céleste) est faite par le Christ qui est la Tête dans la puissance sanctifiante de son Esprit. Ainsi comprise, les fêtes patronales permettent au peuple chrétien de continuer à suivre le Christ en comptant sur l’aide de l’Église. Les croyants s’avançant dans la confiance vers l’accomplissement du Royaume en eux, peuvent s’appuyer sur les autres chrétiens qui sont déjà dans la gloire du Père. 
De ce point de vue, les fêtes patronales comme lieu d’annonce du mystère pascal dans sa totalité ne demandent-elles pas une existence eschatologique et l’ouverture à une éthique baptismale ? Le quatrième chapitre prendra en compte cette question.










chapitre IV
les fêtes patronales, une existence eschatologique 
et l’ouverture à une éthique baptismale

Dans le troisième chapitre, nous avons essayé de montrer comment les fêtes patronales sont un lieu d’annonce du mystère pascal, un lieu où le peuple chrétien professe la foi en Jésus Christ, mort et ressuscité. Mais cette confession de foi n’est-elle pas eschatologique ? Le Christ dans son mystère pascal n’est-il pas l’avenir de l’homme et de l’humanité entière ? Jésus, sorti vivant du tombeau n’est-il pas entré dans la gloire de son Père pour assurer éternellement notre avenir ? Comme le souligne la première préface de l’Ascension, « il ne s’évade pas de notre condition humaine : mais en entrant le premier dans le Royaume, il donne aux membres de son corps l’espérance de le rejoindre un jour ». Le terme « espérance » a une profondeur pascale et eschatologique. Joseph Ratzinger souligne que dans la résurrection, un saut ontologique a été réalisé[188]. Par rapport à ce saut ontologique, il précise : « Ce saut ontologique concerne l’être en tant que tel et ainsi a été inaugurée une dimension qui nous intéresse tous et qui a créé pour nous tous un nouveau milieu de vie, de l’être avec Dieu »[189]. Le Christ ne se sépare pas de nous. Notre humanité est déjà présente au cœur de la Trinité. Ce nouveau milieu de vie dont parle Joseph Ratzinger est le Royaume. Tel est l’avenir de l’homme. 
Dans la profession de foi pascale, le peuple de Dieu se trouve dans un « entre-deux », le monde présent et le monde à venir qui est l’accomplissement du don de l’amour de Dieu pour toute l’humanité qui se donne déjà à vivre dans ce monde présent (les bienfaits du mystère pascal du Christ dans la vie de l’Église, des baptisés et dans l’histoire). C’est un déjà làet un pas encore. Ce déjà làet ce pas encore, s’interpénètrent et en même temps se distancient. La foi pascalese situe dans ce mouvement. Et les fêtes patronales l’expriment fort bien en nous montrant que les fruits du mystère pascal du Christ travaillent en nous, mais en même temps, ils nous font tendre vers le but de notre vie : le salut définitif, le monde nouveau que le Christ pascalviendra inaugurer dans l’histoire. 
Les fêtes patronales nous font expérimenter une Église qui pérégrine vers l’aboutissement de sa sainteté. En fait, c’est la destinée de tous les baptisés qui se profile quand, dans la célébration des fêtes patronales, l’Église, mère et éducatrice de la foi, présente les saints comme modèles. Car les saints témoignent que la foi pascale professée dans l’Église et par l’Église est une réalité dynamique qui nourrit notre espérance. Ils sont en Dieu pour toujours parce que le mystère pascal du Christ est accompli une fois pour toutes en eux, avons-nous déjà souligné. Les fêtes patronales nous proposent de confesser la foi pascaledans cette espérance tant que l’heure eschatologique n’est pas encore arrivée.
C’est toujours avec la matrice du mystère pascal que nous allons essayer d’esquisser une existence eschatologique et l’ouverture à une éthique baptismale des fêtes patronales. Ce projet est ambitieux. Pour cela, nous ne prétendons pas faire une théologie eschatologique des fêtes patronales. Notre propos sera de montrer comment les fêtes patronales avec le versant « résurrection » du mystère pascal proposent une perspective d’avenir pour les chrétiens, comment elles proposent de vivre dans l’espérance et, en même temps, rendre compte de la condition de leur vie baptismale dans le monde, rendre dynamique la foi pascaledans le souffle de l’Esprit qui achève en nous toute sanctification. Pour cela, nous nous référerons à l’Écriture Sainte, aux formulaires et anaphores du missel romain et à quelques théologiens comme Bernard Sesboüé, Hélène Bricout, Joseph Ratzinger, Karl Rahner et Joseph Moingt pour ne citer que ceux-là afin de fonder notre propos[190].


41. Une existence eschatologique 
Le danger de notre discours théologique sur le mystère pascal annoncé et célébré dans les fêtes patronales, serait de le séparer de l’eschatologie. Hélène Bricout dans sa relecture de SC 8 souligne que « L’eschatologie appartient à la fois aux ²réalités dernières²qui demeurent ici-bas en espérance, même si elles sont déjà à l’œuvre dans l’existence humaine »[191]. Dans notre parcours, en nous référant à cette réflexion, nous voudrions penser une existence eschatologique à partir de la célébration des fêtes patronales afin de montrer comment elles font vivre en espérance les « réalités dernières » et comment les chrétiens commencent à les vivre dans leur existence humaine. L’eschatologie nous fait tourner vers l’amour infini de Dieu manifesté en Jésus Christ et que l’Esprit vivifie en nous. L’eschatologie nous fait tourner aussi vers la présence de l’Esprit. C’est par son activité dans notre vie, que nous sommes capables de nous tourner vers l’horizon de Dieu et de goûter sa promesse déjà réalisée dans notre aujourd’hui. Donc, notre foi pascaleest une foi eschatologique. 
Joseph Ratzinger parle de l’eschatologie du présent[192]. Le Christ vient à nous tous les jours (dans les ministères de l’Église, dans sa Parole, dans les sacrements, dans notre vie personnelle etc.). La présence et l’action de l’Esprit Saint rendent présente la Pâque du Christ dans la Pâque des chrétiens. La Pâque du chrétien est une vie dans l’Esprit, selon l’Esprit. C’est la croissance de la sainteté de chaque baptisé, de l’Église. Les fêtes patronales valorisent cette réalité eschatologique de la vie chrétienne car les saints qu’elles nous proposent comme modèles et compagnons de route ont su se laisser porter par le souffle de l’Esprit qui a fait fructifier le mystère pascal en eux. C’est pourquoi les fêtes patronales nous permettent d’accueillir, de vivre, de célébrer et d’annoncer le mystère pascal comme un acte libre de Dieu dans notre histoire et dans notre vie. C’est la liturgie, en particulier l’Eucharistie, qui nous permet de mieux définir l’eschatologie si l’on peut la définir vraiment. L’Eucharistie tout entière nous oriente vers l’eschatologie. Elle fait tourner les croyants vers l’avenir, vers le Christ pascal parce qu’il est « monté au ciel pour nous rendre participants de sa divinité »[193]
Le mystère pascal est un mystère d’engendrement. Il nous relie à la vie du Christ puisque « par sa résurrection d’entre les morts, il nous a donné la vie qui n’aura pas de fin », précise la deuxième préface des dimanches. C’est pourquoi les baptisés qui ont vécu pleinement cet engendrement dans leur vie partagent la gloire du Christ au ciel. Ils vivent la plénitude de la vie en Christ. C’est là que Dieu nous attend, c’est pour cette vie en plénitude que Jésus a livré sa vie, c’est pour cette vie en plénitude qu’il est sorti vivant du tombeau. Il y a un encouragement, une progression pour la foi pascale, pour la vie chrétienne puisque « notre existence périssable devient un passage vers le salut, par le Christ, notre Seigneur »[194]. C’est une espérance dans ce qui est déjà rendu possible dans la mort et la résurrection de Jésus. La liturgie des fêtes patronales nous montre que dans notre existence eschatologique, nous sommes soutenus par tous les baptisés qui sont déjà au ciel pour que « nous courrions jusqu’au bout l’épreuve qui nous est proposée et recevions avec eux l’impérissable couronne de gloire, par le Christ, notre Seigneur »[195]. Les chrétiens doivent vivre leur Pâque chaque jour, suivre le Christ jusqu’à la croix et à la glorification. 
Par les fêtes patronales, l’Église propose aux chrétiens l’exemplarité d’une vie pascaliséede manière réussie : la vie du saint Patron lui-même. Elle leur montre ce qui les attend et ce qu’ils commencent à vivre déjà dans le concret de leur vie chrétienne. Cela doit pousser les chrétiens à un parti pris de l’espérance et lui donner une visée pratique[196]. Les fêtes patronales reviennent chaque année, mais chacune d’elles projette les fidèles à un avenir[197]. La démarche participative aux fêtes patronales a une portée eschatologique en elle-même, si l’on comprend l’eschatologie en lien avec le versant « résurrection » du mystère pascal, en incluant la traversée pascale de chaque chrétien dans l’histoire pour enfin s’éterniser avec Celui qui est entré le premier dans la gloire du Père. Nous sommes morts au péché pour récolter ce qui mène à la sainteté, pour aboutir à la vie éternelle (Rm 6, 22). Baptisés dans la mort et la résurrection du Christ, nous recevons le don gratuit de Dieu, la vie éternelle dans le Christ Jésus notre Seigneur (Rm 6, 23).
Les fêtes patronales sont proposées aux chrétiens comme un itinéraire de vie dans le Christ. Cet itinéraire doit être nourri par la Parole de Dieu et les sacrements. Dans cet itinéraire de vie, les chrétiens peuvent avoir tendance à séparer l’événement pascal de sa réalité future. Joseph Moingt nous exhorte à éviter cette séparation[198]. Si nous pouvons envisager l’eschatologie à l’intérieur des fêtes patronales, c’est grâce au versant « résurrection » du mystère pascal du Christ. La résurrection de Jésus, souligne Joseph Moingt, s’effectue en disant son sens : en renvoyant au futur[199]. Ce futur nous concerne car c’est pour nous aussi qu’il est mort et ressuscité, c’est pour nous aussi qu’il est glorifié et c’est pour nous aussi qu’il reviendra dans la gloire. C’est donc la liturgie, en particulier les sacrements, pour reprendre Louis-Marie Chauvet à notre manière, qui évitent aux chrétiens de séparer le mystère pascal de l’eschatologie[200]. La liturgie les appelle à vivre leur vie chrétienne à la lumière de la Résurrection du Christ et « à faire du cheminement sur terre une période de progrès dans la vie spirituelle pour pouvoir accéder à la plénitude eschatologique »[201]. Les participants à la célébration des fêtes patronales peuvent continuer à mener le combat spirituel en suivant les traces de leurs prédécesseurs dans la foi. Ils peuvent apprendre à vivre la dimension pascale de leur vie, c’est-à-dire reconnaître que le Christ est mort et ressuscité pour eux et accueillir cette grâce afin d’entrer dans une vie de béatitudes sans fin. Cela rejoint l’enseignement de saint Paul quand il dit : « Ceux qu’il avait destinés d’avance, il les a aussi appelés ; ceux qu’il a appelés, il en a fait des justes ; et ceux qu’il a rendus justes, il leur a donné sa gloire » (Rm 8, 30). C’est la condition de la vie baptismale des croyants qui est mise en évidence ici, c’est tout l’enjeu de leur relation avec le Christ. La gloire que le Christ a donnée aux saints, aux membres de son Corps mystique, est le fruit de sa Pâque. Cette gloire nous est donnée « au fur et à mesure que par le baptême et par une vie digne du baptême, nous serons associés à la Pâque du Christ »[202].
 La célébration des fêtes patronales peut être l’occasion d’une conversion profonde.Par le témoignage et l’encouragement des saints, les chrétiens sont appelés à faire mourir en eux ce qui n’appartient qu’à la terre (Col 3, 5) pour devenir des hommes nouveaux dans le Christ. C’est un appel à actualiser le mystère pascal du Christ dans leur vie. Les chrétiens et tous ceux qui participent aux fêtes patronales peuvent découvrir leur humanité comme un lieu de grâce, un lieu où le Christ vient habiter pour le sanctifier, mais aussi un lieu « en devenir ».  Ils sont appelés à regarder leur propre vie de foi pour l’ajuster à Dieu et continuer à marcher dans l’espérance du salut. La sainteté est un chemin à parcourir. L’existence eschatologique chrétienne est un regard vers la Jérusalem d’en haut. L’existence eschatologique des baptisés est le chemin de la foi pascale. Célébrant le mystère pascal du Christ, les fêtes patronales peuvent jouer un rôle important dans la vie spirituelle des croyants en les aidant à vivre des moments de réconciliation et de miséricorde dans leur vie de foi. S’appuyant sur le Christ et sur le témoignage des saints et de toute l’Église, les chrétiens peuvent progresser dans la foi, courir avec endurance l’épreuve qui leur est proposée car ils seront honorés par le Christ comme les martyrs[203]Les fêtes patronales sont des occasions d’aider les fidèles à mieux percevoir le dynamisme de la sequela Christi, à découvrir la vie du saint Patron qui peut façonner leur propre vie chrétienne avec une vision eschatologique. 
Parlant de la vision eschatologique, les fêtes patronales dans leur déploiement liturgique nous demandent de la sobriété dans notre travail réflexif. Notre discours théologique n’est-il pas limité par rapport au mystère de Dieu qui nous saisit ? L’eschatologie en effet est à mettre en rapport avec la force ressuscitante du Christ qui, par l’Esprit, tire l’histoire en avant en direction de l’accomplissement de la promesse de Dieu, a fait remarquer Louis-Marie Chauvet[204]. Entre la montée du Christ au ciel et son retour glorieux, on peut dire que le mystère pascal est au travail par la puissance de l’Esprit Saint et la mission de l’Église. Ce que nous serons, ne paraît pas encore clairement, mais nous sommes déjà portés par la certitude de la foi. Le Christ mort et ressuscité est là avec nous, mais en même temps, cette présence se fait absence. Notre existence est marquée foncièrement par l’attente de l’accomplissement du mystère pascal. Ainsi donc, les fêtes patronales dans leur prisme liturgique ou célébratif, nous permettent d’accueillir le mystère pascal comme « notre transitusavec le Christ »[205]. C’est chaque jour que nous passons de la mort à la vie, de la tristesse à la joie, de la fatigue au repos jusqu’à ce que nous nous reposions définitivement en Lui. La prière après la communion proposée pour la solennité de tous les saints nous oriente vers cette visée eschatologique : « Quand tu nous auras sanctifiés dans la plénitude de ton amour, fais-nous passer de cette table, où tu nous as reçu en pèlerins, au banquet préparé dans ta maison ». À la lumière de cette prière, nous pouvons comprendre que c’est à partir de l’Eucharistie à un plus haut point (on peut en tenir compte aussi des expressions de la piété populaire, des autres activités spirituelles que nous avons déjà citées) que les fêtes patronales expriment à leur manière le caractère eschatologique de notre vie chrétienne. Les baptisés, soutenus par la liturgie, en particulier par l’Eucharistie, avancent courageusement vers la plénitude de l’amour de Dieu pour participer définitivement à son banquet dans son Royaume. 


42. L’ouverture à une éthique baptismale 

La vie baptismale est une vie d’engagement avec le Christ dans le monde. Par leur  baptême, les chrétiens sont configurés au Christ comme prêtres, prophètes et rois. Toute vie de sainteté est conditionnée par ces trois fonctions formant une seule et même dignité christique. Le chrétien, réalise sa vie éthique baptismale en vivant ou en accomplissant ces trois fonctions dans le monde comme membre de l’Église du Christ (LG 32-38). C’est dans l’Église qu’on reçoit la grâce de la filiation divine et c’est au nom de l’Église et par l’Église qu’on rend témoignage à l’Évangile du Christ au cœur du monde. Ainsi, tout baptisé :
1) Par la fonction sacerdotale, est appelé à offrir le culte spirituel à Dieu, à glorifier Dieu par toute sa vie, à célébrer Dieu en tout et partout. Toute occasion lui est possible pour exercer son sacerdoce baptismal. 
2) Par la fonction prophétique, est appelé à travailler pour l’émergence d’un monde nouveau, un monde juste et fraternel ; à annoncer l’Évangile dans sa radicalité pour aider ceux qui le reçoivent à vivre non pas « sous l’emprise de la chair, mais sous celle de l’Esprit » (Rm 8, 9). 
3) Par la fonction royale, est associé au Christ Serviteur et Lumière du monde pour le salut de tous les hommes ; à combattre le mal, à souffrir avec le Christ pour être avec Lui dans la gloire (Rm 8, 17). 
C’est pourquoi, les chrétiens doivent s’entraider et se supporter mutuellement sur le chemin de la sainteté afin de donner le témoignage d’une vie harmonisée avec celle du Christ. D’où l’importance de la communion ecclésiale que nous avons déjà soulignée dans le troisième chapitre de notre travail[206]. Ils doivent puiser à la liturgie dans laquelle et par laquelle ils célèbrent les bienfaits de Dieu et reçoivent le pain de la Parole et de l’Eucharistie. Le chrétien, pour être en bonne santé spirituelle, afin de vivre sa condition de vie baptismale dans le monde, doit pouvoir se nourrir de la Parole, des sacrements et de la prière. C’est là que se joue sa Pâque avec le Christ. Enrico Mazza nous aide à le percevoir : « Le délai entre la mort et la résurrection du Christ et sa venue finale dans la gloire n’est pas un temps mort : c’est le temps de l’Église et des sacrements, notamment de l’Eucharistie »[207]. L’Eucharistie nous situe vraiment dans le déjà làet le pas encore. Elle est eschatologique dans le sens où elle nous fait faire mémoire des actes de salut que le Christ a opérés dans l’offrande de sa vie sur la Croix et dans sa glorieuse résurrection.  En ce sens, l’homme et l’histoire trouveront leur accomplissement définitif dans le retour glorieux du Christ. C’est vers ce retour eschatologique que nous oriente l’Eucharistie. Dans chaque Eucharistie, nous nous adressons au Christ en disant: « Nous proclamons ta mort, Seigneur Jésus, nous célébrons ta résurrection, nous attendons ta venue dans la gloire ». Il me semble que les fêtes patronales nous permettent d’envisager une éthique baptismale en tenant compte de tout ce que nous venons de dire. La célébration des fêtes patronales a pour but de faire grandir les fidèles dans la dynamique du don, de la diaconie. Ainsi l’exprime la deuxième préface des saints : « car leur exemple nous stimule, et leur prière fraternelle nous aide à travailler pour que ton règne arrive ». Cela concerne l’après de leur participation à la célébration des fêtes patronales. Que peuvent-ils devenir ? Quel témoignage de foi peuvent-ils donner ? Comment appliquer dans leur vie, plus ou moins, les vertus du saint Patron ? C’est dans l’Eucharistie célébrée que les fidèles doivent apprendre à faire de leur vie une liturgie quotidienne. La vie chrétienne est une vie eucharistique, c’est-à-dire une vie qui rend grâce à Dieu pour le mystère du Christ qui s’accomplit aujourd’hui, mais aussi une vie donnée pour la gloire de Dieu et le salut du monde. La vie eucharistique ne va pas sans les trois pôles dont parle Louis-Marie Chauvet : Écriture, sacrement, éthique[208]. Il y a une dimension verticale et horizontale de la vie éthique baptismale : d’abord, la dimension verticale (le service vers le haut) qui vise le rapport du croyant avec Dieu, l’accueil du don de Dieu qui précède toute autre action. Le chrétien cherche à faire correspondre sa vie à la volonté de Dieu. Puis, la dimension horizontale (le service d’en bas) qui vise le prochain. C’est le service du frère. Les deux dimensions ne s’opposent pas. Elles doivent conduire le baptisé à vivre une foi dynamique. Si les fêtes patronales ne poussent pas les fidèles à cette dimension, elles courent le risque d’être infructueuses. Elles doivent les aider à aller aux « périphéries » pour reprendre cette expression du Pape François, pleine d’une portée missionnaire. Les saints sont des gens des « périphéries », c’est-à-dire toujours auprès de nous pour témoigner de l’amour de Dieu et donner à rencontrer le Christ. 
Le chrétien, participant aux fêtes patronales, est appelé à travailler pour la justice et la paix, à être sel et lumière pour les autres, bref, à s’engager à faire ce qui est bien, ce qui permettra aux autres de rendre gloire à Dieu. Tout être humain est capable du bien, mais faire le bien au nom de la foi chrétienne est d’un autre ordre. La vie du chrétien « doit être la traduction concrète de son amour inconditionnel pour Dieu et pour les hommes ses frères, et qu’un tel amour représente l’accomplissement parfait de toute la loi »[209]. En disant cela, Karl Rahner n’invente pas une nouvelle loi d’amour. C’est celle du Christ fondée dans l’événement de la croix et de la résurrection. Aimer son prochain comme le Christ a aimé, c’est vivre le mystère pascal dans sa radicalité. En ce sens, les fêtes patronales peuvent conduire les fidèles à créer un équilibre entre leur vie de foi et le service de l’amour, la diaconie. Car les saints sont un bel exemple de l’harmonie entre la foi et la diaconie. La bénédiction pour la fête des saints utilisée dans les fêtes patronales nous le montre : « Qu’il (Dieu) vous bénisse en vous offrant leur aide, afin que vous puissiez vous donner davantage à son service et à celui de vos frères ». Par cette bénédiction, les participants à la célébration des fêtes patronales sont envoyés en mission. Ils sont envoyés témoigner au milieu du monde ce qu’ils ont vécu, à faire comme les saints : être au service de Dieu et au service de leurs frères.
Les saints invitent toujours à un dynamisme de la vie chrétienne, à une synergie entre le culte et l’engagement du chrétien dans le monde. De ce point de vue, il faut reconnaître que « L’œuvre de l’homme ne fait pas nombre avec l’œuvre de Dieu, mais elle est comme assumée dans l’œuvre de Dieu qui est première, comme le rappelle la structure du mémorial »[210]. L’homme n’accomplit pas ses œuvres pour équivaloir à Dieu. Ce qu’il fait est une participation à l’œuvre de Dieu. Tout lui est déjà donné par gratuité. Si l’homme en rendant grâce à Dieu pose des actes d’amour ou de charité envers le prochain et envers la création, c’est pour mieux rester dans le dynamisme de la grâce qui lui est communiquée par Dieu lui-même et « vivre dans ce monde en hommes nouveaux »[211]. De ce point de vue, Joseph Ratzinger n’hésite pas à souligner l’importance de la vigilance. Pour lui, « La vigilance est surtout ouverture au bien, à la vérité, à Dieu, au milieu d’un monde souvent inexplicable et au milieu du pouvoir du mal »[212]. C’est dans cette dynamique que nous pouvons concevoir une dimension éthique de la vie baptismale à travers le prisme liturgique des fêtes patronales. Et cela éviterait de plonger les chrétiens dans une logique de marchandage ou du « donnant donnant » avec Dieu. Ça ne doit pas être « un alibi de bonne conscience » comme l’a souligné Louis-Marie Chauvet, parlant de la dimension éthique de la foi chrétienne[213]. On est porté par la logique du pur don, on reçoit gratuitement, on donne gratuitement. Le culte liturgique des fêtes patronales oriente le chrétien vers une continuité de l’amour dans les actes quotidiens. C’est ainsi que nous l’exprime une collecte pour les saints qui ont exercé une activité caritative : « Accorde-nous de toujours agir avec charité, à l’exemple de saint N., pour être comptés parmi les bénis de ton Royaume ». Il ne s’agit pas d’instrumentaliser la célébration des fêtes patronales au service d’une vie éthique, mais il s’agit d’un réalisme évangélique, d’une cohérence de la vie chrétienne stimulée par le témoignage et l’engagement des saints. En tout cela, le baptisé doit agir avec une grande sobriété pour reprendre cette expression de Joseph Ratzinger en faisant ce qui est juste, non pas selon ses propres désirs, mais selon l’orientation de la foi[214].


Conclusion du chapitre
Dans ce dernier chapitre, notre objectif était de montrer comment le versant « résurrection » du mystère pascal oriente la célébration des fêtes patronales vers une dimension eschatologique et vers une éthique baptismale. Les fêtes patronales peuvent nous conduire à un cheminement eschatologique, c’est-à-dire nous pouvons cheminer dans l’attente impatiente du retour du Christ, de l’accomplissement du Royaume tout en vivant dans le monde notre vie de foi. Nous avons montré que cette attente n’est pas une attente passive, mais active. Cela nous conduit à une vie cohérente, à une éthique baptismale, à concrétiser l’Évangile du Christ dans notre vie. Notre foi pascale se vit et se construit dans le temps, dans la durée : le temps historique et le temps liturgique. 
Nous avons souligné que l’eschatologie, l’autre facette du mystère pascal est une vérité de foi qui englobe le chrétien dans sa vie et dans sa mort. Elle englobe également l’Église et l’histoire. Les saints, pour leur part, témoignent de l’ouverture du chrétien à la dimension eschatologique de sa vie, de sa foi en Christ mort et ressuscité. Ainsi, les fêtes patronales sont une invitation adressée au chrétien à avancer dans sa Pâque avec assurance en sachant que son avenir est déjà assumé par un Autre, le Christ : « Quand je serai parti vous préparer une place, je reviendrai et je vous emmènerai auprès de moi, afin que là où je suis, vous soyez, vous aussi » (Jn 14, 3). Ce ne sont pas les actes moraux ou éthiques que fait le chrétien qui déterminent son avenir eschatologique, même s’ils contribuent à l’accueillir, mais c’est un acte libre de Dieu accompli en Jésus Christ dans son mystère pascal. Notre avenir eschatologique est déjà rendu possible par Celui qui est entré le premier dans la gloire de son Père avons-nous déjà souligné. C’est grâce à Lui, que tous ceux qui sont plongés dans sa mort et sa résurrection pourront y entrer. En ce sens, les saints nous stimulent et nous servent de modèles. Les saints nous apprennent à vivre le dynamisme eschatologique de notre vie pascale. Nous n’accèderons pas au Royaume comme on accède à une soirée dansante parce qu’on a payé son billet. Nous y accèderons parce que c’est la volonté même de Dieu de nous rendre participants de sa propre vie. Nous y accèderons parce que le Christ et nous sommes un. Voilà ce que les fêtes patronales nous ont fait découvrir par le versant « résurrection » du mystère pascal en célébrant les saints. 


Conclusion de la deuxième partie

Dans la deuxième partie de ce travail, nous avons cherché à montrer concrètement comment les fêtes patronales peuvent être un lieu pour l’annonce du mystère pascal dans sa totalité dans la société haïtienne marquée par des drames récurrents et d’une réelle précarité de la vie. Nous l’avons fait en deux temps à l’aide de l’étude du versant « mystère pascal » chez Aimon-Marie Roguet. Dans un premier temps, nous avons essayé de comprendre ce que le versant « résurrection » du mystère pascal peut apporter au peuple haïtien et aux fêtes patronales, ce qui a conduit à un déploiement du mystère pascal dans l’ensemble de la vie paroissiale comme communauté célébrante. Cela suppose la responsabilité de chaque croyant à participer à la croissance de sa foi et à exercer son sacerdoce baptismal dans une grande communion ecclésiale et dans la réalité spirituelle qui est la sienne. Cela suppose aussi l’articulation des ministères et des charismes pour la croissance du corps ecclésial.
Dans un deuxième temps, à partir des acquis du troisième chapitre, nous avons abordé la dimension eschatologique et éthique des fêtes patronales comme lieu pour célébrer et annoncer le mystère pascal, lieu pour vivre la foi pascale. Ainsi, pouvons-nous conclure que le mystère pascal est une réalité concrète de la vie chrétienne. Il fait des fêtes patronales une réalité qui porte les chrétiens à confesser une foi réelle, authentique et engagée qui « repose, non pas sur la sagesse des hommes, mais sur la puissance de Dieu » (1 Co 2, 5). Cette puissance qui est manifestée à un plus haut point dans la mort et la résurrection de Jésus. Une telle compréhension permet d’éviter tout basculement vers l’idolâtrie où les chrétiens fabriqueraient leur veau d’or (Ex 32, 1-6). Car c’est le Christ, par sa mort et sa glorieuse résurrection, qui donne aux croyants d’accéder à la vie du ciel par l’accueil qu’ils lui ont fait. De ce fait, les fêtes patronales présentent l’Église comme celle qui a la mission de faire connaître Jésus Christ comme le seul et unique Sauveur de l’humanité. 
Les fêtes patronales nous font voir que l’eschatologie n’est pas pensable sans le Christ dans son mystère pascal. Elles nous donnent à la penser non comme une réalité lointaine, perplexe et anxieuse, mais comme une avancée dans l’Alliance de Dieu avec les hommes rendue possible par le Christ mort et ressuscité. En bref, nous pouvons dire aussi que les fêtes patronales sont des lieux ecclésiaux importants en Haïti pour l’annonce du mystère pascal du Christ dans son intégralité. Le mystère pascal ne nous situe pas seulement dans l’aujourd’hui du salut, il nous ouvre et nous renvoie à l’avenir. Un avenir certain avec le Christ, victorieux de la mort et du péché. Ainsi, pouvons-nous affirmer que le premier effet de l’annonce du mystère pascal du Christ dans les fêtes patronales, c’est de susciter cette espérance dans le cœur de tous ceux qui auraient tendance à l’oublier. Voilà le travail d’une théologie pascale et eschatologique pour la croissance de la foi en Haïti. Les saints que nous vénérons nous montrent que la résurrection est le lien ontologique que le Christ partage avec nous. Le Christ, par son mystère pascal régénère tout et récapitule tout en Lui. C’est un nouveau commencement, c’est une Alliance nouvelle qui est scellée entre Dieu et son peuple. Désormais, toute expérience de foi tourne autour de cette Alliance nouvelle et c’est elle qui conditionne la vie baptismale de chaque croyant. 


Conclusion générale

Nous avons vu que les fêtes patronales jouent un rôle important dans la vie du peuple haïtien. Elles constituent un lieu majeur où il exprime son identité chrétienne et culturelle, sa compréhension de Dieu et sa manière d’entrer en relation avec Lui. Les fêtes patronales font partie de la piété populaire, mais en même temps la dépassent puisqu’elles culminent toujours dans l’Eucharistie. Mais cela n’empêche pas de constater la grande complexité de ces fêtes liée à des facteurs sociaux, économiques, culturels et religieux. Le peuple haïtien cherche à vivre sa foi dans des conditions difficiles. Il vit des drames incessants sans compter la précarité de la vie ou le paupérisme. Tout cela n’est pas étranger à sa façon de vivre et d’exprimer sa foi en Dieu. Les fêtes patronales sont un lieu où il peut exprimer tout ce qu’il vit, un lieu où il peut dire sa joie et ses souffrances, un lieu où il peut célébrer Dieu et renforcer les acquis de son espérance. Ce phénomène nous a amené à nous demander comment, dans une société marquée par des drames récurrents et une réelle précarité de la vie, les fêtes patronales peuvent être un lieu d’annonce du mystère pascal en sa totalité.
La réponse s’est organisée en deux temps. Dans la première partie, nous avons essayé d’analyser les fêtes patronales comme célébration de la foi populaire et de trouver des repères magistériels pour les comprendre dans l’articulation entre piété populaire et liturgie. Dans la deuxième partie, utilisant les ressources magistérielles et les travaux des théologiens, nous avons essayé de voir comment elles peuvent être un lieu d’annonce du mystère pascal en sa totalité. Dans cette même dynamique, nous avons tenté de montrer comment ces fêtes, par le versant « résurrection » du mystère pascal permettent une existence eschatologique et une vie éthique baptismale. 
Ainsi, le parcours théologique que nous venons de faire, sans être le seul critère possible, dans le cadre de la célébration des fêtes patronales, permet de valoriser le caractère de la médiation du Christ. La célébration des fêtes patronales nous permet de re-figurer le mystère pascal dans notre corporéité, dans notre vie quotidienne. Elle nous fait découvrir que le mystère pascal est une réalité qui nous concerne aujourd’hui et que c’est elle qui fonde ce que nous pourrions appeler une théologie des saints, car dans le Christ, la gloire leur est révélée définitivement. Par la célébration des fêtes patronales on peut comprendre que la dimension eschatologique de la vie chrétienne est une réalité concrète qui se vit déjà aujourd’hui dans les conditions humaines dans lesquelles la foi évolue. La vie de foi des baptisés est conditionnée par l’eschatologie. Une eschatologie concrète qui passe par le besoin de célébrer, de toucher, de poser des gestes, d’accomplir des rites etc. Ce conditionnement eschatologique de la vie chrétienne implique une vie éthique baptismale. Les baptisés doivent vivre leur Pâque dans l’engagement concret dans le monde. Ils n’attendent pas le retour du Christ dans l’oisiveté. Les chrétiens doivent montrer par leur exemple et leur engagement au milieu du monde que le Royaume de Dieu est déjà parmi nous. Ils doivent s’engager à la transformation du monde. Le chrétien haïtien est appelé à lutter contre les germes de mort, la misère, les situations difficiles par la vigueur de sa foi pascale. Autrement dit, sa foi pascale est appelée à devenir sociale, à être au service de l’épanouissement de l’homme sans distinction, à transformer la réalité haïtienne.  Dans cette dynamique, les fêtes patronales nous font découvrir que la sainteté est le couronnement ou l’accomplissement d’une foi active, un acte de l’Esprit Saint qui agit dans la vie du croyant, et comme don de Dieu, elle précède et excède les médiations sacramentelles de l’Église. Bref, un accomplissement du mystère pascal. C’est pourquoi, les fête patronales sont un acte ponctuel pour faire grandir la foi des fidèles dans l’aujourd’hui de leur vie en regardant l’avenir, vers l’achèvement de leur foi au jour de la consommation des temps apocalyptiques.  
Dans ce parcours, nous avons découvert le vrai sens des fêtes patronales pour la foi des chrétiens. Elles sont un lieu majeur pour annoncer le mystère pascal en sa totalité. Elles constituent un lieu important pour aider les chrétiens à mieux comprendre et mieux vivre le mystère pascal non pas comme une idée, mais comme une réalité concrète, vivante qui influe notre vie chrétienne dans son intégralité. Nous avons découvert aussi ce que veut dire vraiment la foi pascale. La foi, pour être solide et vraie, doit trouver son fondement dans le Christ mort et ressuscité. La mort et la résurrection de Jésus forment un seul acte de salut. En ce sens, ce travail théologique des fêtes patronales nous permet de comprendre que nous devons vivre notre Pâque tous les jours, faire notre « passage » tous les jours avec le Christ. Cela nous fait prendre conscience que c’est par le mystère pascal du Christ que les membres de l’Église qui nous précèdent dans le Royaume sont devenus saints, et que c’est par ce même mystère que nous sommes appelés à la sainteté. Le mystère pascal du Christ est sans cesse à l’œuvre dans notre vie pour faire de nous des saints. Le mystère pascal du Christ est l’acte le plus sublime de sa solidarité avec les hommes. C’est pourquoi, chaque être humain ou chaque baptisé doit chercher à vivre cette solidarité dans la foi, l’engagement, la conversion et en artisan de la paix, de la justice pour un monde nouveau. Ainsi, le mystère pascal, l’Église ne cesse jamais de l’annoncer comme l’avenir du monde, l’avenir de chaque baptisé, l’avenir de l’histoire. 
Ce travail nous a aussi aidé à mieux comprendre le rôle de l’Esprit Saint dans la vie de l’Église, dans la vie des baptisés. Vivre le mystère pascal du Christ en sa totalité, c’est reconnaître que son Esprit est à l’œuvre dans notre vie, dans la vie du monde. C’est par Lui que le Christ pascal vient à nous dans les actes sacramentels de l’Église. Nous ne pouvons pas parler de notre avenir eschatologique sans l’Esprit Saint. Il nous conduit dans l’attente du dernier jour, dans l’attente eschatologique. Les fêtes patronales nous permettent vraiment de prendre en compte le rapport étroit qui existe entre la résurrection de Jésus et l’Esprit Saint. 
Les fêtes patronales ont permis aussi de mieux réfléchir sur l’espérance qui est inséparable de la condition baptismale. La résurrection du Christ est l’espérance des chrétiens. Les chrétiens passent de la mort à la vie avec le Christ dans l’Esprit. Cette espérance est possible par l’action de l’Esprit qui les habite et qui donnera la vie à leur corps mortel (Rm 8, 11). D’où l’émergence de la portée pneumatologique de la vie chrétienne. Ainsi, les fêtes patronales peuvent-elles aider, me semble-t-il, à envisager une théologie eschatologique à partir de l’espérance chrétienne et la praxis de la vie baptismale, une théologie des saints à partir du mystère pascal dans son déploiement eschatologique et éthique. Elles sont un lieu ecclésial pour non seulement annoncer le mystère pascal, mais aussi le célébrer et le laisser rejaillir dans la vie des fidèles et de la paroisse.



















Bibliographie

1. Sources liturgiques 


Missel romain, Paris, Desclée-Mame, 19776.

Conférence Épiscopale d’haïti, Leksyonè I, pwòp pou tan an: soti Lavan rive Lapannkot, epi Tan òdinè II, pwòp ak komen pou Sen yo, mès votiv epi pou defen yo, Pro manuscripto, Port-au-Prince, 30 septembre 2012.

La BibleTraduction officielle liturgique, Paris, Desclée-Mame, 2013.

Lectionnaire des Saints et des messes rituelles, Paris, Desclée-Mame, 2016.


2. Documents magistériels 

Vatican II, Constitution sur la sainte liturgie, Sacrosanctum Concilium, Rome, 4 décembre 1963.

Vatican II, Constitution dogmatique sur l’Église, Lumen Gentium, promulguée le 21 novembre 1964. 

Vatican II, L’Église dans le monde de ce temps, Constitution pastorale Gaudium et Spes, promulguée le 7 décembre 1965. 

Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des sacrements, Instruction Varietates legitimae, publiée le 25 janvier 1994, http://www.argedour.bzh/la-liturgie-romaine-et-l-inculturation/,consulté le 3/02/2017.

Conseil Pontifical de la CulturePour une approche pastorale de la culture, Vatican, 23 mai 1999.

Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des sacrementsDirectoire sur la piété populaire et la liturgie, Paris, Bayard/Fleurus-Mame/Cerf, 2003.

Synode des évêques, XIII Assemblée générale ordinaire, La nouvelle évangélisation pour la transmission de la foi chrétienne, Instrumentum Laboris, Cité du Vatican, 2012.

Pape Paul VI, Exhortation apostolique sur l’évangélisation dans le monde moderne, Evangelii Nuntiandi, Rome, 8 décembre 1965. 

Pape Jean-Paul II, Lettre Encyclique à l’occasion du onzième centenaire de l’œuvre d’évangélisation des saints Cyrille et Méthode, Slavorum Apostoli, publiée le 2 juin 1985.

pape Jean-Paul IILa sainte Liturgie, Lettre apostolique pour le 25eanniversaire de la Constitution conciliaire « Sacrosanctum Concilium », publiée le 4 décembre 1988.

Pape Benoit XVI, Lettre apostolique en forme de Motu Proprio par laquelle est promulguée l’Année de la foi, Porta Fidei, publiée le 11 octobre 2011.

Pape François, Lettre encyclique sur la Foi, Lumen Fidei, publiée le 29 juin 2013. 

Pape François, Exhortation apostolique sur l’annonce de l’Évangile dans le monde d’aujourd’hui, Evangelii Gaudium, publiée le 24 novembre 2013.

Pape FrançoisAudience générale, Place saint-Pierre, mercredi 19 novembre 2014, w2.vatican.va, consulté le 25/03/2017.

Pape François, Discours adressé aux missionnaires de la miséricorde, le mardi 9 février 2016, w2.vatican.va, consulté le 2/05/ 2017.

Conférence Générale de l’Épiscopat Latino-Américain, L’Église dans la transformation actuelle de l’Amérique Latine. Conclusions de Medellin, 1968. 

Conférence Générale de l’Épiscopat Latino-Américain, Construire une civilisation de l’amour. Document final, Puebla, 1979.

iveConférence Générale de l’Épiscopat Latino-Américain, Nouvelle évangélisation, promotion humaine, culture chrétienne.Conclusions de Saint Domingue (12-28 octobre 1992). 

VeConférence générale de l’Épiscopat Latino-Américain et des Caraïbes,Disciples et Missionnaires de Jésus-Christ pour que les peuples aient la vie en Lui. Aparecida, Paris, Bayard/Cerf/Fleurus-Mame, 2008.


3. Religion en Haïti

DanrocGilles (O.P), « L’Église d’Haïti : histoire d’une naissance », in http://www.nrt.be/docs/articles/1993/1151/104L’Église+d’Haïti%3A+histoire+d’une+naissance.pdf,consulté le 6/04/2016.

FrançoisKawas, L’Église catholique en Haïti à l’épreuve du pluralisme religieux. Recherche documentaire sur la situation actuelle de l’Église catholique par rapport aux autres religions, Port-au-Prince, Imprimerie Henri Deschamps, « Les Cahiers du CRI » 1, 2003.

HurbonLaënnec, Dieu dans le Vaudou haïtien, Paris, Maisonneuve et Larose, 2002.

MondésirAlain, « La théologie de la libération en Haïti », Dictionnaire historique de la théologie de la libération, Belgique, Éditions jésuites, « Lessius », 2017.

NerestantMicial, Religions et politique en Haïti, Paris, Karthala, 1994. 

NerestantMicial, L’Église d’Haïti à l’aube du troisième millénaire. Essai de Théologie pratique et de sociologie religieuse, Paris, Karthala, 1999.

SmarthWilliam, Histoire de l’Église catholique d’Haïti 1492-2003, 2 t., Port-au-Prince, CIFOR, 2015. 


4. Théologie et liturgie

BeauduinDom Lambert, La piété liturgique, Paris, Fides, 1914.

Bouyer LouisLe mystère pascal, Paris, Cerf, « Foi viante » 6, 1965.

BobrinskoyBoris,« La liturgie, célébration de la sainteté de Dieu et de ses élus », LMD201, 1995/1, 29-33.

CantalamessaRaniero, « Le mystère pascal dans la liturgie », Dictionnaire critique de la théologie, Paris, Presses universitaires de France, 1998, 853-854.

CothenetÉdouard, Exégèse et liturgie, t. 2, Paris, Cerf, « Lectio Divina », 175, 1999.

CantalamessaRaniero, Le mystère pascal, Paris, Salvator, 2000.

ChauvetLouis-Marie, « La Bible dans son site liturgique », Jean-Louis Souletieet Henri-Jérôme Gagey(dir.), La Bible, Parole adressée, Paris, Cerf, 2001, 49-68.

ChauvetLouis-Marie, Le corps, chemin de Dieu, les sacrements, Paris, Bayard, « Theologia », 2010.

ChénoRémi, « L’homélie, action liturgique de la communauté eucharistique », LMD227, 2001/3, 9-34.

Centre National de Pastorale Liturgique (CNPL)L’art de célébrer, Paris, Cerf, « Guide célébrer », 9, 2003, 13-18.

CuvaAmando, « La notion de participation dans Sacrosanctum concilium », LMD241, 2005/1, 137-149.

de CagnyOlivier, « La notion de participation dans l’euchologie du missel romain », LMD241, 2005/1, 121-135. 

ClémentOlivier, Joie de la résurrection, Paris, Salvator, 2015.

DurrwellFrançois-Xavier, Le mystère pascal, source de l’apostolat, Paris, Éditions Ouvrières, 1970.

DenekenMichel,La foi pascale, Paris, Cerf, 2002.

GuardiniRomano, La résurrection du Christ, fondement de notre foi, Paris, Le Laurier sarl, « Du Laurier » 235, 2005. 

Guardini Romano, L’esprit de la liturgie, Paris, Éditions Parole et Silence, 2007.

GélineauJoseph, « Réforme liturgique, renouveau de l’Église », Études, 2eédition revue, Vatican II, histoire et actualité d’un concile, Hors-Série 2012, 125-144.

HouixPaul, « La liturgie, œuvre de sanctification », LMD201, 1995/1, 11-27.

LukkenGérard, « La liturgie comme lieu théologique irremplaçable », Questions liturgiques, 56, 1975/1-2, 97-112.

LambertsJoseph, « L’évolution de la notion de ²participation active²dans le Mouvement liturgique du XXesiècle », LMD241, 2005/1, 77-120. 

MoingtJoseph, L’homme qui vient de Dieu, Paris, Cerf, « Cogitatio » 176, 1993.

PrétotPatrick, « Retrouver la ²participation active² : une tâche pour aujourd’hui », LMD241, 2005/1, 151-177.

Puig i TàrrechArmand, Jésus, une biographie historique, Paris, Desclée de Brouwer, 2016. 

RatzingerJoseph, La liturgie est-elle modifiable ou immuable ?, Paris, Téqui, « Éclairages post-conciliaires », 2012.

RatzingerJoseph, Jésus de Nazareth, la figure et le message, Paris, Parole et Silence, « Oeuvres complètes » 6/1, 2014.

RoguetAimon-Marie, « Qu’est-ce que le mystère pascal ? », LMD, 67, 1961, 5-22.

SorciPietro, « Mystère pascal », Dictionnaire encyclopédique de la liturgie, t. 2, Turnhout, Brepols, 2002, 69-84.

SesboüéBernard, La résurrection et la vie, Paris, Desclée de Brouwer, 2004/2008.

WinlingRaymond, « Place du mystère de la résurrection du Christ dans la théologie patristique », Connaissance des Pères de l’Église(CPE), 93, mars 2004, 44-59.


5. Liturgie et eschatologie

Bricout Hélène, « La liturgie terrestre, participation à la liturgie céleste », LMD285, 2016/3, 11-32.

CaillotJoseph, « Eschatologie et liturgie : les résonnances de l’espérance », LMD220, 1999/4, 7-22.

ChauvetLouis-Marie, « Eschatologie et sacrement », LMD220, 1999/4, 53-71.

KlöckenerMartin, « ²Viens, Seigneur, ne tarde plus². L’horizon eschatologique du cycle liturgique », LMD 286, 2016/4, 37-67.

MazzaEnrico, « La dimension eschatologique des prières eucharistiques actuelles », LMD220, 1999/4, 89-104.


6. Culte des saints et liturgie

BrownPeter, Le culte des saints. Son essor et sa fonction dans la chrétienté latine, Paris, 
Cerf/CNRS Éditions, « Biblis » 11, 2012.

ColimonFrantz (Mgr), « Au sujet des Saints et le culte rendu à eux », Revue Alternative, 123 Parution, Grand Séminaire Notre-Dame, Haïti, Avril-Juin 2014, 3-4.
Ducatel Bénédicte, « Des saints dans les prières eucharistiques », Célébrer,362, août -septembre 2008.

FrijhoffWillem, « Témoins de l’Autre, désirs incarnés : Saints et Héros, Idoles et Modèles », LMD237, 2004/1, 7-44. 

Gy Pierre-Marie, « Culte des Saints »,Dictionnaire critique de la théologie, Paris, Presses universitaires de France, 1998296-298.

Hild Jean, « Le mystère des saints dans le mystère chrétien », LMD52, 1957, 5-18.

IparraguirreIgnace, « Nature de la sainteté et moyens pour l’obtenir », Église de Vatican II, t. III, Paris, Cerf, 1966, 1119-1135.

Jounel Pierre, « Saints (Cultes des) », Dictionnaire encyclopédique de la liturgie, t. 2, Turnhout, Brepols, 2002, 369-380. 

LangloisChibly(Cardinal), Homélie pour la solennité de saint Joseph, cathédrale de Fort-Liberté, le 19 mars 2014.

Mcpartlan  Paul, « Sainteté », Dictionnaire critique de la théologie, Paris, Presses universitaires de France, 1998, 1057-1062.

Matz Jean-Michel, « La sainteté dans les saints du sanctoral », LMD201, 1995/1, 119-129.

Molinari Paolo, « Saint », Dictionnaire de la vie spirituelle, Paris, Cerf, 2012,977-986.

Prétot Patrick, « Le culte des Saints et le mystère pascal », LMD 237, 2004/1, 143-165.

Philippart Guy, « Saints d’ici-bas, Saints de l’au-delà. Pour une définition du champ hagiographique », LMD237 2004/1, 45-84.

RieuxGeorges, « L'appel à la sainteté dans la liturgie », LMD 201, 1995/1, 57-73.

Schuster(S. Ém. Le Cardinal), Liber sacramentorum, tome septième, Les saints dans le mystère de la rédemption,  Bruxelles, Vromant et Co, Imprimeurs-Éditeurs, 1931.

Saint CyprienA Fortunatus, de l’exhortation au martyre, XII. Textes choisis et présentés par Denys Gorce, Belgique, Éditions du Soleil Levant, « Les écrits des saints », 258, 1961.

StockmeierPeter, « Saint/Sacré », Dictionnaire de Théologie, Paris, Cerf, 1988, 684-687.

SteinmetzMichel, « Saints par le mystère pascal », www.union-sainte-cecile.org, consulté le 17/03/2017.

SoudéBernard, « Le culte des saints », SNPLS,Portail de la Liturgie Catholique,liturgiecatholique.fr, consulté le 2/01/2017.


7. Missiologie liturgique 

DagensClaude, « La proposition de la foi et la liturgie de l’Église », LMD216, 1998/4, 7-9.

Prétot Patrick, « Les propositions de la foi dans la liturgie », LMD216, 1998/4, 73-101.

RubensPedro, Discerner la foi dans les contextes religieux ambigus. Enjeux d’une théologie du croire, Paris, Cerf, « Cogitatio fidei » 235, 2004.

Ratzinger Joseph, Liturgie et mission, Paris, Artège, 2007.

ScouarnecMichel, « Liturgie et Évangélisation. Des clivages surmontés », LMD216, 1998/4, 59-72.


8. Liturgie et éthique

BordeynePhilippe, « La liturgie comme ressource pour la formation éthique des sujets », Recherches de Science Religieuse, 1/2007 (Tome 95), 95-121.

BricoutHélène, « Liturgie et vie chrétienne », Jean-Louis Souletie(dir.), La liturgie, une piété moderne, Paris, Salvator, 2016.

GuardiniRomano, Initiation à la prière, France, Artège, 20142.

Gazzola Isaïa, « Le baptême, commencement d’une vie nouvelle »,LMD285, 2016/3, 47-76.

Prétot Patrick, « La liturgie et son potentiel de formation éthique », Philippe Bordeyne et Alain ThomassetRevue d’éthique et de théologie morale, Paris, HS/2008 (n. 251), 147-162. 

TalbotAndré, « Liturgie et éthique », La liturgie, lieu théologique, Paul De Clerck(dir.), Paris, Beauchesne, « Sciences Théologiques & Religieuses » 9, 1999, 143-146.


9. Ecclésiologie 

LabourdetteMichel, « La sainteté, vocation de tous les membres de l’Église », Église de Vatican II, t. III, Paris, Cerf, 1966, 1105-1117.

deLubacHenri,Méditation sur l’Église, œuvres complètes, VIII, Paris, Cerf, 2008.

MolinariPaolo, « Caractère eschatologique de l’Église pérégrinante et ses rapports avec l’Église céleste », Église de Vatican II, t. III, Paris, Cerf, 1966, 1193-1216.

RahnerKarl, « L’Église des saints », Écrits théologiques, t. IV, Paris, Desclée de Brouwer, 1966, 53-69. 

RahnerKarl, Traité fondamental de la foi, études sur le concept du christianisme, Paris, Cerf, « Oeuvres » 26, 2011.

Ratzinger Joseph, Église et théologie, Paris, Mame, 1992.

SchweizerAlbert « L’Église, corps missionnaire du Christ », L’Église aujourd’hui, Paris, Desclée, 1967.


10. Anthropologie 

Bourgeois Henri, « Le christianisme populaire. Un problème d'anthropologie théologique »,  LMD122, 1975, 116-141.

CastellanoJesús, « Religion populaire et Liturgie. II. Religion populaire, théologie et pastorale liturgique », Dictionnaire encyclopédique de la liturgie, t. 2, Turnhout, Brepols, 2002, 307-314. 

DenisHenri, « Les stratégies possibles pour la gestion de la religion populaire », LMD122, 1975, 163-193.

DuquesneJacques, « Un débat actuel: La religion populaire » LMD122, 1975, 7-19.

FischerBalthasar, « Relation entre liturgie et piété populaire après Vatican II », LMD170, 1987, 91-101.

Ferreira de OliveiraPedro Rubens, « Religiosité populaire », Dictionnaire historique de la théologie de la libération, Belgique, Éditions jésuites, « Lessius », 2017.

Legavre Paul, « Rassemblements et pèlerinages : quelle proposition de foi ? », LMD, 216, 1998, 139-153.

Mattai Guissepe, « Religion populaire», Dictionnaire de la vie spirituelle, Paris, Cerf, 2012951-960.

Peloux Robert et PianChristian (dir.), Les religiosités populaires, archaïsmes ou modernité, Paris, Les éditions de l’Atelier/Ouvrières, 2010.

Rivera Carrera Norberto (Mgr),Intervention à l’Assemblée plénière de la Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des sacrements, Rome, du 21 au 29 septembre 2001, http://www.la-croix.com/Urbi-et-Orbi/Archives/Documentation-…nd-la-piete-populaire-prepare-la-liturgie-2013-04-10-939608, p. 40 sur 66, consulté le 19/04/2017.

TerrinAldo Natale, « Religion populaire et liturgie. I. Religion populaire et sciences humaines », Dictionnaire encyclopédique de la liturgie, t. 2, Turnhout, Brepols, 2002, 302-307. 

VerwilghenAlbert, « La religiosité populaire dans les documents récents du Magistère », http://www.nrt.be/docs/articles/1987/109-4/452-La+religiosité+populaire+dans+les+documents+récents+du+Magistère.pdf, consulté le 9/03/17.






















Remerciements


À la fin de ce cursus de Licence canonique en « Théologie de la liturgie et des sacrements » à l’Institut Supérieur de Liturgie (ISL) de l’Institut Catholique de Paris (ICP), je voudrais exprimer ma reconnaissance à tous ceux et à toutes celles qui ont contribué à sa réussite. 
Je tiens à remercier Mgr Max Leroy Mésidor, archevêque métropolitain du Cap-Haïtien qui a initié ce projet d’étude avant de quitter le siège épiscopal de Fort-Liberté.
Mes remerciements s’étendent à Mgr Quesnel Alphonse, évêque du diocèse de Fort-Liberté pour ses encouragements et sa contribution. 
Je remercie d’une façon particulière, le Cardinal Chibly Langlois, le premier initiateur de ce projet d’étude. 
J’exprime ma vive gratitude aux fidèles de la paroisse N-D du Rosaire des Lilas en France qui m’ont accueilli avec beaucoup de joie et m’ont soutenu pendant ce temps d’étude. Merci aux pères Jean-Pierre Houillon et Marc Fassier pour leur appui, leur ouverture à d’autres cultures et à d’autres aires théologiques. Merci également à Jacqueline Charrot et à sœur Yolande Chêne a.m.i. qui ont relu et corrigé mon travail avec attention. Merci à Adveniat pour sa participation au financement de cette étude.
Je voudrais remercier de tout cœur, le Docteur Hélène Bricout qui a dirigé ce travail avec beaucoup de soin. 
Merci au père Laurent de Villeroché, le second lecteur de ce mémoire. Merci aux professeurs de l’ISL et collègues étudiants. Je manifeste ma reconnaissance envers les prêtres et les séminaristes de mon diocèse, les fidèles de la cathédrale de Fort-Liberté, les membres de ma famille, les sœurs Apostoliques de Marie Immaculée (A.M.I.), les amis et tous ceux qui m’ont encouragé à faire ce parcours universitaire.











Table des matières

Sigles et abréviations…………………………………………………………………………..3
Introduction générale………………………………………………………...…… .…......4    

Première partie
Les fêtes patronales, une expression populaire de la foi 
les comprendre dans l’articulation entre piété populaire et liturgie

Chapitre I. Les fêtes patronales, une expression populaire de la foi en Haïti………………...8
11. La description d’une fête patronale……………………………………………..........8
11.1. Le déroulement de la célébration de la fête patronale de la cathédrale saint Joseph de Fort-Liberté…………………………………………………………………………………….9
 11.1.1 La veille de la fête……………………………………………………………………….........10
11.1.2 Le jour de la solennité…………………………………………………………………10
11.2. Les rites, les textes et les formulaires liturgiques…………………………………........11
11.2.1 Les rites…………………………………………………………………………………….... 11
11.2.2 Les textes et les formulaires liturgiques…………………………………………………..12
12. L’analyse de la célébration de la fête patronale………………………………..13
12.1 La fête patronale, lieu de rencontre entre piété populaire et liturgie………………........14 
12.2 Un lieu de médiation entre la liturgie de l’Église et la foi populaire………….……….. 16
12.3 Les besoins et les attentes exprimés dans la fête patronale comme expression de la piété populaire………………………………………………………………………………….......18
13. L’évaluation de la célébration de la fête patronale……………………………18
14. Les fêtes patronales, une réalité multiforme comme expression de la piété populaire……………………………………………………………………………………24
14.1 Des pratiques de piété populaire relevant de la liturgie…………………...…………… 24
14.2 Des pratiques relevant d’autres formes de piété populaire…………………………….. 25

Chapitre II. Des repères magistériels pour comprendre les fêtes patronales dans l’articulation entre piété populaire et liturgie……………………………………………………………… 28
21. La ConstitutionSacrosanctum Concilium…………………………….………………...29
22. Evangelii Nuntiantdi…………………………………………………………………………. 35
23. LeDirectoire sur la piété populaire et la liturgie…………………………................. 38
24. Les Documents de la Conférence des Évêques Latino-Américains et des Caraïbes……………………………………………………………………………………. 42
24.1 La Conclusion de Medellín……………………………………………………………………..43
24.2 Le Document final de la Conférence de Puebla………………………………………....... 44
24.3 Les Conclusions de Saint-Domingue…………………………………………………………. 45
24.4 Le Document d’Aparecida……………………………………………………………………. 46
25. Evangelii Gaudium……………………………………………………………………………. 48
Conclusion de la première partie……………………………………………………….. 53

Deuxième partie
Les fêtes patronales, un lieu d’annonce du mystère pascal
Une existence eschatologique et une éthique baptismale

Chapitre III. Les fêtes patronales, un lieu d’annonce du mystère pascal en sa totalité……..57
31. Qu’est-ce que le mystère pascal ?.......................................................................................57
32. Les apports du versant « résurrection » du mystère pascal au peuple haïtien et aux fêtes patronales……………………………………………………………………………………..59
32.1 Les apports du versant « résurrection » du mystère pascal au peuple haïtien…………..60
32.2 Les apports du versant « résurrection » du mystère pascal aux fêtes patronales….…….64
32.2.1 Célébrer le mystère pascal du Christ…………………………………………………. 67
32.2.2 Mettre en exergue la communauté paroissiale comme communauté célébrante……...70
a) La paroisse, lieu liturgique et cellule vivante de l’Église au service de la foi……………...72
b) Une manifestation de l’Église comme mère et éducatrice de la foi………………………….74
c) Une mise en évidence de la communion des Saints…………………………………………….75

Chapitre IV. Les fêtes patronales, une existence eschatologique et l’ouverture à une éthique baptismale…………………………………………………………………………………….79
41. Une existence eschatologique ……………………………………………………………80
42. L’ouverture à une éthique baptismale…………………………………………………….84
Conclusion de la deuxième partie………………………………………………………. 88
Conclusion générale………………………………………………………………………90
Bibliographie…………………………………………………………………………………93
Remerciements………………………………………………………………………………104
Table des matières……………………………………………………………………………….…...105




[1]Actuellement, on accepte l’orthographe du mot « vodou » qui se rapproche davantage de sa racine sémantique « vodoun ». Dans ce travail, nous adoptons la nouvelle orthographe. Par contre, dans les ouvrages cités où il est écrit « vaudou », nous le laisserons tel quel. Le vodouisant est un adepte du vodou. Le vodou haïtien est un ensemble de croyances et de rites pratiqués par la majorité d’Haïtiens. C’est une religion qui propose à ses adeptes une harmonie singulière entre eux et le milieu dans lequel ils évoluent. Cette religion s’intègre dans toutes les réalités sociales, culturelles et religieuses des Haïtiens. En fait, le vodou cohabite avec le catholicisme en Haïti. Le syncrétisme est en conséquence un problème, que nous aurons bien sûr à aborder dans la question de la célébration des fêtes patronales en Haïti.  
[2]Le Père William Smarth,professeur de théologie, de droit canonique et d’histoire de l’Église d’Haïti au Centre Inter-Instituts de Formation Religieuse (CFOR) dont il est l’un des fondateurs, présente en deux volumes uneHistoire de l’Église Catholique d’Haïti 1492-2003, Port-au-Prince, CIFOR, 2015. Je vais beaucoup puiser dans ce livre pour trouver des points de repères pour le développement de la fête patronale en Haïti, puisque celle-ci est liée à ces pages d’histoire présentées par l’auteur qui est un fin connaisseur de la vie de l’Église en Haïti.
[3]Gilles danroc, o.p., dans un article intitulé : « L’Église d’Haïti : histoire d’une naissance » rédigé le 15 septembre 1991, qualifie la période de 1804 à 1860 comme une période décontrôlée pour l’Église en Haïti. Cf. http://www.nrt.be/docs/articles/1993/115-1/104-L'Église+d'Haïti%3A+histoire+d'une+naissance.pdf, consulté le 6/04/2016. 

[4]W.SmarthHistoire de l’Église catholique d’Haïti, t. 1, p. 257.

[5]On peut facilement constater le mépris de certains missionnaires pour tout ce qui était de l’ordre culturel parce qu’ils l’associèrent au vodou. Dans leur pensée et leur agir pastoral, le vodou était considéré comme une réalité dangereuse à combattre parfois violemment. Voir W. SmarthHistoire de l’Église catholique d’Haïti, t. 1, p. 309-317 ; Kawas François,L’Église catholique en Haïti à l’épreuve du pluralisme religieux. Recherche documentaire sur la situation actuelle de l’Église catholique par rapport aux autres religions, Port-au-Prince, Imprimerie Henri Deschamps, « Les Cahiers du CRI » 1, 2003, p. 63-71.
[6]Voir W. Smarth,Histoire de l’Église catholique d’Haïti, t. 2, p. 451-459.
[7]Voir Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des sacrementsDirectoire sur la piété populaire et la liturgie, Paris, Bayard/Fleurus-Mame/Cerf, 2003, p. 29. Désormais, dans ce travail, ce document sera dénommé ainsi : DPPL.
[8]Homélie du Pape Jean-Paul II, Port-au-Prince, Haïti, mercredi 9 mars 1983, William SmarthHistoire de l’Église catholique d’Haïti, t. 1, Annexe 13, p. 680.
[9]Au numéro 259 du document final, la Veconférence générale de l’épiscopat Latino-Américain et des Caraïbes classe les fêtes patronales parmi les expressions de la piété populaire. 
[10]J. Ratzinger,L’esprit de liturgie, une introduction, Ad Solem, 2001, p. 158. 
[11]Pape François, Homélie prononcée lors de la messe qu’il a présidée devant 50,000 membres de confréries du monde entier, le dimanche 5 mai 2013. Cf. famillechretienne.fr, consulté le 12/01/17. 
[12]Jusqu’à présent, en vertu du Concordat, l’Église et l’État s’entendent, dans bien des domaines, dans le respect mutuel. La fête patronale fait partie du patrimoine culturel. Dans certaines paroisses, outre la préparation que fait la Mairie pour aider les citoyens à réaliser la fête, parfois, elle offre une enveloppe au curé de la paroisse pour l’aider dans ses dépenses. 
[13]Sacrosanctum Concilium, n. 10. Désormais, il sera dénommé SC dans nos prochaines citations. 
[14]Cette fête datant de plus de trois siècles est la plus grande et la plus solennelle du diocèse. La ville de Fort-Liberté a été érigée en paroisse en 1703. Elle est le premier lieu d’accueil des colons français en 1803. Le 31 janvier 1991, elle est élevée au rang de diocèse sous le pontificat du Pape Jean-Paul II. Son premier évêque fondateur fut Mgr. Hubert Constant, o.m.i. Voir Micial NerestantL’Église d’Haïti à l’aube du troisième millénaire. Essai de Théologie pratique et de sociologie religieuse, Paris, Karthala, 1999, p. 178-181.
[15]Saint Cyprien « nous apprend qu’à Carthage l’anniversaire des martyrs était précédé de la pannucia, ou veillée nocturne près de leur tombe », voir S. Ém. Le Cardinal Schuster,Liber sacramentorum, tome septième, Les saints dans le mystère de la rédemption,  Bruxelles, Vromant et Co, Imprimeurs-Éditeurs, 1931, p. 7-17. Cette pratique a perpétué dans la Tradition de l’Église et nous la constatons d’abord dans la célébration des grandes solennités avec la messe de la veille au soir
[16]Parfois, on chante la litanie des saints ou un autre chant approprié qui, déjà, donne une catéchèse sur la vie de saint Joseph. Des compositeurs de chants liturgiques ont enrichi le répertoire haïtien avec des chants qui traduisent dans un langage facile la vie du saint. Le répertoire de chants liturgiques en l’honneur de saint Joseph est très riche. 
[17]Ce n’est pas dans un sens critique. Les fidèles n’aiment pas voir les prêtres porter n’importe quoi pour célébrer l’Eucharistie et les autres sacrements. Pour eux,  cela fait partie de la beauté de la liturgie.
[18]Il est de coutume que les fidèles, outre les oblats, apportent des produits de leur récolte ou des œuvres réalisées pendant l’année, des dons pour la paroisse et pour le service des pauvres en dansant et en mimant au rythme du tambour et d’autres instruments. Car la danse joue un rôle important dans la culture haïtienne. Il n’y a pas de fête sans la danse. Cela vaut aussi pour la liturgie en Haïti. Cela exprime la joie de vivre et de célébrer Dieu dans un langage liturgique qui est celui de l’Église.
[19]« Pour la célébration des saints, certaines fêtes ont des lectures propres, c'est-à-dire qui parlent du saint lui-même ou du mystère que l'on célèbre. Le lectionnaire le précise chaque fois. Ces lectures doivent être faites à la place de celles du lectionnaire de semaine, même s'il s'agit d'une mémoire. D'autres fêtes ont des lectures appropriées, qui mettent en lumière un aspect particulier de la vie spirituelle ou de l'activité d'un saint. L'emploi de ces lectures ne semble pas s'imposer, à moins qu'un motif pastoral ne le recommande vraiment. La plupart du temps, on indique des lectures tirées des Communs, pour que le choix soit plus facile. Mais il s'agit seulement de suggestions: à la place d'une lecture appropriée ou seulement proposée, on peut prendre n'importe quelle autre dans les Communs concernés. "S'il célèbre avec peuple, le prêtre cherchera avant tout le bien spirituel des fidèles, et veillera à ne pas leur imposer ses préférences. Il veillera surtout à ne pas omettre trop souvent et sans motif suffisant les lectures assignées pour chaque jour au lectionnaire de semaine: car l'Église désire que la table de la parole de Dieu soit offerte aux fidèles dans sa plus grande richesse." Il y a enfin des lectures communes, que l'on trouvera au Commun, soit pour une catégorie déterminée de saints (martyrs, pasteurs, vierges...), soit pour les saints en général. Puisque, dans ce cas, de nombreux textes sont proposés pour une même lecture, ce sera au prêtre célébrant de choisir celui qui conviendra le mieux à l'assemblée » (PGLR n. 83).
[20]Leksyonè I, pwòp pou tan an: soti Lavan rive Lapannkot, epi Tan òdinè II, pwòp ak komen pou Sen yo, mès votiv epi pou defen yo, Pro manuscripto, Port-au-Prince, 30 septembre 2012, p. 1588 -1590. [Lectionnaire I, propres aux temps : Avent-Pentecôte, le Temps ordinaire II ; Propres,  commun des Saints, messes votives et messes des défunts, Pro manuscripto, Port-au-Prince, 30 septembre 2012, p. 1588 -1590].
[21]D’une manière solennelle, la célébration de la fête patronale est un culte de vénération au saint Patron (culte de dulie). Pour la célébration de la fête patronale en l’honneur de la Vierge Marie, il s’agit d’un culte d’hyper-vénération (hyperdulie). Car elle est la Reine des saints. La célébration des fêtes patronales n’est pas un culte d’adoration (culte de latrie) rendu au saint Patron, mais un culte d’adoration rendu à Dieu.
[22]Missel romain, p. 567.
[23]Le pèlerin est celui qui veut aller au loin (voir le verbe peregrinare). Loin dans sa vie de foi pour s’affronter à l’altérité, bref pour rencontrer Dieu. Pour compléter cette recherche, voir Philippe MartinPèlerins XVe– XXIe, Paris, CNRS Éditions, « Biblis » 144, 2016. Voir Égérie, Journal de voyage, Introduction, texte critique, traduction, notes et cartespar Pierre Maraval, Paris,  Cerf, « Sources chrétiennes », 296, 1997 ; Dominique Julia,Le voyage aux saints. Les pèlerinages dans l’Occident moderne (XV– XVIIIesiècle), Paris, Seuil/Galimard, « Hautes études », 2016.
[24]Le DPPL au n. 51 souligne ce déséquilibre qu’il faut tout de même éviter : 
« Toutefois, les rapports entre liturgie et piété populaire font apparaître aussi le phénomène inverse d’une valorisation tellement importante de la piété populaire qu’elle s’exerce au détriment de la liturgie de l’Église. 
Cette conséquence est à déplorer tout simplement dans certaines situations concrètes, mais elle peut être aussi le fruit d’un choix théorique qui engendre une déviation pastorale : la liturgie ne serait plus dans ce cas ²le sommet auquel tend l’action de l’Église, et en même temps la source d’où découle toute sa vertu², mais une expression cultuelle considérée comme étrangère à la compréhension et à la sensibilité du peuple et, ainsi, négligée et reléguée à une place secondaire, ou encore réservée à des groupes particuliers ». Voir aussi Jésus Castellano, « Religion populaire et liturgie, II. Religion populaire, théologie, et pastorale liturgique », Dictionnaire encyclopédique de la liturgie, t. 2, Turnhout, Brepols, 2002, 307-314; Aldo Natale Terrin, « Religion populaire et liturgie, I. Religion populaire et sciences humaines », Dictionnaire encyclopédique de la liturgiet. 2, Turnhout, Brepols, 2002, 302-307. 
[25]Le travail que nous ferons dans le deuxième chapitre prolongera cette étude en vue d’un meilleur discernement du rapport entre la piété populaire et la liturgie dans le cadre de la célébration des fêtes patronales. 
[26]La fides quaest la capacité que Dieu donne à chaque croyant pour se mettre en relation avec Lui. La fides quaengage aussi une réponse libre du croyant à ce don dans une attitude de confiance, d’espérance et d’amour qui conduit à une vraie adoration. 
[27]La fides quaese rapporte au contenu de ce que l’on croit, à la doctrine que l’Église enseigne et dont elle est la gardienne pour faire grandir la foi, pour la rendre plus compréhensible. La fides quaeest de l’ordre cognitif. Ainsi, la foi véritable tient-elle compte de la fides quaet la fides quae. Les deux se complètent. 
[28]Voir DPPL, n. 5, p. 59. 
[29]W. Frijhoff, « Témoins de l’Autre, désirs incarnés : Saints et Héros, Idoles et Modèles », LMD237, 2004/1, 7-44, p. 19. 
[30]Selon mes observations et mes expériences pastorales, généralement, la première motivation de certains participants est d'ordre matériel et magique. 
[31]Missel romain,p. 567.
[32]Les textes magistériels que nous interrogerons dans le deuxième chapitre pourront nous aider à trouver des repères pour aborder ces difficultés et dégager les fondements théologiques des fêtes patronales.
[33]L. Hurbon,Dieu dans le Vaudou haïtien, Paris, Maisonneuve et Larose, 2002, p. 27. 
[34]Le terme « semences du Verbe » me paraît plus réaliste pour parler de la présence cachée du Christ dans la vie des peuples et dans toutes les cultures selon le dynamisme de l’Esprit Saint qui les prédispose avant même que l’Évangile leur soit annoncé par l’Église. Ce terme renvoie au grain semé qui germe et porte du fruit au temps voulu (voir la parabole du semeur en Mt 13, 4-9 ; Mc 4, 1-9 ; Lc 8, 4-8).  

[35]W.SmarthHistoire de l’Église catholique d’Haïti, t. 2, p. 382.

[36]M. Nerestant,Religions et politique en Haïti, Paris, Karthala, 1994, p. 136.
[37]Le « Lwa » [Loa] est un esprit, un invisible dans le mystère du Vodou. Dans plusieurs cas, le vodouisant l’identifie aux anges ou aux saints catholiques. 
[38]L. Hurbon,Dieu dans le Vaudou haïtien, p. 104. 
[39]DPPL, n. 227, p. 186. 
[40]Ibid.,n. 229, p. 188.
[41]Prière d’une pèlerine devant la statue de Notre-Dame de la Nativité à l’entrée de l’église paroissiale de Mombin Crochu (diocèse de Fort-Liberté), fête patronale du 8 septembre 2013. 
[42]DPPL, n. 12, p. 27.
[43]« Se fèt nou, n ap pran plezi nou »
[44]DPPL,n.232, p. 190. 
[45]Ces activités spirituelles relevant de la piété populaire en Haïti aident parfois les fidèles à méditer la Parole de Dieu, prier les Psaumes, faire une démarche pénitentielle suivies d’une prédication et l’adoration du Saint Sacrement. Ces activités pour la plupart durent trois à neuf jours. 
[46]Pedro Rubens Ferreira de Oliveira, « Religiosité populaire », Dictionnaire historique de la théologie de la libération, Belgique, Éditions jésuites, « Lessius », 2017, p. 400. 
[47]Id.
[48]Id.
[49]Cité par Alain Mondésir dans son article, « La théologie de la libération en Haïti », Dictionnaire historique de la théologie de la libération, p. 248. 
[50]Cette citation est extraite de EG n. 125 dans lequel le Pape François expose les richesses et les valeurs théologiques et missionnaires de la piété populaire. 
[51]Aldo Natale Terrin, « Religion populaire et liturgie. I. Religion populaire et sciences humaines », Dictionnaire encyclopédique de la liturgie, t. 2, Turnhout, Brepols, 2002, 302-307 ;RobertPeloux et Christian Pian (dir.), Les religiosités populaires, archaïsmes ou modernité, Paris, Les éditions de l’Atelier/Ouvrières, 2010 ; GuissepeMattai, « Religion populaire», Dictionnaire de la vie spirituelle, Paris, Cerf, 2012, 951-960 ; BalthasarFischer, «Relation entre liturgie et piété populaire après Vatican II», LMD170, 1987, 91-101 ; Jesús      Castellano« Religion populaire et Liturgie. II. Religion populaire, théologie et pastorale liturgique »,  Dictionnaire encyclopédique de la liturgie, t. 2, Turnhout, Brepols, 2002, 307-314. 
[52]Pour une étude approfondie de la « participation active » des fidèles à la liturgie, voir Patrick Prétot, « Retrouver la ²participation active² : une tâche pour aujourd’hui », LMD241, 2005/1, 151-177 ; Amando Cuva, « La notion de participation dans Sacrosanctum concilium », LMD241, 2005/1, 137-149 ; Olivier de Cagny, « La notion de participation dans l’euchologie du missel romain », LMD241, 2005/1, 121-135 ; Joseph Lamberts, « L’évolution de la notion de ²participation active²dans le Mouvement liturgique du XXesiècle », LMD241, 2005/1, 77-120. 
[53]« Pour l’accomplissement d’une si grande œuvre, le Christ est toujours là auprès de son Église, surtout dans les actions liturgiques. Il est là présent dans le sacrifice de la messe, et dans la personne du ministre, ²le même offrant maintenant par le ministère des prêtres, qui s’offrit alors lui-même sur la croix ²et, au plus haut degré, sous les espèces eucharistiques. Il est présent, par sa puissance, dans les sacrements au point que lorsque quelqu’un baptise, c’est le Christ lui-même qui baptise. Il est là présent dans sa parole, car c’est lui qui parle tandis qu’on lit dans l’Église les Saintes Écritures. Enfin il est là présent lorsque l’Église prie et chante les psaumes, lui qui a promis : ²Là où deux ou trois sont rassemblés en mon nom, je suis là, au milieu d’eux²(Mt 18, 20). Effectivement, pour l’accomplissement de cette grande œuvre par laquelle Dieu est parfaitement glorifié et les hommes sanctifiés, le Christ s’associe toujours à l’Église, son Épouse bien-aimée, qui l’invoque comme son Seigneur et qui, par la médiation de celui-ci, rend son culte au Père éternel.
C’est donc à juste titre que la liturgie est considérée comme l’exercicede la fonction sacerdotale de Jésus Christ, exercice dans lequel la sanctification de l’homme est signifiée par des signes sensibles et réalisée d’une manière propre à chacun d’eux, et dans lequel le culte public intégral est exercé par le Corps mystique de Jésus Christ, c’est-à-dire par le Chef et par ses membres. Par conséquent, toute célébration liturgique, en tant qu’œuvre du Christ prêtre et de son Corps qui est l’Église, est l’action sacrée par excellence dont nulle autre action de l’Église ne peut atteindre l’efficacité au même titre et au même degré ».
[54]R. Guardini,L’esprit de la liturgie, Paris, Éditions Parole et Silence, 2007, p. 10.
[55]Ibid., p. 8. 
[56]Nous développerons cet aspect plus largement dans la deuxième partie de ce travail.
[57]R. Guardini,L’esprit de la liturgie, p. 10. Voir aussi son ouvrage intitulé Initiation à la prière, France, Artège, 20142, p. 267-270.
[58]« L’homélie par laquelle, au cours de l’année liturgique, on explique à partir du texte sacré les mystères de la foi et les normes de la vie chrétienne est fortement recommandée comme faisant partie de la liturgie elle-même ; bien plus, aux messes célébrées avec le concours du peuple les dimanches et jours de fête de précepte, on ne l’omettra que pour un motif grave »(SC 52). 
[59]Voir Rémi Chéno, « L’homélie, action liturgique de la communauté eucharistique », LMD227, 2001/3, 9-34 ; Louis-Marie Chauvet, « La Bible dans son site liturgique », Jean-Louis Souletieet Henri-Jérôme Gagey(dir.), La Bible, Parole adressée, Paris, Cerf, 2001, 49-68.
[60]Benoît XVIVerbum Domini, n. 16. Dans les prochaines notes, ce document sera appelé VD.
[61]Pape François, La joie de l’Évangile, n. 135. Dans les prochaines citations faisant références à ce document, nous trouverons EG.
[62]« Notre Mère la sainte Église estime qu’il lui appartient de célébrer l’œuvre salvifique de son divin Époux par une commémoration sacrée, à jours fixes, tout au long de l’année. Chaque semaine, au jour qu’elle a appelé « jour du Seigneur », elle fait mémoire de la résurrection du Seigneur, qu’elle célèbre encore une fois par an, en même temps que sa bienheureuse passion, par la grande solennité de Pâques. Et elle déploie tout le mystère du Christ pendant le cycle de l’année, de l’Incarnation et la Nativité jusqu’à l’Ascension, jusqu’au jour de la Pentecôte, et jusqu’à l’attente de la bienheureuse espérance et de l’avènement du Seigneur. Tout en célébrant ainsi les mystères de la Rédemption, elle ouvre aux fidèles les richesses de la puissance et des mérites de son Seigneur ; de la sorte, ces mystères sont en quelque manière rendus présents tout au long du temps, les fidèles sont mis en contact avec eux et remplis par la grâce du salut ».
[63]Achiel Peelman,La communion des saints, approche chrétienne et amérindienne, Canada, Médiaspaul, 2016, p. 40. 
[64]Le Concile reconnaît en la Vierge Marie, « le fruit le plus éminent de la Rédemption ». Et par conséquent, la vénérer fait entrer dans une compréhension du prototype de notre propre réalité. La Vierge Marie est celle qui nous précède dans la joie parfaite que nous espérons. Voir aussi Jean-Pierre Delville,Joseph Famerée et Marie-Élisabeth Henneau (dir.), Marie, figures et réceptions. Enjeux historiques et théologiques, Paris, Mame-Desclée, 2012 ; Béatrice De Boissieu, Philippe Bordeyneet Silvano Maggiani(dir.), Marie, l’Église et la théologie, Paris, Desclée, 2007 ; Charles PerrotMarie de Nazareth au regard des chrétiens du premier siècle, Paris, Cerf, « Lectio divina » 255, 2013 ; Groupe des DombesMarie dans le dessein de Dieu et la communion des saints, Paris, Bayard, 1999.
[65]« En outre, l’Église a introduit dans le cycle annuel les mémoires des martyrs et des autres saints qui, élevés à la perfection par la grâce multiforme de Dieu et ayant déjà obtenu possession du salut éternel, chantent à Dieu dans le ciel une louange parfaite et intercèdent pour nous. Dans les anniversaires des saints, l’Église proclame le mystère pascal en ces saints qui ont souffert avec le Christ et sont glorifiés avec lui, et elle propose aux fidèles leurs exemples qui les attirent tous au Père par le Christ, et par leurs mérites elle implore les bienfaits de Dieu ». Voir MartinKlöckener, « ²Viens, Seigneur, ne tarde plus². L’horizon eschatologique du cycle liturgique », LMD 286, 2016/4, 37-67. 
[66]Peter Brown,Le culte des saints. Son essor et sa fonction dans la chrétienté latine, Paris, Cerf/CNRS Éditions, « Biblis » 11, 1984, 20122. Il présente dans cet ouvrage un essai d’interprétation du culte des saints, de sa genèse dans la chrétienté latine. Son travail est intéressant pour comprendre l’importance de l’insertion des mémoires des saints dans le calendrier liturgique de l’Église en lien avec le mystère salvifique du Christ. 
[67]Voir Missel romain, p. 510-511. La théologie développée dans ces deux préfaces sera largement prise en compte dans la deuxième partie de ce travail. 
[68]EN n. 20 : « Nous pourrions exprimer tout cela en disant : il importe d’évangéliser — non pas de façon décorative, comme par un vernis superficiel, mais de façon vitale, en profondeur et jusque dans leurs racines — la culture et les cultures de l’homme, dans le sens riche et large que ces termes ont dans Gaudium et Spes, partant toujours de la personne et revenant toujours aux rapports des personnes entre elles et avec Dieu.
L’Évangile, et donc l’évangélisation, ne s’identifient certes pas avec la culture, et sont indépendants à l’égard de toutes les cultures. Et pourtant le Règne que l’Évangile annonce est vécu par des hommes profondément liés à une culture, et la construction du Royaume ne peut pas ne pas emprunter des éléments de la culture et des cultures humaines. Indépendants à l’égard des cultures, Évangile et évangélisation ne sont pas nécessairement incompatibles avec elles, mais capables de les imprégner toutes sans s’asservir à aucune.
La rupture entre Évangile et culture est sans doute le drame de notre époque, comme ce fut aussi celui d’autres époques. Aussi faut-il faire tous les efforts en vue d’une généreuse évangélisation de la culture, plus exactement des cultures. Elles doivent être régénérées par l’impact de la Bonne Nouvelle. Mais cet impact ne se produira pas si la Bonne Nouvelle n’est pas proclamée ».
[69]N. Rivera Carrera (Mgr), Intervention à l’Assemblée plénière de la Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des sacrements, Rome, du 21 au 29 septembre 2001, http://www.la-croix.com/Urbi-et-Orbi/Archives/Documentation-…nd-la-piete-populaire-prepare-la-liturgie-2013-04-10-939608, p. 40 sur 66, consulté le 19/04/2017.
[70]Albert Verwilghen, « La religiosité populaire dans les documents récents du Magistère »,http://www.nrt.be/docs/articles/1987/109-4/452-La+religiosité+populaire+dans+les+documents+récents+du+Magistère.pdf, page google consulté le 9/03/17. 
[71]A. Verwilghen, « La religiosité populaire dans les documents récents du Magistère ».
[72]DPPL, n. 58, p. 63.
[73]DPPL, p. 13. 
[74]N. Rivera Carrera (Mgr), Intervention à l’Assemblée plénière de la Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des sacrements, p. 41.
[75]DPPL, n. 50, p. 58-59.
[76]Ibid.,n. 13, p. 28. 
[77]DPPL, op. cit. n. 13, p. 28.
[78]Ibid.,n. 48, p. 57. 
[79]Ibid.,n. 11, p. 26. 
[80]Ibid., n. 50, p. 58. 
[81]DPPL, n. 94, p. 91.
[82]La Vierge Marie, dans le plan du Salut, joue un rôle qui éclaire la foi de tout disciple du Christ. À propos de la Vierge Marie le DPPL dit : « La piété populaire qui s’adresse à la Vierge Marie, à la fois variée dans ses expressions et profonde dans ses motivations, est un fait ecclésial remarquable et universel. Elle jaillit de la foi et de l’amour du peuple de Dieu envers le Christ, Rédempteur du genre humain, et la compréhension de la mission que, dans l’ordre du salut, Dieu a confiée à Marie de Nazareth ; la Vierge Marie n’est donc pas seulement la Mère du Seigneur et du Sauveur, mais elle est aussi, sur le plan de la grâce, la Mère de tous les hommes » (n. 183, p. 151). 
[83]DPPL, n. 208-212, p. 173-176.
[84]Ibid., n. 208, p. 173. 
[85]Id.
[86]Aldo Natale Terrin, « Religion populaire et liturgie, I. Religion populaire et les sciences humaines », Dictionnaire encyclopédique de la liturgie, p. 306.
[87]La Conférence des évêques Latino-Américains et des Caraïbes communément appelée CELAMest composée de vingt-deux Conférences épiscopales parmi lesquelles on trouve Haïti. 
[88]C’est le nom du Document de conclusion de la Conférence de l’Épiscopat Latino-Américain et des Caraïbes tenue à Medellín(Colombie) en 1968. Il porte l’empreinte directe du Concile Vatican II. Pour la citation de ce Document, nous utiliserons DM.
[89]Document final de Puebla, n. 444. Dans la suite de ce travail, nous adopterons DP pour nommer ce document.
[90]Robert Pelouxet Christian PianLes religiosités populaires, archaïsme ou modernité ?Paris, Les Éditions de l’Atelier/Les Éditions Ouvrières, 2010, p. 53-55. 
[91]Ce document sera dénommé CSD.
[92]J. Ratzinger,L’esprit de liturgie, une introduction, p. 159.
[93]Ce document final est un texte majeur qui a pour objectif de redonner un élan missionnaire et d’évangélisation au Continent Latino-Américain et des Caraïbes. On y trouve des indications claires et longuement mûries pour la transmission de la foi dans le contexte socioculturel et religieux actuel. Il promeut une Église accueillante et missionnaire, non autosuffisante et autoréférentielle. Une Église qui va aux périphéries humaines pour annoncer le Christ afin que le peuple ait la vie en Lui.
[94]VeConférence générale de l’Épiscopat Latino-Américain et des caraïbes,Disciples et Missionnaires de Jésus-Christ pour que les peuples aient la vie en Lui. Aparecida, Paris, Bayard/Cerf/Fleurus-Mame, 2008, n. 258-265, p. 149-152. Dans la suite de ce travail, ce document sera dénommé DA. 
[95]Voir le titre de la partie consacrée à la piété populaire dans ce même document à la page 149. 
[96]Voir Dei Verbum, n. 5. Dans les notes qui suivent nous utiliserons DV. 
[97]J. Castellano,« Piété populaire et liturgie, II. Religion populaire, théologie et pastorale liturgique », Dictionnaire encyclopédique de la liturgie, p. 310. 
[98]J. Ratzinger,L’esprit de liturgie, une introduction, p. 159.
[99]Id. 
[100]Dans les prochaines citations, nous utiliserons EG en référence à Evangelii Gaudium.
[101]Jacques Letarte, « Traditions, superstitions ou bénédictions ? », Office de catéchèse du Québec, Été 2007, Bulletin trimestriel, Volume 6, numéro 3, p. 2, www.officedecatechese.qc.ca, consulté le 27/04/2017.
[102]Voir Guy Lapointe, « Les dévotions : une marginalité de la foi ? », Office de catéchèse du Québec, Été 2007, Bulletin trimestriel, Volume 6, numéro 3, p. 4, www.officedecatechese.qc.ca, consulté le 27/04/2017.
[103]Voir Martin Klöckener, « ²Viens, Seigneur, ne tarde plus². L’horizon eschatologique du cycle liturgique », LMD 286, 2016/4, 37-67 ; Dom Lambert BeauduinLa piété liturgique, Paris, Fides, 1914, voir  particulièrement son premier chapitre intitulé Principe fondamental, p. 17-26.
[104]Voir Pedro RubensDiscerner la foi dans des contextes religieux ambigus. Enjeux d’une théologie du croire, Paris, Cerf, « Cogitatio fidei », 235, 2004. 
[105]Voir J. Ratzinger,L’esprit de liturgie, une introduction, p. 159.
[106]Achiel Peelman,Les nouveaux défis de l’inculturation, Ottawa-Bruxelles, Novalis-Lumen Vitae, 2007, p. 11. 
[107]Jean-Paul II, Encyclique Slavorum Apostoli, publiée le 2 juin 1985, n. 21 ; IVeInstruction de la Congrégation pour le Culte divin et la Discipline des sacrements pour une juste application de la Constitution conciliaire sur la liturgie, Varietates Legitimae, publiée le 25 janvier 1994, n. 4. Pour ce dernier document, dans les prochaines citations nous le dénommerons VL.
[108]Claude Geffré,« Le Christianisme face à la pluralité des cultures », Conférence sur le dialogue interreligieux, http://www.dominicains.c/Documents/Articles/geffrel.htm, consulté le 16/03/2017. 
[109]J. Ratzinger,Valeurs pour un temps de crise, relever les défis de l’avenir, Paris, Éditions Parole et Silence, 2005, 20172, p. 92.
[110]A. Peelman,Les nouveaux défis de l’inculturation, p. 35. 
[111]Nous empruntons ces deux termes à AchielPeelman. Voir son ouvrage Les nouveaux défis de l’inculturation,p. 35. 
[112]Pape Jean-Paul II, Discours aux évêques de la Conférence épiscopale d’Haïti en visite Ad limina apostolorum, en date du 18 mars 1994, n. 7, w2.vatican.va, consulté le 3/04/2017. 
[113]Cela pourra conduire à réfléchir à une existence eschatologique de la vie chrétienne à partir des fêtes patronales.
[114]Il y a là sûrement la possibilité de travailler la question de l’éthique baptismale à partir du prisme liturgique des fêtes patronales.
[115]Voir CM, n. 2, 6, 9, 12,13. 
[116]R. Guardini,Initiation à la prière, p. 227.
[117]Commission Théologique Internationale, « Foi et inculturation », voir la première partie : Nature, culture et grâce, n. 11.
[118]Voir Louis-Marie ChauvetLe corps, chemin de Dieu. Les sacrements, Paris, Bayard, 2010, p. 23 ; voir aussi son ouvrage intitulé Symbole et sacrement, Paris, Cerf, « Cogitatio fidei », 144, 2011, p. 147-158. 
[119]Gérard Lukken, « La liturgie comme lieu théologique irremplaçable », Questions liturgiques, 56, 1975/1-2, 97-112, p. 101.
[120]Patrick Prétot, « Le culte des saints et le mystère pascal », LMD237, 2004/1, 143-165 ; Pierre Jounel, « Le culte des saints dans l’Église catholique », LMD147, 1981, 135-146 ; JeanHild« Le mystère des saints dans le mystère chrétien », LMD52, 1957, 5-18 ; Paul Houix, « La liturgie, œuvre de sanctification », LMD201, 1995/1, 11-27.
[121]Aimon-Marie Roguet, « Qu’est-ce que le mystère pascal ? », LMD, 67, 1961, 5-22.
[122]La notion de « mystère pascal » s’est élaborée dans le mouvement liturgique. D’origine casélienne, elle s’est développée dans la théologie du XXeet du XXIe siècle. Voir Louis BouyerLe mystère pascal, Paris, Cerf, « Foi vivante » 6, 1965 ; Raniero Cantalamessa, « Le mystère pascal dans la liturgie », Dictionnaire critique de la théologie, Paris, Presses universitaires de France, 1998, 853-854 ; Pietro Sorci, « Mystère pascal », Dictionnaire encyclopédique de la liturgie, t. 2, Turnhout, Brepols, 2002, 69-84 ; Romano Guardini,La résurrection du Christ, fondement de notre foi, Paris, « collection du Laurier » 235, 2005.

[123]Aimon-Marie Roguet, « Qu’est-ce que le mystère pascal ? », LMD, 67, 1961, 5-22, p. 6.
[124]Ibid., p. 9.
[125]Id.
[126]Ibid., p. 13. 
[127]Ibid., p. 15.
[128]Aimon-Marie Roguet, « Qu’est-ce que le mystère pascal ? », p. 15.
[129]Id.
[130]Ibid., p. 17.
[131]Olivier Clément,Joie de la résurrection, Paris, Salvator, 2015, p. 99. 
[132]Notre réflexion s’inspire de Aimon-Marie Roguet que nous avons déjà cité ci-dessus dans la présentation de son article sur le mystère pascal. 
[133]M. Deneken,La foi pascale,rendre compte de la résurrection de Jésus aujourd’hui, Paris, Cerf, « Théologie », 2002, p. 241.
[134]A. Puig i TàrrechJésus, une biographie historique, Paris, Desclée de Brouwer, 2016, p. 792. 
[135]Voir A.-M. Roguet, « Qu’est-ce que le mystère pascal ? », p. 14.
[136]Les exercices du chemin de croix du Vendredi Saint rassemblent plusieurs paroisses et des milliers de fidèles. Les différentes stations sont mimées et exécutées dans les rues des villes et villages. 
[137]Ce n’est pas une critique, mais une remarque constructive pour repartir de la catégorie du mystère pascal, de la résurrection. Par exemple, dans l’ouvrage de Micial NerestantL’Église d’Haïti à l’aube du troisième millénaire, déjà cité, considéré comme une somme de la vie de l’Église en Haïti, publié dans le cadre de la préparation du jubilé de l’an 2000, la notion de Pâques (Pâque) ou de mystère pascal est quasiment absente pour ne pas dire totalement absente. C’est la preuve d’un manque d’utilisation de cette notion dans la pratique pastorale et le vocabulaire  théologique en Haïti. 
[138]M. Nerestant,L’Église d’Haïti à l’aube du troisième millénaire, p. 32. 
[139]Cf. Mt 28, 1-10.16-20 ; Mc 16, 9-20 ; Lc 24, 13-35.36-49 ; Jn 20, 11-29 ; 21, 1-14.
[140]A.-M. Roguet, « Qu’est-ce que le mystère pascal ? », p. 18.
[141]O. Clément,Joie de la résurrection, p. 46. 
[142]Id.
[143]Ibid. p. 47. 
[144]A.-M. Roguet, « Qu’est-ce que le mystère pascal ? »,  p. 19.
[145]François-Xavier DurrwellLe mystère pascal, source de l’apostolat, Paris, Éditions Ouvrières, 1970, p. 157.
[146]Cf. Ac 2, 22-36 ; 1 Co 15, 1-11.
[147]Nous nous sommes inspirés de la réflexion de Aimon-Marie Roguet dans la conclusion de son article sur le mystère pascal qui devient familier de notre parcours. 
[148]A.-M. Roguet, « Qu’est-ce que le mystère pascal ? », p. 21. 
[149]A.-M. Roguet, « Qu’est-ce que le mystère pascal ? », p. 22. 
[150]M. Deneken,La foi pascale, p. 489.
[151]Id.
[152]L. Bouyer,Le mystère pascal, p. 9. 
[153]M. Deneken,La foi pascale, p. 19.
[154]Cardinal Chibly LangloisHomélie pour la solennité de saint Joseph, cathédrale de Fort-Liberté, le 19 mars 2014 : [Si Jezikri pat leve byen vivan, lafwa nou nan favè Bondye fè tout Sen yo pa tap chita sou anyen. Se paske Jezikri leve byen vivan ki fè nou kwè tout moun ki mouri nan fè volonte Bondye, y ap viv koulye a ak Bondye nan syèl la].
[155]DPPL, n. 211, p. 75. 
[156]Bernard Soudé, « Le culte des saints », SNPLS,Portail de la Liturgie Catholique,liturgiecatholique.fr, consulté le 2/01/2017. 
[157]P. Prétot, « Le culte des saints et le mystère pascal », p. 147.
[158]Pietro Sorci, « Mystère pascal », Dictionnaire encyclopédique de la liturgie, t. 2, Turnhout, Brepols, 2002, p. 83.
[159]DPPL, n. 77, p. 76. 
[160]Id.
[161]Ibid., n. 77, p. 76.
[162]DPPL, op. cit., n. 77, p. 76.
[163]P. Prétot,« Le culte des saints et le mystère pascal », p. 145. 
[164]A.-M. Roguet, « Qu’est-ce que le mystère pascal », p. 22. 
[165]Pour fonder cette approche, je me suis inspiré de Raniero Cantalamessa qui aborde le mystère pascal sur deux plans : le plan liturgique ou communautaire et le plan existentiel et personnel. Voir son ouvrage Le mystère pascal, Paris, Salvator, 2000, p. 77. 
[166]Raniero Cantalamessa,Le mystère pascal, p. 77-78.
[167]Ibid., p. 92. 
[168]Paul Houix, « La liturgie, œuvre de sanctification », LMD201, 1995/1, p. 13. 
[169]M. Deneken,La foi pascale, p. 491.
[170]L. Chauvet,Symbole et sacrement, p. 177.
[171]C’est un thème cher à la Conférence des évêques de l’Amérique Latine et des Caraïbes que nous reprenons ici. Voir DA, n. 170-177. 
[172]E. Schweizer, « L’Église, corps missionnaire du Christ », L’Église aujourd’hui, Paris, Desclée, 1967, p. 79. 
[173]L. Bouyer,Le mystère pascal, p. 16.
[174]Voir le Synode des évêques, XIIIème  Assemblée générale ordinaire, La nouvelle évangélisation pour la transmission de la foi chrétienne, Instrumentum Laboris, Cité du Vatican, 2012, n. 18. Pour les prochaines références à ce document, nous utiliserons le vocable de Instrumentum Laboris en IL.
[175]Pape François, Lettre encyclique sur la Foi, Lumen Fidei, publiée le 29 juin 2013, n. 37. Pour les prochaines références à ce document nous utiliserons LF.
[176]Michel Scouarnec, « Liturgie et évangélisation. Des clivages surmontés », LMD216, 1998/4, 59-72, p. 69.
[177]DPPL, n. 231, p. 190. 
[178]J. Ratzinger,Liturgie et mission, Paris, Artège, « Les Indispensables », 2007, p. 54. 
[179]Sur ce numéro de SC, voir Hélène Bricout, « La liturgie terrestre, participation à la liturgie céleste », LMD285, 2016/3, 11-32. 
[180]H. Bricout, « La liturgie terrestre, participation à la liturgie céleste », p. 16.
[181]Id.
[182]Ibid., p. 27.
[183]A. Peelman,La communion des saints, approches chrétiennes et amérindiennes, p. 6. 
[184]Id.
[185]J. Ratzinger,Église et théologie, p. 225. 
[186]Boris Bobrinskoy, « La liturgie, célébration de la sainteté de Dieu et de ses élus », LMD201, 1995/1, 29-33, p. 32.
[187]A.-M. Roguet, « Qu’est-ce que le mystère pascal », p. 17.
[188]J. Ratzinger,Jésus de Nazareth, la figure et le message, Paris, Parole et Silence, « Oeuvres complètes » 6/1, 2014, p. 586.
[189]Id.
[190]B. Sesboüé,La résurrection et la vieop. cit. ; Hélène Bricout, « La liturgie terrestre, participation à la liturgie céleste », op. cit. ; J. RatzingerJésus de Nazareth, la figure et le message,op. cit. ; K. RahnerTraité fondamental de la foi, études sur le concept du christianisme, Paris, Cerf, « Oeuvres » 26, 2011 ; J. MoingtL’homme qui vient de Dieu, Paris, Cerf, « Cogitatio fidei » 176, 1993.
[191]H. Bricout, « La liturgie terrestre, participation à la liturgie céleste », p. 19.
[192]J. Ratzinger,Jésus de Nazareth, la figure et le message, p. 597. L’auteur citant un commentaire de saint Bernard de Clairveaux montre que le temps intermédiaire (le temps que nous vivons) n’est pas un temps vide. Le Christ vient à nous à tous les instants de notre vie même si nous attendons sa venue définitive. 
[193]Deuxième préface de l’Ascension.
[194]Missel romain3epréface des dimanches, p. 491.
[195]Première préface des saints, Missel romain, p. 510.
[196]Voir J. Caillot, « Eschatologie et liturgie : les résonnances de l’espérance », LMD220, 1999/4, 7-22, p. 13. 
[197]En Haïti, il est coutume que le curé de la paroisse, à la fin de la célébration eucharistique de la fête patronale prononce le mot de remerciement. En terminant, il souhaite toujours aux pèlerins un bon retour chez eux et les invite à revenir l’année suivante pour célébrer la même patronale. 
[198]Voir J. Moingt,L’homme qui vient de Dieu, p. 297.
[199]Id.
[200]Voir L.-M. Chauvet, « Eschatologie et sacrement », LMD220, 1999/4, 53-71, p. 57.
[201]R. Winling, « Place du mystère de la résurrection du Christ dans la théologie patristique », Connaissance des Pères de l’Église (CPE), 93, mars 2004, p. 58. 
[202]A.-M. Roguet, « Qu’est-ce que le mystère pascal », p. 17.
[203]Voir Saint CyprienA Fortunatus, de l’exhortation au martyre, XII. Textes choisis et présentés par Denys Gorce, Belgique, Les  Éditions du Soleil Levant, « Les écrits des saints », 258, 1961, p. 187. 
[204]L.-M. Chauvet, « Eschatologie et sacrement », LMD220, 1999/4, 53-71, p. 70.
[205]Ce vocabulaire est de Louis-Marie Chauvet. Voir son article « Eschatologie et sacrement » déjà cité à la page 66. 
[206]Cela fait apparaître deux réalités inhérentes à la vie de l’Église : les ministères et les charismes. La célébration des fêtes patronales dans tout ce qui constitue sa liturgie, fait émerger ces principes ecclésiaux qui ne sont pas décalés par rapport au versant « mystère pascal ». 
[207]E. Mazza, « La dimension eschatologique des prières eucharistiques actuelles »,LMD220, 1999/4, 89-104, p. 91.
[208]Nous ne les reprenons pas ici de manière détaillée.Voir L.-M. ChauvetSymbole et sacrement, p. 167-194.
[209]K. Rahner,Traité fondamental de la foi, études sur le concept du christianisme, p. 533.
[210]P. Prétot, « La liturgie et son potentiel de formation éthique », Revue d’éthique et de théologie morale, Paris, HS/2008 (n. 251), 147-162, p. 154. 
[211]Missel romainprière après la communion pour le commun des saints religieux, p. 838.
[212]J. Ratzinger,Jésus de Nazareth, la figure et le message, p. 595.
[213]L.-M. Chauvet,Symbole et sacrement, p. 181.
[214]Voir J. Ratzinger,Jésus de Nazareth, la figure et le message,op. cit., p. 595.

Commentaires

Posts les plus consultés de ce blog

Les sacrements de l'initiation chrétienne/ Notes de cours à l'usage des étudiants.

Rituel de bénédiction d’une usine

COURS DE PASTORALE LITURGIQUE ET SACRAMENTELLE